Gros planning pour aujourd'hui, il fallait que j'arrive à faire quelque chose des tenues vestimentaires d'Hana, histoire qu'elle soit un peu présentable en public... et je sentais que ça allait être un mini défi en soi. Hana. Qui c'était, vous alliez me demander, hein ? Honnêtement, les choses s'étaient enchainées trop vite dans notre relation pour que je puisse moi-même vous répondre avec précision, mais en allant un peu fouiller sur internet et en entrant mon nom sur google, vous découvririez facilement qu'actuellement, la jeune femme était ma petite amie (remerciez mon manager et le CEO pour cette merveilleuse idée...). Pure idée marketing... un peu débile, si vous vouliez mon avis sur la question, mais je n'avais râlé que peu de temps, avant de céder face à leur idée du siècle. À la base, mon agence l'avait surtout engagée comme prof pour m'aider à améliorer ma logique et mon calcul mental, en vue d'une future émission. On s'en serait tenu à ça si des gens n'avaient pas eu la meeeerveilleuse idée de nous prendre en photo, alors qu'on bossait ensemble au centre de documentation de la fac. Photo, internet, rumeurs... en à peine une journée, les gens avaient commencé à s'affoler sur la toile et la suite... ben vous la connaissiez.

Alors voila. Hana, c'était donc « ma copine », maintenant, et comme on lui demanderait de m'accompagner à différentes réunions publiques, il faudrait qu'elle présente bien en société. 'Vas-y toi', qu'il m'avait dit, mon manager, 'Ca vous rapprochera un peu'. Je le soupçonnais FRANCHEMENT d'essayer de nous caser pour de bon l'un avec l'autre, mais c'était pas en faisant un forcing pareil que le mec arriverait à ses fins. Je veux dire... ni l'étudiante, ni moi, n'étions au courant de quoi que ce soit concernant le concept d'être en « couple » et croyez-moi que ça se voyait. Je ne savais pas réagir avec les filles... alors je me comportais comme si elle était l'un de mes potes mecs. Le gars trop doué.

Une fois arrivé devant le dortoir des Neugdae, je m'assis sur les marches d'escalier et sortis rapidement mon téléphone de ma poche pour envoyer un sms à la jeune femme et lui indiquer que j'étais arrivé. En attendant de la voir arriver et une fois l'appareil rangé, mon côté hyperactif finit par avoir raison de moi au bout de quelques secondes, me poussant donc à me relever, a monter toutes les marches et à m'asseoir sur la rambarde pour ensuite me laisser glisser jusqu'en bas des escaliers. Oui... exactement, comme les enfants.

Hana attirait les ennuis. Oui, c'était définitif. Elle ne savait pas comment, mais elle les attirait, comme le miel attire les abeilles. La poisse est un concept qui est dénué de sens, donc elle refuse d'y croire mais... Mais franchement, franchement. C'est à se demander si quelque chose ne clochait pas dans sa bonne étoile. Ou si elle n'en avait aucune, tout court. Au départ, elle avait simplement été embauchée pour donner des cours particuliers à une célébrité – et vu le cachet qu'on lui avait proposé, impossible de refuser. Et tout ce serait admirablement bien passé si des paparazzis et des fans tarés n'avaient pas décidé de s'en mêler. Des photos. Bon sang. Des photos, d'eux, partout sur internet. Elle avait essayé d'en supprimer, mais d'autres étaient aussitôt remises en ligne. Puis des journaux. Et... Situation impossible à gérer, en fin de compte. Un gros scandale... Hana poursuivit par des photographes, vous vous rendez compte de l'horreur, elle qui supporte difficilement même les photos d'identité ? Et au final, un arrangement : une somme assez conséquente, suffisamment pour que Hana accepte de jouer le jeu, quelques privilèges et en échange... Ils font durer la supercherie pendant quelques temps. Hana et Min Hyuk, the nouveau couple dont on ne cesse de parler dans les médias. Seule ombre au tableau ? Hana est une handicapée sociale et encore plus lorsque cela concerne les relations amoureuses. Puis, elle ne correspond pas vraiment à l'image qu'on peut se faire d'une parfaite petite-amie bien féminine toute cute toute choupinou.
Elle traînassait tranquillement dans sa chambre lorsque Min Hyuk lui envoya un sms. Qu'elle le rejoigne, en bas, dans une quinzaine de minutes. Bon. Une fois en tenue, c'est-à-dire jeans, petit pull, veste et casquette sur la tête, là voilà en route. Ah oui, aussi, surtout. L'indispensable. Les lunettes de soleil. Histoire d'être incognito. Dur dur, la vie de célébrité.

« Tu vas te casser la gueule. L'inclinaison à laquelle tu glisses est merdique. Ton poids ne se répartit pas correctement et tu vas finir avec une jambe cassée et ta carrière sera finie. Et t'auras plus le sou, et tu mourras de faim. » Ou comment dire bonjour, à sa manière. Elle prit son sac à dos, le posant sur la dite rambarde, d'une certaine manière puis... « Bingo ! T'as vu, il a glissé bien comme il faut. Pas comme toi, quoi. Mais c'est pas grave. Continue à t'entraîner. Et fais des calculs. Je sais que c'est pas ton fort, mais faut pas abandonner. » Elle lui donna une petite tape encourageante sur le dos. « Tu voulais me voir pourquoi ? Je dois encore me préparer à affronter une conférence de presse ou une connerie du genre ? Oublie pas qu'il me faut au moins trois jours pour me mettre dans le mood. » Ah, si seulement elle savait ce qui l'attendait. Sûrement qu'elle préférerait encore baigner dans les flashs des photographes à la partie de shopping qui l'attendait.

