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colorblind (nuo)

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colorblind (nuo) | Lun 7 Nov - 19:22
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i am covered in skin, no one gets to come in, pull me out from inside, i am folded and unfolded and unfolding ✻✻✻ (music) Ça va, ça vient, ça arrive sans crier gare. Et ça prend aux tripes. C’est pas très sain, c’est pas très doux non plus, c’est juste… ça fait mal. Enfin je crois. Je sais pas trop, je sais plus bien. Je sais juste que j’aime pas ça. Je sais juste que j’veux que ça s’en aille. Mais ça part pas, ça reste là, dans un coin, comme un rappel incessant que non ça va pas toujours. Et c’est dérangeant. Parfois j’arrive à vivre avec. Parfois pas. Aujourd’hui c’est un jour « pas ». Mam elle appelle ça mes humeurs noires. Moi j’appelle pas ça. Lui donner un nom, ça lui donnerait plus de consistance, plus de réalité. Alors j’lui en donne pas.
Et pourtant ça change rien.
C’est bien là.
Toujours.
J’le sens dans mon cœur en me levant ce matin. Ca crie, ça hurle, d’abord. Et puis ça se tait. Et moi je reste là, dans mon lit, à regarder le plafond. J’ai l’impression d’être en train de mourir, j’ai l’impression d’être en train de me vider. Et j’ai pas envie de bouger. J’ai pas envie de vivre. Je suis fatiguée. Juste ça, juste fatiguée. J’ressens plus rien – plus rien d’autre.
Mais j’me demande une chose, juste une chose.
Ça ferait quoi, si j’disparaissais, dis ?
Et j’aime pas réfléchir comme ça, j’aime pas raisonner comme ça, j’aime pas, j’ai peur, ça me fait peur. Alors j’me force à me lever. Un pas après l’autre, j’avance. J’ai du mal à respirer, ça m’oppresse dans mon cœur, mais j’avance, c’est pas grave, j’avance. Si je continue à marcher, alors tout ira bien non ? Si je continue à marcher alors je continuerai à vivre non ?
« Mam ? Mam j’ai mal. » Je sais pas comment, mais j’ai réussi à descendre. Elle est devant moi, Mam, mais elle est occupée. Y a beaucoup de commandes. Les gens aiment bien prendre leur petit déjeuner ici, je sais pas pourquoi – non en réalité je sais pourquoi. Elle tourne la tête, me voit enfin, me demande si je prends comme d’habitude et je hoche la tête. Tant pis. Ce sera pour une prochaine fois. Je la laisse donc à ses affaires et me traîne jusqu’à la pièce principale, jusqu’au salon – pas notre salon à nous, le salon de tout le monde, celui qu’on partage. Et j’esquisse un sourire à l’intention des clients, presque que des habitués, ils me connaissent depuis le temps. Mais au lieu de les rejoindre comme à mon habitude, je préfère m’écrouler sur le côté d’une table à six, table encore vide. Et je pose mes coudes sur le bois, et je pose ma tête sur mes mains, yeux fermés.
J’ai mal (je crois). Ça fait mal là-dedans (dans mon cœur). Et je sais pas pourquoi (toujours pas).
« Le Brésil me manque. » Ca sort tout seul, sans vraiment que j’en prenne convscience. Et je me rends compte à quel point c’est vrai. Enfin, pas totalement. Voyager me manque, en fait. Je crois que c’est ça, le problème. Ou j’espère, en tout cas.

✻✻✻
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Re: colorblind (nuo) | Jeu 15 Déc - 11:28
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You'll feel better when you wake up, taking off your makeup : sun always seems to wash our fears away. And it's always shining somewhere, we just gotta get there, even though it seems like half the world away. ✻✻✻ (wake up) Huit heures vingt-deux, samedi matin. Tout le monde dort encore à la maison ; je rentre tous les week-ends pour profiter un peu de la famille, tandis qu’en semaine je reste officiellement au dortoir, officieusement chez Na Wei. J’suis partie il y a déjà plus de quarante minutes, pour courir comme je le fais toujours. Comme la baraque est paumée dans la cambrousse, je mets une bonne demie heure pour attendre la vie à travers champs, puis j’me pose dans un café histoire de manger un truc et de pas tomber par terre (même si je mange trop peu, à ce qu’il parait). Un différent chaque fois, je me dis que j’essaye simplement de varier, la vérité c’est que j’ai pas encore trouvé celui qui me convient totalement. Je crois que je cherche un truc pas oppressant, pas renfermé, pas trop bondé non plus. Le genre qui fait un café goût rayon de soleil, et le genre avec des gens qui posent pas de questions pour rien mais qui ne regardent pas de travers pour autant.

