« - tu sais quoi ? avec toi je me sens libre. » il lève les bras et les écarte, les pieds au bord du vide, les yeux fermés et l’air qui lui embaume le bout du nez. jay est derrière lui, maintenant à ses côtés, et, une fois qu’il ose sortir de sa rêverie, il coule un regard vers lui avant de sourire finalement. « - viens j’ai une surprise pour toi. » bago attrape son bras et le tire vers la rue, marchant quelques mètres vers un hangar abandonné, un ancien foyer de jeunes. L’endroit est sale et délabré, et pourtant la vue sur la rivière est magnifique, certainement la plus belle de la ville d’ailleurs. Le tatoué zieute vers son ami avant de lui faire fermer les yeux « - tu regardes pas hein ! » il rit, légèrement enfantin, avant de lui poser ses mains sur ses paupières, l’avançant sur le bord de la baie discrète, pour lui en offrir une vue imprenable. « - t’es prêt ? » le gosse compte jusqu’à trois dans sa tête avant de laisser l’asiatique admirer la vue, un sourire tout fier sur le visage. Les lumières se reflètent dans l’eau, tout comme l’amitié des deux garçons. Bago s’élève légèrement avant de reculer pour aller dans le vieux hangar, dégotant alors deux fauteuils roulants avant de sauter sur l’un d’eux. « - jayden, j’ai quelque chose à te dire. » il sort une pochette de l’ouverture de son gros pull, attrapant un filtre et une feuille, émiettant quelques boules de plaisir interdits et tabous. Il en a envie, il en a besoin, de parler avec son frère, de lui dire ce qui le tracasse autant que ce qui le rend heureux. Sangjae. Sangjae il n’a que ce nom à la bouche, ce visage dans la tête, des frissons lorsqu’il pense à son toucher. Il a besoin de le partager, et de l’écouter lui, d’entendre de ces nouvelles, ça fait tellement longtemps qu’il ne l’a pas vu, que son cœur palpite à la simple idée de la nuit d’aveux et de rires qu’ils sont en train et qu’ils vont continuer de passer. Jay et bago, dans le même bateau.

« Tu sais quoi ? avec toi je me sens libre. » « Bah même que moi, avec toi je me sens trop CONTENT. » qu’il gueule, le gosse, en rejoignant son ami, à qui il sourit – éternel enfant, au regard éclatant, aux dents blanches. Et puis il se laisse traîner, suit sans protester son ami, heureux de passer du temps avec lui, de partager sa soirée. Et il ferme les yeux, confiants, juste tourmenté par sa curiosité qui lui fait soulever une paupière discrètement – mais il est pas très discret Jay, gosse qui se fait toujours prendre la main dans le sac, n’a ainsi le temps de rien voir avant de brusquement rabaisser la paupière quand les doigts de son ami s’abattent contre ses yeux. « T’es prêt ? » « Oui oui oui ! » L’impatience le taraude, il trépigne sur place, dans l’attente de pouvoir voir à nouveau ; et quand c’est enfin le cas, ce sont ses paupières qui clignent, le regard qui se perd, observe, essaie de comprendre où il est. « On est oùùùùùù ? » Question lâchée alors qu’il se permet pourtant de suivre sans aucune hésitation son ami. Et sauter à sa suite sur le deuxième fauteuil disponible. Et il tourne une fois, deux fois, trois fois, il s’amuse le gamin, le gosse, enivré par la présence de son ami. « Jayden, j’ai quelque chose à te dire. » La bouche qui s’ouvre ; curiosité une nouvelle fois. « Dis-moi, dis-moi, je veux savoir ! » Bien sûr qu’il veut savoir, il veut tout savoir Jay surtout sur la vie de son camarade auquel il tient peut-être un peu trop. Un des premiers coréens à enrichir son cercle d’ami, connaissance presque aussi vieille que le monde – et le souvenir de leurs discussions si longues. Perspective de celle à venir également. Pourtant il s’arrête un instant l’enfant, sourcils froncé. « Tu fais quoi c’est quoi ça ?? C’est bon ?? » Question innocente, regard fixé sur la drogue entre les mains de son ami ; il connait pas ça Jay, n’y a jamais touché, jamais goûté. « J’ai déjà vu ça l’autre fois c’est quoiiiiii- oh et dis-moi c’que tu voulais me dire ! » Trop de choses à savoir, trop de choses à découvrir – trop de curiosité également.

