Ji Hye avait posé une main sur sa joue endolorie. Aïe. Elle sentit une larme incontrôlable glisser sur sa joue. Ji Hye n’avait pas envie de pleurer. Des claques, elle en avait reçue des tonnes. C’était plus comme une sorte de réaction à la douleur, un peu comme les yeux qui s’humidifient quand on baille, quelque chose comme ça. Elle aurait pesté si elle avait pu, mais cette petite scènette avec elle-même n’avait duré qu’un très bref instant. Pas plus longtemps que ça car très vite, le fil de ses pensées fut coupé par l’élan de rage de son meilleur ami. Ses yeux s’écarquillèrent à nouveau sur la surprise - décidément, ils n’étaient bons qu’à ça. Elle n’était pas tant prise sur le fait ; depuis le temps, elle savait bien que Sung Wook était chaud bouillant et ce dans tous les sens du terme. Cependant, voir cet ami qu’elle considérait comme un frère se battre, il n’y avait rien de vraiment plaisant là-dedans.
« Sung Wook, arrête ! » Malgré la musique, Ji Hye savait qu’elle s’était exclamé assez distinctement. Mais le jeune homme était tellement perdu dans sa colère que rien ne semblait pouvoir l’en sortir. Ji Hye savait très bien qu’en termes de force, elle ne faisait pas le poids contre non pas un mais deux garçons échauffés, mais c’était de Sung Wook dont il était question. Elle voulut alors s’approcher d’eux mais voilà que l’autre essayait de frapper son ami, avant que celui-ci ne riposte et lui donne un coup dans le sternum. Ji Hye grimaça pour le pauvre garçon qui ne put respirer pendant un bref instant. Elle voulut continuer son approche, mais elle vit du coin de l’oeil deux hommes venir vers Sung Wook avant de le saisir et pour le faire reculer. Comme quoi, même eux avaient réalisé qu’un seul homme ne serait pas suffisant pour pouvoir le détacher de l’autre imbécile… Ji Hye réalisa alors qu’elle n’était pas la seule à avoir été perturbée par l’altercation qui venait d’avoir lieu, puisque tous les gens autour d’eux étaient obnubilés par la scène. Là encore, elle fut coupée dans sa réflexion par un Sung Wook soudainement alarmé. Ji Hye hocha simplement la tête, ou du moins ce qui lui était permis face à son ami qui lui avait pris le visage. Bien sûr qu’elle appréciait son inquiétude mais en même temps, elle ne savait pas si elle se sentait coupable ou énervée à l’idée qu’il se soit bagarré un peu par sa faute. Ji Hye constata cependant que l’énervement était encore à un niveau assez élevé dans le sang de son ami puisque, sans surprise, celui-ci était encore visiblement à fleur de peau. En lançant un regard noir à l’assemblée qui fixait son ami avec un peu trop d’attention, Ji Hye suivit ce dernier sans broncher. Mais bien sûr qu’ils ne pouvaient pas rester en paix après tout ce pataquès.

Ji Hye posa une main sur le torse du jeune homme, comme si cela allait le calmer d’une quelconque façon, et fit un pas un avant pour répondre au barman, avant que celui-ci ne s’emporte à son tour. Ji Hye n’était pas particulièrement sage, n’était pas particulièrement calme mais quand même. Une fois dans une soirée, c’était suffisant pour des bagarres. « Excuse-le, il est sur les nerfs. Tu peux nous laisser cinq minutes, s’il te plaît ? » La demoiselle n’était pas vraiment d’humeur à faire les yeux doux, mais elle s’efforça de faire preuve d’un maximum de résilience. Le barman n’avait toujours pas l’air satisfait, mais il semblait au moins ne pas être sur le point de s’énerver encore plus. « Oui et bien vous ne trainez pas, et qu’il me parle encore sur ce ton et je vous accepte plus du tout ici c’est compris ! » Ji Hye retint une immense envie de soupirer d’exaspération, prête elle-même à s’énerver. « Oui c’est bon on a compris oh la la ! Deux secondes c’est pas la mort non plus, non ? » Encore une fois, s’ils s’y mettaient tous, ça allait finir en orgie bagarresque et il ne valait mieux pour personne que cela arrive. Mais même s'il ne fallait pas s'emporter plus que de raison, pas question non plus de se faire maltraiter. Pressentant une envie de répondre au barman de la part de Sung Wook, Ji Hye se retourna vers lui et lui adressa un petit regard réprobateur. Ne fais pas ce que je pense que tu vas faire. « On va y aller, d’accord ? Tu te sentiras mieux dehors de toute façon. » L’air frais ne pourrait lui faire que du bien, à elle aussi d’ailleurs. « Et pas d’objections s’il te plaît. » Elle prit son manteau ainsi que celui de Sung Wook sous un bras et lui attrapa la main avec celle qu’elle avait de libre, avant de le tirer vers la sortie. Son regard se perdit une dernière fois sur le jeune homme amoché, au loin, en se disant quand même que son ami ne rigolait pas quand il disait savoir se battre car le pauvre garçon était vraiment dans un sale état. Ji Hye n’était pas désolée pour lui de toute façon. Sans lui accorder plus d’attention, elle avança vers la sortie avant que Sung Wook ne tente de se rebeller ou on ne sait quoi d’autre encore.