C’est au hasard que je rentre au Let’s Go Café, avec un sourire et le souffle encore un peu court. Quelques secondes plus tard, je file m’asseoir avec une bouteille d’eau, un café long et un carrot cake qui va me filer mauvaise conscience. La table, je l’ai choisie simplement : celle qui est la plus éloignée de la porte et donc du passage, mais qui est juste à côté de la fenêtre ouverte. Il y a déjà une autre fille (une blonde aussi, mais avec des traits occidentaux, alors peut-être que c’est une vraie). Je me mets du même côté qu’elle (pour pouvoir voir par la fenêtre, en laissant une place entre nous deux, histoire de pas trop coller. Elle a l’air fatiguée, avec sa tête posée sur ses mains, du coup je reste silencieuse. Jusqu’à ce qu’elle dise, soudainement : « Le Brésil me manque. »

J’ai pas trop l’habitude des gens qui engagent la conversation aussi facilement, alors je la regarde avec un drôle d’air qu’elle ne voit pas puisqu’elle, elle a les yeux rivés sur le bois de la table. Du coup, je demande l’air de rien : « C’était comment ? » Elle relève les yeux d’un coup, comme si elle ne s’était pas rendue compte avant que j’étais là (ce qui est peut-être bien le cas). Ok, elle a les yeux un peu perdus, un peu fatigués, elle a vraiment pas l’air d’aller bien. Sans mot dire (un effet secondaire après avoir passé cinq nuits consécutives avec Na Wei et son silence éloquent) je pousse ma tasse de café vers elle, en mode réconfort silencieux.

✻✻✻
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Re: colorblind (nuo) | Lun 26 Déc - 22:13
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i am covered in skin, no one gets to come in, pull me out from inside, i am folded and unfolded and unfolding ✻✻✻ (music) Parfois j’me demande pourquoi je suis revenue. C’était mieux là-bas, non ? (C’était mieux partout sauf ici, non ?) Parfois j’me dis que j’aimerais bien repartir. Retrouver l’aventure, l’adrénaline, le vent, le soleil – la vie.
Mais elle est ici ma vie au fond.
Elle a toujours été ici, ma vie, ma maison. Pas parce que c’est là qu’est le café, pas parce que c’est là qu’est la demeure familiale – non plutôt parce que c’est là qu’ils vivent, tous. Parce que ma maison elle est entre leur bras, parce que c’est leur chaleur à eux qui me fait vibrer, parce que j’suis heureuse avec eux.
Mais est-ce que j’le suis vraiment, heureuse ?
Parfois c’est dur de sourire quand on sait pas pourquoi, parfois c’est dur de voir quand on sait pas quoi regarder. Parfois c’est dur de vivre quand on sait pas pourquoi – parfois c’est dur d’exister, tout simplement. Et parfois c’est mieux de pas penser, parfois c’est mieux de pas y penser. Au Brésil j’y arrivais. Mais ici je peux pas.
Ici j’suis bloquée avec moi-même.
Ou peut-être pas totalement. Y a cette voix qui retentit, me tire de mes pensées. Et j’lève la tête et j’lève les yeux, et j’les pose sur cette inconnue au visage si lisse, aux cheveux si blonds – mais aux yeux bridés. Elle pousse sa tasse vers moi, j’mets un moment à m’en rendre compte. Mais finalement j’force un sourire sur mes lèvres. « Merci… mais pas besoin, j’ai ma commande qui arrive ! Et puis le café est vraiment bon, je m’en voudrais de te gâcher ça. » Et je souris une autre fois, une nouvelle fois. C’est pas très naturel, ça se voit dans mes yeux sûrement. Mais Mam, elle dit toujours que pour être heureux, il faut commencer par s’en convaincre soi-même – Mam, elle dit toujours qu’en agissant comme si on l’était, on finit par l’être effectivement.
Et elle a jamais tort, Mam, si ?
« Le Brésil était vraiment sympa. » J’ai pas oublié sa question initiale, sûrement en réponse à mes propres mots, sûrement en réponse à mes pensées. « Je suis rentrée y a pas longtemps, faut juste que j’m’y fasse. » Et je ris un peu, mais j’ai pas le cœur à rire, pas vraiment. « Ce sont mes parents qui tiennent le café alors j’y passe presque tout mon temps, mais je t’ai jamais vue, c’est ta première fois ? » Les habitués, on les reconnaît ou alors les habitués, ce sont eux qui nous reconnaissent. C’est qu’il est pas très fréquenté, ce café. C’est qu’il forme un petit cocon soudé maintenant.

