WESH MAIS TKI ? 

feat. sunny

J’ai la dalle - et rien à bouffer, et pas de thune sur moi (pour changer). Je m’auto fatigue à être constamment fauchée, et le pire c’est d’être fauchée devant un camion qui vend de la bouffe à emporter. Bon. J’peux toujours rentrer chez moi mais c’est à plus d’une demie heure d’ici et quand on a un ventre qui crie famine comme le mien actuellement, une demie heure c’est très long. J’pourrais aussi… je tourne sur moi-même, le camion est maintenant dans mon dos et devant moi trône un dortoir de la Yonsei. Ouais, j’pourrais aussi y entrer. Cette putain d’université dans laquelle je pourrais jamais foutre les pieds, parce qu’on m’a fait comprendre (très) tôt que j’étais (trop) conne pour avoir ne serait-ce qu’une infime chance. Enfin, les profs me le disaient pas comme ça - ils utilisaient des raccourcies, des… des équivalents plus doux. Ils disaient que j’étais d’une intelligence spéciale mais sous leurs stylos ça n’avait rien d’élogieux, c’était simplement du politiquement correct. Pour pas faire trop mal au coeur déjà trop malmené de mon ouvrier de père. Pour pas qu’il comprenne trop violemment que j’étais promise à une vie aussi pourrie que la sienne, cinquante heures au lieu de trente-cinq pour gagner de quoi bouffer des vieilles nouilles instantanées, ingurgitées à la va vite sur un couvercle de casserole pour ne pas salir une assiette.

T’en fais pas papa, j’suis promise à un avenir brillant, et j’te promets que c’est fois-ci y’aura pas besoin de payer.

La Yonsei est blindée de toute manière, j’ai pas trop de scrupules à escalader la grille du portail. Leurs systèmes d’alarme sont off (comme d’habitude), quand un étudiant s’en rendra compte ça fera tout une esclandre (comme d’habitude), esclandre suite à laquelle l’université se tiendra à carreaux (comme d’habitude) et au bout de quelques mois, les systèmes seront de nouveau laissés tomber (comme d’habitude). J’suis pas trop devant quel dortoir je suis mais y’a une jolie fenêtre au rez-de-chaussée qui est par-fai-te, tout bien comme il faut, genre ancien modèle facile à forcer et sans barreaux. En plus, pour couronner le tout, un couillon a oublié d’éteindre la lumière. C’est comme si j’étais attendue.

C’est uniquement en passant une jambe pardessus l’appui de la fenêtre que j’me rends compte que j’étais effectivement attendue. Shit, ça craint. Le p’tit gars qui est là ouvre des yeux grands comme des soucoupes, l’air d’avoir vu un alien. Du coup j’me stoppe dans mon geste (une prouesse en soi qui me force à rester dans un équilibre précaire), puis tente un sourire rassurant l’air de dire « tout va bien dude, tout est normal » mais j’suppose que ça foire un peu. Le pauvre marmot serre son chient hybride saucisse très fort contre lui, comme pour tenter de le protéger d’un monstre (moi). « Je peux savoir t'es qui ? J'ai fait deux semaines de karaté ma vieille et j'hésiterais un max de temps avant d'utiliser mes connaissances de Dragon thaï sur toi mais saches que si tu m'y pousses... Bah en vrai je ferais rien, c'est pas cool de taper les filles. » D’accord, il a l’air très compétent. Son chien aussi, c’est un chien de garde, assurément. « Mais je peux réveiller les gens alors décline ton identité stp. — Wouah la menace… » Face à mon sarcasme, le petit cligne des yeux et son molosse surement classé dans la catégorie des armes aux yeux de la loi se passe un coup de langue sur le nez. « Moi c’est Jeong Kali, enchantée. » Je termine d’entrer complètement dans la pièce pour quitter ma précédente position hyper inconfortable et lui tend la main comme on fait chez ma mère, aux Etats-Unis. « J’suis heu… c’est le dortoir de quelle fraternité ici ? » Le gentil aux yeux écarquillés me désigne le mur d’un signe de tête. Mur très… rose. Eurk. Au prix d’un terrible effort de concentration, je ressors toutes mes connaissances sur les fraternités de la Yonsei et lui dit : « Ah oui, et bin j’suis une pyobeom, voilà. Donc j’ai le droit d’être ici, non ? Ouais hein, c’est cool. J’suis nouvelle, ça doit être pour ça qu’on s’est jamais croisés. » J’sais pas si il y croit ou pas mais moi j’ai toujours la dalle alors j’le contourne en lui tapotant gentiment l’épaule pour atteindre mon but initial : le frigo. Je l’ouvre et sans rire, c’est la caverne d’Ali Baba ici : y’a de la viande pour accompagner les nouilles, et même un pack du bière dans le tiroir du bas, bref, le rêve. J’me sers comme si j’étais chez moi, mets de l’eau à chauffer, décapsule deux bières et en tend une au petit pyo qui serre toujours très fort son chien à la face écrasée. « C’est naturel, ça ? » que je demande en indiquant le nez du chien à l’aide de ma bouteille de bière, pleine de curiosité. « Ou alors il a eu un accident ? » J’avance une main un peu hésitante et à ma plus grande surprise, la machin gratifie mes doigts d’une méga léchouille. J’sais pas si c’est le moment où j’dois trouver ça mignon, ou bien celui où j’dois être dégoutée. « T’es qui toi au fait ? » Pauvre môme, j’ai pensé à caresser son chien avant de lui demander, ça craint.

♡ ♡ ♡
Sunli