« Tu vas te casser la gueule. L'inclinaison à laquelle tu glisses est merdique. Ton poids ne se répartit pas correctement et tu vas finir avec une jambe cassée et ta carrière sera finie. Et t'auras plus le sou, et tu mourras de faim. » Ca... c'était Hana. Même sans la voix, j'aurais reconnu l'énergumène à sa façon de voir la vie. Okay... donc, juste pour une question d'inclinaison, j'étais à deux doigts de rater ma vie, c'est ça ? Aigo... ça commençait. « Regarde, ta théorie est faussée par la pratique, ma jambe va bien ! Ma carrière est sauvée. » J'agitais cette dernière pour lui montrer. BAH OUAIS, parce que nous, les humains, on possède une variable qui s'appelle équilibre. Quoi qu'il en soit, je descendis de là et la regardais un peu en l'écoutant continuer de causer. Okay okay, donc là, elle était en train de dire que son sac était meilleur que moi. Je me faisais comparer à un maudit sac... « Tu t'arrêtes jamais, hein ? » Je ris un peu, autant pour essayer de me détendre que de ne pas monter les tours tout de suite. C'était pas la peine de m'énerver... Hana était simplement 'différente' du commun des mortels. Parfois, je me demandais même si elle n'avait pas été élevée dans une base secrète souterraine, à l'abri des contacts humains ou de la société en général. Ou alors, peut-être qu'elle venait d'une autre planète ! Les femmes folles, j'en croisais tout plein avec les fans... mais elle, c'était encore autre chose. Oui...

« Alors non, aujourd'hui, tu vas venir avec moi, on va t'acheter une robe ! » Je lui offris un grand sourire et tapotais son épaule, avant de ramasser son sac pour le lui tendre ensuite, tout en me mettant déjà en route (comme ça, ben elle serait obligée d'avancer pour récupérer son bien). Une robe... et d'autres trucs un peu féminins, d'ailleurs. « Parfois, je me demande comment ça se passe dans ta tête... tu vois des équations partout ? »

Heureusement qu'il ne se vexait pas. Heureusement que bon nombre de ses amis ne se vexaient pas. Parce qu'Hana était Hana, avec des remarques pas toujours bonnes à entendre, un oubli total des règles de bienséance et même du plus simple politiquement correct : dire bonjour ? Pourquoi pas, mais le prévenir quant au fait qu'il allait peut-être gâcher toute sa carrière et finir sous les ponts parce qu'il glissait comme une merde sur cette rambarde lui semblait bien plus important. Une preuve de son affection pour lui : elle l'aidait à ne pas sombrer et à sauver son futur. Trop de bonté en elle. Pas la peine de la remercier, Hana était naturellement généreuse, que voulez-vous. « Pour le moment. Il y a une chance sur cinq pour que tu tombes en glissant, une chance sur soixante-quinze pour que ta jambe se casse et enfin une chance sur trois cent pour que la blessure puisse réellement impacter l'utilisation de ta jambe à des degrés qui peuvent différer. » Mieux valait le confronter dès maintenant à des faits scientifiques, histoire qu'il n'ait pas un comportement qu'il pourrait regretter par la suite. « Arrêter quoi ? » qu'elle lança le plus innocemment du monde comme si de rien n'était. Parce que, pour elle, rien n'était. Jusqu'ici, elle était relativement de bonne humeur, affichant une petite sourire puis...

« Quoi ? Non. Non non non. Non. » Comme un ordinateur qui était en train de buguer. Elle le suivait, essayant de reprendre son sac tant bien que mal. « J'aime pas les robes. J'aime vraiment pas les robes ! Et d'ailleurs là je vois plein d'équations qui m'indiquent qu'on ne doit pas surtout pas aller acheter des robes. J'aime pas les robes ! » Comme une gamine, maintenant. Elle ne s'y sentait pas bien, dans les robes. Elle préférait les pantalons, à la limite les shorts, mais pas les robes. Mais il ne lâchait toujours pas son sac, elle n'arrivait pas à le lui reprendre... Et ils étaient déjà loin du dortoir. Même le génie qu'elle était avait compris que toute sa bonne volonté pour éviter la séance shopping ne servirait plus rien. « Quand je vois des formes, je les perçois directement en forme... Géométriques, et je les décortique selon les courbes, les aires, les volumes... Puis des équations, etc. En fait, c'est juste que si pour d'autres, une horloge est juste une horloge, pour moi il s'agit d'un cercle d'une certaine aire d'un certain diamètre avec un certain angle pour les flèches qui indiquent l'heure etc. » Autrement dit, un phénomène plutôt étrange mais auquel elle s'était habituée : elle était comme ça depuis gamine, et n'avait jamais perçu le monde comme les autres. Ce qui expliquait aussi ses petites remarques étranges, comme celle concernant la rambarde. Et les incompréhensions qu'elle pouvait avoir avec le commun des mortels. « Tu sais que le risque de me blesser aux jambes en portant une robe est multiplié par deux ?  Tu sais que je risque de prendre froid ? Tu sais que le pantalon est le symbole même de l'émancipation sexuelle des femmes et de toutes les avancées féministes ? » Elle déballait tous les arguments qu'elle avait en tête en espérant qu'au moins l'un d'eux ferait son effet. Désespérée la petite.