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Derrière l'objectif

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Derrière l'objectif | Jeu 29 Déc - 18:03
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Derrière l’objectif.
Feat Moon Je Ha & Kang Eun Mi



Une journée comme une autre. Enfin c’est ce que pensait Eun Mi en se réveillant. Mais en ouvrant les yeux difficilement, elle aperçut les livres et les feuilles volantes de ses cours qui trainaient sur son bureau. Elle s’assied lentement sur son lit, les cheveux en pagaille elle savait déjà que la journée s’annonçait longue. Malgré tout elle conservait sa bonne humeur, elle était ravie d’être à l’université à son âge, et elle ferait tout pour conserver son avance, aussi légère soit-elle. Elle se leva d’un pas lent et mal assuré, se dirigea vers la cuisine du dortoir. Elle avait beau vivre là depuis quelques semaines, elle appréhendait toujours de tomber sur ses colocataires, elle ne se sentait pas vraiment chez elle. D’un geste, elle se servit un verre de jus d’orange et l’engloutit aussi rapidement que possible avant de retourner dans sa chambre et se préparer pour sa journée. Elle n’avait pas de cours, mais elle voulait aller réviser à la bibliothèque, un endroit qu’elle affectionnait particulièrement. Le calme et l’odeur des livres l’apaisaient. Elle remplit son sac de tout ce dont elle avait besoin pour partir en trottinant vers le bâtiment. Elle passa entre les étudiants et poussa le battant de la porte pour entrer dans l’immense hall. Elle savait exactement où se diriger, et emprunta les allées pour se rendre dans un petit coin tranquille, à l’abri des regards indiscrets.

Elle posa ses affaires et s’installa confortablement afin de pouvoir réviser tranquillement. Mais c’était sans compter sur quelques étudiants qui connaissaient, à son grand regret, ce coin un peu à l’écart, et qui venaient perturber sa tranquillité. Elle se ressaisit rapidement, pensant qu’ils cherchaient tout simplement comme elle un coin calme pour vaquer à leurs devoirs. Mais lorsqu’elle vit l’une des filles la dévisager, Eun Mi tourna brusquement la tête et plongea le nez dans son livre. Elle avait oublié de mettre une lentille pour cacher ce défaut qui lui faisait honte. Elle resta un long moment ainsi, espérant que les étudiants partiraient rapidement. Et en relevant le nez elle eut l’agréable surprise de se retrouver à nouveau seule. Mais les révisions de ses cours ne l’intéressaient pas. Avec un regard malicieux elle fit attention à ce que personne ne remarque qu’elle était en train de pousser ses leçons au bout de la table et de prendre le roman qu’elle avait emmené avec elle, juste « au cas-où ».

Elle se plongea dans sa lecture en oubliant tout ce qui l’entourait. Elle n’était plus dans la bibliothèque, mais près de Day et June, sur la grande place ou faisait rage une guerre entre les citoyens et le gouvernement qui les avait leurré tout ce temps. Alors lorsqu’elle leva les yeux, elle fut surprise de retrouver les étagères pleines de livres et les tablés silencieuses d’étudiants. Et plus encore lorsqu’elle vit un jeune homme la fixer avec son objectif. L’appareil photo entre les mains, Eun Mi ne savait pas s’il examinait l’objet ou s’il était en train de prendre des photos. Elle ne voyait qu’à moitié son visage. Elle n’arrivait pas à détourner son regard de cet oppa qui capturait peut être ses yeux, source de ses problèmes. Elle se renfonça alors dans son siège, la tête entre les épaules et essaya de cacher son œil vert avec sa frange. Mais elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’il avait peut-être enregistré ce moment. Il lui fallut rassembler tout son courage pour se lever et se diriger vers lui. À mi-chemin cependant, elle fit demi-tour et s’arrêta près d’une étagère, faisant semblant de lire les dos des livres qui s’y trouvaient, comme si elle était à la recherche d’une œuvre en particulier. Elle jeta des coups d’œil discrets vers ce coréen qui ne semblait pas perturbé le moins du monde, et qui continuait de triturer l’appareil qu’il avait entre les mains.

Puis elle se fit violence pour se diriger droit vers lui. Elle ne voulait surtout pas que l’on puisse retrouver des photos d’elle, où que ce soit. « Excuses moi… » D’une petite voix fluette elle essaya de s’adresser à lui. « Oppa… ». Elle ne pouvait décemment pas lui demander s’il avait effectivement pris des photos d’elle, alors elle essaya de lui soustraire la réponse par la ruse. « J’aime beaucoup ton appareil, est-ce qu’il fait de belles photos ? Tu peux me montrer ? ». Elle espérait pouvoir ainsi effacer « par accident » les photos qu’il aurait probablement prises. Mais Eun Mi est un livre ouvert, il est facile de deviner ce qu'elle pense. Elle espérait seulement avoir réussi à duper son interlocuteur quelques minutes, et si ce n'était pas le cas elle lui subtiliserait l'appareil le temps de vérifier qu'il n'y ait effectivement aucune trace d'elle et de son anomalie.




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Re: Derrière l'objectif | Ven 6 Jan - 13:51
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Tu as lu la peur dans son regard, cette peur qui t'ait si familière même si tu veux pas l'admettre. Et la méfiance, qui en toi fait loi, s'efface progressivement. La jeunesse se lit sur ses traits, de même qu'à une fragilité à laquelle tu n'es pas indifférent. Comment avoir peur d'une adolescente qui donne l'impression de pouvoir se briser à tout moment ? Ta méfiance oui s'envole, pour laisser place doucement à l'empathie.
 


