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    :: Défouloir :: 2017

You can't judge a book by its cover | #JERA ♥

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You can't judge a book by its cover | #JERA ♥ | Dim 16 Avr - 0:25
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You can't judge a book by its cover
Je Ha & Sora





LOOK & BROWN HAIR | Quatre mois que l'on se préparait pour l'évènement, et la date avait été fixée il y a de cela au moins un an, c'était pour dire à quel point c'était particulièrement attendu. Steven Kim, plus connu sous le nom de Mister SK. Vogue Korea voulait depuis des années organiser un défilé en l'honneur du styliste américano-coréen de renommée internationale, en guest star. Lui seul en tête d'affiche, n'était-ce pas alléchant comme proposition ? Flatteur pour l'égo. Mais l'homme avait l'habitude de se faire inviter un peu partout aux quatre coins du globe, alors quoi de plus au sein de la capitale séoulienne ? Une collaboration avec le magazine, un numéro consacré à sa carrière, à la soirée, une publicité immense qui avait certainement dû coûtée une fortune au grand patron et des créations uniques, qui seront dévoilées en avant-première. Nous avions l'exclusivité, et il ne pouvait donc y avoir aucun imprévu. Le nom de la marque était mise en jeu, voilà ce qu'on nous avait dit, pour bien intensifier la pression, déjà bel et bien présente. Le casting des mannequins, le choix des musiques, le DJ, la scénographie, les animations, les invitations, la promotion médiatique.. et encore, j'oubliais beaucoup de choses. Chaque étage du building était en ébullition durant les derniers jours qui nous restaient pour tout boucler. Pour ma part, j'étais dans l'aile création, dans cette tornade que formait les stylistes, et les autres assistants stylistes qui ne savaient plus où donner de la tête. En plus des créations exceptionnelles qui allaient être sous les feux des projecteurs, nous devions de notre côté nous occuper des tenues des danseurs qui allaient se produire sur scène, avant le défilé, sans oublier celles du groupe coréen qui allait se produire en live, pour accompagner les modèles. Chaque styliste devait crée un look pour quatre personnes, aidé chacun par un assistant. Entre la création et les essayages, tout cela nous avait bien pris deux mois. C'était plus long que l'on pouvait le penser, il y avait un certain nombre de procédure à suivre, de supérieurs qui devaient valider les esquisses, puis les réalisations finales etc.. Quand vous passiez toutes les étapes, et que finalement, le vêtement avait encore des défauts aux yeux de la rédactrice en chef, plus de trois frois, on pouvait dire qu'il fallait rester zen, et encaisser. Mais ils avaient fini par être approuvés, ce fût littéralement la délivrance ! Nos efforts avaient commencé à être reconnu, et ils allaient bientôt être récompensé par tout le gratin de la mode le jour J.    

Jour -12.
Dans les couloirs, des talons hauts s'agitaient, courraient littéralement à chaque ouverture, dans chaque bureau, dans chaque espace dégagé. Une vague de bruit venait tout à coup d'intensifier l'atmosphère de l'étage, des petites exclamations, des gloussements nerveux, après voir entendu la voix aiguë de la secrétaire, portait hystériquement dans les lieux. Les femmes ôtaient leurs ballerines, les oubliant sous leur bureau, enfilant leur plus belle paire de stilettos, sans oublier la petite touche de rouge. Les hommes eux, arboraient tous exceptionnellement des couleurs flashies, mélangées à du noir et du blanc savamment mélangés. Tout le monde se redressait, faisait mine d'assurer, d'être entièrement concentrés sur leurs écrans, mais en réalité, à la vue de la silhouette longiligne qui traversa lentement le large couloir principal, plus personne n'avait d'yeux pour son travail. Les employés de l'aile création s'étaient tous agglutinés contre les baies vitrées, chuchotant entre eux, alors que l'homme, accompagné de trois autres personnes, retirait ses lunettes sombres. « MISTER SK EST LAAAAA ! »

La rédactrice en chef présenta l'ensemble des équipes au styliste, qu'il salua chaleureusement, élégamment d'une poignée de mains à tous. Comment arrivait-il à rendre une simple poignet de main aussi élégante ? Je n'arrivais pas à détourner le regard de ce charisme, de cette allure, de cette excentricité lumineuse que je dévorais littéralement.. J'étais fan. Fan de son travail depuis des années, depuis qu'il avait travaillé sur les costumes de nombreuses comédies musicales, dont j'adorais le style, chacune des finitions, à l'ourlet près, au fil près même ! Visionnaire, extravagant, il arborait son amour pour le graphisme, les formes géométriques étonnantes, et les matières aussi intemporelles qu'éphémères. Il était comme moi, ou presque. Lui, était né en Corée, et avait très vite quitté son pays d'origine, avant même d'avoir su marcher, pour l'Amérique, qu'il n'avait finalement jamais quitté. Il avait cet accent familier, cet accent de l'Est, dont je m'imprégnais à chacune de ses notes graves. La trentaine, il avait fondé sa propre marque et y avait mis sa griffe, d'un logo SK en lettre capitale. Tout le monde connaissait son nom, tout le monde voulait l'approcher. Je voulais le comprendre, le décortiquer, entrer dans son imagination débridée et en découvrir toutes les ficelles. Il avait demandé à ce que tout le monde soit à l'aise avec lui, le tutoie même, provoquant aussitôt une once de chuchotis gênés dans la salle. Chuchotis qui s'intensifièrent quand je fus la seule à m'adresser à lui à la seconde personne, arrachant un sourire coincé de la rédactrice. Mais cela parût lui plaire, à lui, alors qu'il éclatait de rire. C'est notre travail qu'il regarda en premier, mon coeur battait à cent à l'heure, je n'avais jamais été aussi stressée qu'à cet instant précis. Je n'y avais mis que quelques touches pourtant, mais il y avait aussi un peu de moi dans ces tenues. Et il avait aimé, malgré ce long silence qu'il avait laissé dans son analyse de professionnel. Les piques de fierté qui m'envahissaient me donnaient envie de sauter partout. Juste pour ses quelques mots, cette approbation, un immense soulagement m'avait envahi. Première récompense. Mister SK restait avec nous jusqu'au défilé. Il passait tous les jours, soucieux de suivre l'avancée des choses. Il n'était pas obligé pourtant, il était l'invité, mais il se préparait lui aussi. Pour ses créations, avec les mannequins, les premiers essayages, les dernières retouches. Ses gardes du corps restaient souvent à l'entrée principale quand il était à notre étage, il ne devait pas aimé d'être suivi en permanence. Concentrée dans mon travail, je ne remarquais que les attroupements excités qui se formaient quelques fois autour de lui. C'était normal. Je ne remarquais pas les fois où son regard glissait sur les silhouettes féminines, regard d'homme et non de styliste. Qui ne l'aurait pas fait ? Je ne remarquais pas non plus les murmures, les allusions à l'oreille, les assistantes qui désertaient leurs postes un long moment, simulant toutes des urgences, des excuses, le rouge aux joues et le corps s'enfonçant dans le siège à leur retour. Les doigts de Mi-Hee recroquevillés violemment sur le bas de sa jupe.. Aveugle à l'admiration.

Jour J.
Une heure avant le défilé
.

Le backstage était en feu, en ébullition. Il y avait en réalité deux défilés, celui des coulisses puis celui de la scène ! Les mannequins se préparaient, entourés des meilleurs maquilleurs et coiffeurs de la Corée. Des couleurs vives, splendidement pop dessinaient leurs visages, donnant une autre touche d'originalité à cet événement décalé. Le thème tournait sur le noir et blanc, dernière lubie artistique de Mister SK. Le décor entier en était inspiré ainsi que chacun des modèles, des invités, des danseurs et de tout ceux qui travaillaient sur place, en allant des danseurs aux serveurs. Les arc-en-ciel n'étaient arborés que dans les cheveux et les maquillages soigneusement appliqués. Cela paraissait peut-être d'une incroyable extravagance et pourtant.. chaque découpe, chaque forme, chaque matière, rendaient ses œuvres d'une élégance incomparable. Je n'avais pas pu m'empêcher d'en être éblouie lorsque j'avais eu l'honneur de les apercevoir avant qu'elles ne soient portées. Certaines étaient entièrement blanches, d'autres entièrement noires, tandis que d'autres mixaient les deux. De la dentelle, du cuir, des shorts, des jupes, des dos nus, des barbes colorés, des pantalons cintrés, un couple en costumes assortis.. Il avait beau faire de très belles pièces pour les hommes, cet artiste savait habiller les femmes. Il savait les mettre en valeur, souligner leurs atouts, et les laisser transparaître avec une force et une sensualité que j'enviais. Que je voulais aussi pouvoir créer. Ce n'était pas assez, je pouvais faire mieux. J'en étais capable. Il me l'avait dit, m'avait encouragé de quelques paroles. Quelques paroles qui suffisaient. Je me souvenais de ce jour où j'avais fini assez tard, où il m'avait aidé avec le revers d'une veste qui me résistait, sa silhouette soulignée d'un costume bordeaux saillant qui me suivait jusqu'à l'ascenseur, jusqu'à la sortie, l'envie de m'inviter à boire un verre sur le bout des lèvres, mais qu'il ravala âprement en voyant l'amie qui m'attendait devant l'entrée..

La styliste Choi et moi, avions pratiquement fini d'habiller nos trois danseurs ainsi que le guitariste du groupe qui allait se produire. Elle finissait ce dernier, à moins d'une heure du show. Les invités arrivaient, de plus en plus nombreux, dans la grande salle, tous à la recherche de leurs noms qui ornaient les chaises noires, disposées de part et d'autre du podium. Ça allait bientôt commencer.. pensais-je d'un sourire nerveux, alors que je regardais à travers le rideau, avant d'entendre une des stylistes crier le nom d'une mannequin qui semblait avoir disparue. Ou perdue, allez savoir. Il y avait tellement de monde, qu'on ne pouvait réellement le lui reprocher. Mais elle était en réalité en retard, je m'élançais donc vers les couloirs pour essayer de voir si elle arrivait. Dix minutes plus tard, je la retrouvais entrain de monter à toute hâte l'escalier principal des lieux, une grande architecture en pierre, sa longue chevelure rousse détachée sur ses épaules. Je la rassurais d'un sourire, alors que la jeune mannequin de dix-huit ans s'excusait d'un anglais aux teintes slaves, avant de la presser de rejoindre les coulisses. Elle disparaissait rapidement à l'étage, pendant que je regardais du haut du palier où j'étais, les différentes personnes qui entraient. J'avais l'impression de voir des touches de piano marcher et s'entrechoquer. Et puis, une agitation à la sécurité attira mon attention, alors que je plissais les yeux vers l'homme qui provoquait ce rafût. Ma bouche s'entrouvrit en apercevant Jeha, dont l'entrée était barrée par deux hommes en noir, immenses, qui surveillaient les allers et venues. De vrais men in black ! J'avais entrevu celui-ci dans la semaine, mais j'avais été un véritable courant d'air, rentrant assez tard, et me levant bien trop tôt. Nous n'avions pas vraiment eu l'occasion de reparler après.. la soirée que nous avions passé ensemble, et la nuit, qui avait été plus que mouvementée, mais pas dans le sens que j'aurais souhaité. Désirée. Ses explications le lendemain, m'avaient paru floues, tout en étant claires. L'alcool n'était pas ce qui avait échauffé nos corps, il les avait juste un peu plus provoqué je dirais. Il gérait mal les relations d'une nuit.. Très bien, je respectais son choix. Mais rien ne me forçait à le fuir pour autant. Je descendis doucement de quelques marches pour écouter ce qu'il se passait. « Si vous n'avez pas votre carte de photographe professionnel qui atteste de votre identité, je ne peux vous remettre votre accréditation. Je suis désolé monsieur, mais vous ne pouvez pas rentrer. » Les esprits s'échauffaient, la voix tendue du brun résonnant jusqu'à moi. Et puis, tout à coup, j'avais reconnu l'un des deux hommes qui s'était retourné. « Ronnie ! Ronnie, laisse-le rentrer, je le connais. » scandai-je, attirant aussitôt leurs regards dans ma direction. Je réduisais de quelques marches la distance, avant de me mettre à côté de mon ami Ronnie, lui tapotant amicalement l'épaule. Comme je le pouvais du moins. De son 1m90, il jouait souvent les gorilles au Nymphéa et aux clubs que je fréquentais, nous avions donc fini par sympathiser. Il trouvait que son surnom était plus cool que son prénom coréen, qui ferait apparemment rire pas mal de gens dans sa signification ! « Il est dans la même fraternité que moi à Yonsei, il est vraiment photographe, tu as ma parole ! » Le géant soupira, lançant un regard noir et suspicieux en coin vers le Neugdae. « Tu n'as pas confiance en moi ? Yah, qui t'as couvert auprès de la patronne l'autre jour, quand ta pause a duré plus longtemps qu'il ne le fallait hm ? Tu m'en dois une. » lui lançais-je d'un sourire amusé, que l'homme arbora après de longues secondes. « T'as intérêt à te porter garante de lui. Si il se passe quelque chose, t'en seras responsable, ok ? » J'acquiesçai d'une moue, faisant un signe du menton au loup, d'un air de dire qu'il avait intérêt à se tenir à carreau.