Le coréen fut rassuré d’entendre sa meilleure amie le soutenir. Si bien que la tension qui parcourait son corps s’estompa quelque peu. Le feu parcourait encore ses veines, et il suffisait d’une étincelle pour l’embraser dans une nouvelle colère. Le barman ne les laissait cependant pas tranquille tout de suite, et après un dernier avertissement, il leur lança un regard noir pour finalement regagner son poste. Tu parles d’un ami, pensa le coréen. Il tentait cependant de garder son calme, le cœur battant, il ne souhaitait qu’une chose, aller massacrer le mec qui avait osé poser la main sur Ji Hye. Mais lorsqu’il croisa son regard, il comprit ce qu’elle attendait. Un lourd soupire s’échappa de ses lèvres, mais il la suivit tout de même. Après tout leur soirée était sans doute terminée. En poussant le battant, il fut saisit d’un frisson lorsque l’air glacial de la nuit s’abattait sur eux. Il n’avait pas regardé derrière lui, il n’avait pas voulu voir celui qui méritait bien plus qu’une simple correction. Ses mains tremblaient encore des coups qui le démangeaient, mais le vent apaisa quelque peu ses ardeurs. Il s’arrêta un instant, prenant une profonde inspiration, il ferma les yeux pour laisser le froid pénétrer ses muscles et calmer le brasier qui faisait rage dans sa poitrine. La rue bondée quelques heures plus tôt était désormais presque déserte, et le coréen s’en trouvait soulagé. Il n’avait pas envie de devoir faire face une nouvelle fois à des regards furieux et méprisants. Il se tourna à nouveau vers Ji Hye et la délesta de sa veste pour l’enfiler. Il aurait voulu s’excuser, même si elle le connaissait, et qu’elle connaissait son addiction à la colère, jamais il n’avait eu à faire preuve d’une telle violence devant elle. Les coups, c’était bon pour les petites frappes avec lesquelles il avait quelques altercations, mais il ne souhaitait en aucun cas le faire partager à une personne à qui il tenait.
Levant la tête vers le ciel noir et sans étoiles, le coréen soupira une nouvelle fois, comme pour évacuer la tension qui faisait battre les veines de ses tempes. Il s’approchait de sa meilleure amie, la prenant une nouvelle fois dans ses bras. « Et bien… quelle soirée… » Une sortie qui leur était pourtant habituelle, un rituel qui leur permettait d’assouvir le besoin de se voir régulièrement en plus de satisfaire leurs libidos avec quelques proies pêchées au hasard dans la foule de corps qui se déhanchaient au rythme d’une musique entêtante. Il fermait les yeux serrant dans ses bras celle qu’il considérait comme de sa famille. A vrai dire Ji Hye était certainement la seule personne qui ressemblait à une famille pour le coréen. Il n’avait plus rien, et même s’il avait un certain respect pour Sung Jin, son frère avait depuis longtemps abandonné, baissé les bras à son tour face au jeune homme impulsif qu’il était. Il faisait pourtant confiance à sa meilleure amie, il savait très bien qu’elle pouvait se défendre, mais jamais il n’aurait cru voir aussi rouge si l’on venait à la toucher de cette façon. La tenant à bout de bras, il se montrait plus sérieux. « Si jamais on venait poser la main sur toi, te toucher, abuser de toi, peu importe, surtout appelle moi d’accord ? » Puis il adoucit son regard pour laisser poindre une touche d’humour. « Je volerais à ton secours comme un super héro ! » Il passa un bras autour de ses épaules pour l’entrainer à s’éloigner du lieu dont la simple proximité faisait bouillir à nouveau son sang de savoir l’abruti encore à l’intérieur. « Bon, finalement tu la veux maintenant cette glace ? »

