Sept heures selon la croix de la pharmacie. Le soleil se lève, le bâtard. Il est frais lui, il est dispo lui, sûr qu’il a le sourire et qu’il siffle en allant au boulot lui. Moi j’ai la mort dans l’âme, l’estomac au bord des lèvres et le cerveau qui me sort par les yeux. Je vendrais mon âme au Diable pour un Efferalgan. Si je me fie à la politique de l’autruche, personne ne peut me voir tant que je reste caché derrière mes lunettes. Pourtant je les sens, les regards ébahis des gens honnêtes et plein de bon sens, ceux qui se couchent à la tombée de la nuit pour être en forme. J’aurais peut-être dû emprunter des fringues potables à… merde, c’est quoi son nom ? En fait, je ne me souviens déjà plus de son visage, de son adresse, alors que j’en sors seulement. Je me retourne par réflexe pour voir si je reconnais son balcon mais non, rien. Blackout.
J’ai atterri chez ce type vers trois heures. J’étais déjà passablement aviné, je sentais bien que je marchais pas droit et j’arrêtais pas de faire tomber mon joint. Il ne tenait pas entre mes doigts, c’était bizarre mais ça me faisait marrer, sur le moment. Le gars était à son balcon avec ses potes, et selon un vieux rite ancestral d’étudiant extraverti, il m’a proposé de monter et comme je suis pratiquant, j’ai accepté tout de suite. Noir. Il a sorti un tas de marqueurs coincés par un élastique, celui de sa meuf, j’ai pensé. On s’est battus avec ça et on a rigolé. Noir. J’ai pris un Redbull parce que j’étais fatigué. Noir. Un mec a pissé par la fenêtre et on s’est moqué de lui parce qu’il en avait une petite. Noir. Je suis dans la rue en train de crever de froid. J’ai des traces de crayon partout sur le visage et les vêtements. Comment ils sont arrivés, les trous dans mon jean ? Je m’en fiche parce que je l’ai acheté à Emmaüs et que ça me donne un petit côté grunge. Faut croire qu’on ne les aime pas trop ici, les héritiers de Cobain. Merde, je crois que c’est ça, la fameuse Walk of Shame, c’est la marche du noctambule sous le Soleil. Qui j’en suis sûr, se fout bien de ma gueule.
Je ne retrouve pas mon briquet favori et je suis prêt à en pleurer. Dépression post-party, dirons-nous. Je dois avoir l’air d’un môme quand je me pose dans l’abribus. Je n’ai pas envie de rentrer tout de suite, alors je compte bien les regarder passer, apprendre chaque putain de nom d’arrêt par cœur jusqu’à ce que mon feu revienne miraculeusement dans ma poche. Ce n’est qu’un caprice comme un autre, jugez pas. J’ai déjà retenu une la moitié d’une ligne quand une gazelle bien lookée, aussi fraîche que moi, déboule l’air de rien. En plus ce n’est pas n’importe quelle gazelle : elle a des crocs. Je la regarde par-dessus mes lunettes pour m’assurer de l’identité. On va dire que je tape juste et merde sinon. « T’as passé une bonne soirée ? » que je lui balance avec un sourire misérable en lui faisant une place sur mon banc tout froid. On doit choquer l’un à côté de l’autre, elle sapée comme une bimbo et moi comme un clodo, mais je me garde bien de le dire, en fin de nuit tous les soiffards sont gris.
I drank so much vodka I woke up with a Russian accent (keira)
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I drank so much vodka I woke up with a Russian accent (keira) | Sam 5 Nov - 11:56 Citer EditerSupprimer
I drank so much vodka I woke up with a Russian accent.
Rahel & Keith
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Re: I drank so much vodka I woke up with a Russian accent (keira) | Sam 7 Jan - 17:18 Citer EditerSupprimer
Faut pas boire les enfants. Boire est mauvais pour la santé, capish ? Rahel peut en témoigner. Elle avait l'impression d'être un déchet, et elle n'aimait pas cette sensation car Rahel était censée être une princesse, une diva, une reine incontestée puant la classe même au p'tit coin. Ouais, carrément. Alors... Alors non, elle n'aimait pas la posture dans laquelle elle était. Pire, ça l'agaçait, ça l'énervait, ça lui faisait chier comme possible. Elle essayait de faire bonne figure – ou plutôt elle essaya de faire bonne figure sur trois mètres – avant de finalement retirer ses chaussures, les remplaçant par des ballerines de secours qu'elle avait mis dans son sac, les ballerines dégueulasses du désespoir mais que toutes les filles connaissent, même la meilleure d'entre elles, aka mademoiselle Park. Son téléphone était éteint, la gosse de bourge qu'elle était ne pouvait même pas utiliser son portable pour appeler le chauffeur, il avait décidé de rendre l'âme. Et elle n'allait pas tarder à le suivre, à ce rythme. Entre les regards des vieux dégueulasses qui la reluquaient sans vergogne, et ceux des saintes ni-touches qui feignaient la surprise alors qu'elles faisaient sûrement pire que de se trimballer avec une minirobe et un mégadécolleté. C'était de sa faute si elle avait des atouts ? Non. Et puis, elle ne faisait que les partager avec le reste de l'humanité... Générosité, generosity, people. Quelque chose que ces workaholics ne comprenaient visiblement pas.
Allez, reine Rara allait se contenter de les ignorer, et de tracer sa route en attendant de trouver une solution pour rentrer chez elle. Tête haute – enfin, pas trop, le soleil l'éblouissait – et démarche féline jusqu'à l'arrêt de bus. Bon sang. Plus jamais elle ne se laisserait aller autant. Elle avait de la chance que Kwang Ho ne soit pas là : déjà qu'il n'aimait pas qu'elle sorte, mais si en plus il l'avait croisé fringué comme ça, il en serait fini, d'elle.
… Tiens. Tiens donc. Une voix familière. Un autre déchet, comme elle. Pas étonnant. Quoique, il était pire qu'elle, en fait. Un signe du destin, divin, sûrement pour lui remonter le moral. En mode, Rahel, il y a pire que toi, tu n'as pas touché le fond mais regarde, lui l'a touché. Ah, qu'est-ce qu'elle aimait Keith, n'empêche. Elle finit par s'asseoir à côté de lui, à la place qu'il lui indiqua, posant immédiatement sa tête sur son épaule histoire de se reposer un peu – fallait bien que ses muscles servent à quelque chose, non ? « Je sortirai plus jamais de chez moi. Jusqu'à demain soir. Et toi ? » Elle sourit, reportant son regard sur lui. « Quoique, je connais déjà la réponse. T'es encore plus déchiré que moi, mec. T'as pris quoi au juste ? »