Un client avait appelé de justesse pour une livreuse de tarte. Andrew était  sur le point de fermer lorsque le téléphone avait retenti. Il était tard mais ça ne le dérangeait pas. Au contraire, il prenait cette livraison comme une occasion de se promener. Depuis qu’il avait ouvert la tarterie il n’avait pas prit beaucoup de temps pour lui. Ca avait été une journée assez longue mais sans bémols. Il s’était levé du bon pied et rien ne l’avait fait changer d’humeur, pas même un client malpoli qui l’avait prit de haut. Il donna un dernier coup de chiffon sur le plan de travail encore enfariné, puis rangea la tarte fraichement sorti du four dans sa boite pour la transporter sans encombre. Il n’y avait plus rien à ranger donc il prit la boite et ferma à clé derrière lui. L’adresse de livraison menait sur le campus. Les étoiles recouvraient le ciel.

   Andrew venait officiellement de finir son service. Il s’assit sur un banc et leva la tête pour contempler ce beau spectacle. Il sentit un vent glacial l’envelopper. Lui qui voulait profiter de la nuit, il se ravisa. Il se leva, et commença à longer tranquillement les bâtiments lorsqu’il en vit un avec les lumières encore allumées. La bibliothèque était toujours ouverte. Andrew aimait trainer dans les rayons psychologie et sociologie. S’il avait eut la possibilité d’allé à la fac c’est l’une de ces deux discipline qu’il aurait choisi. Malheureusement il n’avait pas les moyens et son père n’aurait voulu lui payer uniquement des études de médecine car tout le reste « est minable et insignifiant ». Sur le panneau, à l’entrée, il vérifia les horaires. Il entra et commença à se perdre dans les rayons. Il ne cherchait rien en particulier. Il regardait le dos des livres. Quelques fois il en prenait un et l’ouvrait, il aimait l’odeur des pages. Il observait les étudiants travailler. Il se demandait quel genre d’élèves ils étaient et, s’il avait été à leur place, quel genre d’élève lui-même il aurait été. Sans le savoir il s’était perdu dans la section ‘droit’.

   Il sursauta comme un vieux pétard. Il regarda à droite, puis à gauche vérifiant que personne ne l’avait vu mais tout le monde avait les yeux rivés sur une demoiselle qui venait de faire tomber ses livres. Andrew n’était pas loin et comme personne ne semblait vouloir l’aider il s’approcha et ramassa deux gros bouquins et quelques feuilles. Il les posa sur la table de la jeune femme en lui souriant.

Il jeta un coup d’œil sur les papiers qu’il venait de ramasser. Il était impressionné de voir un mélange d’anglais, de coréen et d’une autre langue qu’il n’arrivait pas à déchiffrer. Andrew ne savait parler que deux langues : anglais et espagnol. D’ailleurs il n’avait jamais imaginé qu’il devrait en apprendre une nouvelle à son âge. Sa détermination et ses efforts compensaient ses difficultés dans l’apprentissage du coréen. Il y passait presque tout son temps libre, de toute façon il n’avait pas grand-chose de plus à faire. Certes, la pâtisserie occupait ses journées mais ses soirées étaient vides et solitaires. Même s’il s’était fait des amis qu’il voyait souvent, il n’était pas encore habitué à passer ses nuits seul et pour être honnête il détestait ce sentiment de solitude. Il se trouvait faible. Durant si longtemps il avait connu une présence chaleureuse à ses cotés dans le lit qu’il n’avait pas remarqué que, petit à petit, il s’en était accoutumer. Il méprisait davantage Ivy de l’avoir rendu dépendant à sa présence. Il secoua légèrement la tête pour faire s’envoler ses pensées noires.
Sans trop s’attarder sur le pâtissier, l’étudiante lui lança un « merci » comme par réflexe. Elle l’avait remercié donc il ne devait rien attendre de plus, mais il aurait préféré un sourire à ce merci dénué de sens. Encore baissé, les yeux rivés sur le sol, il regarda autour de la table pour s’assurer qu’ils avaient tout ramassé. Ne voyant rien d’autre il se redressa. La jeune fille semblait très agacée et il préféra ne pas trop s’attarder. < Bye > dit-il en s’éloignant. Il retourna dans le rayon d’où il était venu. Regardant tout ces livres, il n’avait qu’une chose en tête : rentrer. Tranquillement il prit le chemin de la sortie. Il n’y avait que quelques pas à faire pour atteindre la porte d’entrée, mais puisqu’il était là, il en profita pour se chercher un café. Il n’y avait qu’une personne dans la cafète, elle s’énervait contre la machine à café. Il n’y prêta pas plus attention, après tout que pouvait-il faire ? Il se plaça devant l’autre machine, sortit une pièce de son porte monnaie et l’inséra. Un cappuccino. Il entendit la personne dire quelque chose mais sans la comprendre. Il se tourna vers elle pensant qu’elle s’adressait à lui. C’était la jeune fille des livres. Il ne voulait pas lui adresser la parole, de peur qu’il se prenne aussi un coup de pied. Il sortit un bout de papier de sa poche. < Elle doit être en panne. T’as un stylo ? > Il leva sa main, le papier entre les deux doigts. 
 

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