Dans l'tourbillon d'la vie.

Accoudé à la barrière, j'observe la ville qui semble ne jamais vouloir se coucher. Des lumières partout, des voitures en route, des gens dans les rues. Rien ne s'arrête, tout vit encore. Perplexe, perdu, je garde cette foutue feuille entre mes doigts avec l'envie irrémédiable de la plier, la froisser, la jeter au loin comme si elle n'avait jamais existé. Je n'ai pas envie qu'il existe. Je n'ai pas envie que ce mal existe tout court.

Ça allait bien.

Ça allait enfin bien.

Elle est revenue. J'avais de nouveau, une vraie raison de me lever le matin, plutôt que cet amas de non-sens qui me caractérise depuis des semaines. Me lever le matin pour bosser, faire ma vie. Me servir de mes expériences pour écrire encore plus que d'habitude. Avoir plus de travail, plus d'argent. Plus de choses au final, mais pas l'essentiel. Des fois, je me levais en la détestant de m'avoir rendu accro à une chose que je ne pouvais pas avoir. D'avoir fait d'elle mon tout. Ce truc dont je n'arrive pas me passer. Ouais, j'lui en ai vraiment voulu.

Et maintenant qu'elle est là, que mon esprit s'apaise, c'est mon corps qui lâche.

Massant mon foie, je finis par tourner la tête en entendant sa voiture arriver. Mon corps se redresse, je garde la feuille dans mon dos avant de l'enlacer, la tête posée sur sa chevelure, ma main venant glisser la feuille dans la sienne alors que je la tiens encore contre moi. « Mianhae…. » murmure alors mes lèvres dans un faible soupir d'impuissance.

Je sortis de la route et me garais avec précautions, avant de couper le moteur, un sourire déjà dessiné sur mes lèvres. Je me demandais bien pourquoi il m'avait fais venir ici... mais le connaissant, ça devait sûrement être l'une de ses surprises. Un point de départ, avant qu'on finisse dans un autre lieu pour passer une super soirée et... bref, allons voir. Après avoir attrapé mon sac sur le siège passager, je sortis de mon véhicule et m'approchais de lui pour me faire prendre dans les bras. Un peu fort, d'ailleurs... ça avait un goût de 'j'ai quelque chose d'important à te dire', cette façon de faire. Fronçant un peu les sourcils en sentant qu'il y avait un problème, j'allais me redresser lorsqu'il me colla une feuille dans la main, avant de s'excuser. Pourquoi... est-ce qu'il... s'excusait... ? Je n'osais pas me redresser tout de suite... et encore moins lire ce qu'il y avait sur ce papier. Qu'est-ce qui avait décidé de s'interposer, ENCORE ? Ca allait bien, dernièrement... j'avais enfin définitivement tourné une page de ma vie pour en ouvrir une autre avec et pour Ilhoon, on commençait à se ré-apprendre l'un l'autre, c'était doux et léger... alors qu'est-ce qu'il pouvait bien y avoir pour foutre la merde à nouveau ?

Après avoir enfin pris mon courage a deux mains, j'attrapais la feuille et y déposais les yeux un instant. Rapport médical. Oh, merveilleux... ça y'est. Je me détachais de lui un instant et baissais la main pour interrompre ma lecture, avant de m'éclaircir la gorge pour m'empêcher d'être prise par les émotions. Les hôpitaux, la santé... j'allais y passer toute ma vie, normalement, mais je commençais aussi à y devenir allergique, depuis qu'Elijah avait terminé en miettes. Ne me dites pas que j'allais le perdre aussi. Pitié, ne me dites pas ça. Lentement, mes yeux se reposèrent donc sur le texte et je parcourus les informations jusqu'à la dernière lettre, avant de laisser place à un moment de silence. « Tu ne vas pas mourir. » Je l'observais longuement, puis revins vers lui pour lui attraper le visage. « C'est pas... un stade avancé, ils vont te faire ça bien... tu vas voir... » Mains sur ses joues, je les caressais pour tenter de le rassurer un peu et de minimiser la gravité de tout ça. Je ne laisserai pas les choses empirer.

Bloody Hell.