Ji Hye laissa son ami prendre sa veste pour qu’il l’enfile, avant de lui tendre son sac pour qu’elle puisse enfiler la sienne. Ecoutez, Ji Hye est une vraie lady, hors de question de coincer son sac entre ses jambes et encore moins de le poser par terre. Elle le reprit quelques secondes plus tard mais ne pipa mot. Elle n’était pas énervée loin de là, encore moins contre Sung Wook mais bon… Tout le monde n’est pas friand de bagarres à tout va et même si Ji Hye avait une âme bohème et qu’elle était toujours d’attaque pour une bêtise ou un mauvais coup, elle n’en restait pas moins une demoiselle assez délicate et victime de son éducation distinguée. Les bagarres, ce n’était donc pas vraiment ce à quoi elle était particulièrement habituée, même si paradoxalement cela ne la choquait pas plus que ça. Difficile à expliquer… Quoiqu’il en soit, il serait hypocrite de sa part de dire que cela ne lui avait pas fait plaisir que son ami prenne sa défense. Cela n’avait peut-être pas été la manière la plus diplomate d’aborder les choses mais il faut rendre à César ce qui est à César : Sung Wook n’était définitivement pas une petite tapette fébrile (mais bien sûr qu’elle n’avait jamais pensé cela voyons…) ! Peut-être devrait-elle réfléchir à deux fois à l’avenir avant de lui chercher des noises… Elle sourit pour elle-même à cette pensée, avant de rendre son étreinte à son ami. « Ah, ça… Y’a jamais le temps pour s’ennuyer comme ça au moins j’ai envie de te dire… » Elle lui caressa doucement le dos, ressassant la soirée dans sa tête. Il fallait qu’elle améliore son radar à super-connards, ça éviterait à trop de nez de se casser et à des amis de devenir trop hors de contrôle.

Son regard s’empreignit de surprise lorsqu’il la prit à bout de bras, hochant vaguement la tête à ces paroles auxquelles elle ne s’attendait pas forcément. Là encore, Sung Wook la surprenait à vouloir jouer aux justiciers sortis de l’ombre, ce qui la poussa d’autant plus à rire à la suite de sa remarque. Au moins, ils percevaient tous deux chez lui le même héroïsme. Même si l’idée de manger une glace lui donna l’eau à la bouche, Ji Hye n’en perdit pas plus le nord et tint à rebondir sur sa remarque. « Eh. Je sais que je peux compter sur toi et je te remercie d’avoir pris ma défense mais je veux pas que ça se reproduise. Je… t’aime tu sais, je n’ai pas envie qu’il t’arrive quelque chose de manière générale, mais encore moins par ma faute. » Ji Hye n’était pas la personne qui balançait le plus de je t’aime à la ronde et même si Sung Wook savait déjà toute l’affection qu’elle avait à son égard, ce n’était pas non plus quelque chose qu’elle formulait avec des mots au quotidien. Elle n’était pas gênée qu’il le sache, juste un peu gênée de le dire à haute voix. Elle s’éclaircit la gorge et tendit le bras pour lui attraper le menton et tourner sa tête dans tous les sens. « En plus steuplaît, t’es comme les mecs dans les films toi, ça se castagne mais ta coupe de cheveux est toujours on point. Ou comme les meufs qui se réveillent maquillée toussa. » Elle lâcha un rire avant de lui donner une petite caresse sur la joue et de laisser son bras tomber le long de son corps, pendant que l’autre était logé autour de la taille de son ami. L’air frais lui faisait du bien à elle aussi, même si le froid ce n’était pas vraiment son truc. Et en parlant de froid… « Du coup oui bien sur que je veux ma glace. Il n’est jamais trop tard ou trop tôt pour une glace, t’as cru. »

Ce n’était pas dans les habitudes du coréen de prétendre jouer les héros, un chevalier des temps modernes. Ce n’était pas non plus dans ses habitudes d’être honnête, il préférait le mensonge à la gêne d’un aveu qui saurait se rappeler à lui dans les mauvais moments. Mais c’était un fait, il avait besoin de Ji Hye, elle était devenue une constante, un repère, une lumière qu’il ne voulait en aucun cas voir se tarir. Il lui proposa une glace, la seule chose à laquelle elle ne saurait dire non, échappant ainsi à sa confession. Le coréen était incapable d’aimer, il le savait mieux que personne, et il se complaisait dans la colère qui le rongeait, la lassitude qu’il éprouvait après être sorti. Et tout ça dans quel but ? Trainer son corps de soirée en soirée juste pour satisfaire des envies, des pulsions qu’il trouvait parfois absurde. Ce fut Ji Hye qui le tira de ses sombres pensées. Elle se confessait à son tour, et les lèvres du mannequin s’étirèrent en un sourire. L’un de ces rares sourires sincères, il l’aimait aussi. Mais