« J'peux savoir c'qui te met d'aussi bonne humeur ? » J’me contente de sourire encore plus en guise de réponse. Il sait, je le sais aussi, on le sait tous les deux : d’ici quelques minutes ce sera son anniversaire et accessoirement, le premier qu’on passe ensemble. Pourtant j’ai pas envie de lui vendre la mèche, j’ai pas envie de lui dire que c’est ça qui me rend aussi heureuse, sinon j’me connais j’vais être infoutue de me taire et j’vais tout balancer, le cadeau et la totale. Heureusement il shoote dans le sapin à ce moment-là, et du coup j’suis tellement occupée à paniquer pour que dalle que j’suis exemptée de réponse : « Tout va bien ? Tu t’es pas fait mal ? » Na Wei lève les yeux au ciel (mais je sais  qu’en vrai ça lui fait plaisir que je m’inquiète dès qu’il s’érafle un peu) et part s’asseoir à la table de la cuisine tandis que je constate : « En tout cas, t’as fait mal au sapin. » Je me penche et commence à ramasser les boules de noël tombées pour remettre en état l’arbrisseau que j’ai négocié dur comme fer. Ça a commencé comme ça : « J’voudrais un sapin. — Non. — Oh, alleeeeeeeez, s’il te plait. » Battements de cils à l’appui comme dans les dessins animés rien que pour le faire craquer, il a finalement prononcé les mots que j’voulais entendre : « Ok mais… (J’avais déjà les yeux qui brillaient) un tout petit alors. — D’accord ! J’le visualise déjà. On le mettra là, dans l’entrée. Et on le fera aux couleurs des Gryffondor ! — On ? — Tu… tu veux pas m’aider ? » Il a fait la moue, j’ai renchéri : « Même si on le fait aux couleurs des Serpentard ? » J’suis pas certaine qu’il soit un très grand fan d’Harry Potter mais j’ai pas besoin d’une confirmation de sa part pour savoir qu’il appartient surement à la maison vert et argent. « Ok. » Y’a rien que me rend plus heureuse au monde que ses ok de rageux.

« Lui ? » J’suis encore accroupie à côté des branches mais j’ai pas besoin de me lever pour savoir de quel local il parle. Je commence à bien le connaître, à cerner ce qui lui plait, et puis surtout je sais le déchiffrer même si les autres le trouvent inexpressif. « Le lugubre ? » Il émet un son étouffé sans trop s’en rendre compte, preuve qu’il désapprouve mon appellation. En vrai, il est pas si lugubre que ça ; juste un peu sombre, et un peu excentré mais étant donné qu’être tatoueur est toujours interdit en Corée, je suppose que c’est une bonne chose. Lotus s’interpose à ce moment-là dans notre conversation, Na Wei lui demande de se taire mais comme sa demande n’est pas grand succès, il se résigne à migrer vers le canapé. Comme Lotus le suit, je décide de suivre également afin d’empêcher les deux mâles dominants de la maison de se prendre la tête. « On le garde que pour quelques jours on a dit, t'y attache pas. Déjà t'as commencé à lui donner un nom, ça me plaît moyen. » Je déteste quand Na Wei se braque comme ça, et ce que je déteste le plus c’est quand c’est le soir de son anniversaire. Pour pas envenimer les choses même si je sens que je commence à m’énerver, je prends le parti de ne rien répondre et de fixer la gueule d’ange de Lotus posé sur mes genoux. C’est le moment que choisi Na Wei pour remuer le couteau dans la plaie : « Hyun Ki en veut bien lui, puis sa fille l'adore. » Bizarrement ça me rend plus triste qu’autre chose, même s’il passe un bras autour de ma taille. Puis il se penche, et murmure : « Mais j'ai dit non. » La lumière de mes yeux doit surement se rallumer, comme mon sourire. « C’est vrai ? On peut le garder ? On le garde ? » J’en reviens tellement pas que je pourrais le répéter encore une fois, mais Na Wei plaque ses mains sur ma bouche parce qu’il est déjà minuit.

Le pauvre croit surement que de simples mains suffiront à me retenir ; c’était sans compter sur le fait que j’allais littéralement me jeter dessus. Même alors que je l’écrase entièrement, il résiste et je dois baver sur ses mains pour qu’il abandonne. « JOYEUX ANNIVERSAIRE ! » Avant qu’il se plaigne, je capture ses lèvres avec les miennes et l’empêche de respirer quelques secondes. Quand je le relâche, c’est pour lui dire : « Attends-moi ici, je reviens. » Il prend son mal en patience, j’reviens une dizaine de secondes plus tard avec une boite emballée, reprend ma place sur lui et réclame : « Si tu veux ton cadeau, il va falloir que tu fasses un truc pour moi. » Avant qu’il cherche à argumenter en me disant que c’est son anniversaire et non pas le mien, j’enchaine : « 'Cha a laissé échapper un truc, j’ai besoin de savoir si c’est vrai : t’as quel âge ? » Cette fois-ci c’est son visage à lui qui commence à se décomposer, et pour lui remonter le moral, je dis : « Mens pas parce que sans vouloir me vanter, tu passerais à côté d’un super cadeau. » Qui attend juste là, sur la table basse, gardé par Lotus qui prend son rôle très à coeur.