Quelle belle journée. Une journée magnifique que Min Hyuk comptait bien célébrer en offrant sa divine présence sur le campus de l’université. Un grand soleil, et lui. Simplement lui. Sa casquette bien vissée sur sa tête. Sa mère disait que ça lui allait bien et qu’il était vraiment très beau comme ça. De toute façon, sa mère le trouvait toujours très beau, elle lui répétait très souvent depuis sa naissance. Et une mère, ça ne pouvait que dire la vérité. Il n’y avait personne de plus objectif ! Pourquoi mentirait-il à son bébé ? C’était absurde. Non, il était certain qu’elle avait raison. Pensant à cela, sa confiance augmenta encore et ça tombait à pique, puisque de loin, il l’aperçut.

La future mère de ses enfants. Mari-Kuen. Elle était si belle, ses cheveux volaient légèrement au vent, elle avait ce petit rouge à lèvre qui lui allait si bien. Il avait tellement hâte qu’elle réalise qu’elle était folle de lui aussi. Oui, parce que forcément, elle ne pouvait que succomber à son charme. Si personne n’avait jamais succomber à son charme jusque là, c’était par timidité. Sa mère lui avait dit ça. Et il la croyait. Il était un peu con, mais ça, il refusait de l’entendre. Non, forcément, un jour, elle allait succomber à son charme. Là, ce qui la retenait, c’était les quelques années de différence. Mais ce n’était rien. Il faisait plus que son âge physiquement, et elle, elle faisait plutôt jeune. Ils feront un très beau couple.

« Yo baby, j’pensais pas te trouver ici, nos destins sont liés, on arrête pas de se croiser. Serait-ce notre destiné ? » Free style de rap. Qu’il était talentueux, planté devant elle, son plus beau sourire aux lèvres. « Je viens de l’inventer, j’te jure, c’est venu comme ça ! J’crois que t’es genre… Tu vois… Ma muse ! » Bientôt, il allait lui écrire des poèmes. Il apprendrait à jouer du piano pour elle. Enfin, non, pas du piano, ça a l’air difficile. Pourquoi pas du yukulélé. « T’es encore plus belle que hier ! » Et que le jour avant-hier, mais il le lui avait dit la veille. Un jour, elle finirait par céder à son charme, à ses avances. Enfin, il fallait bien, elle ne pouvait pas rester dans son déni toute sa vie, ce serait triste quand même. Un drame pour le couple qu’ils formaient (dans sa tête) !

TENUE Ah, quelle vie de merde. Mais quelle vie de merde. De chiotte, même. Pourquoi est-ce que toutes les crasses du monde lui tombaient toujours dessus, à elle ? La poisse ne voyait donc pas qu'elle avait un peu trop abusé avec elle, déjà ? C'était de la persécution. De l'acharnement. Les crises de son père s'étaient intensifiées, les factures s'accumulaient, l'argent manquait, et elle était épuisée. Elle gérait tout seule, et elle s'épuisait. Puis, pour ne rien arranger... Ca devenait compliqué au boulot. C'est limite si les ¾ des mecs n'avaient pas grillé qu'elle n'était pas un mec. Super manière de garder un secret, Mari-Kuen. Super. Et pourtant, c'était son principal gagne-pain, donc hors de question de le perdre. Traînant des pieds, elle avançait sans but précis, ne portant pas vraiment attention à ce qui l'entourait. C'était l'heure du déjeuner, elle n'avait encore rien avalé, puis elle avait cours après mais elle ne comptait pas y aller de toute manière, fuck le système.