Un désordre indescriptible régnait dans la pièce. Des vêtements jonchaient le lit, des feuilles tapissaient le sol et des livres ajoutaient une touche d'intelligence un peu partout dans la chambre. Épuisé d'avoir dû retourner toutes mes affaires jusqu'ici à peu près ordonnées, je me laissai tomber sur le lit, sans me soucier d'aplatir vestes, t-shirts et jeans. Où était passé ce bouquin ? La couverture noire et blanche se dessina dans ma mémoire. Légèrement abîmée, elle témoignait d'un âge avancé, de même que le message écrit sur la première page. Quelques mots tracés à la va vite, de la main d'un artiste que j'avais eu la chance de rencontrer quelques années auparavant. Mais si ce livre avait une valeur sentimentale certaine, il m'était aujourd'hui indispensable pour le devoir que je devais rendre le lendemain.  « Et merde ... » grognai-je en me redressant. Je parcourus la pièce des yeux, qui se figèrent dès qu'ils se posèrent sur l'ordinateur. Une seule possibilité s'offrait à moi. Je bondis jusqu'à mon bureau, m'installai sur la chaise et allumai la machine, jusqu'ici en veille. Une recherche rapide me permit de confirmer que la bibliothèque du campus en possédait un exemplaire. Un bref soulagement se dissémina dans mes veines, aussitôt douché par la vue d'une chambre dévastée. Malheureusement, y apporter un peu d'ordre était impossible pour le moment. Marchant précautionneusement pour ne pas abîmer un nouveau, et éphémère, tapis coloré, j'attrapais ma veste, mon sac et ma sacoche avant de quitter les lieux. La bibliothèque n'était qu'à une dizaine de minutes à pied de la maison, mais ce court laps de temps suffit à me glacer jusqu'aux os. Ce fut avec un soulagement certain cette fois que je poussai la porte vitrée pour pénétrer la salle chauffée. Je saluais d'un mouvement de tête la bibliothécaire qui me fixait et pénétrait le dédale de livre. Je venais rarement en ces lieux où le silence était primordiale. Contrairement à beaucoup, je n'étais pas particulièrement sensible à l'odeur des livres et je ne ressentais aucun apaisement à être piégé dans une salle où faire le moindre son était prohibé. J'ajustai la lanière de ma sacoche sur mon épaule et me dirigeai vers le rayon photographie. Ils étaient très nombreux à se partager les étagères. Heureusement, je connaissais tant la tranche de ce livre que le repérer ne me prit que quelques secondes. Et évidemment … interdiction de l'emprunter. J'émis un grognement de dépit. J'ouvris le livre, que je feuilletais. J'étais un homme de contraste. Autant je n'aimais pas spécialement les bibliothèques, autant j'aimais me plonger dans les livres. Et je connaissais par cœur celui qui reposait dans mes paumes. Mais pas au point de pouvoir régurgiter toutes les informations qui m'intéressaient. Je soupirai et me dirigeai vers les tables pour pouvoir prendre les notes qui s'imposaient. Je m'installai à la première qui croisa ma route, installai mes affaires sur une chaise vide et pris celle d'à côté. Feuilles et stylo s'étalèrent bientôt devant moi et j'ouvris le livre pour pouvoir en finir le plus rapidement possible. Mais, inexplicablement, le son d'une page froissée attira mon attention. Je relevai la tête et aperçus une très jeune fille, au visage de poupée enfantin, installée à la table d'en face. Absorbée par son roman, elle semblait détachée du monde. Une vision qui ne m'aurait certainement pas interpellé si je n'avais pas remarqué la beauté d'un regard tout à fait original. Clair obscur. Le sujet de mon devoir. La dualité entre l'ombre et de la lumière. Guidé par une inspiration artistique subite, je sortis mon appareil photo dans le plus grand des silences et zoomais sur la demoiselle. De l'or coulait dans la prunelle de droite, du chocolat dans celle de gauche. Oubliant un devoir qu ne correspondait pas parfaitement à ce que j'entrevoyais, je me laissai porter par une inspiration familière. Mon cœur et mon âme se confondirent, comme à chaque fois que je m'immergeais dans une passion qui m'éloignait de toute autre émotion. Mon index appuya sur le déclencheur, figeant une seconde éternellement. Je reculai la tête et y coulai un regard. La photographie dégageait un véritablement apaisement, et une douceur incomparable qui se reflétait dans les yeux de cette jeune inconnue. Totalement absorbé, il me fallut quelques secondes pour comprendre que l'on tentait de m'interpeller. Je levai la tête et croisai ce regard qui, l'espace d'une seconde, m'avait fasciné. Elle semblait encore plus jeune en mouvement. Sa frange flamboyante dissimulait un peu ses prunelles, noyées par un mal être certain. Je levai un sourcil. Son corps était tendu, ses muscles raides … et ses yeux décidément fuyant. Aussi sa question me prit de court. « Je ne laisse personne toucher mon appareil photo. » Pendant un court instant, je me demandais si elle n'allait pas être balayée par la réponse ferme et froide que je venais de lui opposer. Mais je me repris rapidement, méfiant. Je sentais qu'elle me cachait quelque chose et je craignis, pendant une demi seconde, qu'elle ne soit intéressée par moi. A tort. Car ce n'était pas mon visage auquel elle jetait des regards éperdus mais à l'appareil que je tenais dans les mains et dont la lanière reposait autour de ma nuque.  « Et si tu me demandais franchement ce que tu veux ? » Je plissai légèrement les yeux. Était-ce de la peur que je lisais dans les siens ? « Tu as peur de quoi? D'avoir été prise en photo ou du fait que je puisse être un stalkeur ? » demandai-je avec ma franchise habituelle.  
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Re: Derrière l'objectif | Dim 8 Jan - 11:18
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Tu as lu la peur dans son regard, cette peur qui t'ait si familière même si tu veux pas l'admettre. Et la méfiance, qui en toi fait loi, s'efface progressivement. La jeunesse se lit sur ses traits, de même qu'à une fragilité à laquelle tu n'es pas indifférent. Comment avoir peur d'une adolescente qui donne l'impression de pouvoir se briser à tout moment ? Ta méfiance oui s'envole, pour laisser place doucement à l'empathie.
 




La panique la gagna lorsqu’il lui répondit sur un ton froid et définitif. Elle ne pourrait donc pas poser ses mains sur l’appareil. Accroché à son cou elle s’imaginait d’ailleurs mal le lui arracher pour s’enfuir avec, alors elle le regarda attentivement, toujours angoissée à l’idée qu’il ait pris des photos d’elle. Non il ne ressemble pas vraiment à un stalkeur, mais après tout, elle ne le connait pas. Un garçon, seul dans une bibliothèque, non il ne ressemblait en rien à quelqu’un prêt à lui faire du mal. Ou peut-être travaillait-il pour le compte d’une autre personne ? Discrètement, Eun Mi jette un regard autour, comme si elle s’attendait à voir une silhouette cachée dans l’ombre, prête à lui sauter dessus. Décidément, la jeune coréenne lit trop de livres. La réalité et la fiction se mêlent parfois un peu trop dans sa tête, mais elle continue, elle préfère s’imaginer vivre des aventures extraordinaires plutôt qu’une routine ennuyeuse. Elle ne savait pas comment vérifier l’appareil de cet oppa plutôt distant. Et elle ne voulait surtout pas que l’on ait capturé son regard digne des plus grandes bêtes de foire. Alors oui, elle avait peur, vivre avec cette malédiction était difficile au quotidien et en faire des portraits ne pouvait lui attirer que des ennuis, non ? Elle ne se souvenait que trop bien des moqueries et des défis débiles des enfants qui avaient peur d’elle et de son regard si particulier. On dit que les yeux sont le miroir de l’âme, et pendant longtemps elle avait été persuadée que son âme était cassée, ou qu’il lui en manquait une partie. Ses parents lui avaient pourtant répété le contraire de nombreuses fois, essayant de la convaincre que ses yeux étaient plus un don du ciel qu’un fardeau à porter. Elle avait d’ailleurs promis à sa mère de ne plus avoir honte lorsqu’elle les avait quittés, mais les habitudes ont la vie dure et craindre d’être exposé comme un monstre était encore le cauchemar le plus fréquent qu’elle faisait. « Je … » Aucuns sons ne voulaient sortir de sa gorge, les mots s’arrêtaient aux bords de ses lèvres sans trouver une raison valable de l’accuser d’un acte qu’il n’avait peut-être pas commis. Elle se sentait gênée et confuse de l’avoir ainsi importuné. « Je suis désolée… ». Elle se retourna pour regagner sa chaise. Mettant le livre debout, elle se cacha derrière et jeta régulièrement des regards vers l’objet de toutes ses peurs. Elle posa la tête sur la table en réfléchissant à la meilleure stratégie pour s’emparer de l’appareil photo. Elle pouvait le faire tomber ? Non ! Elle secoua la tête, risquer de le briser alors qu’il semblait réellement y tenir, c’était une mauvaise idée. Elle soupira, continuant de jeter des regards désespérés vers le coréen.
Elle essaya de se convaincre que ce n’était pas grave. Peut-être qu’un jour il retrouverait cette photo et qu’il l’effacerait, en se disant qu’elle ne lui servirait à rien ! Que feraient Day et June dans ces cas-là ? Ils élaboreraient certainement une stratégie digne des plus grands esprits militaires dans lesquels ils étaient conditionnés. Et si elle le menaçait ? Non plus. Et puis avec quoi d’ailleurs ? Elle ne le connaissait ni d’Eve ni d’Adam, comment pouvait-elle espérer trouver une faille pour le contraindre à lui obéir. Qui obéit à une gamine de 17 ans ? Elle poussa un long soupire, répétant encore et encore la gymnastique visuelle qu’elle avait entamée quelques minutes plus tôt. Je vais changer d’université, je n’ai pas le choix , se dit-elle.

