Na Ri était assise en tailleur sur le sol, au milieu du centre commercial. Elle gênait tout le monde, à traîner dans le chemin, surtout qu’elle n’était pas la plus discrète des présences, avec ses bijoux extravagants partout sur les mains et sur le corps, des bibelots imposants dans les cheveux, couverte de la tête au pied, sans un bout de peau qui dépassait. Elle sentait tous les regards posés sur elle, agacés, curieux, hautains, dégoûtés, mais elle s’en fichait éperdument. Elle gardait son téléphone en main, regardant de temps à autre l’heure pour voir les minutes qui passaient. Elle attendait Soon Ae, impatiemment. Elle regardait partout autour d’elle, une moue un peu boudeuse collée à son visage. Elle déverrouilla son portable, chercha dans son répertoire, et appela son amie, et, à peine eut-elle décroché qu’elle commença déjà à la harceler. « Soon Ae ? tu arrives ? t’es où ? t’es bientôt là ? qu’est-ce que tu fais ? je voulais faire du shopping ? t’es là ? tu réponds ? tu existes encore ? » demanda-t-elle, s’arrêtant à peine pour respirer entre ses nombreuses questions, parlant trop fort, dérangeant tous ceux qui étaient autour d'elle avec sa voix haut perchée. Et elle se redressa, récupérant son sac trop coloré et décoré pour le poser sur son épaule.

Soon Ae avançait d’un pas rapide, le regard déterminé, la bouche en cœur, comme pour mettre en avant le rouge à lèvre qu’elle avait fait l’effort de mettre. Un rose vif tranchant sur sa peau blanche, décalé par rapport à ses cheveux en bataille, aussi soignés que si elle venait de sortir de lit. Ses bras balançaient se part et d’autre de ses flancs, et son pas claquait sur le carrelage lisse du centre commercial, les sourcils fronçé une expression d’exaspération constante. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter à ce moment précis, ou du moins, rien ne semblait vouloir s’y risquer. La blonde était en retard, fauchée, et surtout, d’humeur massacrante. Depuis quand Papa restreignait son accès à l’oseille familiale ? Elle n’en savait rien, mais elle était furieuse de s’être vue remplacer sa carte bleue par une vulgaire billet de 20 000 wons. S’il y avait bien une chose que la jeune fille détestait, c’était les limites, et tout particulièrement lorsqu’elles étaient budgétaires.
Son téléphone vibrait obstinément dans sa poche, comme elle fonçait toujours vers le point de rendez-vous qu’elle avait convenu avec Na Ri, pressée de laisser éclater sa colère. Elle le laissa sonner, dans l’espoir que celui qui l’appelait n’abandonne, mais comme il se montrait plus têtu qu’elle, elle tira le portable de son manteau pour le coller à son oreille, prête à incendier son interlocuteur pour quelque raison que ce soit. Au lieu de cela, ce fut-elle qui se fit submerger par la voix familière de Nari qui se lança dans une vague de question pressante aussi vite qu’elle décrocha. Elle la laissa parler jusqu’à ce que l’oxygène manque, repérant par la même son amie, debout un peu plus loin dans l’allée. S’accordant un léger sourire, elle s’avança vers elle. « Ecoute, ta gueule. » Glissa-t-elle dans le combiné, avant de courir vers elle pour agripper ses épaules. « Yooooo, je suis là. Je t'ai manqué ? » Déclara-t-elle, d'un ton dramatique.

Sa mine changea du tout au tout lorsqu’elle entendit le ta gueule qu’elle reçut. Sa bouche s’ouvrit en grand, ses yeux s’écarquillèrent avant qu’elle ne laisse s’échapper un gloussement amusé, cachant ses lèvres avec le bout de ses doigts. Puis, soudainement, elle se retrouva avec un tel poids sur les épaules qu’elle faillit tomber vers l’arrière, et la voix de son amie raisonna dans ses oreilles. Elle rit à nouveau, et lui fit un grand signe de la main alors qu’elle se trouvait juste à quelques centimètres d’elle. « ouiiiiiiii, si tu savais ! » dit-elle avec un grand sourire, sautillant presque sur place tant elle avait été impatiente. « mais je me demande si je regrette pas déjà » ajouta-t’elle avec un sourire taquin. « ça va bien ? tu es prête pour une journée shopping ? j’ai plein de choses à acheter, je crois, genre, j’ai vu des nouveaux vêtements récemment et ils avaient l’air tellement top je peux pas leur résister, et il me faut des nouvelles bagues » elle leva en même temps qu’elle parlait ses mains où il y avait tant de bague qu’il ne lui restait plus une seule place. « et sûrement d’autres choses encore, je sais toujours pas » Elle commença déjà à marcher, voguant sans but dans le centre commercial.

