Quelle idée de merde, ce dîner. Ma mère avait déjà proposé mieux par le passé. Mais elle savait. Elle savait très bien que depuis la mort de Papa, notre famille se déchirait plus qu'elle ne se soudait. C'était horrible. C'était quelque chose qui échappait indéniablement à notre contrôle et c'était surtout inconscient. Nous nous tirions dans les pattes, nous nous échangions des regards parfois pas très tendres. Nous nous détestions autant que nous nous aimions. C'était peut-être pour ça que ma mère nous avait tous forcés à participer à ce dîner. Elle avait su imposer cela comme une vraie chef de guerre, une chef de famille. Papa était parti, elle avait repris le flambeau. Elle veillait sur nous, sur toute notre famille malgré le deuil qui l'habitait. Voilà pourquoi je n'avais pas pu dire non à sa proposition. Mais en acceptant ce repas de famille, je me devais de supporter des membres que je ne portais pas dans mon coeur. Mais hé, je n'étais pas le seul à avoir de la rancoeur. Ma dernière discussion avec Ha Na était un excellent exemple. D'ailleurs, j'étais persuadé qu'elle avait fait sa petite victime auprès de son frère, In Ha, sans oublier la magnifique gifle que je lui avais offerte afin de calmer ses ardeurs de princesse pourrie gâtée. Ouais, Ha Na, sale effrontée. Mais je n'allais pas être le seul à devoir affronter mes démons ce soir.

Ma soeur avait vraiment eu de la chance. Un contre-temps de dernière minute l'avait exemptée du dîner. Ma mère n'avait pas voulu reporter la date, elle cédait tout à ma soeur de toute manière. Cela se passerait donc entre mes frères adoptifs, les jumeaux Sialov, mes cousins et moi. Joie et bonheur. J'aidai ma mère à préparer la table, toujours aussi méticuleux dans la disposition des couverts. Je n'aimais pas quand c'était en désordre, un trouble du comportement que Joo Hee m'avait, par de nombreuses fois, fait la réflexion sous l'agacement que ça lui occasionnait. Je n'y pouvais rien, quand on était toqué comme moi, les choses devaient impérativement être sous contrôle. Lorsque la sonnette de la maison retentit, ma mère prit sa veste, embrassant ma joue et me souhaita bonne chance et surtout bonne soirée. Elle ne voulait plus qu'on se déchire, et elle ne voulait pas être là non plus, car tout cela devait se passer entre "notre génération". Je poussai un soupir et ouvris la porte pour laisser ma mère sortir, accueillant les premiers venus convenablement. « Bonsoir ! Pas trop de monde sur la route ? » fis-je en me décalant pour les laisser entrer. Voilà, les dés étaient jetés et ce soir, nous saurions si notre famille devait rester soudée ou au contraire exploser en mille morceaux.