On s'isola juste à côté de l'escalier, juste à côté de la foule qui passait derrière lui. Nous étions tous les deux séparés par un ruban rouge, la zone de l'étage étant interdite au public. « Alors, t'es là pour le boulot à ce que je vois. » affirmai-je, en détaillant son sac qui devait certainement contenir son appareil et tous ses objectifs. Je relevai lentement les yeux, reluquant sans gêne la tenue qu'il arborait et qui lui allait comme un gant. « T'es beau. » lâchais-je soudainement, me plongeant dans ses prunelles sombres, m'accrochant à cette lueur de surprise que j'aimais bien voir chez lui. « Je ne savais pas que les photographes devaient aussi s'apprêter. Et je ne savais pas non plus que tu travaillais aussi dans le monde de la mode. Tu vas souvent dans ce genre d’événements ? » lui demandai-je, en penchant la tête d'un sourire. C'est vrai qu'on avait prévu que tout le monde soit sur son trente et un, même les serveurs, mais je n'avais pas pensé à la presse. En même temps, cela aurait été dommage de rater un tel spectacle. Les costumes étaient comme les robes pour les femmes, cela changeait radicalement une image.. pensai-je en l'observant. « Ah, il va y avoir des danseurs en première partie de soirée, puis un groupe qui va jouer pendant le défilé, donc tiens toi prêt, va falloir mitrailler dans tous les sens ! Et à un moment donné, il va y avoir un couple qui sera habillé en costume, ils devraient s'embrasser quand ils arriveront au bout du podium.. ça devrait faire une belle photo. » lui affirmai-je, tout en agitant mes mains devant lui, pour esquisser les lieux de mes ongles noirs. « J'te donne quelques tuyaux ~ Même si je ne doute pas que tu feras du bon boulot. » rajoutai-je d'un clin d'oeil. Quant tout à coup, une voix scanda mon prénom, d'un ton informel qui avait dû attirer l'attention. Je me retournais pour apercevoir Steven Kim qui descendait l'escalier en me demandant de venir d'un geste de la main. Je m'excusais auprès du photographe, avant de m'éclipser vers le styliste d'un pas rapide, m'inclinant aussitôt devant lui. « Oh, pas de ça avec moi ~ » fît-il de sa main sur mon épaule, avant de la descendre nonchalamment vers mes omoplates tout en se rapprochant. « Est-ce que tu saurais quand va arriver Miss Park ? » Miss Park.. si j'appelais la rédactrice de cette manière, je serais fusillée sur place. Je lui assurais qu'elle n'allait pas tarder, elle avait précisé vers 19h30. « Très bien ! Parfait ! Ah et je voulais te dire.. » Il se courba davantage vers moi. Je ne faisais même pas attention à son attitude occidentale, à cette main qui coulait légèrement jusqu'à mes reins, il était familier avec tout le monde après tout.. Hmm.. « You're gorgeous in black and white. See you later. » me complimenta t-il de cette langue qui nous liait, et qui me faisait plaisir d'entendre sous de tels mots. Il emprunta l'escalier, et je me retournai pour retrouver Jeha, alors que je craignais qu'il soit entre temps parti. Le rouge colorait d'une nuance pastel mes joues, touchant la corde sensible de l'artiste, et certainement de la femme en moi. Après tout, j'avais fait exprès de porter une tenue que j'avais moi-même crée. Je me sentais terriblement futile de m'accrocher aux douceurs scandées d'un homme, mais je me persuadais que c'était surtout parce que le style lui avait plu, et qu'il n'avait pas balancé cela juste par politesse. Dans mes pensées, je rencontrai le regard de Jeha, avant de soupirer, comme si j'avais retenu bêtement ma respiration. « C'était Steven Kim, enfin tu dois savoir bien sûr. Je suis fan de son travail depuis des années.. c'est beaucoup de pression de pouvoir bosser avec lui. » lui avouai-je, me mordillant la lèvre inférieure. Mais ce défilé et cette soirée allaient bien se passer, il le fallait !  

    
 

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.
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Re: You can't judge a book by its cover | #JERA ♥ | Lun 17 Avr - 21:19
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Ils rampent, avec une douceur hésitante, pour frôler l'objet d'un désir peu assumé. Puis ils fuient. Ils ne cessent jamais de fuir, de reculer, de vouloir échapper à l'attraction qu'exercent sur eux ceux qu'ils veulent toucher, attraper, posséder. Alors ils avancent, puis s'échappent, en une danse immuable, pour finalement faillir et enlacer, les doigts de l'être qui fascine.
 


La colère était un sentiment familier et pourtant, je n'avais aucune emprise sur elle. Je subissais ses ondes de chaleur, cette sauvagerie qui étreignait mon cœur et cette envie d'étrangler que je ne retenais qu'à grand peine mais que mes poings serrés trahissaient. Elle était ma plus dangereuse compagne, celle que je maîtrisais encore moins qu'une libido rebelle et étouffante. Mais le mariage des deux .. Je serrais les dents et fusillai du regard le gorille qui s'obstinait à m'interdire le passage, avec la rigidité et l'intelligence d'un robot. « Puisque vous vous plaisiez à répéter bêtement cinq fois la même phrase, je vais réitérer également. Appelez le magasine et vérifiez mon accréditation par voie orale. Je n'ai pas le temps de retourner chez moi pour une carte plastifiée ! » Le peu de patience que je possédais s'effilochait, déchirée par les deux hommes qui me fixaient avec un froid détachement. Las de discuter avec un mur et pressé par le temps, je plongeai la main dans la poche de ma veste, pris mon portable et composai le numéro de mes employeurs momentanés. Les sonneries retentirent dans mon oreille compressée par l'appareil, tandis que je revivais psychologiquement une journée épuisante. Mais je ne me souvenais pas avoir sortie la carte de mon porte feuille, que ce soit au stade ou à la salle de sport. Où diable avais-je … Mes pensées s'évanouirent quand j'entendis son timbre familier, non pas dans le téléphone que je tenais toujours plaqué contre ma joue, mais dans un hall auquel je ne pouvais pas accéder. Attiré instinctivement par des notes que je reconnus avant même de les lier à son visage, je posai les yeux sur la silhouette d'une femme que je n'avais que brièvement entraperçue au cours de la semaine passée. Chacune de nos rencontres, aussi fortuites qu'éphémères, m'avaient laissé croire que je maîtrisais enfin une situation qui m'avait dépassé l'espace d'une nuit. Et si une part de moi avait regretté le choix que je nous avais imposé le lendemain matin, la seconde s'était sentie rassurée de constater que le temps apaisait plus qu'il ne tourmentait. Hormis la nuit, je parvenais à l'oublier, elle et la chaleur de son épiderme, elle et la saveur de sa bouche, elle et l'onctuosité de sa salive. Mais sa brusque et surprenante apparition, dans un lieu où je ne l'imaginais pas, brisait les quelques illusions que j'avais entretenu à son sujet. Elle n'était pas la première femme que je désirais depuis ma sortie de l'hôpital mais elle était la seule à avoir gravé son souvenir dans ma peau. A cause d'un toucher et d'une connerie non assumée. Il était plus facile d'effacer, voir d'ignorer, quand on n'avait pas goûté au fruit d'un désir indésiré. Je crispais les doigts autour de la coque noir d'un téléphone muet et la caressai du regard. Les jambes allongées par ses talons immaculés, elle portait une bicolore jupe étroite qui soulignait ses courbes et un haut blanc dont la manche disparue et le bas fuyant dévoilaient plus de peau qu'il n'en dissimulait. Mais le plus fascinant était sa coiffure. L'or s'était mué en un caramel aussi chaud que sa voix sensuelle, qui vibrait pour négocier avec un colosse qu'elle semblait connaître. Je soutins le regard noir de ce dernier, peu impressionné par sa carrure ou sa manière de me fusiller. Ou menacer. Je secouai la tête, atterré par le ridicule d'une prise de position qui correspondait plus à un meeting présidentiel qu'à un défilé de mode. Ainsi, lorsqu'elle fit corps par un regard à cette mise en garde hors contexte, levais-je un sourcil. Etais-je le seul à considérer cet événement comme de moindre importance ? Je passai entre les deux hommes sans leur accorder un regard. Seule ma montre y eut droit, tandis que je notais l'heure, rassuré d'avoir moins de retard que celui que je m'étais brièvement imaginé face à ces deux têtes de mule. Malheureusement, ce temps octroyé ne m'offrait aucune excuse pour échapper à Sora et au remerciement que je lui devais pour m'avoir tiré d'affaire. Je la suivis donc, les doigts crispés autour de la lanière d'un sac qui pendait le long de mon flanc droit. Insensible au brouhaha qu'offrait une foule qui avançait dans mon dos, je l'accompagnais jusqu'à un escalier ceinturé d'un ruban rouge sous lequel elle se glissa en un geste qui raviva ma mémoire. Sora n'était pas seulement danseuse, mais styliste pour Vogue, autrement dit la société qui organisait le défilé auquel j'assistai. « Merci » dis-je sans plus m'interroger sur une présence qui ravivait plus de souvenirs que ceux d'une conversation écoutée. Des réminiscences qui tissaient leur toile dans mon être tendu, où le mal être s'insinuait avec la maestria d'une habitude déplaisante. Glissant ma main libre dans la poche de mon pantalon, je m'apprêtais à prendre congés quand elle prit la parole. Je suivis son regard sur mon sac et acquiesçai en silence. Je n'avais aucun mot à lui offrir, d'autant moins que je sentais la force d'un regard qui ravivait toutes les sensations que je m'évertuais à assassiner depuis une semaine. J'enviais sa maîtrise et son détachement. Visiblement, elle avait eu moins de mal à tourner la page sur notre étreinte sexuelle avortée. Mais la jalousie se tut, assassinée par la surprise que ses mots injectèrent dans deux pupilles dilatées et posées sur elle. J'avalai ma salive et me retins à grand peine de dénouer un peu la cravate qui me gênait. « Ce n'est qu'un costume. » grognai-je dans ma barbe, sans comprendre ce qu'elle trouvait de séduisant dans un vêtement porté par la majorité de la population masculine. La bienséance aurait toutefois voulu que je lui retourne le compliment, d'autant plus que je le pensais sincèrement. Elle était belle, par sa tenue surprenante, par cette nouvelle coiffure qui ajoutait encore un brin de félinité à son apparence, par cette frange qui caressait ses longs cils maquillés et adoucissait son visage. Mais je n'en fis rien, préférant paraître gougeât qu'intéressé. Mais pouvait-on seulement taire un regard qui en disait plus qu'une langue coincée ? « Parfois. » me bornai-je à répondre, peu disposé à échanger des banalités avec elle. La seule chose qui me retenait de couper court à la conversation par une agressivité manquée était la reconnaissance que je lui devais. Mais que cherchait-elle réellement en discutant ainsi ? S'était-elle réellement mise à apprécier un homme qui ne voulait pourtant d'aucun lien avec elle ? Mon sourcil tressauta. Je n'arrivais pas à la comprendre et ce fait m'offrait un argument de poids à opposer à ce lien animal qui s'était noué entre nous quelques semaines plus tôt. Indifférente, ou aveugle à mon mutisme, Sora s'échina à parler en m'offrant le programme de la soirée et en me révélant les moments clés du défilé. « Pourquoi ? » lui demandai-je brusquement en vrillant mon regard au sien. « Je t'ai fait vivre une nuit infernale, t'ai... » Mais la question qui suivit, et que ma langue s'apprêtait à jouer, fut assassinée par un cri brusque et dont les notes aiguës formaient son prénom. Elle se retourna et je levai les yeux pour apercevoir un homme que je reconnus pour avoir porté quelques unes de ses créations à l'époque où je faisais encore du mannequinat. Steven Kim. Si je lui reconnaissais volontiers du talent, cet homme me laissait indifférent, ce qui n'était sensiblement pas le cas de la jeune femme, qui s'empressa de le rejoindre après s'être brièvement excusée. Je serrai les dents et m'apprêtai à tourner les talons quand j'entrevis un geste qui excluait tout platonisme. La langue pressée contre la commissure intérieure de mes lèvre, je tournai la tête, les sourcils froncés. Sa main coulait dans son dos, avec une familiarité indéniable que tolérait la brune rougissante. Épaule, omoplate, sa paume poursuivit sa lente progression jusque ses reins mis à nus tandis qu'il lui soufflait des mots que je n'eus aucun mal à percevoir, ni même à comprendre. Un soupçon de sourire maquilla de noirceur une bouche tendue, en une mimique figée par un regard lancé. Tendu, je fis face à cet homme, qui d'une expression claire, venait de marquer son territoire. L'avertissement ne dura pas plus de quelques secondes et il se détourna pour s'éloigner, sans plus nous accorder d'attention. Je fermai brièvement les yeux, victime d'une colère noire et ronflante. L'antipathie vive et violente qui m'inondait se mesurait à une flamme noircie dont je ne comprenais pas l'origine. J'aurais dû m'en foutre. Si elle était assez conne et naïve pour se jeter dans les bras de ce mec, qui la regardait et la toucher comme si elle ne valait pas mieux qu'un objet, ça ne me concernait pas. Je pris le temps de calmer l'ardeur d'un cœur battant et d'apaiser la noirceur qui me dévorait avant de battre des cils et de faire face à la jeune femme, dont le visage rouge et les yeux brillants achevèrent de m'agacer. Le muscle de la mâchoire tressaillant, je retins des mots qui auraient pu être interprétés de travers. Je glissai les mains dans mes poches et pris le temps de poser les mots que je rétorquai, avec le plus de détachement possible. « J'aimerais te dire que je suis content pour toi, mais nous ne sommes pas assez proches pour que je le ressente réellement. Néanmoins profite. C'est rare de côtoyer d'aussi près son idole. » Mon ton calme tranchait avec une personnalité qui en ignorait jusqu'à la définition. « Bon courage pour ce soir. » me forçai-je à ajouter avant de tourner les talons et de l'abandonner. Je réajustai la lanière de mon sac sur mon épaule et m'éloignai sans un regard en arrière.

