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    :: Défouloir :: 2017

way down we go ❄ naka

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way down we go ❄ naka | Lun 30 Jan - 21:38
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way down we go
naru & kali (#naka)

 
Il est sorti. Il est sorti, le monstre. Il est sorti, le démon. Il est sorti, le… moi ?
C’est moi, ça ?
Je sais pas, je sais pas, je sais plus. J’étais juste parti pour faire un tour. J’voulais plus rester à l’intérieur, j’étouffais là sous les draps. Ça fait deux jours que j’dors pas, ça fait deux jours que j’dors plus. Deux jours que j’revois son visage quand j’ferme les yeux. Son visage, son corps mort et le sang. Le sang, oui. Du sang. Partout. Et puis du sang aussi sur… elle ?
Elle… Kali ?
Kali et ses yeux fous, Kali et ses cris, hurlements de rage et de peur aussi. Kali et son air fier, si fier. Kali indépendante, Kali qui n’a besoin de personne. Mais Kali fragile au fond, si fragile. Et puis Kali qui réveille le moi. Pas le moi mauvais non, le moi bon. Celui que j’croyais mort, celui que j’croyais enterré. Pourtant ressuscité par son regard à elle.
Elle… Kali.
Mais j’suis parti. J’suis parti parce que j’étouffais, j’suis parti parce que j’voulais plus. J’voulais plus rester là, entre ces quatre murs, le cerveau encombré, les paupières gravées. Et cette image, oui, cette image imprimée sur la rétine.
Alors j’suis parti. Moi la bécane, la route. Juste nous trois, rien qu’nous trois, toujours nous trois. J’suis parti pour me calmer. J’avais pas prévu d’croiser c’type.
Ce type, j’sais même pas qui c’est. J’sais même pas c’qu’il a fait non plus. Enfin, j’sais plus. J’sais juste que maintenant il est là. Là, par terre. Là, allongé sur le bitume. Il est là et il bouge plus. Il est là et y a du sang. Y a du sang. Partout.
Du sang.
Partout.
Sur lui d’abord. Mais sur mes mains aussi. Sur mes vêtements aussi. Et j’ai mal. Je crois ? Oui j’ai mal. Mais j’suis pas blessé. Non, j’ai mal… aux poings ?
J’sais pas, j’sais plus, j’parviens pas à m’rappeler de c’qui s’est passé. J’parviens juste à le regarder lui. Et le sang. Partout. J’ai envie d’vomir mais j’sais même pas pourquoi. Dégoût ? Peur ? Sûrement les deux.
J’ai peur.
Il est… mort ?
(J’suis un… meurtrier ?)
J’ai l’impression qu’y a une éternité qui s’passe avant qu’ma main trouve le chemin de ma poche. Puis d’mon téléphone. J’pianote mécaniquement, j’réfléchis pas, j’réfléchis plus. J’laisse mes doigts s’débrouiller, ils sont habitués. Et même quand ça décroche, j’arrive pas à émerger. Y a une deuxième éternité qui s’passe avant que j’commence à parler. « Il bouge pas. Il bouge plus. J’crois… j’crois qu’il est mort. Il… je… J’sais pas c’qui s’est passé. Y a… du sang Partout. Oh mon dieu j’crois… j’crois qu’il est mort. » J’crois que j’perds pied, j’crois que j’me noie – j’crois qu’moi aussi, j’suis en train d’mourir.
J’me penche en avant, dos voûté. Et j’vomis. Mais j’ai rien à vomir. Y a que d’la bile. D’la bile qui m’détruit la gorge, m’détruit l’cœur aussi.
Viens. S’il te plaît viens. Me laisse pas.
« J’suis… Hongdae. Derrière le… » J’sais pas, j’sais pas c’que c’est putain. « Epsilon. » Et j’raccroche. Sans prévenir. J’ai peur.
J’ai peur et… J’ai besoin d’toi.
J’ai besoin d’toi, s’il te plaît viens, me laisse pas.
(Sauve-moi.)

