music ☽ Rdv à 20h au club de strip de la jungle, si tu veux pas que j’diffuse ton dossier psychologique au journal de l’université.
J’dépose l’message dans le casier d’la miss, sourire aux lèvres. J’sais pas pourquoi j’fais ça, moi-même j’sais pas.
Parce  que j’en ai envie sûrement.
Parce que j’m’emmerde, parce que j’ai envie d’faire chier. Parce qu’elle est là, qu’elle a l’air trop heureuse. Elle ment à tout l’monde, ça m’fait rire au fond. Personne sait la vérité, ça m’fait rire au fond.
Mais j’sais qu’j’peux tirer un avantage certain avec cette info.
Lui extorquer d’l’argent, ou encore plus. Et ça m’fait rire, j’aime bien ça. J’ai jamais eu l’contrôle sur rien – mais sur elle j’sens qu’j’pourrais l’avoir. Parce qu’elle veut probablement qu’ça s’sache pas. Comme tous les gosses de riches qui préfèreraient crever qu’de voir leurs sales p’tits secrets révélés au grand jour.
Moi tout ça j’en ai rien à foutre.
J’ai des secrets aussi, ces trucs que j’dirais à personne, c’passé qu’je garde enfoui. Mais le reste au fond j’m’en fous. Qu’tout l’monde sache que j’me drogue ça m’fait une belle jambe – pareil pour les parties d’jambes en l’air d’ailleurs.
Et ruine la vie des gens j’pense qu’ça peut être une bonne perspective d’avenir. A défaut d’pouvoir en trouver d’autres (mais de toute manière j’sais qu’j’vais bientôt crever alors tout ça, ça m’importe peu, j’pas besoin d’me construire un avenir).
Alors j’fous l’mot dans l’casier, puis j’me casse en douce de l’université, comme j’y suis entré. J’ai pas ma place ici, j’ai rien à faire ici, j’devrais même pas pour y mettre les pieds. Mais c’pas la première fois que j’viens là et c’loin d’être la dernière. Niveau surveillance faut quand même avouer qu’ils ont des failles assez monstrueuses.

J’ressors, j’fais passer l’temps, j’fume, j’mange avec l’poto Seyun, j’traîne dehors, j’fais des conneries, j’attends qu’vingt heures vienne et quand l’heure approche j’vais à la jungle.
Ici, j’me sens chez moi, à peu près. Les gens sont pas chic, donnent pas l’impression d’l’être. Ici les gens sont normaux, loin des gosses d’riches, loin des p’tits bourgeois bien sous tout rapport. Sûrement pour ça j’préfère traîner par ici.
J’me cale dans un fauteuil, j’regarde les filles, j’souris. J’en éloigne une d’la main quand elle s’approche, j’voudrais pas faire fuir la p’tite Keeyoung. A la place j’tourne la tête, j’observe les gens dans la salle, ceux qui entrent. J’attends la miss avec impatience, j’me demande si elle aurait l’courage d’venir dans un tel endroit. Probablement qu’elle connaît pas tout ça.
Ça m’fait encore plus rire.
Et quand finalement j’vois son visage, j’lui adresse un signe d’la main, j’l’invite à venir, à s’asseoir à côté (ou sur moi, j’lui laisse l’choix au moins).
« C’est combien pour la danse ? » J’sais qu’la plaisanterie est grasse, loin d’faire rire. Mais moi au moins elle m’amuse. Faut bien quand même.
J’veux juste la déstabiliser, voir comment elle va réagir, la p’tite princesse.
Voir si elle a des griffes mais pas trop, faudrait pas oublier qu’j’ai son avenir entre les mains.