Puis au moment où elle s’y attendait le moins, elle vit un doigt glisser sur le haut de son livre afin de le faire basculer et ainsi faire tomber la cachette de la coréenne. Elle se redressa aussi rapidement qu’il fut possible de le faire, et regarda le voleur de photo s’asseoir juste en face d’elle. Droite sur sa chaise elle n’osait rien dire. Et pourtant s’il l’avait rejoint de cette manière, il devait forcément lui vouloir quelque chose ? Elle essaya à nouveau de cacher son regard sous sa frange, tournant les yeux vers ses devoirs. Eun Mi fit semblant d’être soudainement intéressée par les révisions qui trônaient sur sa table, mais elle savait au fond qu’elle ne pouvait pas le duper. La discrétion, ce n’était pas la plus grande de ses qualités. Elle tenta un coup d’œil furtif vers l’inconnu, mais rapide ou non, cela ne lui servait plus à rien d’essayer de se cacher. Prenant son courage à deux mains, elle se tourna alors pour le faire face, les joues rosies par l’embarras. « Oppa ! », elle prit une profonde inspiration avant d’aller droit au but. « Est-ce que tu as pris des photos de moi ? ». Elle vissa son regard implorant dans le sien, comme pour le supplier d’infirmer ses doutes. Une photo est-ce si grave … pour Eun Mi en tout cas l’enjeu est de taille et vaut largement tout le mal qu’elle se donne.

 
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Re: Derrière l'objectif | Mer 18 Jan - 22:31
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Tu as lu la peur dans son regard, cette peur qui t'ait si familière même si tu veux pas l'admettre. Et la méfiance, qui en toi fait loi, s'efface progressivement. La jeunesse se lit sur ses traits, de même qu'à une fragilité à laquelle tu n'es pas indifférent. Comment avoir peur d'une adolescente qui donne l'impression de pouvoir se briser à tout moment ? Ta méfiance oui s'envole, pour laisser place doucement à l'empathie.
 


Un voile écarlate se posa sur les joues crémeuses de la jeune fille, qui suite à mes mots, avait perdu le peu de contenance qu'elle possédait. Sur des excuses balbutiées, elle se détourna et s'éloigna pour regagner son siège, aussi rapidement qu'elle s'en était éloignée. Intrigué, je la suivis des yeux sans chercher à dissimuler l'intérêt curieux que je lui portais. Nulle trace de désir ou de perversité ne luisait dans le chocolat chaud qui nimbait mes prunelles. Elle ressemblait à une enfant ayant tout juste basculé dans le monde des adultes. Mais elle exhalait une telle fragilité que mon âme artistique en était touchée. D'autre part, elle semblait réellement bouleversée. Dissimulée derrière ses livres, seuls ses doigts trahissaient son état émotionnel par un tremblement léger et une crispation laiteuse. Je contractais la mâchoire, peu disposé à être celui à l'origine de son mal être, et ce pour une simple photo. Je connaissais assez le sentiment qui semblait la pourrir pour savoir quand ne pas dépasser les limites. Néanmoins, je trouvais dommage qu'elle se « haïsse » au point de craindre un flash. Je me levai avec la souplesse d'un félin et m'approchai sans bruit de l'ouvrage qui lui servait de protection. Mon appareil dans une main, je posai la libre sur l'angle et baissai le livre pour pouvoir entrapercevoir les yeux fascinants qu'elle tentait vainement de masquer sous sa frange épaisse. Je pinçai les lèvres et me laissai tomber sur la chaise qui lui faisait face. La peur luisait dans ses prunelles aux couleurs contrastées. Elle baissa la tête, ramena de nouveau ses cheveux sur l'avant de son visage et fit mine de se plonger dans ses cahiers jusqu'à ce qu'elle finisse par se redresser. Et, si ses yeux ne cessaient de fuir, elle finit par trouver le courage d'aborder enfin le sujet de la frayeur qui l'avait poussée à venir me parler quelques minutes plus tôt. Les fameuses photos. Je me redressai légèrement et plaquai mon dos au siège de la chaise sur laquelle j'étais installé. Elle avait un beau visage, encadré par une masse de cheveux fauve qui jetait des reflets sur un sourire adorable. Elle était le type même de fille craquante. Que pouvait-elle bien craindre à ce point ? Je battis des paupières et la caresse des cils, fugace, sur mes pommettes me donna la réponse à ma question. « Ce sont tes yeux n'est-ce pas ? » Une interrogation rhétorique qui n'attendait aucune véritable réponse de sa part. Elle était semblable aux livres éparpillés sur la table. Je me relevai, en fis le tour et m'installai sur la chaise qui jouxtait la sienne. Alors, retirant le bandeau de l'appareil qui sommeillait sur ma nuque, je l'avançai et lui montrai les clichés. Je n'étais pas humble au point de soutenir que j'étais mauvais photographe. J'avais conscience, au contraire, de savoir capturer les moments les plus fragiles, les plus propices émotionnellement. En général, ils étaient un reflet de ma propre âme mais cette fois, c'était la fragilité de ma voisine qui embellissait la photo. La frange épousait les cils relevés et ses yeux semblaient perdu dans une rêverie dont elle était la seule à posséder la clé. Elle ressemblait à une créature féerique, une petite fée auréolée de magie et de douceur. « Je ne les garderais pas si tu n'es pas d'accord. Mais il est dommage que tu fasses d'une différence aussi expressive et artistique une malédiction. » Sans mot dire, je posai l'appareil sur le panneau de bois et la regardai. Je n'étais pas apte à juger la peur. N'était-ce pas elle qui me dévorait chaque fois que je me retrouvais en position de faiblesse ? Elle n'était certes pas le nom que je donnais à mes réactions, mais je me connaissais assez pour savoir que la méfiance n'avait nulle autre origine qu'elle. Alors, et même si je n'avais aucune envie de me séparer des clichés d'une scène qui m'avait parlée, j'étais prêt à supprimer, tout simplement car je n'aurais accepté aucun autre comportement si j'avais été à sa place. Cependant, et avant d'en arriver à une telle extrémité, j'avais à cœur de la voir changer d'avis, et ce d'un point de vue artistique. Car cette inconnue ne représentait pas un danger mais simplement un intérêt photographique intéressant. « Il est dit, dans beaucoup de culture, que les yeux sont le miroir de ton âme. Aussi, laisse moi te poser une dernière question. Est-ce ton regard que tu rejettes ou toi même ? A moins que ton point de vue ne soit motivé que par ce que les autres ont ou pourraient penser de ta différence ? » Je la poussai dans un chemin philosophique qu'elle n'avait peut-être pas envie d'explorer. Cependant, c'était un essai que j'avais envie de tenter, pour ajouter cette photo à un portfolio qui était le reflet de ma propre âme. Je n'avais donc pas la sensation de perdre mon temps, pas plus que je ne mettais en doute la personnalité de celle que j'avais en face de moi, comme j'aurais pu le faire dans d'autres circonstances.  
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Re: Derrière l'objectif | Jeu 19 Jan - 16:15
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Tu as lu la peur dans son regard, cette peur qui t'ait si familière même si tu veux pas l'admettre. Et la méfiance, qui en toi fait loi, s'efface progressivement. La jeunesse se lit sur ses traits, de même qu'à une fragilité à laquelle tu n'es pas indifférent. Comment avoir peur d'une adolescente qui donne l'impression de pouvoir se briser à tout moment ? Ta méfiance oui s'envole, pour laisser place doucement à l'empathie.
 