« Tu ne vas pas mourir. » « J'ai jamais eu peur de mourir. » Jamais vraiment. Souvent je me suis dit que ça serait quelque chose… De doux à vrai dire. Plus de prise de tête, plus de souffrance. J'ai toujours eu cette idée que ce n'était pas si terrifiant, si horrible. « C'est pas... un stade avancé, ils vont te faire ça bien... tu vas voir... » Je penche mon grand corps vers elle pour la laisser me tenir, mes mains venant se mettre sur ses hanches pour s'accrocher à sa jolie robe. Oh Myungshin, si tu savais. Restant là plusieurs instants sans rien dire, je nous berce un peu avant de secouer faiblement la tête. Paupières closes. « J'ai peur d'être sans toi. » Dans la vie. Dans la mort. Est-ce que j'ai le droit de lui imposer d'avoir un petit-ami en kit comme ça ? Est-ce que j'ai le droit de lui demander de rester avec moi quoi qu'il arrive ? Est-ce qu'on peut se dire des promesses malgré tout ? Je sais que c'est juste le premier stade. Que la tumeur n'est pas encrée complètement dans le foie. Qu'avec elle et ma vésicule en moins, les choses iront mieux. Le médecin l'a dit. Il a voulu être rassurant. J'ai envie de le croire. Et je sais qu'elle comprend encore mieux les choses-là que moi. Mais malgré tout, ça fait peur. Parce que je sais que si une minuscule, minuscule cellule reste en moi, elle peut continuer son chemin sans qu'on y puisse rien. « J'ai peur d'être oublié... » Parce que même mort, tant que les gens se souviennent de toi, tu existes encore un peu. « J'ai peur de te faire souffrir sans le vouloir. » Je lui ai déjà fait assez de mal comme ça. Embrassant son front, je la serre à nouveau contre moi, menton sur sa tête. « Et si jamais il m'arrive un truc, tout ce que j'ai construit partira en fumé. » Même la INK, Inha n'a pas le temps de s'en occuper à temps-plein. Il aime l'héritage de son père…Sauf si elle devient ma femme, mais on ne peut pas faire un mariage sur une peur comme ça hein ? Enfin non. C'est l'amour qui parle en premier. « C'est la dernière épreuve… après on se fait une belle vie. » Parce que ça suffit… Après avoir reniflé un coup, je lui souris et efface mes larmes qui pointent.

« Shhht... » Ca y'est, j'allais me mettre à pleurer, maintenant. Comme le dirait si bien Jaehwan, avec des mots corrects 'vilaine vie'. Je ne comprenais pas pourquoi on nous imposait un truc pareil maintenant. Vraiment. Pourquoi MAINTENANT ? « Rien ne partira en fumée, rien, d'accord ? Ca va aller... » Je serrais la mâchoire en le sentant poser son menton sur ma tête, comme s'il voulait s'y reposer et c'est exactement à ce moment-là que je crus comprendre ce qui se passait. Ce qu'on fichait ici. Avec cette information entre les mains. Et les peurs. Tout du moins... mon esprit avait besoin de croire à un truc pour s'expliquer ce qui nous arrivait. Même si c'était irrationnel, même si la science, elle, ne pouvait pas l'expliquer. La dernière épreuve. Oui, voila... j'avais envie de me dire que c'était une épreuve. Il irait mieux, il se rétablirait. Toma avait bien eu droit a un miracle, non ? Alors pourquoi est-ce que ça se passerait mal pour Ilhoon ? Il n'avait rien de neurodégénératif, ni d'auto-immunitaire... c'était un cancer... plein de gens surmontaient les cancers. Et lui aussi. Cette fois-ci, je m'occuperai de lui. C'était mon tour et je me savais capable d'être disponible a 100% pour lui, contrairement à l'époque de notre premier essai de relation. Diminuer son stress en l'assistant au maximum, surveiller son alimentation, corriger son environnement pour le rendre plus doux... puis surtout, trouver le meilleur traitement, afin qu'une maladie pareille ne se reproduise pas. Il n'était plus seul, je comptais le rassurer là-dessus. « Je vais pas te laisser tomber, tes amis non plus et toi non plus. » Je l'observais longuement, avant de me mettre sur mes pointes de pied pour l'embrasser doucement. « Quand les nuages s'en iront, le ciel sera bleu à nouveau et laissera voir le soleil... » Je remis ses cheveux vers l'arrière. « Fais moi un sourire. »