Alors en entendant la voix de Min Hyuk – qu'elle reconnaîtrait entre mille tellement elle y était habituée maintenant – elle sursauta littéralement, revenant enfin sur terre. Min Hyuk. Ce garçon était un mystère. Elle avait beau essayer de le comprendre, elle n'y parvenait pas vraiment. Déjà parce que, franchement, pour craquer sur elle, il fallait avoir un sérieux pet au cerveau : bah quoi ? Elle n'avait pas de gros lolos, elle était compliquée, elle chipotait sur tout, elle était capable non seulement de mordre mais aussi de griffer si on l'embêtait de trop et en somme, elle n'était pas la prétendante parfaite. Puis... C'était un noona complex du feu de dieu qu'ils avaient là. Quatre ans de différence quand même. Quatre. Elle avait déjà dix-huit ans quand lui n'en avait que quatorze ans et était tout juste au collège.
Première étape du processus : perplexe. Comme souvent, à chaque fois qu'il venait la voir. Parce qu'il avait de sacré entrées en matière. Avec des raps. Ce genre de chose. D'ailleurs, au départ, elle ne l'avait pas vraiment pris au sérieux. … Bon, on ne va pas se mentir, elle ne le prenait toujours pas au sérieux. Elle se disait qu'il ne s'agissait sûrement que d'une lubie passagère. D'où la patience dont elle faisait preuve. Mais, comme quoi, ils jouaient bien leurs rôles : lui le jeune amoureux transit encore innocent et elle la vieille blasée par la life. De quoi faire un sacré drama. « … C'est gentil, Min Hyuk. Merci. » Elle força un petit sourire. Bah quoi ? Le pauvre, il était gentil. Il n'avait rien dit de méchant. Elle n'allait pas l'agresser. Même s'il lui avait dit la même chose la veille. Et le jour d'avant. « Dis, tu dragues toutes les filles avec des raps du style ou c'est réservé qu'à moi ? ... Puis bon ... Notre destinée, mais on a quand même quatre ans de retard en terme de destinée. » Parce qu'elle se demandait, quand même. Elle essayait de le raisonner, comme elle le pouvait. Car pour Mari-Kuen, ce n'était qu'une passade, et il finirait par passer à autre chose. A une autre fille, de son âge.

Forcément qu’elle allait tomber sous son charme un jour. Si elle refusait ses rendez-vous jusque là, c’était juste parce qu’elle était timide. Il devait forcément lui plaire ! La différence d’âge, ça ne voulait rien dire. Pour lui, ça n’avait aucune importance, il était grand, il avait l’air plus âgé. De plus, il avait toujours fréquenté des personnes plus âgées, c’était comme ça, c’était sûrement dans ses gênes. Bon, ses parents avaient le même âges, et sa mère lui avait confié qu’elle trouvait ça plus « logique » mais à ses yeux, ça ne voulait vraiment rien dire, c’était bête. Non, Min Hyuk ne voyait pas de logique là-dedans. Si c’était lui qui avait quatre ans de plus qu’elle… Ce serait de la pédophilie, clairement. Mais s’il avait vingt-deux ans et elle dix-huit, ça ne choquerait personne. Non, c’était bête. C’était d’une injustice sans nom !

Mari-Kuen finira par lui céder, oui. Un jour. Il l’aurait à l’usure, mais il préférait se dire qu’elle finirait juste par s’avouer qu’il était l’amour de sa vie, c’était plus joliment dit. Il sourit quand elle lui répondit. Il était toujours content qu’elle lui réponde. Elle pour l’ignorer. Ça lui arrivait souvent, de se faire ignorer. Mais là n’était pas la question, il était juste trop impressionnant pour certains. Un air profondément choqué se plaça sur son visage sous sa question. Comment osait-elle ! Il ne rappait pas pour toutes les filles ! Il avait quand même plusieurs techniques de dragues dans la poche.

« Non, j’ai qu’une muse, je viens de te le dire ! » Le rap ne venait pas naturellement avec la première venue, voyons. Ah, Mari-Kuen était adorable, si naïve, il aurait tant à lui apprendre ! Bon, en réalité, c’était plutôt l’inverse, mais il refusait de l’admettre. « Tu sais, la destinée, ça a rien à voir avec l’âge, Noona ! » Il s’était arrêté, baissant ses yeux vers elle, totalement convaincu de ce qu’il disait. « En plus, quatre ans, c’est rien ! Genre, maintenant peut-être que ça te dérange, mais dis toi qu’au moins, je resterai toujours plus jeune qu’un type de ton âge ! » Oui, donc il sera beau et frais plus longtemps. C’était là le meilleur deal. « Tu sais, un jour tu t’en rendras compte, pourquoi tu veux pas l’admettre maintenant ? On devrait sortir ensemble demain soir ! » Elle devrait dire oui. Il était gentil et mignon. Et sexy. Il pourrait lui prouver. Son sourire s’agrandit un peu en la fixant. Elle ne pouvait pas lui refuser ça !

