La course du temps file et défile inlassablement, inexorablement. Peut-être Hera s’y prenait-elle à l’avance mais assurément le jour J serait là bien plus tôt qu’il n’y paraissait. Quel jour ? Celui de la Saint-Valentin, ou plutôt, de la fête des amoureux en décaler que la jeune femme et son petit ami irait passer sur un week-end dans sa cité natale : Singapour. Pour l’occasion, Hera avait vu les choses en grand, fidèle à elle-même. En très grand même, car la démesure prenait une toute autre envergure dans l’extravagante Cité du Lion. C’était univers si éloigné et différent de la Corée du Sud et la native amoureuse de son état avait une folle hâte d’en faire découvrir les merveilles – et la supériorité – à son petit ami. Certes celui-ci y était déjà allé par deux dans leur enfance, mais il ignorait encore tant de chose sur les trésors dont regorgeaient cette terre où le summum de la modernité côtoyait la vie sauvage entre forêts tropicales et vue sur l’océan…

Elle rêvassait lorsque la voix de Il Nam la ramena à l’instant présent. Non, elle n’était pas encore de retour chez elle pour contempler cette vue qui l’avait bercé durant toute son enfance, mais dans la cuisine des dortoirs Neugdae. Trahison ? Attaque ? Non, juste un cours de cuisine ou plus exactement une leçon de pâtisserie dispensée par Il Nam. Exceptionnellement, le deal avait changé. En contre-partie des conseils avisés d’ordre diététique de la renarde, le loup lui enseignait habituellement l’art de manier la batte. Une maitrise plutôt utile lorsqu’on partageait un dortoir rempli d’énergumènes en tout genre et face auxquels on devait imposer son autorité malgré une apparence plus… mignonne qu’imposante. Aujourd’hui, Hera lui avait demandé de lui apprendre à confectionner… des chocolats. 

Oui, peut-être avait-elle prévu un week-end inoubliable et sortant de l’ordinaire, cependant, la renarde avait envie d’incarner la « parfaite petite amie ». Or, elle ne savait guère en quoi cela consistait plus que ce qu’elle n’avait pu en apprendre à travers ses lectures, les dramas qu’elle avait pu regarder, en grande amatrice avec ses deux soeurs aînées – et leur frère aussi, otage de trois soeurs un soupçon archi-possessive à son égard. D’après ces références et selon la culture sud-coréenne, il était d’usage que la fille offre des chocolats à celui qu’elle aime. Bien sûr, Hera aurait pu en acheter un ballotin dans une chocolaterie de luxe, mais l’intention n’était pas plus touchante si elle les confectionnait elle-même ? Sauf que Hera faire la cuisine…
« J’ai appris à cuisiner depuis que je suis à la Yonsei ! Un peu… » rétorqua-t-elle spontanément en anticipant une quelconque remarque ou rien qu’un regard sous-entendeur de la part de son professeur du jour.
« Quand bien, je suis une excellente élève qui apprend très vite en tout domaine ! Tu en as déjà eu la preuve ! »
Là où elle apprenait un peu moins vite c’était en matière de modestie, et pourtant, elle avait tout de même déjà fait de très gros progrès !  Elle était ainsi Hera, un sacré tempérament mais quand on parvenait à s’y faire, paraissait-il qu’elle pouvait être presque attachante. Enfilant son tablier, elle balaya le plan de travail du regard :
« Par quoi commençons-nous, Professeur Gwak ? »