✻✻✻
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Re: way down we go ❄ naka | Lun 6 Fév - 14:08
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way down we go
naru & kali (#naka)

 
« Bordel il est quelle heure… » Qu’est-ce qu’ils ont tous, à toujours faire sonner mon tel au beau milieu de la nuit ? Ok, j’admets, souvent j’dors pas parce que c’est quand il fait noir que je vis mais quand même, y’a toujours une âme en détresse pour venir me déranger quand j’suis plongée sur des plans bien compliqués. Est-ce qu’ils pensent que les trucs se volent tout seuls ? Ça doit être Min Hwan, ou Jae Duk ; tous les deux se liguent  régulièrement contre moi, soit disant je passerai trop de temps à préparer les coups, ils aiment bien me dépeindre comme une maniaque du contrôle, c’que j’suis pas. J’attrape l’iphone d’un geste tout sauf pressé, mais j’me précipite soudainement pour décrocher quand j’vois le nom qui s’affiche. Naru. Naru et moi on s’appelle quasiment jamais, c’est uniquement pour les trucs importants, les grandes occasions. Comme la fois où j’ai pris une balle bien méritée. Avant ça, quand notre relation était moins… ambigüe, juste après l’enterrement, j’le harcelais cinq à six fois par jour juste pour checker comment il allait. Mais nos conversations étaient aussi courtes que régulières et se limitaient généralement à ça : « Pourquoi t’appelles encore. — J’voulais vérifier que t’étais pas crevé quelque part. (J’voulais entendre ta voix). — Bin j’suis vivant.Cool. J’vais raccrocher alors, bye. » Puis il a commencé à aller mieux, un peu, vraiment juste un peu, mais comme il recommençait à sortir de chez lui pour faire ses courses lui-même j’me suis dit qu’il était temps que j’lui laisse de la latitude et depuis, on se téléphone vraiment plus rarement (mais on se voit beaucoup plus).

Ça m’inquiète, son nom qui s’affiche.

« Naru ? » Seul le silence accueille ma voix, j’le laisse trainer quelques secondes, j’le brusque pas. Je compte jusqu’à trois, puis je relance : « Na… Naru ?Il bouge pas. Il bouge plus.Qui ? Qui ça, Naru ?J’crois… j’crois qu’il est mort. Il… je… J’sais pas c’qui s’est passé. Respire, ok ? Respire.Y a… du sang Partout. Oh mon dieu j’crois… j’crois qu’il est mort. » Il m’entend à peine, j’le sais parce qu’il ne réagit pas à ce que j’lui dis. On dirait qu’il est passé dans un autre monde, un monde dans lequel j’ai du mal à le suivre mais je m’accroche parce que c’est lui, et que j’ai pas envie d’le perdre. Un bruit malaisant perce l’appareil, j’entends Naru rendre ses tripes de l’autre côté du fil. Juste après, j’lui demande : « Où t’es ?J’suis… Hongdae. Derrière le… Epsilon.Ok, bouge pas. Atten- » Pas le temps de lui dire attends moi, j’arrive que déjà la sonnerie caractéristique du vide vient me bloquer. Il est plus là, il a raccroché. J’suis toute seule avec mon téléphone à la main, ma panique grandissante et la peur qu’il lui arrive quelque chose.

La bagnole avale les kilomètres comme une furie. Si rapide que j’aurais surement gagné la course si y’en avait eu une. L’avant du Epsilon est blindé de jeunes complètement bourrés, je ralentis pour éviter d’écraser un trio d’étudiantes venues décompresser de leur semaine en train de tituber. Au tournant d’après, un couple s’embrasse presque en plein milieu de la route. Je fais rugir le moteur, c’est ma manière à moi de klaxonner, ils s’empressent de se décaler en riant. J’écrase l’accélérateur de nouveau pour faire le tour du bâtiment, me gare à l’arrache dans un parking logiquement réservé au personnel auquel j’ai accès grâce à Na Wei, avec qui j’ai bossé quelques fois et qui m’a fait grâce de la carte qui ouvre les barrières. De là j’tente de réfléchir : si Naru a buté un mec, il est forcément dans un coin où y’a peu de passage. Une sortie extérieure, une porte qui donne sur l’arrière, quelque chose comme ça. J’me mets à courir comme une idiote, la musique traverse les murs qui ne laissent passer que les basses, mes pompes résonnent de manière effrénée.

Puis j’le vois, Naru.

