J'en pouvais plus de ces fichues courbatures... ça m'apprendrait à mal m'échauffer, avant de répéter. Voila que je m'étais blessé à la cheville comme un abruti, du coup. Boitillant un peu à la sortie du bus, je rejoignis le dortoir dans un soupir de soulagement et passais la porte rapidement. Après un coucou lancé aux pyo présents dans la salle commune, j'osais demander si quelqu'un aurait éventuellement l'envie de commander des pizza avec moi, parce qu'honnêtement, j'avais la flemme de me faire à manger. Personne. Tous fauchés, qu'ils disaient. Ah ben bravo, hein ! Forcément, on était à la fin du mois, alors ils attendaient tous de recevoir la prochaine paye de leur bourse... halala... les étudiants. Ils pouvaient crever pour que j'achète une tournée générale, j'étais pas généreux à ce point. Tans pis, ça serait ramens et tartines de nutella. Dans un soupir, je remontais donc mon sac de sport sur mon épaule et pris les escaliers pour arriver jusqu'à mon étage, avant de chercher les clés de la chambre. Promis... j'allais juste manger et m'écrouler sur mon lit après la douche, ce soir. Enfin ça, c'était sans compter sur l'imposante silhouette présente au fond du couloir et qui me fit d'abord penser à Jae In, de loin. Peut-être que lui, il voudrait bien manger avec moi, tiens. « Hé ! Kwon ! » Ouais, les 'hyung' et compagnie, j'avais du mal à les utiliser autrement qu'avec mon manager et notre ancien leader... ça faisait péter des câbles à Sejin et honnêtement, juste à cause de la tête que ça lui donnait, mon petit manque de respect, j'avais décidé de continuer. « T'as déjà mangé ? Tu voudrais pas qu'on... ? » Lorsque le type se retourna vers moi, suite à mon interpellation, je me figeais alors sur place sans même m'en rendre compte. Non... ? C'était... ? « Tu plaisantes... ? » Vu la taille qu'il faisait, là, jamais je n'aurais pu le reconnaître de dos. Depuis quand il était devenu si grand, d'ailleurs ?! Complètement pris de court part la présence de mon aîné que je n'attendais presque plus, depuis le temps qu'il était parti pour... se reposer l'esprit, disons, il me fut impossible de cacher l'émotion que sa rencontre venait de provoquer. Je laissais donc mon sac glisser par terre et accourus vers lui en ignorant complètement mes courbatures, pour atterrir dans ses bras sans lui demander s'il était d'accord d'avoir un câlin de ma part ou non. Honnêtement, j'avais envie de pleurer. Je ne comprenais même pas pourquoi le fait de le voir me faisait un effet pareil, mais c'était vraiment là. Le soulagement. Une présence familière. La vérité, c'est que j'avais été incapable de me refaire de vrais amis depuis qu'ils étaient tous partis, pour une raison ou pour une autre... la faute à mon caractère et à mon emploi du temps, hein ? « T'es rentré... » Je pris le temps de ravaler les larmes qui m'étaient montées aux yeux, avant de me redresser pour faire un pas en arrière et ainsi pouvoir être à peu près face à lui. Pas facile, quand je lui arrivais à peine à l'épaule...

Quand il lève les yeux vers la façade, le grand brun a du mal à se dire que la dernière fois qu’il était là, c’était il y a deux ans. Deux ans déjà. Deux ans, c’est long qu’il se dit. Il se sent comme un étranger, le « petit » nouveau comme il a pu l’être lors de sa première année, des premiers pas foulés dans la grande université. Est-ce que ça lui a manqué ? Il sait pas trop en fait. Il a passé de bons moments ici mais quand il y repense, la fac, les cours, la pression, c’est un peu ce qui l’a poussé à partir. Alors s’il revient ici, c’est pas pour le cadre, c’est pas pour le plaisir des fans, ni pour celui de son entourage. C’est pour lui qu’il est là Jun Ho. Et aussi pour celui qu’il a toujours considéré comme un second petit-frère. C’est pour ça qu’il est là, le sourire aux lèvres alors qu’il remet les pieds dans ce dortoir. Il essaie de passer inaperçu mais c’est pas vraiment facile quand on est une grande asperge comme lui. Mais emmitouflé comme il est dans sa grosse écharpe, le bonnet enfoncé jusqu’aux yeux, ils attirent les regards mais seulement par son imposante silhouette, pour le géant qu’il est. Personne ne se doute de qui il est mais c’est pas un truc qui le dérange, au contraire. Si on pouvait l’oublier le grand garçon, il serait heureux.