« Qui était le canon avec qui tu discutais ? » demanda Ri-Hwan tandis que j'achevais de monter mon appareil photo. « Personne. » répondis-je en me redressant pour jeter un œil dans l'objectif. « Je suis simplement étonné que tu ne lui ai pas sauté dessus. » Les épaules contractées en un effort manifeste, je tournai la tête dans sa direction. « Je voulais dire agresser. » précisa t-il en reportant son attention sur le podium. « Qu'est-ce que tu sais de Steven Kim ? » l'interrogeai-je pour couper court à toutes hypothèses de sa part concernant Sora. « Seulement qu'il a une excellente réputation dans la profession, peu usurpée par ailleurs puisque chacun s'accorde à dire que ce type a du génie. » Et l'art d'approcher sans finesse, songeai-je. « Cependant, son originalité ne va pas plus loin. Figure toi qu'il est le stéréotype parfait de l'homme qui couche avec tout ce qui bouge. Une de mes amies travaillant à Vogue m'a d'ailleurs raconté l'épisode tout à fait croustillant de leurs ébats dans la cage d'ascenseur. Du déjà vu mais efficace apparemment. » Je raclai mes dents sur mon inférieure, puis pressai mes lèvres l'une contre l'autre. Elles se confondirent pour ne former qu'une ligne blanche sur un visage dépourvu de couleur. Seule le noir d'obsidiennes rivées sur le podium apportait une touche de contraste que l'on retrouvait partout dans la salle. Blanc et noir. Mes émotions reflétaient ces deux opposés. Sora était mâture et en âge de choisir ses partenaires sans qu'un étranger ne vienne se mêler de ses préférences. Pourtant, je ne pouvais pas empêcher cette inquiétude, souillée d'une émotion plus indéchiffrable, de percer l'indifférence que je tentais vainement d'atteindre. « Ça commence. » chuchota mon collègue et ami. Les lumières s'éteignirent, comme pour lui donner raison et les danseurs entrèrent en scène. Faisant fit du flot de pensées qui m'agitaient, je m'abandonnai à ma première passion. Sora et les problèmes qu'elle me posait cessèrent d'exister et je ne vécu plus que pour figer celles et ceux qui apparaissaient sur scène. Le son crépitant du flash s'ajouta à la musique et au bruit de pas qu'émettaient les mannequins qui défilaient. Mes pensées ne dérivaient que pendant les pauses, où je cherchais instinctivement dans la foule deux silhouettes distinctes. Celle d'une femme qui devait rester en coulisse et de la star du jour qui n'apparaîtrait probablement qu'à la fin du défilé. Et en effet, il déambula sur scène après le dernier spectacle de la soirée. Le visage détendu et à mille lieux du faciès arrogant qu'il m'avait montré, il remercia l'équipe en coulisse avec une éthique impeccable. Par professionnalisme, je pris quelques clichés puis quittai les rangs quand j'eus estimé avoir tout ce qu'il me fallait. « Ce défilé est probablement un de plus beaux que j'ai vu. » commenta Ri-Hwan en claquant la langue. « J'attends avec impatience la soirée maintenant. » « Sans moi. » commentai-je en regardant ma montre. « J'ai perdu ma carte et je ne sais ... » Elle jaillit devant mon nez, portée par la main d'un collègue au sourire amusé. « Tu l'as laissé en salle tout à l'heure. Ça ne m'a pas vraiment étonné parce que tu es tendu comme un arc en ce moment. »  Je la saisis entre mes doigts sans mot dire, conscient que son jugement n'était pas infondé. J'avais été tendu par frustration et je l'étais maintenant par inquiétude. Je soupirai, mais ne cherchai plus à combattre une émotion somme toute logique. Après tout, Sora n'était pas une femme comme les autres. Il Nam l'avait aimé et tenait à elle. Que je sois indifférent à la situation aurait été un pied de nez désastreux à une amitié que je chérissais plus que mon envie de rester éloigner d'elle égoïstement.

Je repérais Steven Kim dès mon entrée dans la salle. Indifférent au décors et aux convives qui y s'agglutinaient entre eux et autour des tables, je pris les photos imposées par les circonstances et dont la majorité concernait le styliste. L'esprit alerte, je n'eus donc aucun mal à suivre des yeux le manège auquel il s'adonnait. Des regards en biais, des effleurements sans innocence, des chuchotements murmurés. Toutes les femmes présentes avaient droit à une attention, plus ou moins marquées suivant l'âge et l'intérêt qu'elles lui portaient. Quel connard. Je détournais mon appareil, fatigué d'un jeu qui accentuait une antipathie teintée de fureur et tournai la tête pour chercher Sora dans la foule. Mais elle restait invisible. Hors, je me voyais mal quitter la soirée sans l'avoir au moins prévenu que son soupirant actuel ne voyait en elle qu'un cul de plus. Néanmoins … ne m'avait-elle pas fait comprendre que coucher pour une nuit ne lui posait aucun problème ? Je passai une main nerveuse dans ma chevelure brune, rejetée en arrière par une dose de gel. J'avais l'art et la manière de me mettre dans des situations de plus en plus impossibles quand elle était dans les parages. Je posai mon sac sur le sol, y rangeai mon appareil photo et réfléchis posément à la situation. Je pouvais tout aussi bien lui proposer de la raccompagner. Quoique … de quel droit interviendrais-je dans une nuit planifiée qu'ils désiraient probablement tous les deux ? Ah et puis merde. Soulevant mon sac, je quittai la soirée et me dirigeai vers les coulisses, barrées de cet éternel ruban rouge. Cordon que j'aurais volontiers enjambé si l'entrée n'était pas interdite par un malabar qui montait la garde en jouant sur son téléphone. Sans même songer à l'apostropher, bien trop conscient qu'il n'agissait que selon les ordres données, je jetai un coup d’œil dans le couloir et repérai un des mannequins qui avaient déambulé plus tôt sur scène. Je glissai les doigts entre mes lèvres et la sifflai dans l'intention d'attirer son attention et de la retenir. Surprise, elle se tourna et remonta le couloir intriguée. « J'ai besoin de voir Sora. » Croyant percevoir chez elle une hésitation, je m'efforçai de me rappeler un nom qui m'échappait. « Kang So Ra. » ajoutai-je finalement, peu habitué à utiliser son patronyme en entier. « La styliste ? » demanda t-elle avec un accent slave prononcé. « C'est urgent. » opinai-je, « Dites lui que ... » « Vous êtes son petit ami ? » coupa t-elle brusquement, les yeux luisants. L'idée, farfelue au possible, aurait pu me faire éclater de rire si elle n'avait pas eu des allures de cauchemar. « Dites lui seulement qu'il faut que je lui parle avant de partir. » sifflai-je en me retenant de ne pas envoyer sur les roses une fille dont la jeunesse se lisait aussi bien dans son regard que dans son expression. J'ouvris les poches de mon sac et en sortis une des cartes professionnelles qui y sommeillaient en permanence. « Donnez lui ça. » Elle acquiesça, pris la carte et s'éloigna dans le couloir. M'adossant au mur, je songeai une demi seconde à l'ironie de la situation. Dire que je lui courais après alors que je m'évertuais d'ordinaire à la fuir. Et pourquoi ? Seulement parce que je me méfiais d'un type qu'elle voulait s'envoyer en l'air. C'était risible. D'autant plus que je me mettais dans une position qui pouvait laisser sous entendre que j'étais jaloux. L'idée fit naître un long frisson glacé. Qu'est-ce que je foutais là ? Dans quel genre de merde me mettais-je par amitié ?  Le plus simple aurait été de téléphoner à Il Nam pour qu'il vienne la tirer de ce bourbier lui même. Incapable d'admettre ou même de comprendre le tumulte qui régnait dans mon crâne, je pris mon portable et composai le numéro de mon meilleur ami et, accessoirement de son ex. Le connaissant, il déboulerait ici et prendrait Sora entre quatre yeux. Il avait une excuse, un passé et une raison. Je n'en avais aucune et surtout n'en voulais pas.
 