TENUE En fait, son comportement était certes étrange mais... Presque mignon. Quand même. Il en faisait, des efforts, pour la convaincre et lui déclarer sa flamme. Plus que bon nombre des prétendants qu'elle avait eu auparavant. Au moins, une chose est sûr, il ne manquait pas de motivation et d'idées. Et d'arguments, pour contrer chacune de ses réserves. Il n'avait qu'une muse. Qu'une. Elle. Quelle chanceuse. La seule à avoir droit à ses incroyables raps. La seule et l'unique. Quant à sa seconde remarque, sur la destinée... Bim, rapidement contrée par Min Hyuk que rien ne décourageait. La destinée n'avait rien à voir avec l'âge, voyons, Mari-Kuen. Et pour le coup, il avait un peu raison. Comparé au président de la France et sa femme Brigitte, de dizaines d'années son aînée, ils faisaient pâle figure, avec leurs quatre ans de différence. Ce que disait donc Mari-Kuen était totalement invalide. Elle laissa échapper un petit rire lorsqu'il ajouta qu'au moins lui resterait jeune, quand un homme de son âge aurait quatre ans de plus. « Et moi pendant ce temps, je vais vieillir. Qu'est-ce qui me dit que tu ne vas pas ensuite me laisser pour partir avec une jeunette, hein ? Parce qu'avec mes quatre ans de plus je serai déjà trop ridée ? » Il était tellement mignon, le Min Hyuk, qu'elle avait fini par se décider à jouer un peu le jeu. Juste pour voir jusqu'où il irait, tiens, dans ses justifications. Et quelles perles il avait en réserve.

Mais, la demande de rendez-vous, elle ne s'y était pas du tout attendue, à ça. Pas du tout. « Hein ? » Sortir. Aller ensemble, quelque part, demain soir. Prise totalement au dépourvue, elle ne sut quoi répondre. « C'est que, j'avais prévu de... » De quoi ? De faire quoi ? Elle n'avait rien de prévu. Et il la fixait, avec son grand sourire, sans ciller, à lui faire les yeux doux. Bon sang. Elle n'était pas sans cœur, quand même, la Mari-Kuen. Peut-être que c'était juste une lubie, peut-être que c'était juste un noona complex mais, le pauvre Min Hyuk faisait quand même de sacrés efforts, elle ne pouvait pas juste lui dire non, et lui briser le coeur. « D'accord. D'accord, on... Sort ensemble demain soir. » C'était bizarre, dit comme ça. Sortir ensemble. Avec Min Hyuk. « Content ? » Elle lui sourit un peu. Ah, les jeunes, vraiment. … Oui, elle parlait comme une vieille. « Et tu comptes m'emmener où, demain ? »

Franchement, l’âge, c’était quoi ? Rien, un chiffre. Et il se disait que de toute façon, il n’était pas beaucoup plus jeune que Mari-Kuen. Quelques toutes petites années. Le président Américain et sa femme, c’était pire et ils n’allaient pas du tout ensemble. Lui, il irait bien avec Mari-Kuen. On avait qu’une seule destinée, et la sienne, c’était forcément elle. Il croyait vraiment en l’amour. Ses parents s’étaient toujours aimés de tout leur corps et c’était cette vision qu’il avait de l’amour. Chez ses cousins, c’était plus compliqué, mais ce n’était pas son modèle familial à lui. Elle ne connaissait peut-être pas encore sa chance, mais il était là pour lui faire vivre le Love Dream.

« MAIS ! Y a pas que le physique qui compte ! Et tu seras toujours la plus belle pour moi. » Bon, ok, il devra quand même prendre le temps d’y penser, à ces quatre années de vieillesse en plus. Mais les filles de son âge, ça ne l’intéressait pas plus que ça. Non, vraiment, pas pour lui. Il les aimait plus mature, plus inaccessible. « Arrête de dire des bêtises ! » Elle était si perdue dans sa vie, c’était plutôt triste, quasiment dramatique, de ne même pas réaliser qu’ils étaient fait pour être ensemble ! Ça lui faisait de la peine de la voir autant de l’ignorance. Heureusement que dans leur couple, il y en avait au moins un de lucide. Couple ? Dans sa tête, ils étaient en couple oui. Rien de mal. C’était sans doute normal. Il faudra qu’il demande à ses cousins.

