Il était tard, les lumières de la ville brillaient et les embouteillages de sorties de bureaux s'estompaient déjà. Je venais de sortir d'un tabac, avec des paquets nouvellement acheté et un nouveau briquet. D'habitude, je serais rentré chez moi directement en temps normal mais là, j'avais envie de me promener un peu en ville. Le centre-ville était encore bien vivant. Les lumières des bars et des différents lieux éclairaient aussi facilement que la lumière du jour, bien qu'on ait rarement vu un soleil clignoter en bleu et en rouge. Je slalome entre les gens tantôt bien entamés par l'alcool, tantôt complètement crevés. Je souriais, j'étais un de ces jeunes autrefois, malgré un boulot énorme à cause des études et de la célébrité, je me mêle à la nuit avec un groupe d'amis pour oublier, ne serait-ce qu'un peu, la réalité. Je m'arrête finalement, cédant à l'envie d'aller boire un verre, les bars étaient encore pour la plupart en plein rush, des gens sortaient et entraient à intervalles réguliers. Ce n'est que lorsque je passe devant une porte que j'aperçois une femme qui le regardait fixement. En reconnaissant Bao Hai, je m'approche d'elle, je m'incline pour lui dire bonjour et je l'entraîne à l'intérieur de l'établissement pour aller boire un coup. « Tu fais quoi toute seule ? » Je commande des boissons pour qu'on puisse trinquer tranquillement. En attendant, je contemple les alentours pour nous installer dans un endroit discret.

La soirée ne faisait que commencer ! C’est du moins ce que j’essayais de me dire, le cadran de ma montre m’obsédait. À cette heure-ci je quittais généralement mes vêtements trop large pour enfiler des tenues plus près du corps, à cette heure-ci, je me dirigeais normalement vers mon bar, là où je me sentais bien, derrière le grand comptoir d’ébène. Je hantais les rues comme une âme en peine, je ne savais pas vraiment quoi faire, si ce n’est me laisser trainer par mes pieds, m’emmenant vers une destination encore inconnue. Les mains dans les poches de mon jean, je shootais dans tout ce qui croisait ma route. Un soupire passa mes lèvres, sans même que je ne m’en rende compte. Et si je rentrais au dortoir ? Quitte à ne rien faire, autant ne rien faire dans mon lit ! C’est étrange que cette pensée m’ait traversée l’esprit à ce moment précis. Cet instant où, en me retournant j’apercevais Josh. Je n’avais pas du tout conscience de l’endroit où je me trouvais, la lassitude avait été maîtresse de mon corps, me guidant vers un lieu qu’elle savait parfaitement qu’il me conviendrait. Devant un bar. Étrange coïncidence. Le coréen s’inclina pour me saluer, en un geste que je ne répétais pas. Les salutations guindées, très peu pour moi ! « Et toi ? Pas de groupies aujourd’hui ? » D’un geste, il m’entrainait avec lui dans le dojo de la boisson. Je m’attardais sur les visages alors qu’il choisissait pour nous de quoi nous désaltérer. Les personnes qui peuplaient la pièce donnaient un aspect plus ou moins sinistre au lieu, mais ça me plaisait. Les visages déconfits, les mines réjouies, les regards blessés, un univers de sentiments et d’émotions disparates qui prenait tout son sens dans un verre d’alcool. Je n’étais pas vraiment patiente, et l’attente de ces verres me paraissait déjà trop longue. Un nouveau soupire, et je croisais les bras sur ma poitrine lorsqu’enfin, Josh se tourna, les précieux liquides en mains et à la recherche d’une place. À l’abri des regards ? J’aurais dû m’en douter. Mon sourire ne s’affichait pas sur mon visage, il restait bloqué à l’intérieur, comme si les muscles de mon visage étaient déconnectés, mais il était là, je le sentais. Je ne le montrais pas c’est tout. L’espace était confiné, plutôt intimiste, mais je ne m’attardais pas sur ce genre de choses. « Alors ? Tu vas me dire pourquoi tu errais comme un chien perdu ? » Je glissais la paille de mon cocktail entre mes lèvres, laissant mes yeux s’attarder sur l’homme qui me faisait face. Je n’avais pas envie de m’ennuyer ce soir, alors j’usais de mon arme la plus redoutable : faire chier mon entourage. Je délaissais mon verre pour attraper celui de Josh, posant mes lèvres là où les siennes avaient laissé un baiser invisible. La sensation du liquide qui brûlait mon œsophage était devenue une amie, j’aimais sentir ce feu qui se propageait dans mon corps. Je reposais le verre juste devant lui en m’essuyant les quelques gouttes qui perlaient encore sur mes lèvres. « Tu veux faire quoi ce soir ? » Je me laissais glisser sur le fauteuil, m’installant plus confortablement. J’aurais pu poser la question plus directement, chez moi ou chez toi ? Mais j’avais envie de jouer un peu avant. | OOTD