✻✻✻
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Re: colorblind (nuo) | Mer 25 Jan - 22:07
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You'll feel better when you wake up, taking off your makeup : sun always seems to wash our fears away. And it's always shining somewhere, we just gotta get there, even though it seems like half the world away. ✻✻✻ (wake up) Elle esquisse un sourire, du genre un peu maladroit, du genre pas habitué. Les coins de sa bouche se relèvent mais ses yeux restent tristes, et ils se fixent dans les miens comme si ça pouvait les sauver. Elle repousse la tasse de café que je lui tendais d’un geste un peu pressé, avant de se justifier : « Merci… mais pas besoin, j’ai ma commande qui arrive ! Et puis le café est vraiment bon, je m’en voudrais de te gâcher ça. » J’me contente de hocher la tête sans trop savoir quoi dire de plus. Je connais pas ses problèmes, alors je suis incapable de connaître les mots qui peuvent les guérir - et elle rejette mes tentatives, tout doucement, avec gentillesse, certes, mais elle les rejette quand même. C’est pas grave, grâce à Na Wei j’suis passée experte dans cet art : soutirer des infos aux gens pour les aider, même s’ils résistent à les révéler parce que ça leur fait trop mal.

Du coup je change de conversation, l’air de rien, on bifurque sur le Brésil et elle m’explique que c’était bien. Vraiment sympa, même, qu’elle dit. Je m’attendais à quelques détails bordés de soleil étouffant, d’arbres secs et noueux, de gens souriants et de nourriture épicée mais elle met fin à mes fantasmes en concluant simplement. « Je suis rentrée y a pas longtemps, faut juste que j’m’y fasse. » Ouais, rejeter sa douleur sur le temps d’adaptation, peut-être que ça passe. Peut-être même que c’est vrai. Mais y’a un truc dans son rire qui me dit l’inverse, un petit quelque chose qui me met le doute. « Surement. » que je lui dis quand même, juste avant de prendre une gorgée de café, histoire de l’encourager à ne pas s’arrêter en si bon chemin.

« Ce sont mes parents qui tiennent le café alors j’y passe presque tout mon temps, mais je t’ai jamais vue, c’est ta première fois ?Hum. » Je prends une nouvelle gorgée suite à mon assentiment discret, puis jette un coup d’oeil à la dame qui m’a servie, avant de demander : « Alors c’est ta mère, ça ? » Comme une question en entraine toujours une autre (Na Wei l’a appris à ses dépends), je l’enchaine : « Du coup, ton nom c’est… Go, je suppose ? » Un coup d’oeil sur le nom du café, écrit sur les cartes déposées sur les tables, me conforte dans mon idée. Let’s go Café, tenu par la famille Go. « Ton prénom, c’est… ? » Je lui tends la main, elle tend la sienne par réflexe, c’est pas comme ça qu’on fait en Corée mais elle a l’air d’avoir beaucoup voyagé et de connaître des coutumes différentes de celles d’ici. Sourire aux lèvres, j’ajoute : « Nuo, No Nuo. » Comme le ministre mais j’espère que tu feras pas la liaison. « Tu connais peut-être l’une de mes soeurs… ? Elle est styliste et prof à la Yonsei alors elle a tendance à marquer les esprits. No Cami ? »

