Whoz that girl, tell me whoz that giiiiiirl~ C’est la douce mais non moins rauque voix de Syu qui résonne dans l’appartement tandis qu’elle se trémousse au rythme de la musique qui passe à fond dans ses oreilles. Entre l’aspirateur qu’elle passe dans toute la maison — et qui fait un bruit de théière cassée car vieux comme le monde — et la musique à fond dans son casque rose, elle ne s’entend pas chanter et peut se défouler sans retenue. Shin Bom est chez un ami et elle peut enfin se faire plaisir. Les services sociaux ont semblé l’oublier et cette absence de nouvelles a le don de la rassurer. Vêtue d’un T-shirt trop grand acheté sur le marché, gris affichant la tête du chat d’Alice Madness Returns, et d’un short rose, elle semble danser un peu maladroitement au rythme de la chanson et en se servant du haut de son aspirateur comme d’un micro tandis qu’elle continue son ménage. Comme d’habitude, le samedi est jour de grand ménage chez les Kwon. D’ordinaire, Shin Bom met aussi la main à la pâte, pour faire ce qu’il peut du haut de ses cinq ans, mais depuis peu, à la place, Syu l’envoie chez ses amis pour qu’il puisse plutôt profiter de la vie. C’est ainsi que, plongée dans ses pensées et assourdie par sa musique, Syu n’entend pas la serrure de chez elle tourner. Ne sarangiran sareoreum moreugo naedidin balgeoreum— Neoui ireon gabyeoun beoreut mal an haegeureoni geunyeoreul~ Alors qu’elle roule des hanches de manière relativement sexy, elle fait demi-tour sur la pointe de ses pieds et lâche un hurlement de surprise, terreur et de honte tout en se redressant. Elle repousse son casque d’un geste maladroit et arrête l’aspirateur. Son meilleur ami se tient devant elle, le téléphone en main, alors qu’elle doit avoir l’air de la pire cruche possible. Qu’est-ce que tu fous !? Vas-y, donne-moi ce téléphone ! Sans une seconde de plus, elle s’est jetée sur lui comme un chat sauvage, prête à lui arracher le téléphone des mains.

Il avait besoin de calme Bom Chan, juste d’une pause dans ses émotions. Un trop plein qu’il cachait beaucoup trop bien autour de lui. Il était le roc dont avait besoin Rei, le beau-frère parfait qui se perdait dans les draps de Lin Yao les nuits où son jumeau bossait trop tard. Plus les jours passaient et plus Bom Chan haïssait son jumeau. Il avait même du mal à l’appeler son frère il n’avait qu’un seul frère et ce n’était certainement pas lui. Quand bien même il lui était identique d’un point de vu physique et génétique, mais s’arrêtait là tous les liens qui l’unissait à Bom Chan. Son verre à la main, le jeune homme fixait à travers la fenêtre les lumières de la ville. Il était encore très tôt et il n’avait pratiquement pas dormi. La calme il l’avait trouvé malgré lui dans ce silence qu’était l’appartement quand Lin Yao était partie en voyage d’affaire avec son fiancé. Fiancé. Allée savoir pourquoi ça faisait rager Bom Chan. Soupirant il finit par aller à sa forgerie pour inspecter le nouveau matériel qu’il avait reçu et pour défouler ses nerfs, forgea quelques lames qu’il savait utile pour l’avancer de son projet. Projet qu’il crevait d’envie de partager avec Syu pour avoir son avis ! C’est pour ça qu’il finit par se pointer chez sa meilleure amie avec deux cafés et un putain de gâteau bourré de calories mais tellement bon qu’il était persuadé marquer des points. On ne résistait jamais à un gâteau comme ça. Il entrait chez elle avec la clé qu’il avait et se marre en la voyant bouger ainsi sur un girls band qui n’était pas de son âge, à tenter de croire qu’un grils band pouvait être de son âge. Il dégaine son téléphone comme l’aurait fait n’importe quel meilleur ami sournois et la filme sans gêne en direct live sur son compte Instagram. Il éclate de rire quand elle réalise qu’il est là, juste parce que son expression est priceless. Il tente de protéger son téléphone puis le gâteau surtout. Les cafés attendaient sagement sur le meuble de l’entrée. Il lui avait pris son préféré, ça serait dommage qu’il termine par terre. « Yah ! Depuis quand t’écoute ça toi ?! » Se moquait-il d’elle en riant, tentant d’échapper à la furie qu’elle était. « Ne sarangiran nanana » l’imitait-il, riant toujours fièrement de sa connerie.