« Putain… » C’est le seul mot qui me vient aux lèvres quand j’le découvre, avec son regard hagard, ses mains tremblantes. Je m’approche du corps à ses pieds, pose mes doigts sur la gorge pour chercher le pouls, retiens un soupir de soulagement : « C’est bon, il est pas mort. » J’le couche en position de sécurité, reprends mon portable et compose le numéro de Na Wei. « Faites qu’il bosse ici, pitié faites qu’il bosse ici… » Au bout de trois interminables sonneries, j’entends sa voix qui me demande c’que j’veux. « Tu pourrais m’couvrir pour un truc ? J’te revaudrais ça, j’le promets. Mais là j’suis vraiment, vraiment dans la merde. Mon mec a déraillé chez toi et… » Mon mec. Naru est trop perturbé pour y accorder de l’attention, tout du moins j’crois. On est tous les deux accroupis au bord du corps inanimé, j’me ronge les ongles un instant avant de reprendre : « S’il te plait… » J’aime pas implorer. Je déteste implorer, mon père faisait tout le temps ça quand on était gamines, parce qu’il pouvait pas payer le loyer, ni la cantine. Et moi j’me promettais muettement que ça m’arriverait pas. Mais si c’est pour Naru j’veux bien le faire, si c’est pour Naru ça vaut le coup. « Il a tapé un mec et… » Je sais, j’ai le don de choisir les types biens, un peu comme ta nana. « Et si j’appelle les secours ça va nous retomber dessus comme jamais. » Il accepte, je raccroche et attrape Naru par le bras. « Viens, on s’tire. Un ami va s’en occuper, ok ? » Ses yeux ont du mal à se fixer, j’devine qu’il se remémore le corps de Joo dans la baignoire. « NARU ! C’est terminé, tu m’entends ? C’est terminé, viens là, viens… » J’le prends contre moi, il se laisse faire parce qu’il tremble trop pour se dégager, et mes bras se referment autour de sa taille pour le maintenir debout tandis qu’on s’éloigne pour rejoindre la voiture.

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Re: way down we go ❄ naka | Lun 6 Fév - 21:50
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way down we go
naru & kali (#naka)

 
J’ai fait beaucoup d’conneries dans ma vie. J’crois. Ouais, en fait j’en suis sûr. J’me suis battu, une fois, deux fois, trois fois. Trop d’fois pour compter. Y a la rage, cette rage, qui coule dans mes veines, en permanence. Qu’jessaie d’réfréner, en permanence. Et puis y a des jours. Et puis y a aujourd’hui. Aujourd’hui où tout débloque. Aujourd’hui où tout déconne. Et j’parviens pas à retirer mes yeux du corps qu’est là, du corps qui bouge pas. Qui bouge plus. Comme s’il était mort.

Mort.

J’sens mon repas qui commence à m’remonter dans la gorge. Encore. J’sens que j’vais vomir. Encore. Mais y a cette voix, cette voix qui m’réveille un peu. J’la connais ? J’sais pas, j’sais plus, j’suis perdu. J’lève les yeux, j’distingue une silhouette pas loin. Cette silhouette que j’mets un moment à reconnaître, qui m’apparaît pourtant comme une évidence. Kali. Kali, elle est venue. Kali, elle est là. Kali, elle a toujours été là.

Kali.

J’perçois pas c’qu’elle dit, j’sais juste qu’elle parle, j’capte quelques mots. Mort. (Il est vraiment mort alors ?) Couvrir. (Pourquoi elle veut m’couvrir, moi l’meurtrier ?) S’il te plaît. S’il te plaît. Kali qui dit s’il te plaît. Ça devrait pas m’faire quelque chose ? C’est bizarre, Kali qui dit s’il te plaît. Mais j’y fais pas gaffe, mais j’retiens pas. J’m’en fous d’tout ça. J’sais juste qu’elle est là, maintenant, tout près, qu’elle est venue m’sauver, qu’elle va m’sauver. J’m’accroupis à côté d’elle et là j’le revois. Le corps. Il a bougé. Enfin j’crois. Changé de position. Mais y a toujours… y a toujours le sang. Partout. Enfin j’crois. Enfin j’sais pas. J’sais juste que j’ai peur, j’sais juste qu’j’ai toujours eu peur. Y a l’fleuve ardent de la terreur qui coule dans mes veines, et puis broie mes entrailles. J’ai peur. Mais y a cette force. Cette force qui m’dit qu’c’est terminé, qui m’oblige à m’lever, me serre contre elle. J’sens son corps et puis j’crois qu’j’entends son cœur. Un peu. Ou alors c’est l’mien, qui bat à la vitesse de l’éclair. Qui veut pas s’arrêter, qui peut pas s’arrêter. J’crois que j’vais mourir. Est-ce qu’il peut m’tuer, mon cœur qui bat trop vite ?