Ambiance légère et désinvolte. On se croirait revenu aux temps où tout était simple, où l’on connaissait ses priorités, avant d’être avalé dans la réalité et dans la peine. Avant c’était l’école et les copains qui comptaient. Maintenant tout ça avait changé, on pouvait simplement en juger par le fait que le gosse s’isolait du monde et que cette soirée avec jayden était assez exceptionnelle. C’était un constat assez malheureux, il fallait le dire, et bago avait d’ailleurs eu peur de perdre ses frangines et ses potes tout ça parce qu’il s’était trouvé une nouvelle folie, qui cette fois-ci, portait un nom. Heureusement, parmi ceux qui avaient lâché la main du gosse dans le noir, il y en avait comme ivy ou comme jay, qui se réjouissaient toujours d’apercevoir le tatoué et qui pensaient avant tout au bon moment qu’ils pouvaient passer avant de ruminer son absence. Et pour ça, bago leur rendait grâce. « - on est dans un foyer abandonné. Y a un gardien mais il est jamais là, donc on risquera pas de se faire choper. » certains viennent ici pour casser des choses et c’était pour cette raison que les policiers étaient de vrais glands quand ils prenaient en flag un petit jeune venu ici simplement pour explorer. Soudain la mine de bago, bien qu’elle fût toujours aussi détendue, devint un peu plus grave, sérieuse. Les sujets qui fâchaient, les sujets qui le faisaient frémir. Il préparait son joint alors que l’ignorance de jayden le faisait rire. Avait-il déjà été jeune lui ? rongé par la bêtise et la cupidité ? parfois le gosse avait l’impression qu’il était né déjà parfait et qu’il resterai crédule toute sa vie. « - ça mon pote, c’est le chemin vers les étoiles. Me dis pas que t’as jamais essayé. » de toute façon l’étudiant ne le croirait pas. Il s’installe dans un fauteuil roulant qui trainait là et craqua donc son joint : « - j’ai rencontré quelqu’un. Un mec. Non un homme. c’est carrément un adulte tu vois. J’crois que je suis amoureux, ou simplement rongé par le fait qu’il me traite pas comme j’aimerai qu’il le fasse. Du coup bah j’m’accroche. T’as déjà connu ça toi ? ta tête qui te demande de t’enfuir sinon tu vas souffrir et ton cœur qui reste ancré dans le même port sans pouvoir rien y faire ? »

Perché sur son fauteuil, il s’amuse, le gosse. Tourne un peu sur lui-même, le regard pourtant fixé sur Bago. Enfin, il essaye tout du moins, est parfois obligé de le lâcher du regard quand il effectue ses tours (et il a la peur au ventre, de ne pas le revoir). « Non j’ai jamais essayé ? J’croyais que la seule manière d’aller jusqu’aux étoiles c’était en volant ? J’VEUX GOÛTER. » Bien sûr qu’il veut goûter. Pas spécialement par curiosité, plutôt pour aller jusqu’aux étoiles comme le lui promet son ami. Les étoiles, sa grande passion. Les étoiles, qu’il se contente d’observer de loin, perché sur ses postes d’observation, l’œil vissé au télescope ; ou à d’autre moment, simplement allongé dans l’herbe, à contempler le ciel immaculé. Et il est scandalisé, qu’on ne lui ait jamais proposé ce que Bago semble préparer avec soin. Mais son attention est très vite détournée par les paroles du gosse. Il écarquille les yeux, surpris. Il comprend pas bien tout (comment aimer peut faire autant souffrir ?) mais un peu, il retient juste ce qu’il faut, juste le plus important. « Wah, t’es amoureux ? » Surpris d’abord. Et puis le sourire. Eclatant. Le sourire made in Jayden, le fameux. « C’est trop bien ! J’le connais ? Mais euh