Arrivée en cours d'année, l'espagnole est un véritable mystère aux yeux des autres étudiants. Rares sont les mots qui franchissent ses lèvres. Silencieuse et observatrice, en cours elle passe son temps à regarder les gens. Si seulement ils savaient tout ce qui lui traverse l'esprit dans ses moments là. Et peu le sauront. Elle ne va pas vers les autres, c'est les autres qui vont vers elle. Parce que Tara elle a trop donné dans le passé. Son côté inaccessible fascine. On aimerait connaître celle qui se cache derrière ces grands yeux bleus. On aimerait connaître la vérité. Et la vérité c'est que Tara c'est le tout et le rien à la fois. Le noir et le blanc. Le bien et le mal. En une phrase Tara c'est la définition même de l'indéfinissable. Mais Tara ce n'est pas juste une phrase indéfinissable, même si elle ne rentre pas dans les cases. Elle est peut être inclassable mais l’attitude de Tara reste compréhensible. Ou pas.

Avec elle le rationnel est proscrit sous peine de prises de têtes et arrachage de cheveux. La brune est émotive. Son humeur change si brusquement que parfois elle ressent deux choses en même temps. Faut pas s'étonner de la voir rire et pleurer à la fois. Elle est illogique, à des principes sortis de nulle part qu'elle s'invente puis oublie. Même si au fond tout à une explication. Tara c'est la reine de la contradiction. La supplier c'est se prendre un mur. Un mur en pleine face. Face à son esprit contradictoire. Plus les gens insistent et moins elle a envie d'accepter. Tara est obstinée difficile – à la limite de l'impossible – de la faire céder. Souvent c'est elle qui mène la danse. Une danse sans fin, l'espagnole ne connaît pas le bouton stop. Hyperactive sans bornes. Les limites sont faites pour être dépassées. Toutes les règles, toutes les lois sont faites pour être contournés. Rebelle contre tout, sa vie est un chaos à ordonner.

Tara vit toujours dans l'excès. Un arrière goût de danger au fond de la gorge alimente son existence. Tara vit à coup d'adrénaline dans les veines. Se défonce à hautes doses de risque. Soirées interminables et se forcer à tenir debout jusqu'à la fin. Alcool qui coule à flots et boire jusqu'au seuil limite. Drogue qui circule et résister à tous les mauvais effets. Toujours tout dans l'excès. Elles n'en ratent pas une, Tara et sa sociabilité. La brune est sans-gêne et définitivement impudique. Vulgaire et bruyante quand elle est dans les parages ont ne la rate pas. Mais Tara est aussi remarquable. Elle passe pas inaperçue quand elle rentre dans un lieu. Elle attire l'attention pour mieux repousser. La brune s’autorise toutes les audaces. Joue inconsciemment avec les nerfs de son entourage. Mais attention une seule trahison et silencieuse elle laissera la personne partir mais sa rancune se fera bruyante. Si bruyante qu'elle réveillera son esprit revanchard. Prudence, Tara est un esprit en rébellion aux tendances auto-destructrices et malgré une première overdose d'action, elle reste encore incontrôlable.

« Kan, regarde je suis revenue. Je reviens comme je suis partie, du jour au lendemain. Je suis désolée – je crois que c'est par là que j'aurai du commencer – et je sais pas par quoi continuer. J'ai écris à peine trois phrases et j'ai déjà l'impression de dire n'importe quoi. C'est confus, comme moi. Avec ta lettre j'ai pas les idées claires tu comprends et puis les larmes n'aident pas. Je pleure, tu dois t'en douter. Je pleure souvent de toute façon. Et je vais sûrement pleurer quand on se reverra. Oui parce qu'on va se revoir. Je reviens pour toi.

Je sais pas encore ce que vont devenir ces quelques mots. Si je laisse cette lettre ici une fois finie ou si je l'emporte avec moi. On va, on vient, ici, ailleurs, tout est incertain. Sauf peut être une chose. Je te retrouverai, c'est certain. Tu connais déjà tous mes démons mais je vais te les présenter encore une fois. Et te faire rencontrer les nouveaux aussi. Tu m'excusera de parler autant de moi alors que tu m'as tant révélé ? Et tu me pardonnera de te parler encore de Shin ? Mais promis c'est la dernière fois.