On bouge, j’sais pas où on va. J’avance par automatisme. Comme un robot. Y a une porte qui s’ouvre, j’entre, j’sais pas comment, j’sais pas pourquoi. Puis l’moteur qui rugit. Et c’est là qu’j’commence à paniquer. Que j’recommence à paniquer. J’ai les yeux un peu fous qui s’dressent, qui s’promenent, cherchent. J’ai les yeux un peu fous qui trouvent pas. « Où, il est où ? » Il est où l’cadavre, l’mec qu’j’ai tué. Il était là putain, il est où maintenant ? Pourquoi on est partis, on est où, on va où ? J’réfléchis pas bien, j’crois y a un truc qui s’est rompu dans ma tête. J’tourne la tête vers elle, j’sais qu’j’dois avoir l’air d’un fou. J’sais qu’j’dois lui faire peur.

J’te fais peur, dis, quand j’suis comme ça ?

J’agrippe son bras avec mes mains et j’serre un peu. Un peu trop fort sûrement. Y a un flash qui jaillit dans ma tête. De cette fois où c’était elle, à ma place. Où c’était elle, qui serrait. Mais ça part comme c’est revenu. Y a plus qu’ce gouffre. Celui dans lequel j’me noie. La peur qui m’ronge de l’intérieur. Et puis la haine, aussi, un peu. Et puis la colère (j’crois qu’elle revient). « Il est où putain, il est où ? » Et j’sais même pas pourquoi j’ai envie d’le revoir. J’sais même pas pourquoi j’veux y retourner. Sûrement pour y crever.

J’serre un peu plus fort. Pendant un instant, j’me demande si j’lui fais pas mal. Un seul instant. Ça dure pas. J’sens juste la voiture qui s’décale, j’crois qu’elle ralentit, j’crois qu’elle s’arrête. J’sais pas. J’sais plus. J’réfléchis pas. « Il… j’sais même pas c’qu’il a fait, je… J’me suis juste… J’sais pas ok j’sais pas. J’me rappelle même pas d’la scène. Y a… y a juste du noir. Y a du noir et… et puis… » J’crois qu’c’est ça ouais, c’est ça qui m’rend fou. D’pas savoir c’qu’il a fait, d’pas savoir c’que j’ai fait. D’avoir juste mal, là, dans mon corps. D’avoir juste mal, là, dans mon âme.

C’est la première fois, Kali, tu sais. Que j’me rappelle pas, que j’me rappelle d’rien. J’crois qu’j’suis en train de devenir fou. Ou alors peut-être que j’le suis déjà. Fou ? J’suis fou ? Dis, Kali, tu penses que j’suis « fou ? ». J’crois que j’divague, j’sais même plus si c’est à elle que j’parle où à moi-même. J’ai même plus conscience qu’elle soit là en fait. Juste un peu. Cette présence que j’perçois du coin d’l’œil. Qui m’fait m’dire que j’suis pas seul. Même si y a c’trou dans mon cœur. « J’voulais pas, j’te jure, j’voulais pas… » Est-ce que… c’est vrai ? « J’crois, je… je sais même pas. Et si j’l’avais voulu ? Et si j’avais vraiment voulu l’tuer ? Même ça j’m’en rappelle pas. » Peut-être que j’l’ai voulu ouais. Peut-être qu’la bête, qu’le moi quand il est en colère, c’est juste… c’est juste moi. Peut-être que tout ça, c’est juste moi. Qu’j’m’en rappelle pas parce que j’suis trop lâche pour m’en rappeler. Peut-être que j’suis juste un meurtrier dans l’fond, que j’l’ai toujours été. Qu’j’ai juste oublié.