En moins de trente secondes, Syu a perdu toute la féminité qu’elle tentait de se donner en dansant comme ça au rythme des chansons d’un girlsband de gamines. Elle a sauté sur le canapé puis sur le dos de son meilleur ami, s’agrippant à son cou et les jambes enroulées autour de ses hanches, un bras tendu pour essayer de récupérer le téléphone et supprimer la maudite vidéo compromettante. Et en plus, ce sale gosse se moque d’elle. Il est assez rare de voir la jeune femme aussi détendue et déchainée. Probablement car la présence, bien qu’épisodique mais régulière de Jae dans sa vie lui fait du bien. Avec lui, elle arrive à se détendre et à oublier un tant soit peu les tracas de la vie, sans doute parce qu’il en a toujours une et qu’il lui occupe l’esprit, mais c’est déjà mieux que rien. C’est un souffle de fraicheur. Un pétale de fleur qui vole dans la brise du printemps. Bon un pétale qui râle quand même toutes les dix minutes, se moque de Syu quasiment tout le temps et tente d’initier un gosse de cinq ans à la boxe, avec un peu trop de succès selon la maman. Ce connard. Si, à chaque fois qu’elle y pense, elle est capable de rire toute seule, elle sait également que si elle a le malheur de le mentionner à Bom Chan, il sera tout à fait du genre à aller trouver Jae sans raison et à commencer une dispute. Alors elle se rappelle bien de ne surtout pas mentionner son beau brun, comme elle l’appelle. J’vais te tuer !! s’exclame-t-elle en riant à gorge déployée. Alors que sa main atteint le téléphone, son regard est attiré par quelque chose qu’il tient précautionneusement dans son autre main. Elle oublie alors complètement son objectif initial qui était de récupérer le téléphone et observe avec une curiosité non-dissimulée le sac en plastique qu’il tient, regardant par-dessus son épaule. Syu est un vrai petit singe, on lui a toujours dit. Si bien que, perchée sur le dos de Bom Chan, elle arrive quand même à se pencher assez par-dessus son épaule pour voir le sac. Qu’est-ce que c’est ? Tu m’as amené à manger ? Oh, ça sent bon d’un coup ! C’est quoi ?

Bom Chan se surprend à rire, à rire avec sincérité, le cœur léger et sans culpabiliser. Sans culpabiliser d’être bien alors que son frère pourri en prison. Parce qu’à l’instant où Rei est passé derrière les barreaux Bom Chan a arrêté de vivre pour lui-même et s’est consacré corps et âme à la libération de son meilleur ami. Le rire de Syu le soulage d’un poids qu’il n’avait même pas conscience d’avoir. Elle lui fait du bien Syu et il ose à peine se l’avouer. Il s’agite et tente de la faire descendre de son dos mais dans le fond ça le fait rire de la savoir ainsi perchée, à tenter de lui prendre le téléphone des mains. C’est presque trop facile de détourner son attention – elle a la même capacité d’attention que son fils – alors quand elle a presque son téléphone dans les mains, Bom Chan agite le sachet sous son nez presque avec un petit rire et lui lance un regard de vainqueur quand elle s’arrange pour lui arracher le sac des mains. Il rit un peu plus en s’avançant vers le canapé. « Ton café préféré et un gâteau que j’ai fait moi-même ! » Ou pas. Il était nul en cuisine, si ce n’est quelques plats pour ne pas mourir de faim, Bom Chan se félicitait des bons petits plats de Lin Yao pour ne pas mourir de faim. Maintenant qu’il avait un peu plus d’argent grâce à sa super famille, il pouvait se permettre de manger à sa faim tous les jours dans les restaurants. Assez pour reprendre du poids, mais quand on voit à quel point ça l’a tué de rester à la rue aussi longtemps, il était plus fier de voir ce qu’il était devenu. Un faux gosse de riches qui menait sa vengeance sans oublier son objectif final. Détruire sa famille. Et il était prêt à beaucoup de choses pour réussir. Mais aujourd’hui il voulait avant tout profiter de Syu. Il la laisse tomber sur le canapé en geignant « Putain t’es lourde. » C’était loin d’être vrai, mais il s’amusait toujours à la taquiner sur son poids. Parce que c’était trop tentant de la voir s’énerver sur lui. Parce que lui, ça le faisait marrer. Il la trouvait mignonne et il revoyait toujours l’enfant qu’elle était, cette enfant qui avait été sa seule famille, amie, lien avec le monde.