« Ce sont tes yeux n'est-ce pas ? » Eun Mi eut beaucoup de mal à déglutir face à la clairvoyance de son interlocuteur. Elle ne savait pas vraiment comment réagir, si ce n’est de rester béat devant cette question qui n’attendait certainement pas de réponses. Elle le regarda se lever de sa chaise et sans le quitter une seule seconde des yeux elle le regarda prendre place à ses côtés. Un léger mouvement de recul, elle ne s’attendait pas à cette proximité soudaine, et encore moins à ce qu’il soit si lucide. Elle le regardait comme une enfant à qui on vient de faire la leçon, la bouche entrouverte elle était abasourdie et avait perdu le peu de moyens qui lui restait. Avec le plus grand soin, il approcha l’appareil de ses yeux. Elle n’arrivait pas à détacher son regard de cet oppa qui avait si bien compris la raison de sa détresse. Puis quand il activa l’appareil pour lui montrer les clichés pris à son insu, Eun Mi avala sa salive et reporta son attention sur l’objet de sa terreur. Au début, elle eut du mal à se reconnaitre. Elle semblait paisible, les yeux rieurs et rêveurs, encore plongés dans un monde imaginaire où elle serait l’héroïne. Elle tenta un regard vers le ravisseur de photo, puis continua de regarder les instants qu’il avait immortalisés. « Je ne les garderais pas si tu n'es pas d'accord. Mais il est dommage que tu fasses d'une différence aussi expressive et artistique une malédiction. » Une différence artistique ? Sur le moment elle ne comprit pas ce qu’il voulait dire. Puis elle se rendit compte qu’il parlait de ses yeux, cette « différence artistique ». Elle n’y trouvait pourtant rien de beau, c’était juste un regard qui ressemblait à celui d’un monstre. Personne n’aimerait être né monstre ! Elle regardait alternativement le coréen et l’appareil photo, ne sachant que faire. Il était posé là. Elle pourrait sans doute le prendre et effacer les clichés ? Est-ce qu’il y verrait un inconvénient ? Est-ce qu’il se mettrait en colère ? Et puis comme s’il avait lu dans ses pensées, il ajouta « Il est dit, dans beaucoup de culture, que les yeux sont le miroir de ton âme. Aussi, laisse moi te poser une dernière question. Est-ce ton regard que tu rejettes ou toi même ? A moins que ton point de vue ne soit motivé que par ce que les autres ont ou pourraient penser de ta différence ? » Il venait de touché le point sensible de la jeune coréenne. Il ne l’avait sans doute pas fait exprès, mais elle connaissait particulièrement bien cet adage. Il avait conditionné sa vie depuis sa plus tendre enfance. Mais les questions qu’il venait de lui poser la laissait dubitative. Un nouveau vent de panique souffla dans son cœur, est-ce qu’elle se rejetait elle-même ? À vrai dire, elle  n’y avait jamais pensé. Elle ouvrit la bouche, mais les mots ne vinrent pas. Elle regardait cet oppa qui venait de lire en elle comme dans un livre ouvert, et ça aussi, ça la terrifiait. Elle porta son regard sur lui, puis sur l’appareil, pour finir par poser ses prunelles sur le jeune homme qui se tenait à côté d’elle. Elle essaya de plonger son regard intensément dans le sien, plissant légèrement les yeux, s’il avait pu lire en elle, elle le pourrait peut-être aussi, non ? Mais rien. Son visage restait impassible. Les jambes tendues sous la table, elle tourna la tête, dans le but … dans quel but d’ailleurs ? Elle n’avait pas vraiment envie de fuir, elle n’essayait même pas d’effacer les photos. Elle avait voulu, mais elle avait retenu son geste. Eun Mi cherchait désespérément une réponse à ces questions. En grande réflexion avec elle-même, elle en oublia presque la présence du coréen, agitant les lèvres dans une discussion muette, plissant les yeux, gonflant ses joues en ne sachant pas quoi penser. Elle n’avait pas envie de lui dire que sa demande était avant tout motivée par le regard des autres, ça la rendrait encore plus vulnérable. Elle ne s’était jamais confiée sur la raison de cette terreur qui le possédait lorsque l’on plongeait trop longtemps dans ses prunelles. Et lorsqu’elle décida d’enfin prendre la parole, elle se tourna de nouveau vers le ravisseur de photo. « Je crois que mon âme est cassée justement. » Elle avait toujours eu cette réflexion, et pas une seule fois elle s’était sentit triste. Mais peut être que d’avoir formulé ces mots à haute voix rendait la chose réelle, parce qu’un poids venait lui écraser les poumons rendant sa respiration soudainement plus difficile. Elle baissa les yeux sur ses feuilles. « Oppa…Tu crois que ça se répare toi ? Une âme ? ». Malgré son jeune âge, Eun Mi était déjà dévorée par les aléas de la vie, la pression quotidienne de la société, les responsabilités, et cette réflexion, ce n’était pas celle d’une enfant. C’était une vraie question pour elle, comme un besoin de se raccrocher à quelque chose qui pourrait guérir au fond d’elle.