« J’suis qu’un monstre. » J’suis désolé maman j’suis désolé. J’voulais pas faire ça j’te jure. J’voulais pas faire ça j’crois. T’as pas élevé un meurtrier, avec Sana, ça t’a suffit. J’sais que pour Sana ça t’a déçue. T’as rien dit, tu l’as aimée, mais ça t’a déçue. Est-ce que j’te déçois moi aussi, est-ce que j’vais t’décevoir ?

J’lève les yeux vers Kali, j’essaie d’les planter dans les siens. J’crois qu’j’ai juste besoin d’quelque chose. D’quelque chose à quoi m’raccrocher. Sinon j’le sais, j’suis perdu. Sinon j’le sais, j’serai perdu pour l’éternité. J’suis désolé Kali j’suis désolé. Me hais pas s’il te plaît m’en veut pas. J’suis qu’un lâche j’sais, mais pardonne-moi. Sinon j’y survivrai pas. Sans toi, j’y survivrai pas.

(Merci d’être là.)

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Re: way down we go ❄ naka | Mer 26 Avr - 22:08
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Il panique, j’le vois paniquer, j’le sens paniquer. Son angoisse commence à remplir lentement tout l’habitacle de la voiture et l’atmosphère s’en ressent, devient étouffante en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Seconde après seconde, il craque, et moi j’me sens impuissante. « Il est où putain, il est où ?De qui tu parles ? Y’avait un troisième gars avec vous ? » Nan, y’en avait pas. Il déconne, il déconne juste, il déconne sévère. Et j’sens sa main qui m’agrippe la jambe et qui me broie les os dans une vaine tentative de garder la face, comme si j’étais la dernière bouée existante dans une mer déchainée, comme si j’pouvais le sauver. Sans me rendre compte, j’fais un écart sous la douleur et on frôle la voiture qu’on était en train de dépasser. Alors j’finis par me rabattre, rétrograder, me ranger sagement sur le bas-côté. On est sur un pont, l’un de ces grands ponts qui semblent interminables, ceux qui sont embouteillés le jour mais parfaitement calmes et tranquilles la nuit. On est sur un pont, et je laisse les portières verrouillées de peur que Naru ne sorte sur un coup de tête et ne fasse un truc con. « Il… j’sais même pas c’qu’il a fait, je… J’me suis juste… J’sais pas ok j’sais pas. J’me rappelle même pas d’la scène. Y a… y a juste du noir. Y a du noir et… et puis… » Il marque un temps d’arrêt, je fixe ses tremblements en attendant la suite. « fou ? » Je capte ce qu’il veut dire, fait non de la tête pour démentir. Non, t’es pas fou. Ni toi, ni moi. On est juste adaptés à notre propre milieu, c’est tout. « J’voulais pas, j’te jure, j’voulais pas…J’sais bien. T’es pas comme ça.J’crois, je… je sais même pas. Et si j’l’avais voulu ? Et si j’avais vraiment voulu l’tuer ? Même ça j’m’en rappelle pas.Tu racontes n’importe quoi, tu sais plus c’que tu dis. On sait tous les deux que t’en es pas capable et que c’est tant mieux. »

Mais tout ce que je peux lui dire ne semble pas faire de quelconque différence pour lui. Alors puisque Naru n’arrive pas à entendre mes mots, et que les siens continuent à être incohérents, mes mains se calent le long de sa mâchoire et mes lèvres récupèrent les siennes. Sa respiration déjà en dents de scie se coupe pendant les quelques secondes où je lui impose l’apnée et quand je le relâche enfin, elle parvient à retrouver un rythme régulier. « Maintenant tu vas la fermer et tu vas ouvrir grand tes oreilles parce que ce que je m’apprête à te dire, c’est très important. » Une lueur se rallume dans son regard, ses yeux se lèvent vers moi et restent accrochés aux miens, tandis que mes mains maintiennent toujours son visage. « De un, t’es pas un monstre. J’suis pas de ces filles qui savent tomber amoureuses d’un monstre. » J’suis de ces filles trop droites, qui tombent amoureuses de types trop droits, tellement droits qu’ils pensent marcher de travers. Des types tellement biens qu’ils sont persuadés d’être fous alors que c’est le monde qui tourne pas rond en comparaison. « Et de deux, j’te l’ai dit, tout ça c’est réglé, j’m’en suis chargée. Alors maintenant tu vas cesser d’angoisser pour un truc qui est déjà arrivé et auquel toi et moi, on peut plus rien changer. C’est compris ? » Il hoche la tête de manière presque imperceptible ; puis se détend, de manière parfaitement perceptible. Mon corps suit, retombe contre le siège en signe de soulagement et on reste comme ça un temps, moi à fixer la nuit par delà le pare-brise, lui à me fixer, moi. « Cigarettes » que j’impose finalement, et on sort tous les deux après que j’ai enfin déverrouillé les portières.

