MOJITOS & BIMBOS

Nora & Jaejae

Avec moi c'était simple. Soit je ne parlais pas. Soit je parlais trop. Et dans les deux cas ça ennuyait je crois l'autre. J'étais de nature très pipelette alors une fois qu'on me lançait dans un sujet c'était dur de m'arrêter et le sujet sur lequel nous étions actuellement en train de débattre était intéressant. Voilà que maintenant on abordait la différence entre société et humanité. La société après tout, tout le monde en avait, les animaux par exemple, les fourmis, les abeilles, les lions. Tout ça, toutes les espèces formaient des quelconques sociétés. Ce qui nous rendait humain ou plutôt humaniste, c'était la manière dont on avait d'organiser la société. Mais forcément y avait des dérapages partout. On ne pouvait pas s'entendre avec tout le monde. On ne pouvait pas être tolérant avec tout le monde. On ne pouvait pas éprouver de la compassion pour les sept milliards d'individus qui peuplaient la planète, cela sans compter tous les mille milliards d'animaux, et tout ce qui composait la nature. On ne pouvait pas s'occuper de tout. S'occuper de soi, c'était déjà pas mal, s'occuper de sa famille, de ses proches c'était énorme. C'est sûr que tout serait plus simple, si, par exemple on s'occupait chacun de notre vie. Par petites familles. Comme dans une résidence. Mais même là, il y avait des tensions. C'était comme ça. L'être humain était fait pour s'entendre et ne pas s'entendre. L'être humain était tout aussi fait pour se moquer, critiquer, que se venter et je ne sais quoi d'autre. On ne pouvait pas blâmer quelque chose en particulier. Les critiques elles allaient, elles venaient, au final tout les être humains devraient s'en foutre. Mais puisque notre société était gouvernée par des connards, fallait bien que des minorités n'aient pas les mêmes droits que les autres. C'était toujours comme ça. Ça sera toujours comme ça. Si on pouvait être minimum tolérant avec les gens autour de nous, ça serait déjà pas mal. «Je pense que malheureusement ça ne changera pas...ou peut-être avec le temps...Je ne sais pas...après tout, ce que la plupart des gens recherchent c'est vivre. Puisque depuis des années, la source de vie, on l'obtient avec de l'argent ou du troc...et bien...on travaille pour ça. Pour survivre simplement. Et tout en survivant il faut qu'on apprenne à vivre. Ce n'est pas survivre qui est si compliqué, surtout chez les humains. Je veux dire, si tu n'as pas ce que tu veux quelque part, tu marches et tu vas le chercher autre part. Mais vivre. La sensation que t'as dans le cerveau...les piques de joies...de malheur je pense que c'est un phénomène à prendre en compte dans la manière dont la société s'est développée. La société d'aujourd'hui je veux dire. Par exemple, on ne boit pas ce mijito parce que ça nous fait survivre. Non on boirait plutôt de l'eau...On boit ce mojito pour nous faire vivre...pour pas qu'on se sente mort. Pour qu'on...tu vois ? D'ailleurs je crois que je vais pas en prendre plus car je sens que je commence à raconter de la merde et mes explications n'ont ni queues ni têtes» Je me mets soudainement à rire avant de m'approcher de Jaehwan et de venir lui faire un calin. « En tout cas...société ou pas. Humanisme ou pas. Tolérance ou pas. Racisme ou pas. Je suis ici, à Séoul, en 2017 avec toi, dans la maison de ma meilleure amie, et j'ai jamais été aussi heureuse. Alors ouais pour ce cours instant je vais juste penser à moi, à toi, on va penser à nos gueules, et se marrer devant des connasses qui préfèrent dépenser leur fric dans des belles voitures plutôt que d'aller aider d'autres humains...ça te va ? » je lui fais les yeux doux avant de passer une main dans ses cheveux. «L'important, c'est d'être heureux ok ? On peut pas porter tout le poids du monde sur nos épaules chaton » Ca. C'était typiquement le genre de conseil que je disais pour consoler les gens, pourtant j'étais la première à le porter...ce poids du monde. Même sans le vouloir. « Parle moi de ta pire expérience sexuelle vas-y !»