Une fois entré dans le studio avec mon chien qui partis aussitôt se coucher sur le canapé, je soupirais face aux papiers qui trainaient un peu partout et retirais ma veste, afin de l'accrocher au mur. « Vraiment... » Tsch... Ilhoon était un imbécile. Il n'était pas en état de travailler, mais le faisait quand même. Qu'est-ce qu'il lui fallait, pour comprendre que le travail n'était pas tout dans la vie, hein ? Cette dernière lui avait déjà refilé un cancer qu'il avait eu la chance de pouvoir soigner rapidement, mais s'il continuait sur sa lancée, il risquait d'en contracter d'autres, jusqu'à se retrouver collé à l'hôpital indéfiniment. Quoi qu'il en soit, ça m'arrangeait qu'il n'y ait pas grand monde dans le studio aujourd'hui... j'allais pouvoir travailler au calme et terminer ce que j'avais commencé la semaine passée. Une fois l'ordinateur ouvert sous ma session, j'enclenchais donc le morceau en cours d'édition, puis vint à bout de l'arrangement, le tout avant de prendre un micro pour faire une maquette des paroles. L'heure avait ainsi vite filé et ce n'est qu'en posant mon regard sur ma montre que je m'en rendis compte. Déjà... bon... au moins, demain, on n'aurait plus qu'à enregistrer la version finale [click].

Problème : il fallait rentrer, maintenant. Mais ça, j'en n'avais pas envie. Retrouver un appartement vide, appeler la première personne sur ma liste rose... hum, non, j'étais mieux, ici, avec le matériel audio et Buck. Je n'avais pas envie d'une présence humaine vide, pas envie de me réveiller demain et de me dire, encore 'merde, pourquoi ?'. Ce cercle vicieux commençait sérieusement à me... tuer. Je me demandais. Pouvait-on faire des paroles et des mélodies qui avaient du sens et être heureux en même temps ? Hum... question sensible. La réponse que j'avais à donner, l'était d'autant plus : non. Non, pas selon mon expérience.

D'un air vide, mes yeux lâchèrent finalement la console de commandes et je me levais de mon siège  en essuyant quelques larmes qui menaçaient de s'échapper, avant d'aller m'allonger mollement sur le sofa en y fermant les paupières, capuche rabattue, sans pour autant réussir à m'endormir. L'ordinateur laissé en plan, les feuilles étalées partout. Loin des sourires en coin et de l'assurance arrogante de la scène, je me demandais bien comment... j'avais fais pour m'enfermer dans cette prison de solitude mentale.

« Hé ?? » Clignant des yeux, je me pose contre mon casier, un peu (beaucoup) transpirant, avant de reprendre un peu mon souffle. « Ah, hn, d'accord Noona. » Je frotte mes cheveux humides avant de regarder un peu autour de moi, puis de me tourner. « Mais y'aura du monde au studio ? J'ai pas les clés moi. » Je la laisse parler avec Ilhoon, avant de juste hocher la tête. « Hn, d'accord, on fait comme ça alors. Oui, oui, j'mangerai un bout en venant vous voir. » Posant le téléphone contre mon torse nu, je baille un peu, puis la reprends. « D'accord, à toute à l'heure…. » Et puis j'observe l'heure. « Ah, Noona, il est déjà tard, est-ce que je peux l'amener demain ? J'ai cours qu'à 13h, on pourra déjeuner ensemble... » Un peu d'attente… « D'accord, à demain alors. » Souriant, je raccroche et pose mon téléphone avant d'attraper de quoi aller à la douche. Une fois propre, je m'installe dans un coin pour me sécher…

« Depuis qu'on sait qu't'aime les queues, t'es devenu vachement discret. T'es pas à l'aise ? » Ne bougeant pas alors qu'il est dans mon dos, je hausse une épaule sans savoir quoi répondre. « Eh ! J'te parle ! » Fermant les yeux, j'ouvre alors mon casier pour commencer à prendre mes vêtements, jusqu'à le sentir me plaquer vivement contre les parois froides, me faisant frissonner par le changement de température, mais aussi la trouille. « Dok-Soo…. Arrête. » « J'ai rien fait ! » Déglutissant, je sens son corps se décoller lorsque le capitaine entre pour appeler ceux dont c'est le tour de garde. « Fais gaffe à toi l'pd. » Et il s'en va. Tête baissée, corps tremblant, je finis par me reprendre et m'habiller en quatrième vitesse afin de partir sans demander mon reste.