Syu ayant la capacité d’attention d’un papillon, elle est très rapidement attirée par ce que son meilleur ami tient entre ses doigts. D’autant plus qu’une bonne odeur s’en dégage et qu’elle n’a pas mangé depuis la veille. Alors forcément, cela a le don d’attiser sa curiosité. En grande gourmande qu’elle est, elle ne peut jamais résister à un bon café et à une pâtisserie. Bon, sauf quand cette pâtisserie a été préparée par Bom Chan lui-même. Sans pour autant descendre de son dos, elle fronce les sourcils et secoue la tête d’un air tout de suite moins motivée à savoir ce qui se trouve dans le sac. Ah non, j’ai pas envie de mourir, moi ! s’exclame-t-elle puis lui dépose un doux baiser sur la joue par la suite. Elle n’a pas envie de mourir mais elle se sent touchée de sa petite attention… même si c’est immangeable. Ils se bagarrent pendant encore un instant jusqu’à ce qu’il la jette sur le canapé. Connard ! Pas de quartier entre eux. Elle sait qu’elle n’est pas lourde, d’autant qu’elle mange assez peu, mais elle déteste quand il agit comme un goujat. Elle croise les bras, gardant toujours la même position avachie sur le canapé, et le dévisage méchamment. Quant à lui, il se marre. Encore et toujours. Il se marre tout le temps de tout mais s’énerve pour des choses futiles. Elle soupire. Si c’est pas pour moi que t’as acheté tout ça, sors de ma maison ! Elle rit avec lui et s’assoit dans le canapé, tendant les bras comme une enfant pour avoir ses cadeaux. Donne ! Son sourire retrouvé, dès l'instant où elle a attrapé le sac du bout des doigts, elle en a déjà sorti la tasse de café qui est énorme, même malgré la longueur de ses mains. Elle est comme une enfant car il est rare qu'elle s'accorde ce genre de plaisir, tout simplement car elle n'est jamais enchantée de payer presque 8 000 wons pour un café, même un peu élaboré. Il est parfait, juste à la bonne température, et a un goût absolument délicieux. Elle laisse échapper un long soupire de bonheur et lève des yeux heureux vers Bom Chan. Pourquoi tu es là ? Tu as besoin de quelque chose ?

Ça lui faisait plaisir à Bom Chan de la voir aussi heureuse avec un simple café. Elle a toujours été comme ça Syu, se contentant d’un rien pour être satisfaite. Sachant plutôt se satisfaire des plaisirs simples de la vie. Elle était son petit rayon de soleil et sa joie de vivre. Ça lui faisait du bien de la voir, il en avait besoin, surtout ces derniers jours. Il éludait principalement le sujet de Rei, refusant d’en parler parce qu’il savait qu’elle allait réagir fortement. Il n’avait pas envie de se prendre la tête ni même de lui concéder que son meilleur ami avait merdé même si c’était clairement le cas. Il sourit en se laissant tomber à côté d’elle en buvant son propre café et en commençant à grignoter dans le cadeau hors de prix qu’il avait acheté. Maintenant qu’il avait un compte en banque illimité – ou tout du moins c’était l’impression qu’avait l’ancien sdf à la vue de tous ses 0 sur son compte – il se permettait de plus en plus de … folies. Ou disons qu’il ne se refusait rien. Il passait une main dans ses cheveux pour replacer la mèche rebelle qui ne cessait de tomber sur son front. Il mâchonne son bout de gâteau et répond simplement « J’avais envie de voir ta tête. » Puis faisant mine de regarder les cheveux de Syu il prend une mine contrite en ajoutant « T’as de plus en plus de cheveux blanc toi non ?! » Il grimace, faussement désolé pour elle avant de se protéger derrière un coussin en riant « Je t’ai offert un café ! » s’écrit-il comme excuse avant de fuir à l’autre bout du salon pour se poser dans le fauteuil en face d’elle. « Puis  j’ai un truc à te montrer. » Il sort une photo de sa veste et la fait glisser jusqu’à la jeune femme. C’était la devanture d’une petite boutique, rien de fameux pour l’instant mais qui promettait de briller plus tard. « J’ai acheté ce local. J’ai encore quelque travaux à faire dedans mais … j’ai envie de reprendre ce que j’avais si bien faire avant … » Ça se voit dans son regard qu’il est excité comme un gamin mais qu’il prend un air cool pour ne pas avoir l’air de trop s’emballer. Bom Chan n’avait pas besoin de rappeler à Syu qu’il avait été formé à forger le fer depuis qu’il est petit grâce à leur voisin monsieur Han. Un vieux forgeron de l’époque avec les outils de l’époque qui détestait les nouvelles technologiques. Son enclume et son feu lui suffisait. Il a tout appris à Bom Chan. Le garçon avait passé des journées entières à transpirer dans le petit local du vieil homme. Il ne trainait que rarement avec les jeunes de son âge se contentant le plus souvent de suivre Syu pour la protéger. C’était la mission qu’il s’était donné depuis le jour où il l’avait vu s’écorcher le genou sur le rebord d’un trottoir. Il s’était promis de toujours prévenir sa chute et ses emmerdes. Malheureusement il n’était pas assez fort pour la protéger de tout et de tous mais il avait fait de son mieux, et l’avait surtout laissé grandir en faisant ses erreurs et ses propres faux pas. Ya  que comme ça qu’on apprend dans le fond. Il frotte sa nuque avant d’ajouter « J’ai envie de que M. Han soit fier de moi. L’université c’est juste une planque pour ma famille biologique. Histoire de rentrer dans le moule parfait du fils qu’il aurait voulu que je sois … mais c’pas ça que je veux faire. C’est forger que j’aime faire … et je sais que je vais pas franchement gagner ma vie avec ça mais si au moins j’ai un point de chute et de la thune gratos par ces connards … » il hausse les épaules en marquant une pause puis termine « Je me dis que c’est le moment où jamais de construire mon rêve. Ils me doivent au moins ça. » il affiche un petit sourire en relevant son visage et Syu en lui demandant avec le plus grand sérieux du monde «  T’en penses quoi ? »