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Re: You can't judge a book by its cover | #JERA ♥ | Jeu 20 Avr - 0:10
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You can't judge a book by its cover
Je Ha & Sora





LOOK & BROWN HAIR | Jeha avait du style. J'aimais beaucoup la tenue qu'il portait. Non, ce n'était pas qu'un costume. Il avait ce côté classique de part sa coupe, mais suffisamment ajusté pour le rendre moderne. A vue de nez, c'était une grande marque, il devait miser sur la qualité et l'intemporel. Les petits pois blancs qui ornaient sa cravate donnaient la touche excentrique, offrant à l'ensemble un style branché. La chemise n'était pas assez ouverte, pas assez déboutonnée à mon goût, j'avais été habitué à en voir plus, cela me frustrait, un peu. Beaucoup. J'admirais les mocassins en cuir, légèrement rock de part sa boucle en argent sur le dessus. Il avait donc un certain goût pour s'habiller, en voilà un bon point, pensais-je en le détaillant en quelques secondes, alors que j'entamai tranquillement la conversation, après l'avoir sorti des griffes des agents de la sécurité. Enfin, j'essayai du moins.. Aujourd'hui, il semblait difficile de lui arracher quelques phrases, un ou deux mots déjà lui demandaient des efforts incroyables. Qu'est-ce qu'il avait ? Il devait certainement avoir encore les nerfs avec les soucis à l'entrée. Il y avait tellement de monde, on devait rapidement se stresser, sans qu'on ne sache vraiment pourquoi ici. C'était une vraie ruche en ébullition ! Mais pourquoi est-ce que je pensais que ce n'était pas que ça ?  Il semblait vouloir couper court à notre échange, et pourtant, faisant mine d'ignorer ses tentatives, je continuais à l'animer, comme pour le forcer à sortir plus de vocabulaire pour me répondre. Ouuuh quelqu'un s'était levé du pied gauche ce matin, j'en avais presque oublié un instant son côté grincheux après la soirée que l'on avait passé ensemble. Un flash me revenait, celui du brun possédé par un aegyo incontrôlable, sa voix criant plus fort, ses chaussures frappant le sol comme un enfant gâté, son visage près du mien, nos fronts, nos nez, nos souffles se frôlant.. et ils avaient fait bien plus que se frôler.. Pensée qui m'arracha un frisson familier alors que je le fixais, lui et son air borné. Puis, tout d'un coup, son ton se fît plus marqué, j'haussai un sourcil alors qu'il se précipitait dans ses mots, dans une phrase qu'il commençait à construire et que je sentais.. tendue. Une nuit infernale ? Cet homme voyait tout en noir, alors que ce n'était qu'un once de contraste de gris.. Lorsque j'entendis mon prénom scandé par une voix masculine derrière moi. C'était Steven Kim. Sur le coup, je ravalai ma salive, m'excusant auprès du loup, avant d'aller voir ce qu'il me voulait. J'étais persuadée qu'il allait me donner une sorte d'avertissement, que je devrais être à mon poste, au lieu de vagabonder vers l'entrée. Mais il n'en fît rien, il voulait simplement savoir quand la rédactrice en chef allait arriver, ce qui ne devrait pas tarder. Et je ne reculai que légèrement mon buste alors qu'il s'avançait davantage, comme si il allait me dire un secret. Ce qui était un peu le cas, même si cela n'avait rien d'un murmure, ce compliment caressé de son accent américanisé qui me manquait tant. Il avait fait plaisir à l'apprenti-styliste qui était en moi, le prenant comme un regard averti sur une tenue que j'avais moi-même crée. Et à la femme également, c'était toujours plaisant après tout, quand c'était pensé. Je ne remarquais pas le regard qu'il coulait derrière moi, vers Jeha, de cet air arrogant et dominant, qui me passait étrangement au dessus de la tête. Je ne remarquais rien, rien de tout cela. C'était transparent, j'étais aveugle. J'attendis que le styliste grimpe les escaliers pour rejoindre le photographe. Le rouge aux joues trahissant une flatterie qui avait fait mouche. Est-ce qu'il avait vraiment aimé ? La jupe, le haut ? L'ensemble ? Si je pouvais.. Si je pouvais, peut-être que j'essayerais de trouver un moment pour lui demander dans la soirée, si il avait du temps à m'accorder.. Je me mordillais la lèvre inférieure, effaçant un sourire naissant. Non peut-être pas ce soir, il n'aurait pas le temps, je n'allais pas l'ennuyer en lui parlant de mes créations. Je soupirais. On dirait une adolescente de quinze ans.. Je battis des paupières, revenant de ma brusque rêverie en relevant les yeux vers le brun, alors que je lui indiquais que c'était un privilège de travailler avec cet artiste. J'avais eu de la chance de pouvoir apprendre avec une telle équipe ! C'était exaltant, réellement ! Et ce soir, c'était la consécration de longs mois d'efforts, et j'étais particulièrement impatiente d'en découvrir le résultat dans toute sa finalité. Mais malgré la bonne humeur qui régnait chez moi, je ne semblais pas capable de la partager pleinement. Mon interlocuteur me lorgnait d'un air irascible, un nuage orageux planant au-dessus de sa tête. Sa réplique frappa comme un éclair précis et redoutable. C'était quoi cette façon de formuler les choses ? Pourquoi est-ce que cela sonnait si mielleux ? Je plissai mes yeux, les cils habillés de mascara se resserrant en position de défense. Ça puait le dédain à plein nez. Mais qu'est-ce qu'il avait, bon sang ? Était-ce si compliqué de le dire en le pensant ? J't'en foutrais des bon courage. « Bon courage à toi aussi, car apparemment, t'en auras beaucoup plus besoin que moi, vu ton humeur d'ours mal léché. Bois un petit coup et profite de la soirée. » ponctuai-je de ce même faux calme, ce même air détaché, nous tournant tous les deux le dos en même temps, l'un gagnant la salle principale et l'autre le grand escalier, faisant claquer mes talons avec virulence sur les marches en pierres. J'étais bien assez stressée comme ça, il fallait qu'il en rajoute une couche ! Va au diable, merde.

Cinq minutes avant le show.
Nous ne savions plus où donner de la tête. Le coup de feu était lancé depuis une trentaine de minutes. Les maquilleurs et les coiffeurs s'activaient autour des mannequins immobiles, inébranlables. Voilà un métier que je ne pourrais jamais faire, avoir cette patience de se laisser faire, de suivre sans broncher, tout cela dans un court laps de temps, et absorber tout ce stress autour d'eux.. Moi j'étais au coeur du stress, j'étais le stress. J'étais cette brûlure intense dans la chaleur étouffante des backstages. Cette brûlure d'excitation, de passion, de crainte.. Un peu tout en même temps, alors que je tournais avec la styliste Choi pour peaufiner nos quatre tenues sur les modèles, qui se laissaient faire, dans une impassibilité que j'admirais. Ils ne trahissaient aucune pression alors que moi, j'avais l'impression que je mettais ma vie en jeu. C'était mon premier grand défilé, ce n'était pourtant pas moi la tête d'affiche, ni l'hauteur de tout cela, mais il y avait quelques touches dessinées, découpées, harmonisées par mes soins, et j'y tenais comme à la prunelle de mes yeux. C'était mon travail, ma fierté, ce qui allait me représenter, sous lequel il y aurait mon nom, et il était hors de question que tout ne soit pas absolument parfait. Le défilé allait commençait.. trois minutes.. Quant tout à coup, l'une des danseuses que nous nous occupions et qui devait monter sur scène pour la première partie, accourra vers moi, son foulard blanc à la main. « Pardon, je suis désolée ! J'ai voulu le soulever, et mon rouge à lèvre.. je suis désolée, vraiment ! » s'excusait-elle. J'attrapais rapidement le tissu qu'elle me présentait, la forme de sa bouche se dessinait sur celui-ci. Rouge. Ce n'était pas l'une des couleurs imposées pour les vêtements de la soirée.. et dieu que cela se voulait assez strict. Qu'est-ce que je faisais ? Il fallait l'enlever.. Mais c'était une touche importante pour la tenue, les autres en avaient un aussi... La styliste Choi était déjà derrière la scène avec les trois autres, prête à les lancer sur la piste, je n'avais pas le temps de l'appeler. Et puis.. une idée. Je lui demandais d'embrasser à nouveau le tissu, et malgré sa surprise, elle le fit. J'attrapais un rouge de la même couleur, posé près d'une coiffeuse, en redessinant plus pulpeusement le croquis, le faisant particulièrement ressortir sur la blancheur. D'un geste rapide et précis, je l'étalai sur une table, et le pliai. Ni trop largement, ni trop finement, en une longue bande que j'approchais d'elle pour le nouer autour de son cou, en un collier improvisé. Le dessin pulpeux ornait sa nuque, et je fis un petit noeud, en laissant retomber délicatement les pans dans son dos dénudé. Son haut échancré jusqu'à ses reins mettait assez bien le foulard et l'esquisse en valeur. Mais je n'en restais pas là. Audacieuse, j'en dessinais d'autres à main nue, trois de plus sur sa peau, en parsemant dans un tracé visuellement sensuel.. Parfait. Je n'avais pas caché le rouge, je l'avais intensifié.. c'était à prendre ou à laisser. Un peu de rouge sur ses lèvres, et elle entra sur le podium à peine quelques secondes plus tard. Et j'avais su au regard en biais de la styliste en chef, qui venait d'apercevoir la silhouette de la danseuse, qu'on allait devoir reparler de mes initiatives par la suite..

Après le défilé.
Tout s'était bien passé ! Le public avait chaudement applaudi Mister SK, qui s'était élancé vers eux à la fin de l'évènement. Quelques coups de sifflets joyeux vers lui, les flashs des photographes qui en capturaient chacune de ses expressions avec précision. A travers le rideau tiré, écoutant le discours du styliste international où il commençait à citer les noms de tout ceux qui avaient participé, je repérai Jeha dans la fosse. Ah il avait bien écouté mon conseil en allant juste devant le podium, ce mufle. Je fronçai les sourcils, je regrettais de lui avoir donné quelques ficelles pour la peine. OK, bon, il pouvait être de mauvaise humeur (comme 90% du temps), mais delà à être aussi.. teigneux.. Ce mec était une énigme. Je levai les yeux au ciel. Oh, faites qu'il aille boire un verre, bientôt il ne sera supportable qu'avec un peu d'alcool dans le sang, pensai-je, avant de reporter mon attention sur les petits cris de joie scandés dans les backstages. Malgré quelques petits détails, petits imprévus de dernières minutes qu'il fallait toujours apprendre à gérer, tout le monde avait assuré ! Il n'y avait plus qu'à se relaxer un peu et profiter de la fête.

Pendant que la soirée démarrait dans la seconde salle, où buffet et champagne étaient à disposition des invités, pour notre part, nous nous affairions autour de deux de nos danseurs qui devaient partir plus tôt des lieux. On ôtait chacune des tenues avec précaution, les rangeant sous des plastiques protecteurs. Elles n'étaient pas faites avec des tissus vraiment très chers, ce n'était pas du luxe, mais elles étaient précieuses. Elles représentaient nos heures de travail et on en prendrait autant soin que les tenues des autres duos. Respect d'un travail méticuleux et passionné. M'étant liée d'amitié avec les deux danseurs, je les raccompagnai vers la sortie, en les complimentant sur leur travail, les invitant à boire un verre un de ces soirs. C'était toujours bon de se faire des contacts, surtout si il était aussi sympa et professionnel qu'eux. Je regagnai les loges, quand une jeune stagiaire qui était avec nous depuis un mois, arriva en courant vers moi, téléphone en main. « Sora ! Soraaaaa ! Sora, j'sais pas ce qui m'a pris.. C'est le téléphone de Steven Kim et.. il l'avait laissé en coulisse, il n'arrêtait pas de sonner alors.. alors j'ai décroché ! Mais mais mais.. ça parle anglais et j'comprends rien, ça parle trop vite ! » scanda t-elle, désespérée, la main plaquée sur le haut parleur. La personne n'avait-elle pas raccroché avec toute cette agitation ? Elle me confia le téléphone, et je répondis d'un anglais parfait, l'accent coréen le marquant désormais de quelques nuances. Et si je tombais sur Alexander Wang, qu'est-ce que je faisais ? Mais c'était en réalité une personne qui travaillait avec le propriétaire de l'objet que je tenais, et au nom qu'il me donna, je me souvenais de ce Richard Pearce, qui était un peu comme son bras droit au sein de sa maison de couture. Il semblait assez pressé d'avoir son collègue au téléphone, alors je lui demandai poliment de bien vouloir patienter. Passant par le plus court des chemins en partant des coulisses, je longeai un long couloir, avant d'emprunter une porte menant directement dans la salle principale, où avait lieu l'after. Je passais sous le ruban qui délimitait les accès interdits, essayant de repérer le styliste, qui n'était pas difficile à trouver au milieu de cette foule qui tournoyait autour de lui, dans son costume d'un blanc immaculé. M'appuyant sur le fait que c'était certainement un appel urgent, je m'étais permise d'interrompre la conversation en m'excusant. « Je suis désolée, on s'est permis de décrocher pour vous. C'est votre associé, Richard Pearce, il a dit que c'était assez urgent. » précisai-je, en m'inclinant légèrement, avant de lui donner l'appareil, auquel il répondit d'une voix forte et enjouée. Les convives s'en amusaient, comme d'un spectacle qu'il offrait naturellement. Et alors que j'allais prendre congé, toujours en plein appel, il me fit signe de le suivre sans donner plus d'explications, alors qu'il s'esclaffait au bout du fil. Papillonnant un instant des paupières, je ne fis pas longtemps d'histoire sur le pourquoi du comment, et le suivis, quelques mètres plus loin. On quitta la salle principale, pour passer à côté du couloir qui menait aux coulisses. Apparemment, l'urgence n'avait rien de catastrophique et l'idée que je puisse presque tout entendre de leur conversation ne semblait pas non plus le gêner. Je détaillais sa tenue de dos d'un oeil aguerri, me demandant si c'était lui qui l'avait faite mais cela ne semblait pas être son style.. Il tourna à droite pour emprunter un nouvel escalier. Il voulait aller au second étage ? Il voulait un endroit tranquille pour discuter, c'était peut-être ma chance, qui sait ? Il était grand temps d'agrandir ton carnet d'adresse Sora, des opportunités comme cela, tu n'en auras pas trois mille. Je posai un pied sur la première marche, quand la rouquine de tout à l'heure me héla de tout au bout du couloir, de son charmant accent slave. « Sora ! Il faut que je te donne- » mais sa voix fût sans le vouloir interrompue par le styliste, qui m'avait vu m'arrêter un instant, mais qui n'avait pas remarqué sa présence. « Il faut qu'on parle du défilé. » insista t-il d'un sourire, avant de remettre le téléphone à l'oreille. Je fis un signe à la plus jeune pour lui démontrer que l'on devait se voir plus tard, avant de monter à mon tour.  

