A nous quatre

HAERYUNG & EUNSEOL

Tout s’est passé très vite ces derniers temps, j’ai l’impression d’être en plein rêve. Il y a encore quelques mois, papa et moi vivions tranquillement notre vie, on faisait ce qu’il nous plaisait et on profitait de nos temps libres pour s’organiser des moments père/fille digne de ce nom. Et puis un jour, sans crier gare, elle est arrivée. Cette femme sortie de nulle part qui est passée du stade d’inconnue à celui de belle-mère. Et comme si ça ne suffisait pas, il a fallu que je sympathise avec sa fille dont la tête ne me revenait pas vraiment non plus. Alors d’accord, mon père m’avait parlé de tout ça avant que ça se reproduise et j’avais accepté la situation, mais c’était un traquenard. Comment aurai-je pu m’opposer à son bonheur et fiche en l’air tout ses plans ? Je n’avais pas envie de jouer ce rôle là. Mais en voyant mon air renfrogné à son mariage et les jours qui ont suivi la cérémonie, il a vite compris. Nous n’avons bien sûr pas échappé à la fameuse scène de règlement de comptes qui s’est terminée en cris et en larmes. Je n’ai jamais été pour les disputes qui se terminent de cette façon mais j’avais tellement gardé de choses en moi que je n’ai pas pu me retenir. Surtout en la voyant s’immiscer dans la conversation. Comment osait-elle ? Elle était peut-être devenue ma belle-mère par alliance mais elle ne représentait rien à mes yeux. Elle n’était rien d’autre que la femme de mon père et il en allait de même pour sa progéniture. Les nombreux coups de fils passés à ma mère, aux Etats-Unis, n’avaient rien changé à la situation. Elle me comprenait mais ne pouvait bien sûr pas intervenir, quand bien même elle appréciait moyennement que la nouvelle femme de son ex-mari se permette de me faire des reproches. En raccrochant le téléphone, cette après-midi là, je me suis allongée sur mon lit pour réfléchir à tout ça. Un coup de fil à Hyun Ae ou Raphaël m’aurait remonté le moral mais je les sais tout deux très occupés en ce moment. Je dois donc garder ça pour moi encore un petit moment et continuer de les ignorer, tous autant qu’ils sont dans cette demeure. Je jette un coup d’œil à mon réveil et me glisse hors du lit. En arrivant au rez-de-chaussée, quelqu’un est déjà à la télévision. Mauvaise idée, c’est mon créneau. En entrant dans la pièce, je ne peux réprimer un long soupir exaspéré en voyant Hae Ryung, la belle-fille de mon père, avachie sur le canapé. Me plantant au milieu du salon, les bras croisés sur ma poitrine, je fais bien vite remarquer ma présence. « C’est l’heure de mon drama alors si tu pouvais changer de chaîne… » Et comme je m’attendais à ce qu’elle réplique en mentionnant la formule de politesse manquante à ma phrase, j’ajoute un « S’il-te-plaît. » sur un ton plus doucereux en m’avançant jusqu’au canapé. Je m’étonne d’ailleurs de ma soudaine patience, tout le monde sait que je ne suis pas connue pour ça. Je prends place dans le gros fauteuil sur lequel elle s’est installée et cherche la télécommande des yeux... Je rêve ou elle l’a cachée ? « Tu veux bien me passer la télécommande ? » Et cette fois, elle ira se faire voir pour sa formule de politesse. Ma patience a très vite ses limites.