 
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Re: Derrière l'objectif | Ven 10 Fév - 22:27
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Tu as lu la peur dans son regard, cette peur qui t'ait si familière même si tu veux pas l'admettre. Et la méfiance, qui en toi fait loi, s'efface progressivement. La jeunesse se lit sur ses traits, de même qu'à une fragilité à laquelle tu n'es pas indifférent. Comment avoir peur d'une adolescente qui donne l'impression de pouvoir se briser à tout moment ? Ta méfiance oui s'envole, pour laisser place doucement à l'empathie.
 


La peur et la surprise baignèrent son regard, aussi n'eus guère besoin d'en avoir plus pour comprendre que j'étais tombé juste. Et pourtant … J'eus un pincement au cœur lorsqu'elle entrouvrit enfin les lèvres. D'une voix encore enfantine, elle souffla quelques mots, qui trouvèrent un écho dans mon propre cœur. Une âme brisée. Un voile d'ombre recouvrit mes yeux brusquement perdus. Le décors et le visage de mon interlocutrice se brouillèrent. Une âme brisée. Je comprenais son idée bien mieux qu'elle ne pouvait l'imaginer et ce, même si mon orgueil ne me le permettait pas. Je soufflai légèrement entre mes lèvres, comme pour chasser une mèche de cheveux récalcitrante. Mais, en vérité, je chassais mes propres souvenirs. Celui de son visage lors de ces deux réveils opposés. Celui d'une trahison brûlante qui semblait me poursuivre tel un fantôme. Celui de jours passés à retenir des larmes qui avaient coulé plus de fois que je ne saurais l'admettre. Des réminiscences que j'aurais préféré voir brûler à la place d'espoirs perdus. Mes paupières les fauchèrent, pour un temps, en un battement de cil et mes pupilles rétrécirent en renouant avec la réalité …. avec elle. Elle exhalait une souffrance familière. Je coulai un regard sur l'appareil photo, prêt à changer d'avis quand la question lui échappa. Mes sourcils s'arquèrent et je revins vers elle, le souffle altéré. Une âme pouvait-elle se réparer ? Un frisson glacé me parcourut l'échine tandis que la réponse me percutait d'elle même. Je contractai la mâchoire. « Non. » répondis-je simplement, les muscles raides. « Du moins pas sans désir. La véritable question est donc … veux tu être réparée ? » Dans l'obscurité de mon imagination, je visualisai la déchirure provoquée par un passé proche, par un accident abrupte et par une déception écarlate. Je me savais blessé. Mais, contrairement à d'autres, et peut-être à celle qui était assise à mes côtés, je n'avais aucune envie de recoudre la plaie béante qui me balafrait. Car elle était un rappel vivace et violent d'erreurs que je ne désirais plus commettre. Je me laissai aller contre le dossier de ma chaise. « Si tu as envie d'avancer et d'oublier tes propres blessures, tu peux y arriver. N'as tu jamais entendu parler de l'extraordinaire volonté humaine ? » commentai-je avec une pointe d'humour. Mais la tristesse était palpable dans mon timbre au froid naturel. J'inspirai profondément et tendis le bras pour prendre l'appareil demeuré sur la table. Mon pouce effleura les touches et les photos disparurent, avalées par le néant. J'eus un pincement au cœur. J'aurais aimé garder ces photos, d'autant plus que je venais de nous découvrir un point commun que seul mon cœur avait perçu quand j'avais immortalisé cette petite seconde. Une petite seconde à l'origine d'une bien étrange rencontre. Une âme brisée réparable … Pour la première fois, et malgré la peur qui me retenait, j'imaginais ce que pourrait donner ma vie sans cette dure carapace qui me protégeait des aléas de mon propre cœur. Ma paume dégringola et se pressa contre mon torse. Contre cet organe que j’exécrais autant qu'il m'était vital. Mon conscient le rejetait. Mais mon inconscient n'aspirait qu'à effacer et recommencer. Un nouveau frisson me parcourut, violent, et je serrai le poing pour contenir l'angoisse qui naissait dans ma poitrine. J'inspirai profondément et relevai la tête pour reprendre contenance. Et j'y parvins plus rapidement que je ne l'aurais cru. Alors, reprenant le fil perdu de mes pensées, je soulevai l'appareil pour mettre un écran entre nous. Elle apparut dans l'objectif, semblable à une véritable poupée de porcelaine. Mon index s'enfonça dans le bouton et l'instant fut capturé. J'avais effacé pour recommencer. Mais plus que la douceur, la photo exhalait cette fois la surprise. Alors, je le lui tendis sans hésitation et attendis qu'elle le prenne. « Ceux qui se sont moqués de tes yeux sont des imbéciles. Ceux qui t'ont affirmé laide parce que tu arbores deux fois plus de couleurs sont des jaloux. Et ceux qui te rabaissent pour ton originalité sont des âmes perdues elles même. » J'ignorais pourquoi mon armure s'était fracassée. Si je savais être une bonne épaule, je n'étais pas homme à compatir et à rassurer. Mais cette petite me touchait inexorablement et de manière inexplicable. Quoique … non en vérité, je savais pourquoi. Elle me rappelait mes propres blessures et mes propres faiblesses. Hors, si je n'étais pas prêt à prendre le chemin d'une guérison que je ne désirais pas, j'avais presque envie de la voir s'épanouir, comme pour répondre à un besoin que j'ignorais posséder jusque là. Aussi, et dans un élan instinctif, je lui tendis la main. « Moon Je Ha. Et non Oppa. » me présentai-je avec un sourire chaleureux. Des siècles s'étaient écoulées depuis ma dernière rencontre féminine sans heurt et agressivité. Un fait inhabituel qui me surprenait autant qu'il me paraissait naturel.
 
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Re: Derrière l'objectif | Mer 15 Fév - 12:36
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Tu as lu la peur dans son regard, cette peur qui t'ait si familière même si tu veux pas l'admettre. Et la méfiance, qui en toi fait loi, s'efface progressivement. La jeunesse se lit sur ses traits, de même qu'à une fragilité à laquelle tu n'es pas indifférent. Comment avoir peur d'une adolescente qui donne l'impression de pouvoir se briser à tout moment ? Ta méfiance oui s'envole, pour laisser place doucement à l'empathie.
 