Soonae relâcha les épaules de son amie, lui adressant un sourire égal au sien. D’un geste léger, elle lissa ses cheveux plus défait encore par l’étreinte rude, et replaça son sac sur son épaule. Elle écouta Na Ri lui lister tout ce dont elle avait besoin, elle-même emporté par la fièvre acheteuse qui lui faisait vibrer le bout des doigts. Tout aurait été si parfait si elle avait eu sa bien-aimée carte bleue. La simple idée du maigre billet qui avait pris place dans son portefeuille la fit grimacer. Comme elles commençaient à marcher le long des boutiques, elle décidé qu’il était grand temps de se plaindre du drame qu’était sa vie. « Tu revineras jamais le coup de pute que m’a fait ma mère. » Grommela-t-elle en ralentissant devant une boutique, désignant la tenue en vitrine. « Elle m’a donné un budget, et piqué ma carte, je suis dé-gou-tééée. » La blonde gémit, tant devant le prix de l’ensemble que pour son histoire tragique. Elle comptait bien s’en plaindre à son père dès qu’elle le verrait, mais pour le moment, elle devait vivre ainsi. « Je crois que je suis condamnée à rêver aujourd’hui… Tu penses quoi de la jupe ici ? » Sa main pointa une pièce sur le mannequin le plus à droite.

Elle écoutait attentivement les paroles de son amie alors qu'elle regardait les vitrines décorées avec plus ou moins de goût. Il y en avait des plus tapes à l’œil, des plus farfelues, certaines lui plaisaient et d'autres non, mais elle savait de toute façon ce qu'elle était venue chercher. « un budget ? mais... comment tu vas faire ? t'as eu combien ? c'est correct au moins comme budget ? » Na Ri n'était pas la plus aisée des étudiantes, mais elle savait qu'avec son travail et l'aide de son père, elle avait de quoi se faire quelques caprices, et elle n'avait jamais imaginé sa vie avec des restrictions. Elle regarda attentivement la jupe que lui montrait l'autre jeune femme. « elle est jolie, un peu trop courte pour moi, mais sympa » Elle agrémenta ses paroles d'une petite moue, jamais elle ne découvrait un centimètre de sa peau. Elle s'avança un peu pour regarder le prix « 32 000 ￦ si jamais tu la veux » Elle la regarda encore. Ouais. Elle était jolie, elle verrait bien Soon Ae avec mais... elle n'avait pas assez d'argent pour se la permettre actuellement. « mais sinon y'a d'autres solutions, mis à part acheter. »

Soonae avait des goûts très arrêté en matière de vêtement. Elle aimait tout ce qu’elle voyait sur tumblr, tout ce que les autres pouvait détester, et toutes les fringues pour garçon. Un petit côté fashionista au goût extravaguant qui fluctuait selon ses humeurs. En l’occurrence, ces jours-ci, elle était partisante de la jupe, calquée sur quelques comptes instagram qu’elle suivait très assidument. Son plus gros souci actuellement, était clairement le budget. Papa avait toujours payé, sans qu’elle n’ait nécessairement besoin de travailler, ni de réclamer. Il fallait croire qu’elle avait dépassé les bornes, mais elle avait tendance à tout prendre pour un acquis. La blonde n’était pas d’un naturel mature et compréhensif, aussi, sa mère était devenue en moins d’une heure sa pire ennemie. Elle était loin de calculer la chance qu’elle avait. « Correct, correct, ma mère a pas l’air de se rendre compte que je viens pas ici pour boire un milkshake et prendre un café. » Râla-t-elle en haussant les épaules. La deuxième phrase de son ami la fit froncer le nez. « Tu trouves ça court ça ? Mais comment tu vas faire pour pécho si tu veux pas mettre ça. » Soonae glissa un bras autour des épaules de son amie. « Ma pauvre vieille, on est plus au lycée. » ricana-t-elle. Le prix la fit stopper net, lui coupa l’appétit, l’envie de vivre, et même la libido. 32 000 wons ? Une petite fortune pour sa maigre bourse. « Ils sont dingues, vient on se casse. » grommela-t-elle, mais Nari la retint. « Une autre solution ? »