Une fois dehors seuls les phares nous éclairent, et les bruits que font les autres voitures en nous dépassant à vive allure rythment nos respirations synchronisées. Je m’accoude à la rambarde de sécurité, fixe l’eau mouvante à nos pieds ; et là-bas, un peu plus loin, il y a les lumières de la ville qui se reflètent sur les vaguelettes. « J’appellerai demain pour prendre de ses nouvelles. J’pense pas qu’il soit mort. » J'appellerai même si toi et moi on en parle avec une banalité presque effrayante, parce qu’on sait ce que c’est, et pour cacher le fait que ça nous fait mal comme jamais, justement parce qu’on sait ce que c’est. J’ouvre le paquet, lui tend, puis lui lance mon briquet qu’il attrape au vol. On fume en silence le temps de quelques tafes, avant que je n’ose continuer : « Ça te reviendra surement demain. Ce qui s’est passé. Quand t’auras la tête reposée après avoir dormi. Tu crois pas ? » C'est une question rhétorique, s'il te plaît répond oui.

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Re: way down we go ❄ naka | Dim 14 Mai - 15:33
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Y a… y a la voiture. Y a Kali aussi (c’est vraiment toi Kali ?). Et le reste… le reste j’sais pas, le reste j’sais plus. Le reste c’est lui et puis rien d’autre, parce que y a rien d’autre, parce que j’me rappelle de rien d’autre. Que j’me rappelle même pas vraiment de lui, que j’parviens même pas à revoir son visage. J’perds les souvenirs, j’perds la tête aussi, y a comme un grand trou noir, y a plus rien d’autre.

Y a qu’la voix de Kali, qui parvient à tout traverser.

« Tu racontes n’importe quoi, tu sais plus c’que tu dis. On sait tous les deux que t’en es pas capable et que c’est tant mieux. » « Tu sais pas. » C’est vrai ça, elle sait pas, elle était pas là, elle a rien vu. Elle m’a pas vu moi, elle l’a pas vu lui ; elle est pas moi, elle peut rien savoir. Elle essaie de me réconforter, et ça me tue. Ça me tue parce que j’y arrive pas, parce que j’y arrive plus. Parce que j’en crèverais, de me rendre compte qu’elle a tort. De me rendre compte qu’on a tous les deux tort et que finalement j’suis juste l’ordure que j’ai toujours eu peur de devenir. Que finalement j’suis rien de moins qu’un meurtrier. Comme Sana après tout. Peut-être que c’est dans les gênes tout ça ? Peut-être que papa c’était un taulard, peut-être que papa c’était un assassin (non il l’est pas).

Mais Kali, dis, qu’est-ce qu’on fera, si tout ça c’était vrai ?
Et Kali, dis, on deviendra quoi, si tu te trompes ?

Et j’deviens fou. J’deviens fou parce que j’sais pas, parce que j’sais plus, parce qu’elle est là mais même ça, ça change rien. J’arrive pas à me raccrocher, j’arrive pas à m’extirper. J’parviens juste à continuer à m’enfoncer, parce que finalement c’est tout c’que j’sais faire, tout c’que j’ai toujours su faire. Joo elle est partie depuis longtemps ; et depuis longtemps j’ai pas changé. Elle le sait tout ça Kali pourtant. Elle le sait, alors pourquoi elle reste ?