Sa réponse lui donnait l’impression d’être définitive, une âme ne peut être réparée, il était catégorique. Elle se sentait peinée, elle avait voulu y croire, et lorsqu’il reprit la parole elle se sentit étrangement plus légère. Est-ce qu’elle voulait être réparée ? « Bien sûr ! » Les yeux brillants, elle entrevoyait déjà la possibilité de recoller les morceaux de son âme. « Qui ne voudrait pas l’être ? » La volonté humaine ? Ça ne lui disait rien, ou alors elle avait occulté ce concept. Elle avait cru décelé un léger trait d’humour sur cette phrase, mais la naïveté de la jeune coréenne était aussi légendaire que sa timidité. Avait-elle loupé quelque chose ? Elle n’eut pas le temps de se poser la question lorsqu’elle vit le coréen lever son appareil photo pour supprimer les photos qu’il avait prise. Le cœur battant, elle sentit le poids qui s’était abattu sur ses épaules disparaitre soudainement. Elle prit une profonde inspiration, admirative devant ce geste qui la touchait plus que cela ne devrait. Elle le sentait déçu de céder à son caprice. Il n’y avait pas de meilleur terme pour décrire ce qu’elle lui avait demandé, c’était un caprice et elle s’en voulait. Elle l’observait en silence, et lorsqu’il appuya une main contre son cœur elle se demanda s’il avait mal quelque part. Il avait des réactions étranges, qui intriguaient Eun Mi, elle hésitait à lui venir en aide le cas échéant, mais elle voyait clairement qu’il se débattait contre des démons intérieurs. Elle avait l’impression de se voir lorsqu’elle laissait son imagination errer dans les différents romans qu’elle lisait encore et encore. Lorsqu’il refit surface, la jeune coréenne s’attendait à tout sauf à ce qu’il lève de nouveau son appareil pour lui subtiliser encore un cliché. La surprise se lisait clairement sur son visage et ses yeux grands ouverts. Et il la surprit une nouvelle fois en lui tendant son appareil, la laissant découvrir son air étonné, ses deux prunelles brillant de deux couleurs différentes. L’objet était lourd dans ses mains, mais était-ce la réalité ou simplement le poids qu’elle ressentait en regardant son reflet qui la fixait étonnée. Elle n’essaya même pas d’effacer le cliché, elle se contenta de poser un doigt sur l’émeraude qui luisait dans son œil droit, cachant ainsi son anomalie. Elle savait très bien à quoi elle ressemblait avec des iris marrons, elle avait ses lentilles pour les jours où elle ne se sentait pas le courage de faire face au monde avec ce regard difforme, et elle avait beau voir son visage chaque matin dans le miroir de la salle de bain, elle n’en ressentait pas moins de gêne.

Elle releva alors la tête de son portrait, accordant à nouveau son attention sur le ravisseur de photos. Et encore une fois, il la surprit. Deux fois plus de couleur ? Jaloux ?  Elle n’avait jamais pensé que ces personnes qui se servaient de son anomalie pour la moquer pouvaient se sentir jalouses. Elle avait beaucoup de mal à imaginer que quiconque puisse avoir envie de poser un tel regard sur le monde. Elle repensait à ces réflexions, plongeant dans un passé qui se mêlait au présent. Tu vois en deux couleurs ? Comme les lunettes 3D dans les cinémas ?  Son cœur se serra en repensant à ces questions auxquelles elle ne savait pas répondre. Elle le regardait sans vraiment le voir, et lorsqu’il lui tendit la main pour se présenter, elle l’attrapa dans un geste timide. Elle fronça les sourcils. « Mais tu es plus jeune que moi alors ? » Il lui avait pourtant semblé reconnaitre un jeune homme avec quelques années de plus, pourquoi le terme Oppa le gênait-il alors ? Mais elle se rendit compte qu’elle manquait de politesse et lui serra à son tour la main. « Kang Eun Mi ! » Le sourire qu’il affichait effaça la tristesse qu’elle ressentait, comme une enfant, elle passait très facilement d’une émotion à une autre. Et c’est le cœur un peu plus léger qu’elle glissa un regard vers sa photo qui la regardait surprise. En prenant bien soin de ne pas abîmer l’appareil, il valait certainement une fortune, et si elle venait à le casser, elle n’aurait jamais les moyens de le faire réparer ou de lui en offrir un autre, elle le rendit donc à son propriétaire. Un sourire timide sur les lèvres. « Je veux bien que tu la garde, mais est-ce que tu peux me promettre quelque chose oppa ? » Une lueur bienveillante avait remplacé le regard quelque peu froid et distant de leurs premiers échanges. « Tu peux garder cette photo pour toi ? Enfin je ne dis pas que tu comptes la regarder souvent hein, mais juste …. Je n’ai pas trop envie qu’on la voit… » Elle jouait nerveusement avec le bout de ses doigts, espérant obtenir une réponse positive. Elle était à la fois intriguée et impressionnée par l’appareil photo. Et en ne le quittant pas des yeux elle lui posa la question qui lui brûlait les lèvres. « Oppa … pourquoi tu prends des photos ? Il y a quoi de plus dans les photos par rapport aux vraies personnes bien vivantes ? »

 
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Re: Derrière l'objectif | Lun 3 Avr - 19:32
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Tu as lu la peur dans son regard, cette peur qui t'ait si familière même si tu veux pas l'admettre. Et la méfiance, qui en toi fait loi, s'efface progressivement. La jeunesse se lit sur ses traits, de même qu'à une fragilité à laquelle tu n'es pas indifférent. Comment avoir peur d'une adolescente qui donne l'impression de pouvoir se briser à tout moment ? Ta méfiance oui s'envole, pour laisser place doucement à l'empathie.
 