il est pas gentil avec toi ? » Ca par contre, il apprécie moins. Et il se rappelle, un peu, de comment il a eu mal, avant de se mettre avec Kyu ; il se rappelle, mais préfère l’oublier. Trop de mauvais souvenirs à conserver, quand sa petite caboche est plus apte à ne mémoriser que le plus important. Que ce qui compte vraiment. Les bons moments, les vrais, ceux peints en jaunes, ceux qui éclairent tout, les lumineux. « Parce que s’il te fait du mal moi j’aime pas trop.. » Et puis il secoue la tête, se remémore la question. « Non j’ai euh… jamais connu ça je crois ? » Il croit. Pas sûr, il croit seulement. Mais il ne veut pas chercher, ne veut pas fouiller, révéler au grand jour ce qu’il préfère garder cacher. Toute la souffrance, il aimerait l’oublier. La place judicieusement dans un coin de sa tête, attendant qu’elle s’en aille, sans laisser de trace. Disparue, la douleur. Enfant qui préfère se boucher les oreilles, plutôt que d’entendre la vérité, plutôt que de prendre conscience de la vérité. Parce que c’est trop dur à encaisser, parce qu’il n’est pas prêt ; parce qu’il en a encore besoin, de toute son innocence.

Bago aimerait être aussi crédule que jay. Parce qu’il a l’air d’être assez fort pour vivre en assumant ce qui peut lui faire mal. Le gosse n’est pas comme ça. Il n’y arrive pas. C’est pour cette raison qu’après avoir vécu dans le déni le plus total, le voilà qui se met à dramatiser et à interpréter n’importe quoi. ce n’est pas facile pour un môme à peine sorti de l’adolescence de devoir faire face à tant de folie. Folie de la part de sangjae. Folie de sa part. oh il parait robuste le gamin, vouloir monter sa propre affaire de tatouage tout seul tout en continuant ses études de philo, ce n’est certainement pas donné à tout le monde. Ça l’est encore moins d’être dans la situation globale de bago. Un boulot, un master, une relation sentimentale pathétique et humiliante qui le raccroche pourtant à la vie. C’est un bien triste constat pour quelqu’un qui est encore loin de la trentaine. Alors quand il voit jayden aussi innocent, aussi ludique et intéressé, comme s’il était rempli d’enthousiasme, il l’envie. Un sourire vient rapidement écorcher son visage. Un sourire malgré toute cette haine, toute cette peine en lui. un sourire quand il se met à parler de sangjae, le seul bourreau des cœurs qui lui ait été permis d’approcher. Il tire une latte qui lui brûle la poitrine avant de souffler longuement. Que dire ? à part que c’est un être qui frise l’obsession ? « - ouais ça s’pourrait bien. » tout le monde connait sangjae, tout le monde voit sa gueule ratatinée par une constante colère, tout le monde visualise ses poings fermés prêts à arracher le premier coup ; « - il est plutôt sexy. Plutôt cheveux argentés et mine irritée. Sangjae ça te dit un truc ? » probablement. Ou probablement pas. ceux qui ont déjà eu à faire à lui sont soi ses victimes, ses ennemis ou ses conquêtes. Bago espérait que jayden n’en fasse pas parti. Il déglutit et finit par passer le joint à son meilleur ami avant de marmonner « - ouais il me fait mal mais j’aime bien quoi. tu vois ? c’est comme si ça ne pouvait pas se passer autrement. » et pourtant, le gosse aimerait que leurs rencontres se déroulent de manière plus douces tout en restant aussi passionnelles. Le gosse aimerait ne plus avoir constamment la boule au ventre quand il veut tenter quelque chose de nouveau avec lui. tant mieux que t’aies jamais connu ça jay.