Une fois au studio, je récupère la clé chez un gardien qu'Ilhoon avait prévenu, puis part dans l'endroit. C'est calme. Etrangement calme. « J'espère trouver ça vite…. » Poussant la porte de la salle d'enregistrement, je lâche un cri en voyant un cadavre humain sur le canapé qui sursaute avec moi, me collant à la porte, une main sur le corps. « Oh Sh…. » Oh mon dieu… « Min…. Min hyuk ? » Hé ? Un nouveau sursaut lorsque le chien aboie et je déglutis en les regardant. « Pardon, je… Je m'attendais pas à tomber sur quelqu'un... »

Le cri soudain manqua de me faire tomber du sofa, alors que je comatais déjà à moitié. C'était sans compter sur le chien qui devait avoir été aussi surpris que moi et se mit donc à aboyer contre la personne qui venait de nous interrompre. « Jaehwan... ? » Retirant la capuche de ma tête, je me passais un peu la main dans les cheveux, puis baillais lourdement, tout en me redressant. « Tu cherches un truc ? » Contrairement à d'habitude, le ton de ma voix était monocorde et mon visage ne laissait pas tellement voir d'expression, puis-ce que j'avais surtout été interrompu dans une phase de tristesse, mais je me rassis quand même sur le bord du canapé, avant de fixer l'intrus. Enfin... le jeune homme. Méfiant, distant, mais poli. J'avais pas tellement la tête à faire semblant. « Ilhoon est pas là, je peux t'aider ? »

Me mettant accroupi, je regarde le chien et tends la main pour qu'il puisse me renifler. Lorsqu'il de calme, je gratouille alors sa tête adorable et trop mignonne. « Tu vois... Je suis pas méchant. » Déposant un genou à terre alors qu'il me montre son bidon pour plus de caresses, je souris en coin et regarde Min Hyuk qui semble... tout sauf bien. « Hn. Ilhoon a oublié sa tablette et un dossier avec des paroles mais Noona l'a obligé à rester à la maison jusqu'à lundi. Du coup, je dois lui amener demain matin. Pardon Hyung, je... pensais que je serai seul vu l'heure. Je ne voulais pas te déranger. Tu... tu vas bien ? Parce que tu as l'air... triste et patraque. » Me redressant, je retire ma veste à cause de la chaleur de la pièce. Bon, c'est pas le tout, mais il est tard et faut trouver ce truc là. Enfin, ces trucs. Bon, au moins, je sais c'est quoi. Mais quand même. Aish, des fois, j'ai l'impression d'être leur coursier personnel, mais Shinie, elle sait bien que je lui dirai jamais non. Grattant ma tête, je soupire d'avance, j'aime pas fouiller chez les autres moi T.T Ma maman m'a toujours dit que c'était pas bien de faire ça.

J'observais le timide de chien s'approcher enfin de Jaehwan et esquissais un semblant de sourire, avant de m'étirer un peu, puis de passer ma main sur mon visage. « Oh... ça doit être dans le bureau. T'es gentil de faire le coursier. » Lentement, je me levais du canapé en me massant la nuque, avant d'entendre la fin de sa réplique et avoir alors un moment de blanc. Non. Non, j'avouerai pas devant quelqu'un. Même si on me trainait devant un psychologue, je n'avouerais pas que j'étais mal. Ca durait depuis suffisamment longtemps pour que je puisse vivre avec, alors... non. Ma fierté stupide finirait par avoir raison du reste, un jour ou l'autre, mais on n'y était pas encore, donc autant tirer un peu plus sur la corde. Les jours sans se voyaient compensés par les jours avec, mais disons que si je comprenais bien Ilhoon pour quelque chose, c'était pour son sentiment tenace de solitude.