« Certains personnes préfèrent leurs blessures à la simple idée de retomber dans une naïveté qu'ils jugent écœurantes. Parfois, c'est plus facile de se défendre quand on est brisé qu'entier. » J'en faisais partie. Je préférais mes cicatrices à ce moi d'autrefois, aveugle au point de ne pas voir ce qui lui crevait pourtant les yeux. Mais cette idée, bien que simple, paraissait totalement inconcevable aux yeux d'Eun Mi, qui ne le comprenait pas plus qu'elle ne semblait l'imaginer. J'eus presque de la peine pour elle et cette naïveté enfantine qu'une part de moi lui enviait cependant. Mais si croire en un monde sans douleur était attirant, ce n'en était pas moins dangereux. Malgré tout, et ce bien que mon corps trahissait légèrement les pensées qui m'agitaient, j'allais dans son sens et effaçai une à une les photos que j'avais prises, ces mêmes clichés qui l'avaient motivée à briser son silence et frapper sa timidité pour m'approcher. Mais je fus incapable d'aller jusqu'au bout d'un geste qui me semblait inapproprié. Alors je levais l'appareil. Elle s'y laissa de nouveau prendre, sans s'y attendre, et ses yeux se reflétèrent une nouvelle fois sur l'écran de mon appareil allumé. Elle me faisait peine et sa détresse me touchait, d'autant plus qu'elle ressemblait vraiment à une enfant. Elle pencha légèrement la tête pour regarder cette image prisonnière, mais je vis à nouveau l'indécision dans ses yeux. Il suffit d'un mot. Un mot qui ne m'était pas étranger et qu'elle n'était pas la première à utiliser. Mais rares étaient celles qui pouvaient le prononcer sans faire naître en moi cette sensation désagréable de mal être et de nausée. Sa remarque me fit sourire, un simple dessin presque éphémère dessiné à la pointe de sa naïveté.  « Je suis définitivement plus âgé. Mais je préfère Jeha. » Elle glissa sa main, fine et légère, dans la mienne. Elle était si menue que j'eus l'impression d'avaler ses doigts dans l'ombre de ma paume que je contractai avant de la relâcher sans m'attarder. Néanmoins, sa présence et son toucher ne m'affectaient pas. Parce qu'elle ressemblait à une petite fille et qu'elle était probablement plus jeune que ma propre sœur. Il m'était donc impossible de la voir comme une femme et à fortiori comme un poids possible. Elle prit l'appareil entre ses doigts et je la laissai faire, sans toutefois la lâcher du regard. Le sien s'attarda sur l'écran, comme si elle cherchait à voir au delà de sa propre apparence. Quelques secondes, minutes tout au plus, lui suffirent et elle me tendit à nouveau l'appareil, que je récupérai avec un soulagement familier. Une émotion qui s'étiola lorsqu'elle reprit la parole.  « Je le ferais si tu m'appelles par mon prénom. Je n'aime pas spécialement être surnommé.» réitérai-je, sans en dire plus sur mes raisons. Je n'étais pas bavard de nature lorsque j'étais concerné, mais j'aimais moins que tout m'attarder sur mes propres faiblesses.  « Néanmoins, je ne garderais pas la photo. Je te la donnerais. »  Je n'avais aucun intérêt à garder une photographie pour l'oublier entre deux intercalaires d'un classeur fermé. J'éteignis d'un geste mon appareil puis le posai sur la table. Elle suivit mon mouvement du regard, visiblement fascinée. Je levai un sourcil et l'immobilisai lorsqu'elle posa finalement la question qui lui brûlait les lèvres. Ma main navigua et mes doigts effleurèrent mon menton en un geste bref, comme pour marquer une hésitation à la fois consciente et inconsciente. Quelques mois plus tôt, cette question n'aurait eu comme réponse qu'un éloge passionné sur l'univers de la photographie. J'aimais cela. Je n'étais alors conscient que de ce fait et de l'émotion indicible que me procurait le clic sous la pression de mon pouce. Mais mon accident avait changé, ou approfondit ma vision des choses.  « On va dire que prendre des photos me permet de choisir ceux que j'approche ou pas. Je peux figer une scène, un groupe, une expression suivant mes propres ressentis et sans me soucier de ceux des autres. Mais c'est une question étrange de ta part … pourquoi en es tu venue à penser que je prenais des photos pour échapper à quelque chose ? » Elle m'avait totalement prit au dépourvu. Je ne savais pas s'il s'agissait d'un éclat de génie ou d'une remarque motivée par une lecture philosophique mais j'étais perplexe. De mémoire, jamais on ne m'avait demandé en quoi la photo était meilleure que la réalité. C'était d'ordinaire un contraste établit avec la virtualité. Avait-elle vu plus loin parce qu'elle même se réfugiait dans ses livres ? Avait-elle sentit que nous n'étions pas si différent sur ce point ?  « Je vais te poser une question mais d'un stéréotypé à faire fuir. » commença-je avec une pointe d'humour avant de désigner le livre qui reposait toujours sur ses genoux. «Tu sais que le monde et les relations plus ou moins idéalisés par les romanciers n'existent pas ? » Si ma question ne trahissait aucune dureté, je l'avais cependant tournée ainsi pour orienter subtilement la conversations vers elle, afin d'éviter d'avoir à m'épancher sur ma propre vie.  « Tu m'as l'air déjà particulièrement naïve, tu n'as pas peur que ça te rende encore plus vulnérable ? » Je ne faisais que des suppositions sur une rencontre qui n'avait pas excédé dix minutes. Mais je ne pouvais m'empêcher d'imaginer ce que je ressentirais si elle était ma petite sœur. Certainement une profonde et vive inquiétude qui m'aurait poussé à lui mettre quelques claques pour la réveiller.
 
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Re: Derrière l'objectif | Dim 30 Avr - 9:10
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Tu as lu la peur dans son regard, cette peur qui t'ait si familière même si tu veux pas l'admettre. Et la méfiance, qui en toi fait loi, s'efface progressivement. La jeunesse se lit sur ses traits, de même qu'à une fragilité à laquelle tu n'es pas indifférent. Comment avoir peur d'une adolescente qui donne l'impression de pouvoir se briser à tout moment ? Ta méfiance oui s'envole, pour laisser place doucement à l'empathie.
 