Je reste contre elle avant de pousser un lourd soupir suite à son discours. Pas que je n'y crois pas, au contraire. C'est surtout pour me redonner un peu d'aplomb et réussir à me convaincre un peu plus. J'ai envie de la croire lorsqu'elle dit que ça ira. Vraiment. C'est quelque chose que je n'entendrai pas en provenance de la bouche d'autres personnes. Mais elle me donne envie de me bouger un peu plus. D'aller déjà mieux. Mon regard se perd un long moment dans le sien et j'esquisse un sourire léger mais sincère lorsqu'elle me le demande. J'ai envie de la rendre heureuse. Dans un an, peut-être qu'on se retrouvera à nouveau ici, que je lui demanderai sa main et que cette fois, elle me dira oui. Peut-être. Je ne sais pas pourquoi cette envie de l'épouser rester si forte en moi. Peut-être ppur prouver à quel point elle est différente pour moi. A quel stade mes sentiments sont avancés. Je ne sais pas. Mais après le premier échec, demander encore serait presque suicidaire. Alors je me contente de revenir l'embrasser amoureusement. "Tu as déjà mangé ?" Moi pas. J'étais trop noué en revenant de l'hôpital. J'avais juste envie d'hurler et de la voir.

En reprenant un peu de distance entre nous, je lui attrapais la main et la tins fermement, avant d'accueillir son baiser, puis sa question. Aha... croyez-le ou non, mais j'étais déjà en train de réfléchir très fortement aux meilleures solutions pour lui. Dès ce soir, j'irais d'ailleurs fouiller l'internet et mes bouquins pour que cette histoire soit vite dans le passé. Il avait besoin d'être rassuré... et ouais, il s'en sortirait sans séquelles, je vous le garantis. Sauf que là, c'était tout son mode de vie qu'il allait devoir changer... et moi, peut-être le mien aussi. « Hum... non ! » Je lui offris enfin un sourire et commençais à le tirer un peu vers moi pour nous mettre en route. « On mange thai ? » Après quelques pas, j'observais la ville et rangeais le rapport médical dans une poche, tout en me mordillant la lèvre. « Dis... et si.. » Je levais les yeux sur lui. « Et si je reprenais mes études à temps partiel, seulement... et que le reste du temps, tu me montrais comment je pourrais t'aider avec ton entreprise ? Tout ce qui est administratif, management et compagnie... ça te soulagerait d'un poids ? »

« On mange thai ? » « Hn. » Entrelaçant nos doigts, je marche à ses côtés avec un léger sourire aux lèvres. Oui, je sais, le moment n'est pas si cool, pourtant, rien que le fait de marcher avec elle main dans la main arrive à me rendre heureux, léger… Myung, pars plus jamais, s'il te plaît… « Dis... et si.. » Tournant la tête vers elle, j'arrête nos pas devant sa voiture pour la fixer intensément.  « Et si je reprenais mes études à temps partiel, seulement... et que le reste du temps, tu me montrais comment je pourrais t'aider avec ton entreprise ? Tout ce qui est administratif, management et compagnie... ça te soulagerait d'un poids ? » « C'est pas ce que tu veux faire de ta vie…. » Non, elle veut être médecin, ou… je sais pas, des fois, je la verrai bien travailler dans la mode avec Nora. Je veux dire, regardez-la. Elle est tellement magnifique. Toujours bien habillée, coiffée, maquillée. Toujours belle. Et au naturel ? Vous l'avez déjà vu au naturel ? Elle est tellement belle. Elle est simple, elle n'a pas besoin d'en faire trop. Elle a ce truc qui vous fait dire : elle est juste… magnifique. Soupirant un peu, je regarde autour de nous avant de me mettre assis sur le capot de sa voiture et la tirer vers moi. « C'est vrai que ça me fait peur… Mais.. Parce que tu n'es pas 'légitime' aux yeux des autres et de la loi s'il m'arrive quelque chose. Je ne pourrai rien te laisser. Et même si ce n'est pas ton métier, je sais que tu feras tout pour en prendre soin, confier ça aux bonnes personnes. Mais tu es juste ma petite-amie pour eux. Alors ça revient à dire que tu n'es rien. » Et il ne faut pas se leurrer, si un jour le mariage arrive vraiment, on va devoir batailler, je le sais. « J'ai pas envie de te laisser sans rien... » J'embrasse ses mains, puis je la regarde. « J'ai pas envie de te laisser tout court. Si tu veux venir pour qu'on passe du temps ensemble, viens, mais ne le fait pas pour me soulager de quelque chose. J'aime mon métier. Mais ma raison de tenir debout, c'est toi. »