Spoiler:

Elle était toujours en train d’observer la jupe, d’un air curieux. Elle se demanda ce que ça ferait de découvrir ses jambes, de les faire prendre un peu l’air et voir la lumière du jour, peut-être sentir un peu de soleil sur sa peau laiteuse mais… Ce n’était pas pour elle, tout ça. Elle laissa s’échapper un petit gloussement. « ne t’inquiète pas pour moi, ‘’pecho’’ » elle insista sur le mot tant il la faisait rire. « n’a jamais été un problème pour moi ». Elle ajouta à ses paroles un petit clin d’œil qui semblait tout dire. Elle avait ses charmes, elle le savait, mais c’était aussi principalement parce qu’elle était une cible facile, puisqu’elle n’avait jamais rien contre la promiscuité, pire encore, elle était celle qui l’initiait. « ouais, il y a d’autres solutions, tu savais pas ? » Il était vrai que cette solution elle-même l’avait longtemps ignoré. C’était elle ne savait plus vraiment qui qui lui avait fait connaître ça. On lui avait dit que c’était un peu comme emprunter. On entrait dans le magasin, on prenait ce qui nous plaisait, et on revenait un peu plus tard pour payer, ou le rendre, ou aucun des deux. On lui avait dit que ce n’était pas grave, que tout le monde le faisait, et elle avait tout avalé. Et petit à petit elle avait commencé à prendre ce chemin, entrant dans un magasin pour voler quelque chose de clinquant, des bijoux en général… des bijoux tout simplement. Elle n’avait jamais tenté plus grand, mais il y avait un début à tout. « c’est comme à la bibliothèque quand t’empruntes un livre ! on entre, on prend ce qui nous plait et on repart ! » Elle n’avait jamais réalisé qu’il fallait aller à la réception avant de repartir avec un livre. « un peu plus tard on le redépose » Elle avait un grand sourire sur les lèvres, convaincue par ses propres paroles.

Spoiler:

Na Ri était presque présomptueuse, ce qui fit gonfler les joues de Soonae. Elle, elle n’arrivait jamais à pécho. Ou difficilement en tout cas. Elle avait beau poursuivre les jolis hommes avec des mots d’amour et les lèvres en cœur, ils la fuyaient tous comme la peste. Sans doute était-elle trop excessive, en amour comme pour tout le reste. Mais de là à ce qu’elle fasse ce genre de rétrospective sur elle-même, les poules avaient le temps de se faire pousser une belle rangée de crocs. Les solutions que proposaient son amie la laissèrent dubitatif, et tandis qu’elle fusillait le prix de la jupe du regard comme si elle s’attendait à faire disparaitre un zéro. Elle l’écouta expliquer cette histoire d’emprunt, un sourcil haussé en signe d’incompréhension. De toute évidence, Nari ne devait pas aller souvent à la bibliothèque. « Je ne crois pas que ce soit vraiment légal en fait. » Déclara-t-elle. « En général, il faut payer AVANT. Et j’ai aucune intention de me balader avec l’étiquette qui se promène sur mes hanches. » Fit-elle, sans réellement comprendre la portée de la suggestion de Nari. « Si on ne rend pas, il se passe quoi ? » tout en questionnant, elle avait passé l’entrée du magasin et se dirigeait au hasard parmi les portants. Elles finirent par dégotter la jupe visée, et la blonde s’arrêta devant, posant un regard très sérieux sur sa camarade. « Ok alors admettons, je veux bien essayer ta technique. Montre-moi. » Exigea-t-elle en cherchant sa taille parmi les exemplaires. Elle finit par tirer la bonne pièce, vérifiant le prix une nouvelle fois, tout en regrettant avec émotion la douce carte bleue de son père. La vie était tellement moins chiante quand on était riche. Soupir forcé, son regard revint croiser celui de Nari avec impatience. « Je te préviens, si c’est du vol, je marche à 100%, j’ai toujours rêvé de casser ce système capitalisme. »