Tu te souviens qu'on devait se voir avant mon 'départ' ? Mais je pouvais pas. Je voulais pas. Je voulais pas que tu me vois dans cet état. C'est drôle dis comme ça parce que tu m'as déjà vue dans tous mes états mais là c'était différent. Depuis plusieurs jours il faisait tout pour qu'on se sépare. Je sais pas comment dire. Il voulait pas dire que c'était fini, il était déjà passé pour le 'méchant' de l'histoire, une fois c'était suffisant pour lui. Alors il m'a poussée à bout et moi je voulais pas y croire. Mais j'ai fini par l'insulter, tu me connais. Le quitter. Et putain être forcée de dire à quelqu'un que t'aime encore que c'est terminé ... J'étais pathétique. Je voulais pas rentrer. Je savais pas où aller. J'avais besoin de tout oublier tu vois. Mais si j'avais su que se serait la soirée de trop je serai venue vers toi même si j'aurai pas réussi à t'empêcher d'aller le voir. Si j'avais su je l'aurais pas protégé jusqu'à la fin. Mais comme je savais pas j'ai fais la pire connerie de ma vie. Je suis allée chercher un peu de came auprès d'un type louche croisé en soirée. Je sais pas comment – à vrai dire j'ai pas envie de m'en souvenir – mais les choses ont mal tournées. J'ai fini au poste pour possession de drogue. J'y suis restée quelque jours sans voir personne avant que mes parents me fassent sortir je sais pas trop comment. Histoire de caution et sûrement de corruption. Je veux pas savoir. En sortant plus de portable, j'ai même pas pu parler à Se Ra. Ma cousine, ma famille. Pas de fuite possible. Ils se sont débrouillés pour m'envoyer en Espagne. Sans rien.

Et ils ont pas fait les choses à moitié. Ils m'ont renvoyée vers ma famille biologique. Ils ont toujours su comment les contacter. Une fois à Madrid j'ai compris ce qu'était vraiment la solitude. J'étais plus là pour toi, pour nous. Ils m'ont dit que je suis trop influençable c'est pour ça que j'ai fini comme ça. Que c'est pour mon bien de m'éloigner. M'éloigner de mon seul repère. C'est faux. Tu le sais. Personne ne me fait faire ce qu'il veut. A part toi. Je sais que je suis prête à faire tout ce que tu me dis. Je sais que je peux pas te dire non mais j'ai confiance. C'est pas une question d'influence. Solitude. Moi aussi j'ai une sœur. Brune comme moi. A première vue elle me ressemble. Mais sans vraiment me ressembler. Elle connaît la vérité qu'on m'a toujours caché. J'ai l'impression qu'elle en sait beaucoup sur moi. Trop. Comme si mes parents voulaient se rattraper avec elle. Je veux pas de sœur. Je veux pas de parent. Je veux être liée par le sang à personne. La vérité c'est qu'ils avaient pas prévu ma naissance. C'était un couple qui voyageait qui voulait pas se poser pour élever, aimer une gamine. Ils ont tenu trois ans. Trois ans et une dépression post-natale. Ils voulaient pas de moi alors qu'elle ils l'ont voulue. Je sais pas si elle a bien vécue, elle. Moi j'ai pas de culture. Je mélange mes voyages. Je connais pas les coutumes, les règles de savoir vivre. Alors que ma sœur elle est … si espagnole. Mes parents adoptifs, eux, ils voulaient un gosse mais ils pouvaient pas. Refusaient les méthodes médicalisées. Je sais pas comment ils ont atterri à Madrid mais ils étaient là au bon endroit au bon moment. On croit que l'Europe c'est beau. Que les conditions de vie sont faciles. Que l'adoption est difficile mais je dois être l'exception qui confirme la règle. Rey Tara est toujours l'exception. Corruption, argent, toujours, les conditions d'adoptions sont pas claires.

J'ai toujours aimé l’Espagne jusqu'à aujourd'hui. J'ai peur d'y retourner. Pourtant je m'y suis fait un ami. On peut pas m'arrêter. Dans le dos de mes parents j'ai commencé à mal tourner, encore. On ne m'influence pas. Je me fichais de savoir si ma sœur était au courant. J'ai rencontré quelqu'un qui m'a aidé. Il me fait penser à toi. Le pauvre j'ai fais que lui parler de toi. Et de moi aussi. Il est le deuxième à tout savoir sur ma vie. Il m'a aidé à revenir. Et je reviens et t'es plus là. Tu sais au fond je suis pas étonnée. J’ai toujours avancé dans la vie en détruisant tout pour tout reconstruire. Mais dis moi que je nous ai pas détruit. Ou alors dis moi plutôt qu'on va pouvoir se reconstruire. Au moins moi, parce que je suis en morceaux. Parce que toi jusqu'à la fin tu te relèvera.