les mots ne trouvèrent pas le chemin de ses cordes vocales. Avait-il réellement besoin de le dire ? Ce n’était pas un amour fou, pas une relation dans laquelle promesse rimait avec tendresse, simplement une amitié bien plus forte qu’il n’aurait pensé trouver avec elle. « Ça ne se reproduira pas ne t’inquiète pas ! » Faux. S’il y avait bien une chose que Wook ne pouvait promettre, c’était de rester calme face à la violence. Elle déclenchait en lui une envie de répondre à son tour, d’asséner des coups, de provoquer des blessures chez son adversaire. Il éprouvait presque une soif de sang qu’il parvenait à réfréner difficilement. Mais s’il réussissait à se contrôler par moment, il savait aussi qu’il ne pourrait jamais rester en retrait si Ji Hye venait une nouvelle fois à être la cible d’un imbécile décérébré. Elle vint s’emparer du visage de son ami, l’examinant sous toutes les coutures avant de rire aux éclats. Le coréen ne put d’ailleurs s’empêcher de l’imiter. « Oui alors… je t’ai vu au réveil, et les filles maquillées et prêtes au saut du lit… ça ne te concerne pas ! » Et avant qu’elle ne puisse répondre, il l’entraina en direction du seul glacier encore ouvert à cette heure. « Faux ! TU estimes qu’il n’est jamais trop tôt ou trop tard, mais tout le monde ne mange pas de glace par un froid glacial et en pleine nuit ! À moins de s’appeler Lim Ji Hye ! » Une ascension salvatrice pour Wook, son cœur reprenait peu à peu un rythme plus lent, presque normal et ses muscles se détendaient pour finalement ne laisser que des courbatures. Sans le vouloir il repensait à la raison qui l’avait poussé à rester si calme à l’agence. Un nom, un visage qui lui manquait encore et qui réveillait, une fois de plus, une douleur qu’il pensait avoir réussi à éteindre. Le trajet fut bref, l’ex-chanteur laissa sa meilleure amie choisir, avec une lenteur et une indécision extrême, le parfum de sa glace. Il lui laissait ce plaisir, à vrai dire, il n’en raffolait pas. « Tu te décides ? On ne va pas dormir ici ! » Il l’observait hésiter, les bras croisés. La fatigue commençait à se lire sur son visage et la voir bailler à intervalles régulier lui confirmait qu’il devrait une nouvelle fois se sacrifier pour la ramener jusqu’à son dortoir.
Après ce qui lui sembla une éternité, elle finit par faire son choix, et glace en main, ils reprirent le chemin du campus. A chaque enjambée, elle ralentissait et le coréen poussa un soupir. S’agenouillant il lui offrit son dos, comme il avait l’habitude de le faire après chaque soirée passé ensemble. « Aller grimpe, tu ralentis, tu bailles et si ça continue comme ça tu vas t’effondrer sur le trottoir. Et je n’ai pas envie qu’on pense que j’ai une amie clodo ! » Il l’entendait déjà râler et l’insulter à sa manière, mais c’était leur façon de s’apprécier. Une amitié décomplexée et taquine. « Mon dieu mais … tu as pris du poids ? » dit-il en se relevant. Le trajet se fit dans le plus grand calme, et pour cause, Ji Hye s’était finalement endormie sur son épaule. Comme d’habitude ! Wook ne tenta pas de la réveiller, il s’assurait simplement qu’elle ne fasse pas tomber sa glace sur lui. Une mission périlleuse, qu’il fut ravi de voir prendre fin en même temps qu’il apercevait le bâtiment des Sangos. « Hey ! On est arrivé ! Jiji ? » Il eut pour simple réponse, sa respiration calme preuve irréfutable qu’elle avait encore sombré dans le sommeil avant même d’avoir atteint son lit. Irrécupérable ! Connaissant le code, il se permis d’entrer sans même se sentir gêné de s’introduire dans un dortoir qui n’était pas le sien. Il connaissait les lieux par cœur pour être venu voir sa meilleure amie un nombre incalculable de fois, si bien qu’il ne lui fallut que quelques minutes pour trouver sa chambre. Il déposa Ji Hye délicatement, prenant soin de la recouvrir avant de déposer un baiser sur son front. « Bonne nuit ! » souffla-t-il. Le coréen s’étira avant de reprendre le chemin de son lit, se promettant une chose : plus jamais on ne lèverait la main sur Ji Hye. Il s’en assurerait.