« Ahhh le défilé c'est bien déroulé ! Tout le monde a adoré le thème black and white, c'est un succès ! » me lança t-il soudainement, après avoir raccroché. Le long couloir était pourvu d'une large ouverture sur tout son côté droit. Il s'accouda à côté de moi contre la rambarde, d'où on avait une vue en hauteur sur un grand hall vide en contre bas. Tandis qu'à la gauche du couloir, étaient parsemées plusieurs portes, mais je n'avais aucune idée de ce qui pouvait se trouver derrière. A vrai dire, je m'en fichais. Toute mon attention était portée sur Steven Kim, Mister SK. Et dire que j'avais la chance de pouvoir discuter seul à seul avec lui.. C'était peut-être le moment de trouver un moyen de lui parler de mes dessins, de quelques unes de mes créations, j'aimerais tellement avoir son avis ! Et si il était mauvais, j'crois que je ne m'en remettrais jamais. Un rendez-vous, je me contenterais même de cinq minutes pour un regard ! Une opinion ! Il fallait que- « J'ai adoré le travail fourni par toi et tes collègues de Vogue Korea. Les tenues des danseurs et des musiciens se mariaient vraiment avec les miennes. Bon boulot ! Mais je dois avouer, que l'une d'elles m'a particulièrement marquée.. Celle avec le dos nu et le foulard blanc, tâché de rouge.. » Je tournai aussitôt la tête. C'était celle que j'avais arrangé en urgence. Il avait dit le mot tâché, etait-ce volontairement péjoratif ? Cette intervention d'une couleur aussi vive ne lui avait pas plu ? « Et Miss Choi m'a dit que tu avais pris l'initiative de cet ajout. » Il haussait un sourcil, ce qui lui donnait un air assez sérieux, si bien que je n'arrivais pas à déchiffrer son expression. Il avait détesté ? Je ne pouvais pas déjà le décevoir alors que je n'avais même pas eu le temps de révéler réellement mes talents ! « A vrai dire.. même si elle n'a pas eu l'air d'apprécier ton cran, pour ma part.. c'est ce genre d'initiative que j'apprécie, qui me fascine.. » rajouta t-il, d'un sourire qui se voulait charmeur, alors qu'il se penchait lentement vers moi, nos coudes s'effleurant. Mais j'avais choisi pile ce moment-là pour me détacher d'un seul coup de la rambarde pour lui faire face, alors qu'il se mettait dos à celle-ci en suivant mon mouvement. « Vraiment, vous avez aimé ? Le rouge ? C'est parti d'un imprévu en réalité mais.. » commençai-je, m'accrochant à l'espoir qu'il ne ravale pas ses paroles. « J'ai aimé, c'est parfois d'une erreur que peut venir les plus belles idées, et puis c'était.. très sensuel.. » continua t-il, en avançant d'un pas vers moi. « .. à l'image de la styliste. Il faut dire que tu es assez sexy comme femme.. » ajouta t-il. Je relevai la rangée de cils noircis vers lui, et c'était là que je l'avais vu, ou plutôt enfin remarqué. Ce regard, ce regard qu'il venait de glisser sur moi en une longue escapade sur ma silhouette. Ce regard d'homme intéressé. Un flirt, ce n'était qu'un léger flirt dans lequel je ne me laissai pas embarquer trop sérieusement. Je l'en remerciai, passant nerveusement la main dans mes cheveux, les calant derrière une oreille. Il gardait le silence de longues secondes, me fixant intensément, et je commençais à me demander si je ne devrais pas penser à prendre congé. Non ! Il fallait que j'enchaîne sur mes croquis, allez Sora ! Et alors que j'entrouvris la bouche, il reprit aussitôt la parole. « ça te dirait une petite collaboration avec moi ? » murmura t-il d'un sourire en coin aiguisé. J'écarquillai les yeux, avais-je réellement bien entendu ? « Une collaboration.. ? Avec.. moi, vraiment ? » enchaînai-je, l'excitation trahissant ma voix. Non pitié, pincez-moi, il avait vraiment dit ça ?? Une collaboration... c'est à dire travailler avec lui sur une collection ? Ou apprendre avec lui, comme une sorte d'apprentie ? Mes pensées s'affolaient. « Oui, je pense que tu as du potentiel. » Biensûr que j'avais du potentiel, ça je l'avais toujours su et je croyais en moi ! Ma main se perdait contre ma bouche, tentant de cacher un sourire bien trop enjoué, alors que je me retournais, esquissant quelques pas en arrière. Je reculais, il avançait. Il avançait, sa salive affluant alors qu'il lorgnait sur la ligne de mon dos et la courbe de mes hanches.. Mais je ne le remarquais pas. J'étais bien trop occupée à essayer de garder mon calme et de paraître cool devant cette proposition.. cette proposition incroyable que je n'arrivais même pas à réaliser ! Et puis, ce n'est que quand je me retournais que je percevais enfin sa proximité, qui me fît rater un battement. De surprise. Ce qui le fit rire, tout comme moi, même si je venais de me rendre compte que le mur derrière moi, n'était qu'à quelques centimètres. Et puis, sans que je ne sache vraiment pourquoi, un léger malaise commençait à m'envahir, alors qu'il plaquait l'une de ses mains contre le béton.

« Tu sais, on se ressemble tous les deux.. On a de l'ambition, du talent. » Et il en fallait dans ce milieu, même si ce n'était pas tout, car on était nombreux sur le marché. Ce qu'il fallait c'était.. de la chance et des opportunités, qu'il fallait savoir saisir au bon moment. Et n'en était-ce pas une ? Il plia son bras pour lentement se rapprocher. Je continuais toujours à l'écouter, mon corps reculant par réflexe, jusqu'à s'appuyer doucement contre le mur. « .. Mais il faut savoir si cela fonctionnerait entre nous, d'un point de vue moral, et d'un point de vue.. physique.. » murmura t-il, d'une voix suave alors que j'entrouvris mes lèvres. Avant de me crisper. Ses doigts caressant ma peau, passant sous la jupe en sequins. Sa paume empoignant la courbe de ma cuisse avec une envie que je pouvais désormais aisément lire dans son regard et son corps courbé contre le mien. Est-ce qu'il était.. Oui. Steven Kim était entrain de me draguer. Quoiqu'il voulait clairement plus, m'avoir.. dans son lit.. et je ne m'attendais pas du tout à une telle proposition ! Et puis, il était.. enfin c'était une personne dont j'admirais le travail, l'inspiration, les convictions, mais.. ce n'était pas.. Sa main remontait et je capturais aussitôt son poignet d'un sourire.. gêné, la faisant glisser loin du vêtement qu'il désirait parcourir. Un silence. Un froid. Comment.. Comment dire ça.. J'en avais rejeté pourtant des hommes trop entreprenants dans ma vie, et je pouvais m'en vanter mais.. On pouvait dire qu'il était un des rares à qui je n'avais d'ailleurs pas tordu violemment le poignet après une telle tentative mais.. là, ce n'était pas un chemin que je voulais emprunter. Et je tentais d'adoucir une atmosphère qui devenait, sans que je le réalise encore, glaciale. « Je... Je suis flattée, vraiment, et je me doute que nombre de femmes aimeraient être à ma place mais.. pour ma part, je préférerais rester sur le point de vue moral et professionnel. » avais-je réussi à dire, après de longues secondes de réflexion. C'était ce qu'on appelait prendre les choses avec des pincettes ! Il avait toujours ce sourire. Ce sourire dont il essayait de contrôler.. le tremblement imperceptible. Et puis.. un éclat de rire fracassant, qui résonna jusque dans la cage d'escalier. La tête penchée en arrière, ce rire qu'il essuya lentement du revers de sa manche, tendu. Son poing se refermant, alors que je me penchais légèrement sur le côté pour lire son visage et j'avais su à cet instant précis.. qu'il l'avait mal pris. Ma main s'avançant vers son épaule en un geste avenant. Ma main dont il avait subitement saisi le poignet en se retournant brutalement. « L'audace.. » Je me figeai sous l'ombre noire qui planait sur ses traits assombris. La seconde fût attrapée, agrippée. Un bruit sourd, douloureux, cognant contre mon crâne, alors qu'il venait de plaquer mes bras au-dessus de ma tête. Mon corps rebondissant contre le mur froid, le souffle coupé, le sien me frôlant. « .. j'adore ça ! Je savais que tu serais intéressante.. Sora. » Les pulsions de mon coeur s'étaient arrêtés, puis brusquement emballés, alors que je fixai l'homme sans comprendre. Sans vouloir comprendre. Non, je ne comprenais rien. Je ravalai ma salive, tentant de remettre de l'ordre dans mes pensées embrouillées. On.. On parlait du défilé, de l'ambiance, de mon initiative et puis.. il avait aimé ce que j'avais fait.. il m'avait complimenté.. il avait parlé d'une collaboration et ensuite.. je l'avais repoussé. C'était ça ? Ça le touchait tant que ça ? Pourquoi est-ce qu'il réagissait de la sorte ? C'était un test.. C'était forcément un test.. Et il s'abaissa un peu plus pour me faire entièrement face, les coins de ses lèvres s'étirant toujours. « J'ai envie de m'inspirer de ton oeuvre de tout à l'heure.. de laisser mes lèvres tracer leur chemin le long de ton dos.. le courber sensuellement et te baiser, là, maintenant contre ce mur.. Rien de mieux pour savoir si on est compatible, tu ne crois pas ? » Un frisson. Respiration qui se coupe, qui se bloque, face à ce visage dont les traits étaient déformés par une luxure.. Non, ce n'était pas de la luxure, mais.. de la perversité que j'y lisais. Il était sérieux. Les prunelles fauves se noircissant, mes pupilles se dilatant. Impossible. Il ne pouvait pas avoir dit cela, pas si.. pas d'une manière si crue.. Pas Steven Kim. Ce n'était pas lui.

