Assis derrière le compte du SB Ride j’avais du mal à réaliser que j’étais dehors. Que j’avais enfin retrouvé ma liberté. J’avais encore cette impression d’être étouffé, épier, d’être enfermé. Comme si finalement mon corps avait été libéré mais que mon esprit était resté coincé là-bas. Entre ces 4 murs. J’avais quitté sans regret mes codétenus. Sans un regard. J’avais changé en 1 an. Le monde aussi. Il avait continué de tourner sans moi. Les rues me semblaient familières mais je ne me sentais pas chez moi. La vérité c’est que j’avais ce sentiment pesant de n’être chez moi nulle part, de n’avoir ma place nulle part. Tout me souriait pourtant, tout portait à croire que j’avais enfin retrouvé la vie que j’avais tant attendue enfermé dans cette prison. Mais plus rien n’avait la même saveur, le soleil n’était plus agréable sur la peau, ce n’était qu’une sensation brûlante et agaçante. Le café restait amer. La bouffe restait sans goût. Mon lit n’avait rien de moelleux. Et mes nuits étaient loin d’être réparatrice. Je passais le plus clair de mon temps à fixer le vide à me demander c’était quoi maintenant ma vie. Grâce à Jun et Mee Yung j’avais pu garder mon commerce à flot, mais il avait pris un sacré coup, mes investissements se cassait la gueule et ma simple présence faisait fuir les gens. Mon psy m’assurait qu’il faudrait un certain temps avant que je retrouve mon équilibre, que les gens oublient. Mais comment pouvait-il ? J’avais beau avoir été innocenté, reconnu non coupable, je restais ce jeune adulte présent responsable dans tous les cas de la mort de cette mère de famille. Comment leur en vouloir ? J’avais fini par ne porter que ce masque de monstre. Je déglutis et attrape une bouteille de coca que je bois en petite gorgée. D’un pas las je fini par me lever pour aller ouvrir la porte. C’est l’heure et quand bien même je ne vais ne pas me retrouver avec une ruée de client ça restait important pour moi de tenir un rythme. Matin midi et soir. J’avançais que comme ça. Sun Hee. Un drôle de personnage, dans le fond il me ressemble autant que j’espère mettre de la distance entre lui et moi.  C’était assez troublant de le voir. Parce qu’il semblait être … heureux de bosser pour moi ? Heureux tout court. Il me draguait et c’était aussi insupportable que ça me faisait rire dans le fond. Il était définitivement comme moi. Je grogne à la claque sur les fesses qu’il me donne et garde la tête baissée dans mes papiers. « Comme d’hab. » marmonnais-je en lui jetant un regard sur le côté. « Arrête d’être de bonne humeur aussi, ça m’énerve. » ajoutais-je sur le même ton. Non ça ne m’énervait pas mais c’était ma façon à moi de le faire chier comme il s’amusait à me faire chier. Je renifle doucement et parce que je suis le patron et qu’il faut bien que j’agisse comme tel je lui lance « Et tu m’aideras à faire l’inventaire. » même si je craignais déjà de me retrouver dans le local exiguë avec lui.