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Na Ri souriait, comme fière de cette idée dont on lui avait parlé auparavant. Elle l’avait fait, plusieurs fois même, profitant de ce système bien économique, même si elle avouait qu’elle oubliait souvent d’aller rendre ce qu’elle avait emprunté. « t’es sûre que c’est pas légal ? » elle demanda, cherchant à trouver confirmation, un peu perplexe face à ce rebondissement qui venait perturber des années de sage ‘’emprunt’’. « mais non, y’a pas besoin de payer, puisqu’on va le rendre après ! » On ne lui avait jamais précisé un délai pour ce faire, alors elle s’était mis en tête qu’il n’existait pas de date butoir pour rendre ce que l’on avait piqué. Elle suivit son amie à l’intérieur du magasin, réfléchissant à une réponse à sa question. « je ne sais pas trop » Elle leva un peu ses yeux pour s’aider à cogiter plus rapidement. « rien je suppose ? perso, il ne s’est jamais rien passé pour moi » Elle sourit, puis son attention se détourna quelques secondes pour observer une chemise assez mignonne qu’elle se verrait bien porter. Elle attrapa la jupe que son amie avait entre les mains, l’observant sous toutes les coutures pour trouver ce fichu antivol qui lui donnait à chaque fois beaucoup de peine. « on m’a dit que c’était une technique de prêt » Elle continuait de répéter, persuadée de ses propres mots. Quand elle trouva enfin l’antivol, elle refourgua le vêtement entre les bras de son amie pour fouiller dans son sac, duquel elle sortit un aimant. « y’a juste à enlever le bidule là, et c’est bon on peut partir avec ! » La fée continua de sourire, fière de sa technique, alors qu’elle s’approchait pour coller l’aimant au bout de plastique dans l’espoir qu’il s’y colle et qu’elle puisse l’enlever. Elle ne se cachait pas du tout, et n’en voyait surtout pas l’utilité. « ah, ça veut pas venir » dit-elle, forçant un peu sur son machin.

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Dubitative quant à la technique supposée miracle, la blonde devait avouer qu’elle était plutôt curieuse. A ses yeux, il lui semblait que cela portait le joli nom de vol, ce qui somme toute, ne faisait qu’ajouter de l’intérêt au larcin. Si sa mère était forcée de venir la récupérer au commissariat parce qu’elle avait refusé de lui donner la carte bleue, elle s’en voudrait sûrement pendant des mois, ce qui n’avait pas pour déplaire à Soonae. La plus jeune Yu comptait bien se venger d’une manière ou d’une autre, et faire un croche-pied au destin qui l’entravait. Elle voulait cette jupe, elle l’aurait, avec l’aide de Nari. Cette dernière s’était emparée du vêtement, et trafiquait l’antivol avec un aimant, sans grand succès. Un peu trop en vue au milieu des allées, son amie la poussa derrière les portants, repérant la vendeuse qui déambulait un peu plus loin. L’étudiante saisit à la hâte une robe des plus hideuse, faisant mine de la calquer sur sa camarade pour dissimuler ses actions. « Bon t’accouches ? Tu l’enlèves ou pas ? » Lança-t-elle à voix basse. Elle avait beau fait la fière avec ses histoires de commissariat, Soonae aimerait autant rester libre et aller se payer un milkshake après tout ça. « Laisse mon essayer. » Finit-elle pas déclarer, piquant les deux objets des mains de sa camarade. Elle glissa l’aimant sur l’antivol de plastique, tirant sur l’autre bout, et finalement, l’engin céda. « Wooh. » Ebahie, elle glissa les deux morceaux d’antivol dans la poche d’une veste, sur un portant tout proche, avant de rendre l’aimant à son amie. « Tu prends la chemise aussi ? » S’enquit-t-elle tout en glissant consciencieusement la jupe dans son sac à main, glissant un regard méfiant à la vendeuse, qui semblait concentrée sur l’exact opposé. « J’espère qu’il n’y a pas de caméra ! » Dit-elle soudain en levant le nez, en quête d’une quelconque surveillance.