Il disparaît dans le couloir et se met à la recherche de la chambre. Il se défait de son attirail, remet sa touffe brune en place bien que quelques mèches se rebellent et il attend. Il a essayé de toquer mais personne ne lui a répondu. Alors il attend juste devant, tranquillement, un livre ouvert. Mais il est trop impatient le gosse, il relit plusieurs fois la même phrase, beaucoup trop pour se concentrer. Il jette le bouquin dans son sac et fait les cents pas, tourne en rond comme un lion en cage. Il est pas très patient Jun Ho mais on peut le comprendre, il est pressé de revoir la bouille de ce bonhomme qui a partagé sa vie pendant plusieurs années. Et là, il entend sa voix. Ça le fait sourire le géant, encore plus quand le gamin le reconnait pas. Il a peut-être changé en deux ans, lui il s’en rend pas compte. Il a moins de cheveux ? La coupe militaire, c’est pas ce qui défigure quand même. Enfin, c’est ce qu’il pense. Alors il se retourne, le regarde avec la banane aux lèvres et sans attendre, parce qu’il sait ce qu’il va se passer, il ouvre grand ses bras pour réceptionner le petit. « Bah alors Kimichi, tu m’as oublié ? C’est pour ça que tu m’as pas reconnu ? je sais que deux ans c’est long mais quand même ! ». Il laisse le plus jeune se reculer et le regard avec affection. « Et non j’ai pas encore mangé. On s’commande une pizza et tu me racontes c’que tu deviens ? J’suis sûr que t’as pleins de trucs à m’raconter ! ». Il se sent chez lui Jun Ho, avec son ami, son frangin. Il est bien là et il est heureux d’être là, d’être revenu ici au final.

Junho, Junho, c'est Junho. J'étouffais un rire à sa première remarque et inspirais profondément pour reprendre ma contenance, avant de lui sourire largement, malgré mon regard un peu vitreux. « Presque pas reconnu... mais t'as toujours la même tête d'oeuf. » Faux, évidemment. Ce mec était, disons, splendide et je disais ça en mode no homo. C'était pas pour rien qu'on lui proposait toujours à lui de faire des shootings de mode, il avait carrément une gueule de mannequin. Et la taille... voir même plus. « Okay, va pour une pizz' ! » Deux ans d'armée... je ne me réjouissais pas vraiment d'y aller, mais bon, il restait encore du temps pour ça, heureusement. Après avoir soupiré lourdement de soulagement, je sortis donc les clés de ma chambre et nous ouvris la porte, le moral regonflé comme jamais de par la simple présence familière de mon ami. Une fois à l'intérieur et mon sac balancé un peu plus loin, je retirais alors mes chaussures, le laissait faire de même, puis lui proposais de nous poser sur le lit pour être à l'aise. « C'est tellement cool que tu sois revenu ! T'es aussi étudiant, alors, maintenant ? T'es arrivé quand ? On va se voir plus souvent ! C'était comment l'armée ? Tu vas arrêter de grandir, hein ? » Depuis quand je parlais autant ? Aucune idée... je me calmerais d'ici quelques minutes. Tout en sortant un dépliant pour choisir nos pizza avant d'appeler pour commander, je restais attentif à ses réponses, une boule d'énergie bouillonnant en moi et m'empêchant de tenir en place.