« Viens, je vais t'aider. »

Ouvrant la marche, je me frottais un peu le bras et longeais le couloir jusqu'à la porte du fond que je déverrouillais, avant d'allumer la lumière. « Il passe toujours par là avant de rentrer, c'était à prévoir... » Souriant un coup, je laissais alors Jaehwan entrer, puis observais les albums collés au mur. « J'étais en train de réfléchir à un truc. Les musiciens, c'est un peu bizarre, comme personnes, tu vois ? T'auras beau faire ce que tu veux pour les garder occupés, ils garderont toujours une partie de vide en eux, qui pourra jamais être comblée. » Je croisais doucement les bras en soupirant. « Je crois que c'est normal. Si y'avait pas de vide, on n'aurait pas la place de créer des choses... et il n'y aurait pas vraiment de musique. » Un sourire m'échappa à nouveau, puis je me tournais enfin vers lui. « J'expérimentais juste mon vide... tu vas mieux depuis l'autre fois ? »

« Oh... ça doit être dans le bureau. T'es gentil de faire le coursier. » « Shinie m'a hébergé pendant des mois. Si je peux l'aider de n'importe quelle façon, je le fais. » Souriant un peu, je le suis en trottinant derrière lui comme un bébé flamant rose. « Viens, je vais t'aider. »  Observant le bureau, je pousse un soupir intérieur. Mais, comment on fouille chez quelqu'un ? Allez, ça devrait être mis en évidence non ? Allant vers le meuble, je le fixe et scrute tout ce qui se trouve dessus à la recherche du Saint-Flamant.  « Il passe toujours par là avant de rentrer, c'était à prévoir... » « Hn. » ça fait quoi d'avoir sa propre affaire ? Est-ce qu'un jour, j'aurai moi aussi mon sanctuaire après avoir bossé pour d'autres gens ? « J'étais en train de réfléchir à un truc. Les musiciens, c'est un peu bizarre, comme personnes, tu vois ? T'auras beau faire ce que tu veux pour les garder occupés, ils garderont toujours une partie de vide en eux, qui pourra jamais être comblée. » Hein ? Il me parle vraiment de trucs comme ça, là, maintenant, tout de suite ?  « Je crois que c'est normal. Si y'avait pas de vide, on n'aurait pas la place de créer des choses... et il n'y aurait pas vraiment de musique. » Penchant la tête sur le côté, je le fixe intensément, un dossier en main parce qu'il a la bonne couleur, tant pis si ce n'est pas ça, je ne vais pas regarder à l'intérieur. « J'expérimentais juste mon vide... tu vas mieux depuis l'autre fois ? » « Alors, ça veut dire qu'une part de toi est en souffrance et qu'elle le restera constamment, mais que personne ne peut rien contre ça, même pas toi. » Levant les yeux au ciel pour me concentrer et répéter ma phrase à voix basse, je me surprends à comprendre moi-même ce que j'ai essayé de dire. « Les bouddhistes disent que la douleur s'impose à la vie mais que la souffrance est un choix qu'on choisit de subir. » Le regardant à nouveau, je souris un peu. « Mais je comprends ce que tu veux dire. J'ai jamais autant, et aussi bien dessiné que quand ça ne va pas. » Et en ce moment, c'est plus ça que je fais que mes cours réellement. « Hn, t'en fais pas pour moi hyung. » Je ne sais pas vraiment si ça va, mais j'avance sans avoir l'impression de me noyer, je n'ai pas envie de me plaindre de ma vie, c'est plutôt bien en fait. « Oh, tiens, en y pensant... » Je rougis d'avance et repose le dossier pour fouiller dans mon sac à dos et attrapant une pochette de laquelle je sors une feuille de dessins assez épaisse pour lui tendre. « C'est pour toi... » Juste un dessin qu'il a fait en pensant à lui un soir.