Regardant Bom Chan par-dessus sa tasse, absolument enchantée par son café extrêmement sucré et très peu sain pour la santé, et oscille la tête de droite à gauche, lentement. Envie de voir sa tête. Elle laisse échapper un petit bourdonnement heureux. Bien que le café soit brûlant, elle le sirote à petites gorgées et y prend un plaisir fou. La remarque de son meilleur ami sur ses cheveux blancs la fait simplement lever les yeux au ciel en grognant, trop préoccupée par le goût tout en douceur de son café. Auparavant, elle aurait hurlé et aurait essayé de le frapper mais elle est beaucoup plus calme depuis quelques temps, en partie sous l’influence de Jae. Elle se sent mieux également, en étant aussi calme. Bien sûr, comme il a pu le constater en arrivant, elle a toujours ses moments de laisser aller et de folie mais elle ne s’offusque plus à chaque remarque et se sent beaucoup plus paisible. Elle se penche en avant pour attraper la photo qu’il lui tend. Qu’il est old school. Faire développer une photo, c’est tellement mignon. Mais ils ont toujours été comme ça tous les deux. Plutôt du genre à vouloir toucher leurs souvenirs plutôt que juste les observer à travers un écran d’ordinateur ou de téléphone.

Un sourire apparait sur ses lèvres quand elle reconnait l’ébauche d’un atelier de forgeage. Celui dont il rêve depuis qu’il est petit. Elle est émerveillée de voir tant de détermination à le réaliser. Elle n’a pas autant de courage et n’en aura sans doute jamais. De toute façon, il est trop tard pour réaliser son propre rêve de danseuse professionnelle. Elle se souvient parfaitement de ce monsieur Han qui lui volait son Bom Chan tous les jours. Au début, elle lui en voulait car, possessive comme elle était, elle voulait son meilleur ami à elle toute seule, mais aujourd’hui, c’est de l’histoire ancienne. Le souvenir la fait sourire simplement. J’en pense que tant que ça t’éloigne d’eux et que ça t’évite d’y penser… Et puis ça a toujours été ton rêve, non ? Tu as la chance de pouvoir le réaliser, alors fonce. On a pas deux fois la même chance, dans la vie. Elle lui adresse un grand sourire et lui rend la photo. Elle s’assoit en tailleur dans le canapé, la tasse de café coincée entre ses jambes. Depuis quand tu as acheté ce local ? demande-t-elle alors, un peu surprise de ne pas avoir été tenue au courant plus tôt mais pas vraiment vexée. Tu le retapes seul ?