Eun Mi ne comprenait pas pourquoi il était si réfractaire à l’idée qu’elle puisse employer un terme qui lui correspondait pourtant, mais soit. Elle hochait la tête pour lui signifier qu’elle ne le ferait plus. S’il y avait bien une chose que la coréenne voulait éviter, c’était bien de contrarier ou de blesser sans en avoir l’intention. « Me la donner ? » Elle s’attendait à tout, sauf à ce qu’il veuille lui offrir son portrait, une preuve de plus dont elle se passerait bien. Mais elle se gardait bien de le lui dire, il était malvenu de refuser un cadeau, elle était bien placée pour le savoir.  Elle ne put s’empêcher de poser son regard sur l’appareil, laissant la question s’échapper avant même qu’elle ne s’en rende compte. Cherchait-il une échappatoire en préférant voir le monde au travers un objectif ? Préférait-il capturer les gens et les émotions sur papier glacé plutôt que de devoir y faire face ? La coréenne se mordit l’intérieur de la joue, elle s’en voulait d’avoir été si directe, craignant de le blesser sur un sujet dont elle ne maîtrisait rien. Elle fut néanmoins touchée de sa réponse. Figé des êtres humains et des sentiments pour pouvoir prendre du recul. N’était-ce pas ce qu’elle faisait en plongeant le nez dans ses livres ? « Parce que je pense que je fait exactement la même chose avec mes livres. » Un sourire honnête et timide sur les lèvres, elle n’avait pas honte de cette partie d’elle. Sachant pertinemment que la réponse ne se trouvait pas toujours dans les livres, elle préférait tout de même s’y plonger plutôt que de devoir affronter le monde. Elle ne se sentait pas étrangères aux échanges, et au contraire, elle aimait faire de nouvelles rencontres, mais elle préférait de loin vivre des aventures épiques au travers de quelques pages. Elle ne fuyait pas, elle rêvait. Elle pouffa à sa question. Eun Mi était une grande naïve et une éternelle rêveuse, espérant et voyant le bon en chaque personne qui peuplait la terre, mais elle savait aussi faire la part des choses même si quelques fois elle aurait sans doute préféré la version romancée des ouvrages qui recouvraient ses étagères. « Bien sûr que je le sais. Mais qu’y a-t-il de mal à en rêver ? Et si ces relations sont posées sur le papier, je pense que c’est parce que les auteurs en ont vécu ou du moins entendu parler. On ne peut parler de ce que l’on ignore, n’est-ce pas ? » C’était sans doute aussi naïf que le reste de ses pensées, et elle offrait peut être une raison de plus pour que l’on se moque de ce cœur un peu trop tendre qu’était le sien, mais elle ne comprenait pas en quoi espérer ce genres de relation était dangereux. « Je ne suis pas d’accord avec toi, je pense au contraire que c’est la colère et la rage qui nous rendent vulnérables ! Je sais bien que je passe pour une enfant, que j’ai l’air idiote le nez en l’air, mais au final je pense que je suis plus heureuse que la majorité des étudiants qui se laissent ronger par la haine. » La moue boudeuse, elle ne visait personne et tout le monde, témoin des émotions refoulées, actrice passive de la douleur de certains et même si elle aurait aimé insuffler ne serait-ce qu’un dixième de ce qu’elle ressentait, elle avait compris qu’elle ne pourrait jamais venir en aide à tout le monde. Elle l’espérait encore par moment, mais il était difficile de proposer un soutien infaillible à une personne qui refusait tout simplement de prendre la main qu’elle tendait. « Mais… pourquoi penses-tu que je suis vulnérable ? » Elle savait qu’elle transpirait l’innocence et l’inexpérience, mais elle ignorait que même un étudiant qui ne la connaissait pas puisse la percer à jour. Elle balaya des yeux la bibliothèque silencieuse, laissant glisser son regard sur les étudiants concentré sur leurs écrits et leurs dossiers. Puis tenta un regard vers la pendule et fut surprise de découvrir qu’elle avait passé autant de temps sans même ne serait-ce qu’écrire une ligne. Il fallait qu’elle se concentre à nouveau, mais son nouvel ami l’intriguait, elle avait perçu une certaine douleur, même si elle n’en était pas encore sûre. N’osant pas le questionner davantage, elle attendait de voir s’il était de ceux qui demanderaient de l’aide.  
 
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Re: Derrière l'objectif | Sam 21 Oct - 20:54
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Tu as lu la peur dans son regard, cette peur qui t'ait si familière même si tu veux pas l'admettre. Et la méfiance, qui en toi fait loi, s'efface progressivement. La jeunesse se lit sur ses traits, de même qu'à une fragilité à laquelle tu n'es pas indifférent. Comment avoir peur d'une adolescente qui donne l'impression de pouvoir se briser à tout moment ? Ta méfiance oui s'envole, pour laisser place doucement à l'empathie.
 


Oppa. Cet entrelacs de lettres faisait naître des dizaines de frissons désagréables sous la peau chaude de ma nuque tendue. J'y coulais une main crispée mais absente, dans le vain espoir inconscient de les faire disparaître. Mais ils semblèrent sournoisement se multiplier sous ma paume brûlante, comme pour rire au nez de celui qui tentait d'échapper à un passé à l'ombre gravée dans ma mémoire. Mon estomac se contracta et je posai les yeux sur celle qui l'avait prononcé. Celle qui hochait la tête pour illustrer une compréhension qui fit disparaître les vicieuses émotions qui noircissaient mes pensées. Le soulagement échauffa mes veines et ma main retomba sur ma cuisse.  « Oui. » acquiesçai-je. La conversation aurait pu en rester là mais elle vira dans des profondeurs philosophiques qu'une part de moi n'avait aucune envie d'arpenter. Et pourtant … je répondis à son interrogation d'une voix calme, comme pour illustrer ce que je savais sans pour autant l'avoir jamais réellement mentionné. Puis … j'avais la sensation qu'elle était apte à comprendre ce que je ne voulais que peu exprimer. Et en effet, elle comprit, puisqu'elle même cherchait à regarder autrement dans ses livres, ces mêmes ouvrages qui l'éloignaient d'une réalité dont je restais à l'écart. Mais savait-elle seulement ? Savait-elle que ce qu'elle lisait ne ressemblait en rien au monde qui l'entourait ?  « Si on peut ... » contestai-je en haussait légèrement un sourcil, dont l'arc brun tranchait avec ma peau pâle.  « Il est plus facile de parler de ce que l'on ne connaît pas. » Une ébauche de sourire, un dessin imperceptible étira mes lèvres charnues, un millième de seconde avant que la dureté n'assombrisse à nouveau mon regard.  « Sans doute. » répondis-je, peu vexé par un point de vue à laquelle je n'adhérais pas pour autant.  « Tu es peut-être plus heureuse sur le moment. Je te souhaite simplement de le rester, car tomber d'un immeuble de vingt étages blesse bien plus qu'un immeuble de trois. » En particulier lorsqu'une telle naïveté colorait les pensées. songeai-je en remarquant le pli boudeur d'une bouche pincée. Elle n'était qu'une enfant. Une enfant aux rêves multiples qui voyait dans la colère l'ennemi quand j'y voyais un bouclier.  « Parce que je l'ai vu. » révélai-je tandis que vibrait dans ma poche mon téléphone portable. J'y fis couler les doigts pour le saisir et lu un SMS de Minri, qui demandait à me voir.  « Un regard ne ment pas et le tien est expressif. » achevai-je en prenant mon appareil photo.  « Ma sœur m'attend mais … » Les mots n'échappèrent pas aux lèvres durcies par un passé et la méfiance qui me poursuivait. Néanmoins, j'esquissai un lent sourire que trahit un regard plus posé.  « A bientôt peut-être. » la saluai-je en me redressant. Les doigts sur mon appareil, je me souvins brutalement la photo et lui tendis ma carte.  « Pour le cliché. Envoie moi ton adresse e-mail. » Sur ces deniers mots, mon menton ploya légèrement et je m'éloignai pour récupérer mes affaires et ranger l'appareil dans sa house sombre. Certains livres disparurent, les autres rejoignirent le creux de mon bras et le sac mon épaule. Je n'avais plus qu'à ranger et quitter enfin une salle jugée étouffante, même si cette sensation s'était atténuée durant ce court laps de temps où j'avais plongé dans son regard. En réalité, j'y avais vu plus que la naïveté. J'y avais vu l'enfance perdue et les désillusions assassinées. Aussi m'immobilisai-je près d'elle avant de laisser tomber.  « Ne change pas. » De tels mots, dès qu'ils furent prononcés, m'apparurent comme une abomination et une connerie. Et pourtant, je n'y revins pas. Je me contentais de partir d'un pas souple et silencieux, une main sur la nuque et les doigts dans les cheveux. Ne change pas ... Quelle connerie.
 
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