Une rencontre avec sa bien aimée n’était bien sûr pas complète s’il ne formulait pas l’envie d’un rendez-vous. Et il était bien sûr prêt à son refus, elle commençait déjà à prétexter être occupé. Comme si ça allait le stopper ! Commençant à hocher la tête alors qu’elle parlait, il afficha son sourire compatissant. « Noona, noona, noona… Pourquoi t’essaies de fuir, tu sais bien que… » Minute. Son cerveau remit lentement en place ce qu’elle avait dit et ses yeux s’écarquillèrent. Min Hyuk. Ne pas hurler. Ni pleurer. Elle venait d’accepter. Elle avait dit oui ! « … Quoi ? GENRE VRAIMENT ? » Bon, voilà, elle allait revenir sur sa décision. « … Ah, enfin un peu de lucidité ! » Et lui, il paniquait. Et il rougissait, aussi, probablement. Time to be a man ! « Ok… Oui ! Ce soir je t’emmène… » Où ? « A un endroit fantastique ! » Aucune idée mais il allait trouver. « Ca va être la plus belle soirée de ta vie ! » Après celle de leur nuit de noce, ou si leur premier enfant naissait en soirée, mais il allait garder ça pour lui.

TENUE Elle serait toujours la plus belle pour lui. C'était fou, quand même, parce que ce qu'il disait était incroyablement mignon, elle était bien forcée de le constater. Il était prêt à tous les arguments, tant qu'il la convainquait d'une manière ou d'une autre. Elle eut du mal à cacher un petit rire, tellement la situation l'amusait. Elle ne comprenait pas vraiment ce qu'il lui trouvait, et d'où lui venait cette obsession pour une noona de trois ans son aînée mais, il était si persistant et tenace que c'en était admirable. Tellement admirable qu'elle eut du mal à esquiver sa proposition de rendez-vous. Jusqu'ici, elle s'était toujours arrangée pour refuser d'une manière ou d'une autre. Trop occupée, trop de responsabilités d'adulte à tenir. D'autres plans, alors qu'elle n'avait rien à faire hormis se vautrer dans son lit et regarder la télé en compagnie de son chat comme une vieille fille. Mais cette fois-ci, c'était différent. Il la regardait d'un air tellement... Tellement... Elle ne savait pas même pas comment le décrire. Peut-être comme elle regarderait une part de gâteau chocolat ? Mais avec encore plus de tendresse et d'espoir. Comment arriver à dire non ? Elle essaya bien de le faire au départ mais... Mais impossible. Alors elle finit par céder. Une petite soirée ne la tuerait pas, non ? Puis, si elle pouvait lui faire plaisir. Ce serait sa bonne action du jour. Avec un peu de chance, elle se réincarnerait en fille riche et le resterait dans sa prochaine vie.

Elle laissa échapper un petit rire face à tant d'enthousiasme. Visiblement, lui non plus n'en croyait pas ses oreilles. Puis, alors qu'elle lui demandait où est-ce qu'il comptait l'emmener... Ce soir. Oh le fourbe. Le fourbe. Elle ouvrit grand les yeux, surprise. Il avait dit demain soir, et maintenant c'était ce soir ? … Comme quoi, il était malin, en fait. Il avait réussi à avoir ce qu'il voulait par un malicieux tour de passe-passe et sans qu'elle ne se rende compte de quoi que ce soit. Mais, puisqu'il allait l'emmener dans un endroit fantastique, elle pouvait bien le lui pardonner, non ? Elle sourit, amusée. « La plus belle soirée de ma vie. T'es ambitieux, dit-donc. Mais c'est bien, c'est bien. Il ne te reste plus qu'à être à la hauteur de tes ambitions, maintenant. » En fait, il lui changeait quand même bien les idées, le Min Hyuk. Elle l'avouerait difficilement mais, là, elle ne pensait plus à ses problèmes et s'amusait un peu. Et bon sang que c'était rare. « Tu m'emmènes directement dans cet endroit fantastique ou on se retrouve plus tard ? »