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Re: colorblind (nuo) | Ven 10 Fév - 23:42
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i am covered in skin, no one gets to come in, pull me out from inside, i am folded and unfolded and unfolding ✻✻✻ (music) J’aime bien le café de pap et mam. Faut dire que j’les ai aidés à le retaper aussi. Sans moi, ils auraient probablement réussi (enfin ça, c’est c’que pap dit toujours, alors j’dis pareil comme ça on est d’accord et mam se contente d’éclater de rire en disant que j’suis vraiment la fifille à son papounet). Alors moi ce café, je l’aime bien. Parce qu’il a l’odeur du soleil, l’odeur des sourires, et puis l’odeur du bonheur. Enfin c’est ça que j’dis, à chaque fois qu’on me pose la question. Quand on me demande c’que c’est l’odeur du bonheur, je sais jamais comment expliquer, je sais juste faire sentir. Ce mélange de café et de cannelle, un soupçon de vanille, et puis le chocolat. C’est comme ça que ça sent dans la boutique. C’est sûrement comme ça que ça sent au paradis.
Quand j’suis ici, je peux pas être malheureuse. Je peux pas être triste. Pourtant aujourd’hui c’est différent. Et je sais pas pourquoi, je sais vraiment pas pourquoi. Parfois je me dis qu’il doit y avoir un problème dans la matrice, dans la matrice de mon cœur. C’est pas normal qu’il s’arrête comme ça, qu’il se fige comme ça. Qu’il soit vide comme ça.
Mais j’ai pas le droit de me lamenter. La vie, elle est trop courte pour se lamenter. Alors j’lève la tête, alors je souris. Elle a l’air gentille, l’inconnue. J’me demande pourquoi je l’ai pas vu plus tôt, pourquoi elle est jamais venue. C’est dommage. Le café il est pas très populaire, y a surtout des habitués. J’aimerais bien qu’elle devienne une habituée. Même si j’la connais pas, papi il dit tout le temps qu’il faut se fier à sa première impression. Et moi j’aime bien la première impression qu’elle dégage. « Oui c’est ma mère ! Et oui, Go, comme dans Let’s go ! » J’souris un peu, j’rigole un peu. C’est la première chose qu’elle a dit, mam, quand elle a entendu le nom de mon père. C’était sa petite blague. C’est ce qui les a rapprochés. Alors ils ont voulu en garder la preuve, pour toujours.
« Boni. » J’attrape sa main par réflexe, la tien un peu, finis par la relâcher. « Ma mère voulait un prénom occidental, mon père un coréen. Ils ont essayé de faire un petit mélange. » Et j’ris encore. Parce que c’est pas très réussi, je sais. Ils ont plutôt pris un prénom qu’ils ont essayé de rendre un peu plus coréen. Mais moi je l’aime bien mon prénom. Je hoche la tête, sourit un peu plus quand elle me donne le sien. Et finalement fronce les sourcils. « No Cami ? » Ça me dit peut-être quelque chose. Vaguement. « Je… vois pas trop. J’ai pas vraiment été à la Yonsei. Enfin si, un peu. Pas longtemps, j’ai abandonné en cours de route pour partir. Je sais pas s’ils accepteraient de me reprendre… » C’est vrai, les coréens ont leur fierté, ils aiment pas beaucoup les lâcheurs. J’en suis une. Mais la Corée, elle a jamais caché qu’elle m’appréciait pas vraiment. Alors c’est pas grave, j’me contente de l’aimer pour deux. « Je tenterai peut-être le coup à la rentrée ! » Oui ce serait cool. C’est ce qu’ils veulent tous, que j’devienne quelqu’un d’utile à la société. Moi j’veux surtout devenir quelqu’un d’utile pour moi-même, pour le monde. Alors peut-être que j’essaierai. « Et toi, tu fais quoi ? » Avant, j’aimais pas cette question. Parce qu’elle impliquait toujours les mêmes réponses, un travail épuisant et rasoir, des études longues et difficiles. Et puis j’ai appris que y avait pas que ça. Que y avait le reste aussi. Qu’il y avait tous ces gens aux vies remplies d’aventures, d’une petite étincelle de bonheur. Des gens simples, mais heureux. Alors depuis, j’la pose tout le temps cette question. Parce que j’aime connaître les réponses.

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Re: colorblind (nuo) | 
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