Bae s’est consumé au Kurss. Elle y a laissé sa peau et ses rêves s’envoler. Elle pensait avoir trouvé un foyer, une maison, un endroit où rien ne pourrait lui arriver. Au Kurss elle était en sécurité, c’était chez elle, son Éden. Et on lui a pris. Sauvagement.  Sa sécurité. Son bienêtre. Sa sérénité. On a tout fait voler en éclat. Une fois encore. Elle abandonne. Lâchement. Elle abandonne et ne sait pas comment reconstruire son abri. Kan a passé des heures, des jours, un bout de vie à la sauver. A se poser à ses côtés, à lui tenir la main, à lui sourire, de son sourire bancale, tordu par la clope. Elle essaye de le croire mais elle fuit la vérité, elle fuit son étreinte et ses douces paroles. Elle se complait dans son malheur et dans ses peurs. Elle ne s’accroche qu’à sa main pour ne pas tomber. Elle ne sait pas encore lui rendre la monnaie de sa pièce, parce que la valeur qu’il a pour elle dépasse l’entendement. Pourtant Kan lui a dit, si souvent répété de ses mots maladroits, qu’elle l’avait déjà sauvé. Plus d’une fois. Mais Bae le remarque pas, elle ne le voit pas. Comment le pourrait-elle quand le souvenir de l’absence de Kan est encore brûlant. Elle ne sait plus, Bae, si elle sera capable d’aider quelqu’un à nouveau. De se sauver autant qu’elle se démène pour sauver les autres. Ça devient étouffant. Pourtant elle se leurre derrière un sourire, derrière son éternel regard malicieux et brillant toujours plus terne qu’avant. Elle glisse une mèche de cheveux derrière son oreille et avise les clients.

 

Elle les déteste tous.

 

Elle voudrait les faire partir mais elle se contente de les servir comme si ici, c’était la famille. Quelles conneries. Elle s’éclipse, disparait, apparait parfois pour quelques papiers futiles à remplir. Se charge des commandes qui trainent et veille au bon déroulement de la soirée. Les serveurs sont habitués à gérer le Kurss seul et la total confiance que Kan et Bae leur voue pour gérer leur club est sans faille. Elle est étrangère à l’ambiance et se faufile entre les corps alcoolisés et drogués avec une agilité étonnante. Il faut dire que le moindre contact la rebute. Toutefois, quand la jeune fille l’interpelle elle se détourne rapidement de son chemin pour la fixer. Yon. Etrange bout de femme qu’elle ne saurait décrire. Bae la juge mauvaise pour Kan, mais qu’a-t-elle de bien à lui offrir au garçon ? Alors Bae décide de ne plus réfléchir, de laisser Kan faire ses propres choix. Ce qui nous parait si mauvais, peut parfois valoir le coup. C’était là sa seule conviction. « Kan ? » fit-elle bêtement, plus pour entamer la conversation qu’autre chose. « Il n’est pas là ce soir. » il bosse au Jungle a-t-elle envie de préciser, mais elle n’est même pas sûre que Kan y soit réellement. Elle s’apprête à se détourner mais après une seconde d’hésitation lui lance « Lee Yon, c’est ça ? »