« Non.. » lâchai-je, bien trop faiblement à mon goût. Non, ce n'était pas lui.. Et non, je ne voulais pas.. Il resserra sa poigne d'un coup sec. Je grimaçai sous la pulpe de ses doigts qui s'enfonçait dans ma chair, alors que je tentais de résister en serrant mes poings. « .. Tu as dit non ? Quoi, tu préférerais peut-être que je dise que j'ai detesté ton initiative.. ? Car je pourrais très bien le faire. Aller voir cette chère Miss Park qui m'adore, lui dire que tu as failli gâché mon défilé. Je pourrais la convaincre que tu n'as pas ta place chez Vogue Korea.. ça serait difficile sur un cv.. » Mon visage avait pâli de plusieurs teintes. Où était passé les rougeurs de ce doux embarras, d'il y a encore quelques minutes ? Disparues, éteintes. Laissant place à un vide, à un coeur piqué par une écharde empoisonnée qui me rongeait de l'intérieur. Désemparée.. J'étais littéralement désemparée. Était-ce.. son réel visage ? Cet homme bestial aux dents aiguisées, qui parlait pourtant chaleureusement à ses invités il y a de cela dix minutes.. Cet homme devant moi, que j'admirais, sur lequel je tentais de prendre exemple, que je voulais suivre.. Cet homme que je voulais.. Cet homme qui me voulait, mais d'une autre façon. Cet homme qui menaçait.. de me virer pour assouvir un désir sexuel monstrueux. Qu'est-ce qui allait se passer si j'étais virée ? Si cela se savait, tout se savait dans ce milieu. Tout, absolument tout. Pas sur lui en tout cas.. Si on apprenait le moindre de tes secrets, tu étais à terre. Toutes les places étaient bonnes à prendre, et celui qui la perdait, ne la retrouvait plus jamais. Mais si je me faisais virer pour de mauvaises raisons, je serais fichée. Fichée partout. On parlait de Vogue Korea, on parlait de Steven Kim. Les portes si difficiles à entrouvrir, se refermeraient sans la moindre pitié. Je ne pouvais pas perdre tout ça.. J'avais fourni beaucoup d'efforts pour en arriver là. Des sacrifices pour une ambition dévorante. Une ambition qui empiétait parfois bien trop sur ma vie personnelle, mais une ambition que je ne faisais que mettre sur un pied d'estale, l'étoffant de pensées positives, d'encouragements pour qu'elle s'épanouisse, qu'elle grandisse.. Ambition qui ne devait pas perdre pied, sinon c'était moi qui allait le perdre.. Et je n'aurais plus rien. Je baissais lentement les yeux, les paupières tremblotantes. Un mouvement brusque vers moi, je tournais aussitôt la tête sur le côté. Un baiser évité. Un baiser qui se perdit dans le vide. Un baiser à cet instant qui me dégoûtait plus que tout.. comme toutes ses paroles.. Tout.. Comment un homme pouvait-il devenir si hideux en si peu de temps ? Pourquoi est-ce que tu ne frappes pas Sora ? Frapper c'est ton truc, c'est toi ! Tu sais frapper ! Frappe le au ventre, fais le reculer ! Remue tes jambes.. Bon sang Sora, remue tes jambes ! Pourquoi est-ce qu'elles ne bougent pas ? Elles étaient immobiles, paralysées. Paralysées par une émotion qui m'était inconnue. La peur. Si.. tout le monde connaissait la peur, même moi biensûr. Mais cette peur là était différente. C'était la peur.. de ne rien pouvoir faire. La peur de ne pas pouvoir se défendre. La peur de perdre le contrôle que je tenais toujours à garder. La peur d'être faible, d'être inutile. La peur de ne pas pouvoir me protéger moi-même. Cette peur qui s'enroulait comme une corde épaisse, compressant ma gorge, m'asphyxiant. Asphyxiant les mots, les cris.. Asphyxiant un corps réduit à l'état de pantin. Je ne pouvais pas le repousser.. Et même si j'y arrivais, si j'arrivais à le frapper, à l'abattre sur ce carrelage grisâtre.. Les rumeurs.. Je craignais les rumeurs.. Je me mordais violemment la lèvre inférieure. Comment pouvais-je craindre les rumeurs ? Moi ? Je n'avais peur de rien ! Je n'avais peur de rien.. Je.. Je n'avais.. Je sentais mes mains se relâcher. Ses mots tournaient en boucle dans ma tête, comme une propagande dont on arrivait plus à sortir. Écrasant, enfermant un esprit sauvage en cage. L'enchaînant férocement sans aucun respect, aucune estime. Aucun droit. « Tu vas prendre ton pied, crois-moi. » Son haleine effleura mon oreille, mes bras se contractèrent davantage, mes doigts se crochetant, mes ongles griffant l'air de leurs pointes acérées dans un dernier élan félin.. Une transe psychologique. L'étau se resserrait sur un piège dans lequel je m'enlisais, alors que le regard vicieux de l'homme que je ne connaissais plus, s’intéressait à la porte qui était juste à côté de nous. Une salle, une salle dans un couloir où il n'y avait personne, où l'aile était déserte. Où les plaintes seraient opprimées, étouffées..    
    
 

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.
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Re: You can't judge a book by its cover | #JERA ♥ | Jeu 20 Avr - 23:15
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Ils rampent, avec une douceur hésitante, pour frôler l'objet d'un désir peu assumé. Puis ils fuient. Ils ne cessent jamais de fuir, de reculer, de vouloir échapper à l'attraction qu'exercent sur eux ceux qu'ils veulent toucher, attraper, posséder. Alors ils avancent, puis s'échappent, en une danse immuable, pour finalement faillir et enlacer, les doigts de l'être qui fascine.
 


Les muscles de ma mâchoire roulaient, trahissant mon irritation croissante. Réponds Mais la supplique, à peine soufflée, n'eut d'autre écho que des sonneries interminables. Je retins un juron et raccrochai, en un geste colérique qui attira sur moi l'attention du géant qui me faisait face. Mes sourcils descendirent sur deux prunelles noyées d'ombres et mes lèvres articulèrent un quoi silencieux et provoquant. Je le sentis se crisper, mais ne réagis pas plus aux menaces implicites que lançaient son regard. Pourquoi Il Nam ne décrochait-il pas ? L'esprit pervertit par le doute, je tournai la tête vers le couloir vide. Qu'allais-je bien pouvoir dire à Sora sans blesser nos deux fiertés malmenées par la situation ? Immobile, je fixais un point invisible, à l'écoute d'un silence qui s'étirait. Je m'attendais à tout instant à ce que le son énergique de ses talons le brisent, me précipitant dans une arène de laquelle je n'aurais jamais dû m'approcher. Pourquoi m'en mêler ? Ne m'avait-elle pas démontré, en allant jusqu'à sauver ma vie dans cette ruelle, qu'elle était parfaitement capable de se débrouiller seule ? Pourtant, j'étais cloué au sol, mu par un mauvais pressentiment. Le faciès déformé et arrogant de ce type me hantait. Un tic nerveux agita la commissure de mes lèvres. Qu'importait ma réputation ou l'image que je pouvais lui donner, j'étais incapable de quitter ces studios sans au moins lui avoir dit quel genre de salopard était cet homme. Puis, si elle croyait voir ne serait-ce qu'une pointe de jalousie dans mon regard, peut-être cesserait-elle enfin de se montrer aussi … amicale. Je refermai les mains sur ma gorge et redescendis en un mouvement embarrassé sur le nœud d'une cravate que je défis. Pourquoi était-elle aussi longue ? Le cerveau harcelé par une multitude de questions sans réponse, je m'adossai au mur et sortis mon appareil photo pour visionner les clichés de la soirée VIP. Cet homme était l'archétype du Don Juan écœurant. Sans stoïcisme, j'examinai les différentes images. J'avais réussit à saisir chacun de ses gestes, chacun de ses regards à la perversité douteuse. Si elle était assez aveugle pour ne pas voir ce qui crevait pourtant les yeux … L'admiration qu'elle nourrissait pour lui me revint alors en mémoire, de même que ses joues rouges et son regard brillant. Lui montrer de telles photos n'étaient peut-être pas l'approche la plus intelligente à faire pour la convaincre. Je me mordis l'inférieur et retirai la carte mémoire de l'appareil photo, que je rangeai dans la poche intérieure de ma veste. Quand à mon sésame, il rejoignait sa sacoche quand les claquements attendus résonnèrent dans le couloir, brisant ma superficielle concentration. Je relevai brusquement la tête et, fermant le sac, me redressai. Mais seule la rousse avançait d'un pas rapide, avec un air de profond mal être qui accentua le mien. « Où est-elle ? » demandai-je abruptement dès qu'elle se fut approchée. Elle me tendit la carte en pinçant ses lèvres pulpeuses. « J'ai essayé de la lui donner mais il voulait absolument lui parler du défilé. Je suis désolée. »  Mon intuition s'aggrava. Je ne perçus bientôt plus que son âcre présence dans ma gorge tandis que je fixais la jeune fille mortifiée. « Steven Kim ? » Une lueur de surprise se répandit dans ses prunelles de jade et elle hocha doucement la tête. « Il veut sans doute la féliciter pour ce soir. Elle ne devrait pas être longue. » ajouta t-elle avec un sourire. Sauf si ses félicitation  prenaient des allures de paiement en nature. Je passai ma paume sur mes lèvres sèches, indécis. Aurais-je vraiment le cran de débarquer au milieu d'une scène entamée ? « Aide moi à franchir le cordon, j'irais la voir moi même. » L'étonnement tendit ses traits poupins. « Je ne sais pas si ... » « S'il te plaît. » J'aurais pu mentir, prétexter une mère malade ou une urgence familiale, mais je n'étais pas plus apte à réfléchir qu'à paraître convaincant. « Laisse le passer Tae. » céda t-elle en se tournant vers le garde garde. « Ça fait toujours plaisir d'être félicitée par l'homme qu'on aime. Laisse le. » Sans me formaliser d'une méprise dont je me moquais désormais, je coulai un regard au géant qui m'examinait d'un air condescendant. « Tu m'en devras une. » finit-il par accepter, visiblement sensible au charme de la rouquine. « Et toi, fais pas de vague. » Il défit le cordon rouge qui barrait le couloir et je passai en hochant un visage contracté. « Merci. » fis-je à l'intention de la jeune fille. « Pas la peine, j'aimerais être à sa place. Tourne à droite au fond du couloir puis prends la première à gauche. A quelques mètres, il y a un escalier qu'ils ont emprunté il y a moins de cinq minutes. » Je hochai la tête en un remerciement silencieux et pris la direction indiquée. « Profite de la soirée ... » sifflai-je entre mes dents en me remémorant les dernières paroles que m'avaient adressées Sora. Je n'avais profité de rien si ce n'est de cette vive antipathie qui pesait sur mon être et de cette foutue inquiétude de merde qui me faisait faire n'importe quoi. Tournant à gauche, je fis bondir le sac pour réajuster la lanière sur mon épaule et cherchai l'escalier du regard. La volée de marches s'enfonçait dans le mur de gauche pour conduire à l'étage, où régnait à la fois le silence et l'obscurité. C'était peu engageant. Je posais le pied sur la première quand l'hésitation vint de nouveau souiller une détermination défaillante. Si Sora avait été ma sœur ou une amie proche, je n'aurais pas hésité mais … Plus que le reste, c'était mon propre droit que je remettais en cause. Je plissai un œil, les doigts contractés autour de l'attache sombre. Mais l'écho d'une voix masculine m'empêcha de tergiverser plus longtemps et m'interpella suffisamment pour que j'en reconnaisse l'accent américain. Les muscles contractés, je ne suivis que mon instinct et, délaissant l'escalier, remontai le couloir pour déboucher sur un grand hall … vide. Déconcerté, je le parcourus des yeux. Où étaient-ils ? J'étais pourtant … « J'ai envie de m'inspirer de ton oeuvre de tout à l'heure.. de laisser mes lèvres tracer leur chemin le long de ton dos.. le courber sensuellement et te baiser, là, maintenant contre ce mur.. Rien de mieux pour savoir si on est compatible, tu ne crois pas ? »  Le sourcil arqué, je levai la tête pour entrevoir un balcon intérieur. Mais leurs deux silhouettes, dont je percevais la présence autant par les mots que par l'intuition, demeuraient invisibles. En revanche … J'avançai le menton en un geste nerveux, tandis que les mots résonnaient dans mon esprit furibond. Manifestement, je n'avais aucune raison de m'inquiéter pour elle. Te baiser contre le mur … J'imaginais beaucoup de choses sur cette femme, mais je n'aurais jamais pensé qu'elle puisse être sensible à la vulgarité. Ni à la connerie. Car, et hormis son talent, cet homme n'était rien de plus qu'un …. La colère se répandit dans mes veines comme un poison alors que je baissai la tête pour frapper ma nuque de ma paume brûlante. Je serrai mes cheveux quelques secondes puis me redressai. Qu'est-ce que je foutais encore là ?Quel con. Mais quelle imbécile finit ! Quelle était cette propension ridicule à me mêler de tout et de n'importe quoi ? Les jointures de mes doigts blanchirent sous la tension, à l'image d'une bouche serrée. J'expirai brièvement. Cette débâcle aurait au moins le mérite de me guérir de cette femme et de l'attirance merdique qu'elle exerçait sur moi. Je hochai compulsivement la tête et pris le chemin inverse pour enfin quitter ce bourbier. . « .. Tu as dit non ? Quoi, tu préférerais peut-être que je dise que j'ai detesté ton initiative.. ? Car je pourrais très bien le faire. Aller voir cette chère Miss Park qui m'adore, lui dire que tu as failli gâché mon défilé. Je pourrais la convaincre que tu n'as pas ta place chez Vogue Korea.. ça serait difficile sur un cv.. » Je m'apprêtai à franchir la porte. Mon pied flirtait avec l'embrasure mais mon corps s'était douloureusement figé, en pleine mouvement, en plein souffle. Mon cœur, lui s'éteignit. Comme pour m'imposer un silence nécessaire à la compréhension de ce que je venais d'entendre. Non ? CV ? Un filet d'air se glissa entre mes lèvres entrouvertes tandis que mes yeux se perdaient dans le vide. Mon esprit, lui, arpentait l'incompréhension. Gâcher mon défilé ? Les mots se répétaient inlassablement mais j'étais incapable de croire ce que je venais de surprendre. Tu as dit non. Non. Trois lettres entrelacées. Violentes, brusques, elles brisèrent la chape de plomb qui s'était abattue sur mes épaules. Le sac tomba sur le sol et je me précipitai vers les escaliers, dont je montais les marches quatre à quatre. Mon cœur s'était remit à fonctionner. Il cognait, frappait, à l'image du sang qui battait mes tempes et m'aveuglaient. Ce que je ressentais n'était plus de l'inquiétude, ni même de la colère. C'était de la peur.