J’parviens pas à réfléchir, encore moins quand elle m’embrasse, quand j’sens ses lèvres sur les miennes, que mes pensées commencent à s’apaiser, que j’ai le cœur qui s’agite un peu, là. Et puis elle s’écarte, et puis elle reprend la parole, ses mains contre ma peau, son visage à quelques centimètres du mien. « De un, t’es pas un monstre. J’suis pas de ces filles qui savent tomber amoureuses d’un monstre. » J’me demande comment elle peut dire ça avec autant de fermeté, avec autant d’assurance ; j’me demande comment elle peut dire ça sans hésitation, alors que moi-même j’me noie dans tous les doutes. Mais j’me tais. J’me tais parce que j’en ai assez dit, parce que j’en ai trop dit, parce que j’veux pas que qu'elle finisse par abandonner, qu'elle finisse par s’en aller.

(Pars pas, j’t’en supplie, pars pas, j’en crèverais.)

J’hoche la tête, un peu ; j’respire mieux, un peu. Il est en vie alors ? J’suis pas un meurtrier alors ? Y a la tempête qui se calme, et mon regard qui peut pas quitter son visage, mon regard qui l’observe comme si j’la voyais pour la première fois. Et c’est la première fois depuis qu’elle est venue, que j’la regarde elle, que j’la regarde vraiment. « Cigarettes. » J’hoche la tête une nouvelle fois, on sort et ça m’fait du bien. J’respire mieux dehors, à l’air libre, avec juste le ciel tout là-haut. Elle s’accoude à la rambarde, j’me rends alors compte qu’on est sur un pont, j’regarde l’eau en-dessous, j’me demande c’que ça ferait de plonger (j’me demande c’que ça lui a fait à elle, de plonger).

Et j’hoche la tête à chacune de ses paroles. J’attrape la cigarette comme un automate, j’allume, puis j’lui rends son briquet, sans rien dire, même pas merci. J’arrive pas à parler, j’ai plus la force de parler, plus aucune énergie. Et j’pense qu’elle s’en rend compte aussi, parce qu’elle se tait un instant, et on reste juste là, côte à côte. On reste là comme s’il s’était rien passé, comme si tout ça c’était rien. Mais au fond, j’crois qu’on est juste terrifiés. « Ça te reviendra surement demain. Ce qui s’est passé. Quand t’auras la tête reposée après avoir dormi. Tu crois pas ? » Je sais pas. Mais je sais que c’est pas ça qu’elle veut entendre. Je sais juste qu’elle veut être rassurée ; mais moi je sais pas comment faire, mais moi je sais pas y faire. « Je crois. » Mais c’est pas vrai. Et j’crois qu’elle s’en doute Kali, parce qu’elle a toujours eu le flair pour ça.

J’regarde la cendre qui tombe de la cigarette, vient s’échouer dans l’eau. « J’ai peur. » C’est un murmure, rien de plus qu’un murmure, la voix grave d’avoir trop crié, la voix étouffée d’avoir si peu parlé. « J’ai l’impression de perdre la tête. » Et j’sais que c’est pas ce qu’elle veut entendre, qu’elle a suffisamment galéré pour arrêter ma crise, que tout ça finalement j’l’ai déjà dit tout à l’heure. Mais maintenant j’suis calme ; et j’le pense encore. « J’veux pas que ma mère sache, j’veux pas qu’elle s’inquiète. Tu lui diras pas, hein ? » Parce que j’lui en fais suffisamment voir de toutes les couleurs, parce que j’suis son épine dans le pied, qu’avec moi elle sait plus quoi faire, qu’avec moi elle est juste perdue maintenant.

« Et euh. Merci. D’avoir été là. » J’finis la clope, j’l’écrase par terre. J’ai la main libre qui vient effleurer son bras, presque comme une caresse ; contact involontaire, presque en passant. « J’veux pas rentrer chez moi ce soir. » Ni à la maison, ni au dortoir. Ce soir j’veux rester avec toi, parce que je sais que sans toi j’arriverai plus à respirer, parce que je sais que sans toi y a les pensées qui vont recommencer à tourbillonner, mon monde à se dérégler. Parce que mon monde c’est toi, et sans toi j’ai peur. « J’ai peur. »

Mais j’ai tout le temps peur de toute manière, alors à quoi bon ?

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Re: way down we go ❄ naka | 
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