Ce n'est pas évident de se déplacer en toute discrétion. Je suis une célébrité -un peu controversée-, mais j'en suis une. Beaucoup de personnes viennent me voir et me demande des autographes ou quand je vais sortir un album, car ça fait longtemps qu'ils en attendent un. J'essaye de rester souriant pendant quelques minutes, mais je perds patience à force. « Oh tu sais les groupies restent bien chez elle depuis que je m'amuse à les envoyer chier. » Je ne suis pas quelqu'un de sympathique avec les fans hardcore. Elles sont prêtes à tout, alors je montre que je peux être un gros connard lorsqu'on vient me faire chier. De plus, j'espère que pendant que je serais en train de boire mon verre, on n'ira pas me casser les couilles pour telle ou telle raison. On s'était dirigé vers le bar pour commander des verres. L'ambiance à l'intérieur du kruss était propre. Les jeunes étaient en train de s'éclater à danser et à chanter. Je me faufile entre eux tous pour qu'on puisse s'installer à une table où on serait tranquille pendant quand serait en train de parler. J'étais content de revoir Bao Hai. On s'est rencontré dans son pays lorsque j'étais encore une idole. « Tu me vois comme un chien ? » demandai-je en rigolant. Il est rare pour moi de sortir sans savoir où aller. Je voulais seulement boire un coup dans un endroit calme, mais lorsque j'ai vu la jeune femme, je me suis senti obligé de m'arrêter pour la rejoindre. Je suis toujours comme cela avec les personnes que j'apprécie. J'aime boire un verre en leur compagnie, j'aime prendre soin d'eux alors je me dois d'être là de temps en temps. « Je cherchais un endroit paisible puis je t'ai vu. » Je me mords la lèvre inférieure et je regarde la jeune femme. Toujours aussi ravissante. Je ne sais pas comment elle fait pour garder sa beauté. J'ai vu une femme que j'ai côtoyé quand j'étais jeune, je peux vous dire que le temps ne l'a pas gâté. Je bois une gorgée de mon whisky et je regarde la demoiselle boire dans son cocktail. Elle avait ce regard qui pouvait tout dire, mais qui pouvait dire le contraire de ce que je pense. Je ne sais pas sur quel pied danser avec elle. « Je ne sais pas, j'ai rien de prévu. Tu peux venir à la maison si tu veux. » lançai-je avec un petit sourire provocateur. Je suis célibataire, je peux me permettre de faire des choses avec une personne que je connais. Il n'y a pas de sentiment autant en profiter. « Ça te dit ? » Je lui laisse le choix. Elle pouvait me faire cogiter pendant quelques minutes voir quelques heures, mais je sais qu'elle allait accepter de finir dans mon lit.

Ses remarques me firent sourire, et la grimace déformait mes traits en me rendant sans doute davantage… joviale ? Heureuse ? Au fond, il me ressemblait un peu. Malgré sa popularité il était sauvage, indomptable. « Pourquoi ? Si je te voyais comme un chien, serais-tu consentant à ce que je te muselle ? » Je trempais une nouvelle fois mes lèvres dans mon cocktail, laissant la brûlure de l’alcool ravager ma gorge. Il m’opposait un contraste, un véritable paradoxe qui ne m’allait pas. « C’est drôle, je ne pensais pas être parti à la recherche d’un endroit paisible… » Le paisible, le calme, des termes qui m'étaient étrangers tant je passais mon temps à chercher le feu et l'enfer dans lequel je me plaisais à m'enfoncer. Je coulais un regard vers la salle et l’agitation modérée des clients avant de reporter mon attention sur Joshua. Ses dents vinrent mordre son inférieure, un geste qui trahissait des pensées qu’il m’était très facile d’identifier. Et je souriais de nouveau, ces lippes étirées qui rendaient mon visage presque amical. L’ex-chanteur me connaissait décidément un peu trop bien, m’offrant la possibilité de combler un appétit insatiable au travers d’une seule question. Et j’aurais pu accepter d’entrée de jeu, me jeter sur ma proie, féline et dominatrice, mais c’était trop facile. « Si je te dis non, est-ce que tu m’y emmèneras de force ? » Il pouvait bien user de ses muscles, j’étais entrainée et bien plus rapide, il ne me suffirait que d’un geste pour le terrasser. « Je ne sais pas si ça me dit. Convaincs moi ! » Je le taquinais du regard, croisant les bras sur la table pour jouer avec mon verre. N’importe quelle jolie demoiselle serait ravie de passer la nuit dans les bras d’une ex-idole, un chanteur connu et pourtant, à mes yeux, il ne représentait qu’une occupation de plus. Il faisait partie de ces quelques proies que j’aimais contrôler. « Trouves les mots, et peut être que je t’accorderais un peu d’attention cette nuit… » La solitude et l’ennui devaient certainement le ronger pour accepter de jouer avec moi. Mais au final, ne lui proposais-je pas exactement ce que je ressentais : le besoin de pimenter un peu une soirée qui s’annonçait morne.