Mais l'angoisse fut soufflée dès que je posais le pied sur le balcon. Je fus sonné. Par une scène, un tableau, une vision à laquelle je ne m'attendais pas. Je me souvenais de son expression ce jour là. Je me souvenais de son détachement, de son courage, de son inconscience. Hormis sa fragilité face à des insectes plus petits que son index, je n'avais jamais vu chez elle qu'une force infaillible. Séductrice, charmeuse, épanouie, joueuse, les facettes s'étaient succédé mais sans jamais dévoiler la faiblesse que je lisais à présent sur son visage. Plaquée contre le mur, compressée par cet homme qui lorgnait sur elle, elle subissait, les paupières tressaillantes et les yeux noyés par une peur qui me poignarda. Il ralentit. Surpris. Choqué. Les émotions me frappèrent, les unes après les autres, déferlèrent telle une vague froide qui se réchauffa sous la colère de plus en plus vive qui me saignait. Ses dents s'enfoncèrent dans sa lèvre. Le pourpre la tacha. La souilla de sa propre angoisse. « Tu vas prendre ton pied, crois-moi. » Les mots m'écorchèrent et la nausée m'étrangla. Et la rage. Je bondis en avant, courus de quelques pas à peine et le frappais de tout mon poids. Déséquilibré par l'attaque, il perdit l'équilibre, entraînant dans sa chute Sora qu'il tenait toujours fermement. Mon bras s'enroula instinctivement autour de son ventre et je la retins contre moi en attrapant la main de Steven toujours accrochée à son poignet. D'une torsion, je le forçais à lâcher puis le tordis avec une violence qui le fit geindre. « Lâche salopard ! » éructai-je en envoyant mon talon dans son torse. Le souffle coupé, il partit en arrière, catapulté par un coup que j'avais été incapable de retenir. L'étreinte de sa seconde main fut brisée et je fis reculer Sora d'une pression. Sans plus un regard pour lui, je refermai les mains sur les épaules de la jeune femme et cherchai le sien. Une flamme, une présence dans ses pupilles dilatées. Je voulais la voir elle. La Sora forte, déterminée et féline. Je voulais voir l'éclat de la colère, celui de la rébellion. Je voulais vouloir son feu intérieur. « Sora ? » Un murmure. Une demande. Une once de culpabilité m'étreignit. Plutôt que de me réfugier dans une colère familière, j'aurais dû lui parler dans l'escalier. Lui confier mon impression, trahir la mimique de ce type, la mettre en garde suite à son expression claire et arrogante. Mais je m'étais renfrogné, guidé par des considérations égoïstes. Et si je n'avais pas entendu ce qu'il avait dit … J'aurais une nouvelle fuit, en la laissant dans les griffes de ce connard. Je me crispais et retirai mes mains pour ne pas les enfoncer inconsciemment dans sa peau. Au moins, elle tenait debout. Je redressai la tête et serrai les poings. J'étais incapable de la rassurer, aussi n'avais-je qu'une envie, celle de me défouler sur son agresseur, toujours dans mon dos. Devant elle. « Tu n'as pas l'impression de déranger ? » siffla t-il, avec un accent qui m'insupportait désormais. « Si tu ne veux pas que je détruise ta carrière en plus de la sienne, je te suggère de nous laisser terminer notre entretien. Notre collaboration lui tient à cœur, n'est-ce pas Sora ? » Un rictus déforma mes lèvres. Ce n'était ni un sourire, ni un souffle échappé mais une grimace qui trahissait plus que le feu qui incendiait deux obsidiennes abîmées. Inutile pour elle, je me détournai pour m'approcher de celui qui s'était relevé. Et le poing partit. Il s'écrasa dans sa pommette et sa tête vrilla sur la gauche tandis qu'il s'écrasait de nouveau au sol. Noircit par une émotion instable, je m'avançai vers lui sans le quitter des yeux. Une estafilade de sang barrait sa joue rouge, à l'endroit où ma bague l'avait écorché. Je me penchai sur lui et, saisissant sa veste à pleine main, le remis sur pied d'une pression. Et le coup partit à nouveau, pulvérisant sa lèvre. Il retomba lourdement, sans classe ni même élégance. Fidèle à lui même, il n'était plus qu'une merde explosée sur la pierre. « Je vais porter plainte. » menaça t-il en vrillant son regard au mien. « Pourquoi ? Parce que tu t'es fait tabasser par le mec de la femme que tu as tenté de violer ? Allons y ensembles au commissariat, que je te démembre devant les flics. » cinglai-je. Essuyant le sang qui perlait sur sa peau pâle, il leva les yeux en affichant une surprise que j'aurais pu refléter si je n'avais pas été aussi dévoré par ma propre rage. « Son mec ? » Ma mâchoire durcit sous la tension mais je soutins son regard infaillible. L'envie de l'étrangler me démangeait, à un point tel que mes poings tremblaient d'anticipation. Et de retenue. Je faisais un véritable effort sur moi même pour ne pas céder à la violence qu'il m'inspirait et écrabouiller sa tête contre le sol. « Ne t'ai-je pas déjà prévenu de faire ton choix judicieusement ? Ta meuf m'a allumé toute la semaine. Cette femme, elle est faite pour la baise, pas pour la fidélité. » Mes doigts s'enroulèrent de nouveau autour de son vêtement pour le tirer vers moi. Mais au moment où je levais le bras pour l'achever, je lus dans ses yeux qu'il n'attendait que cela. Il cherchait à me rendre fou … mais devais-je réellement faire subir à Sora la violence de mon acte en plus du sien?Le poing en suspension, je fixais ce visage que beaucoup adulaient, dont une jeune femme qu'il venait de violenter. Elle l'avait admiré pendant des années, avait suivit ses pas, ses traces, avaient sans doute espérer un mot, un soutien de sa part. Et lui, profitant de cette …. Je serrais le poing, toujours en l'air, de même que des doigts jumeaux pressés contre sa veste pour le maintenir. Il m’écœurait. Pour elle et pour toutes les autres qu'il avait approché. Pour elle et tous les rêves qu'ils venaient de piétiner pour satisfaire une libido perverse et mal placée. Je sentis un tremblement parcourir mon bras levé. Chaque mot prononcé, chaque insulte proférée semblait rebondir contre mes tempes douloureuses. Mais je sentais sa présence dans mon dos. J'imaginais sa douleur, sa confusion. Ce visage … Le visage que je venais de lui voir et qui me hanterait un moment sachant que je n'avais rien fait. Rien fait pourquoi ? Par peur de ma propre libido ? Je posai mon poing serrés contre l'épaule de Steven puis le poussai avant de me tourner sur le côté. La situation ne me concernait pas directement et pourtant je me sentais atteint. Mes émotions étaient un paquet de nœuds impossibles à démêler qui pesaient lourdement sur moi. Si j'avais été seul, j'aurais hurlé de frustration, tant je rêvais de le tabasser, hurler d'impuissance face à une scène qui m'avait échappé. Et pourtant je l'avais pressentis. Merde ! Je l'avais pressentis ce salop ! « Vous allez me le ... » « Ferme la ! » Ma voix grave surclassa la sienne tandis que je le poignardais de deux obsidiennes si noires qu'elles se confondaient avec mes cheveux relevés. Quelques mèches, rebelles, s'étaient néanmoins glissées hors de leur prison de gel pour retomber souplement sur mon front, soulignant ainsi un aspect sauvage non maîtrisé. Je m'approchai à nouveau et le repris entre mes deux mains. La veste, froissée, crissa lorsque je serrais les paumes. « J'ai des photos Steven. » commençai-je en appuyant sur son prénom, « des photos de ton petit numéro lors de la soirée. Si je te revois encore près d'elle ou si tu touches à sa carrière, je fou en l'air la tienne en plus de ta réputation. » Je lus le choc dans ses yeux à la mention des photos. « Tu bluffes. » « Tente moi. Tu as touché à ma femme, je n'attends que ça. La seule chose qui me retient, c'est l'admiration qu'elle te portait auparavant. Mais si je te vois à moins de dix mètres d'elle, je te déglingue sans la moindre pitié. » Le mensonge avait coulé sans difficulté pour éclabousser le faciès de mon vis à vis. Il ne m'arracha ni la gorge ni les tripes. Je le lui devais. Je n'avais pas été là au bon moment mais je pouvais la protéger autrement. Et s'il me pensait suffisamment fou d'elle, il y réfléchirait à deux fois avant de s'embarquer dans une guerre dont il ignorait les règles. Ce mec sautait mais ne restait jamais avec la même femme. Il devait craindre les complications et les retombées plus que les blessures de son orgueil. « Un mot, un seul contre elle et tu te retrouves en première page. » Je le poussai, les mains brûlantes et le visage tendu. Il n'avait plus rien de l'homme que j'avais vu sur scène. Le masque brisé, on ne lisait en lui plus que la haine et la frustration d'avoir manqué son but. Je reculai vers Sora tandis qu'il se dirigeait vers la sortie, sans un mot. Son regard lui même se déroba sous mes pupilles calcinées, par une fureur et une rage que sa haine ne pouvait concurrencer Je me plaçai entre elle et lui jusqu'à ce qu'il disparaisse, avalée par un couloir puis un escalier que je l'entendis dévaler. J'attendis quelques secondes dans un silence de plomb puis m'apprêtai à me tourner vers elle quand le bruit déchira le silence, seulement troublé par nos respiration. Je compris dans l'instant l'origine d'un fracas qui m'arracha le cœur. Cet appareil, j'y tenais comme à la prunelle de mes yeux. Et, à en juger par le bruit qui retentissait en écho dans le couloir, il était désormais en morceaux. Mon premier réflexe fut de lui courir après pour le défigurer. Et si j'avais été seul, je l'aurais démonté de mes propres mains. Seule la présence de Sora me retint alors que chaque débris imaginé se plantait violemment dans mon muscle battant. Le tambour se répercuta dans ma gorge. Je me faisais violence pour ne pas céder à l'animal qui couvait et dont la patience n'était plus que cendre. Je serrai les dents et, m'arrachant à la pensée de mon appareil en miette, me tournai vers elle. « Mais c'est au petit ami de Sora ? Que s'est-il passé? » La voix chantante de la rousse s'éleva, me confirmant ce que j'avais imaginé et pressentis. « Il est tombé de là haut. Dispute de couple je présume. » expliqua l'homme d'un ton onctueux qui me fit frémir. Cet ignoble salopard …. Et s'il … « Je vais ramener ça à Tae en attendant. » proposa t-elle avec un accent de l'ouest. « Faites donc. » Immobile, j'écoutais quelques secondes puis perçus le bruit de ses talons s'éloignant dans le couloir. Rassuré la concernant, je me concentrais sur la brune dont le stoïcisme ne me plaisait pas. De plus, si quelqu'un la voyait dans cet état … J'en savais peu sur elle mais j'étais persuadé qu'être vue en telle position de faiblesse serait un cauchemar pour elle. D'un mouvement, je retirai ma veste que je posai sur ses épaules fines, puis me penchai pour la soulever dans mes bras. Le premier fut glissé dans son dos, le second sous ses cuisses et je la hissai contre mon torse sans tenir compte de sa réaction. Je voulais juste l'emmener loin d'un balcon marqué par son agression et exposé aux regards et aux oreilles de ceux qui passaient. Quand à l'écouter lui vomir ses mensonges …

Je traversais le couloir et ouvris la première porte que j'atteignis. La pièce, à l'obscurité percée par les lumières de la ville, était petite et pourvue d'une table qui en faisait le tour. Je fermai la porte du pied et posai la brune sur la table avant de me tourner pour allumer la lumière. La fureur palpitait encore dans mon muscle tressaillant. Mes yeux brûlaient, de même que ma salive sous une langue poussée contre mes dents. Mais malgré la rage qui me noyait, malgré les envies de meurtres qui m'animaient, malgré cette lointaine culpabilité qui résonnait … je me sentais touché en pleine cœur, comme si aucune des émotions qui me submergeaient n'étaient assez puissantes pour me protéger de sa propre souffrance. Elle se lisait dans ses yeux et dans son maintien rigide. Mais surtout, elle était perceptible. Désarmé, je l'observais quelques secondes avant de m'approcher d'elle. Je ne savais ni que dire, ni que faire. Frapper un homme, tempêter et rugir étaient plus faciles que de rassurer d'autant plus que je n'avais pas la moindre idée … Les traits de mon visage se tendirent brusquement tandis que je revivais la trahison de Sae Wa. Je savais. L'histoire était différente et je n'avais pas été attaqué sexuellement, mais je pouvais au moins comprendre la souffrance provoquée par la perte de ses illusions. L'amertume laissée par l'idée d'avoir été aveugle, inconscient. Abusé. Elle n'avait rien perçu du masque de cet homme comme je n'avais rien vu chez mon ex. Je passai brièvement la main sur mes lèvres et m'arrêtai à quelques centimètres d'elle, la mâchoire contractée. Je n'avais que des phrases vides de sens qui me venaient à l'esprit. Des « ce n'est pas ta faute » ou des questions qu'elle n'avait nul besoin d'entendre. J'aspirai ma lèvre inférieure et détournai les yeux. Lorsqu'on souffrait, on rêvait de solitude. De pouvoir hurler sans avoir de témoin. De pouvoir fermer la porte pour lâcher les larmes qui s'accumulaient. « Je peux sortir si tu as besoin de craquer. Mais je ne te laisserais pas seule autrement que devant cette porte. » L'agressivité, dont j'usais régulièrement contre elle, s'était effacée au profit d'une douceur ferme et déterminée. J'inspirai silencieusement et glissai une main dans mes cheveux noirs, en songeant que j'étais peut-être la dernière personne dont elle avait besoin. Ma première pensée fut pour Il Nam mais je l'oubliais dès qu'elle m'effleura. La solitude. Ma propre sœur n'avait pas su me mettre suffisamment à l'aise pour que je relâche toute ma douleur en sa présence. Comment son ex pouvait-il y parvenir ? Surtout son ex. Je coulai les mains dans les poches et, de profil, esquissai un pas vers la porte. Mais je répugnais à la laisser. Je répugnais à l'abandonner dans cette salle vide avec le souvenir. La trahison n'était pas le seul maux auquel elle devait faire face. Elle avait été écrouée, forcée, violentée. Je m'immobilisais. Sans la toucher, sans l'effleurer. Je craignais de raviver des souvenirs de ses mains, de son souffle, de sa force. Je craignais la douleur que je pouvais lui imposer inconsciemment. « Sora … je peux dénoncer et témoigner si tu me le demandes. » Briser et réduire en miette. Rétablir une justice fauchée par le gouffre creusé entre elle et sa célébrité. Je n'avais aucune idée de ce qu'elle désirait vraiment. Je n'en avais qu'une faible quand à ce qu'elle éprouvait. Ce n'était qu'une intuition, une pensée formée par l'imagination. Mon menton navigua, éphémère, alors que je lui coulai un regard. J'aurais aimé pouvoir l'atteindre et la sortir de cette transe étrange dans laquelle elle s'était réfugiée. Mais je ne pouvais qu'attendre. Un mot, un signe. Une réaction.
 
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Re: You can't judge a book by its cover | #JERA ♥ | Mer 26 Avr - 1:19
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You can't judge a book by its cover
Je Ha & Sora





LOOK & BROWN HAIR | Je n'arrivais à me concentrer que sur les battements de mon coeur, lents, abattus, comprimés. Ils me permettaient de compter en silence les secondes interminables qui passaient, qui s'écoulaient.. alors que mon corps demeurait pétrifié. Je le sentais hésiter face à mes supplications, à ce conflit qui semblait entièrement dominé par un amas d'émotions, de questions, de mots qui s'entremêlaient, en boucle, sans réponse, sans délivrance. Il n'hésitait jamais, il ne m'avait jamais abandonné ce corps que j'avais pourtant tellement entraîné, renforcé, endurci. Mais quand l'esprit se torturait lui-même, celui-ci ne suivait plus. Parfois, il faisait ce qu'il voulait, en oubliant le cerveau, guidé par un coeur farouche, et impulsif. Mais là.. il ne bougeait pas. Je ne le comprenais pas.. Ne sentait-il pas le danger ? Je n'en étais pas sûre moi-même. Mes pensées s'étouffaient entre elles, s'entretuaient. Puis, elles se régénéraient sans cesse, sans fin. Aucune solution n'en naissait, aucune aide. Aucune impulsion violente qui pourrait les balayer, les écraser, pour n'en laisser qu'une. Qu'une pensée, qu'une tornade incontrôlable, lâchée au coeur de la tempête, qui n'aurait pour seul but.. Défendre. Ce n'était qu'une agitation intérieure dans un ralenti extérieur et on y voyait que du feu. J'avais l'impression de sentir le froid envahir mes membres, mon corps se relâchant peu à peu. Ne réagissant même pas aux pas qui arrivaient bruyamment. Je m'étais juste sentie partir, glissant contre le mur sans même avoir eu l'idée de me retenir à quelque chose. Mes réflexes s'étaient éteints. Mais on m'avait agrippé, un bras enlaçait ma taille, m'empêchant de rencontrer le sol. J'avais rebondi mollement contre la personne, son parfum chatouilla mon odorat d'une fragrance familière.. Une étreinte chaleureuse, contre une étreinte qui me brûlait littéralement le poignet, en compressant mon pouls qui battait brutalement dans mes veines bleutées. Un ordre, un mouvement brusque, puis un autre qui me redressa. Mes yeux s'obstinaient à rester fixés vers le bas, gardant une contenance quasi statique, ma mâchoire crispée alors que je sentais que l'on m'attrapait par les épaules. Une pression douce qui les contracta en une seconde par réflexe. Par peur. Mais ça, je n'arrivais pas à me l'avouer. Puis, une voix masculine.. dont la tonalité serra un peu plus ce coeur enchaîné. Un arrêt. La rangée de cils se relevant avec lenteur, vers ce regard braqué dans le mien. S'y noyant, le creusant de ses prunelles sombres, alertes, à la recherche d'une réponse que je ne pouvais lui offrir. Jeha.. ? Son prénom me venait, mais je n'arrivais pas à l'articuler. Les paupières s'écartèrent l'une après l'autre, affichant sur mon visage qu'une infime expression de surprise, éclairant quelques secondes les traits inexpressifs et les pierres fauves, vidées de toute vivacité. Le soulagement doucement m'envahissait sans que je ne puisse le contrôler. Le soulagement de le voir.. Les lèvres s'entrouvrirent, avant de mordre le léger tremblement nerveux qui les possédaient, fuyant aussitôt ses yeux qui pourraient les voir. Il avait déjà vu. Il avait vu.. Il me relâcha, et mes poings firent échos aux siens, un effet miroir des doigts aux jointures blanchies. Un frisson glacial me traversa lorsque le styliste reprit la parole, de ce ton nonchalant qui semblait garder son calme en toute circonstance. La menace envers le photographe me piqua à vif et je sentais.. ce besoin inexplicable d'attirer toute l'attention sur moi pour qu'il l'oublie. Pour qu'il ne s'en prenne pas à lui, alors que cela ne le concernait pas. Mais lorsqu'il s'adressa à nouveau à moi, j'avais encore l'impression de sentir son souffle répugnant contre mon oreille et un malaise profond m'avait envahi, enlisant un peu plus mes jambes au sol. Une collaboration.. Ce n'était pas ce genre de collaboration que j'avais en tête.. Loin de là. Et celle-ci, je ne voulais ni la commencer, ni la continuer.. Je ne voulais rien, plus rien de lui. Un rictus mauvais enflamma Jeha, dernière expression que je vis de lui, alors qu'il se retournait vers l'assaillant, qui s'était relevé. Ma main voulait se tendre, l'attraper, l'empêcher d'y aller mais.. en avais-je vraiment l'envie ? J'en doutais. Biensûr que je ne voulais pas qu'il s'en mêle davantage, et pourtant, je ne fis rien. Un bruit sec, brusque, puis un autre. Je n'avais pas tourné la tête, je n'en avais pas besoin pour savoir que l'homme était à terre. Sa rage, je pouvais la ressentir, elle que je désirais tant, que je lui enviais à cet instant précis, alors qu'il le forçait à se remettre sur ses pieds. Un froid glacé se déversa lentement dans chaque membre engourdi, leur ôtant toute émotion inutile. J'entrouvris ma bouche pour inspirer une brusque gorgée, alors qu'un nouveau coup venait de partir. Frappe. Frappe encore. Mes doigts s'enfoncèrent dans mes paumes à m'en faire mal. J'avais l'impression que mes poings sonnaient dans les siens, dans ses frappes qui arrachèrent d'infimes plaintes auxquelles je m'accrochais péniblement, pour m'extirper d'une faiblesse que je voulais effacer. Je voulais être à sa place, je l'aspirais du plus profond de mon être, du plus profond de mon être assommé. Mais le froid émotionnel n'empêchait pas les piques de s'enfoncer dans ma peau, et de craindre. Porter plainte ? Je vacillais, me figeant, alors que le loup attaquait à son tour. Mon esprit embrumé survola les mots "le mec de la femme que tu as tenté de violer".. Je m’intéressai au premier mot, faisant écho à la surprise de l'homme à terre, délaissant le dernier.. le déni le dissipant aussitôt de ma mémoire. Il me défendait à sa manière, et son mensonge ne fit qu'appuyer un peu plus sa présence auprès de moi. Celui-là, malgré la colère qui émanait de lui quand il le prononça, ne m'apporta qu'un autre appui supplémentaire, contre lequel je fis un pas, jusqu'à ce qu'un autre mensonge plus rude me percuta de plein fouet.

Une expiration cassante, comme une toux soudaine que je lâchai, alors que ma gorge se resserrait. Il ment.. Il ment.. Je ne l'avais jamais.. L'idée ne m'avait même pas effleuré. Je n'étais pas comme ça.. Ne le crois pas.. C'était des conneries, des horreurs.. Des horreurs que je savais fausses, qu'il crachait sans la moindre retenue. M'atteignant, m'étouffant comme les anneaux d'un serpent qui m'étreignaient, jusqu'à ce que je ne puisse plus bouger. Mes paumes se plaquèrent soudainement sur mes oreilles. Je ne voulais plus rien entendre.. Ne l'écoute pas.. Est-ce que.. tu le crois ? Tais-toi.. LA- ! « La ferme ! » La voix de Jeha fît écho à celle qui criait dans ma tête. Je ne voulais plus écouter cette voix vicieuse. La vérité sur la personnalité de cet homme me rendait de plus en plus confuse et désarmée. Je n'arrivais toujours pas à réaliser cette scène qui se jouait sous mes yeux.. ni la violence, ni la panique qu'il avait ancré en moi.. Et puis, le photographe évoqua des photos, des photos qu'il avait pris à son insu. Abasourdie, je coulai lentement mon regard vers eux à quelques mètres à peine, la poigne du neugdae se durcissant contre le col de Steven Kim. Était-ce vrai, ou était-ce un autre mensonge ? A vrai dire, peu importait.. Tout ce qui comptait, c'était cette lueur.. cette lueur désemparée que j'aurais juré pouvoir voir de là où j'étais. Même si son sourire en coin qui disparaissait peu à peu me suffisait. Il craignait que cela ne soit vrai. Un souffle chaud, tendu, trahissant un instinct de chasseur bâillonné, entravé. J'aurais voulu lui arracher moi-même ce désespoir qui s'emparait de lui, le tenir entre mes mains et faire pâlir ses traits de cette frayeur de tout perdre.. Mais ces liens qu'il avait réussi à tisser autour de moi, comme la toile solide d'une araignée, ne s'étaient pas défaits, pas entièrement. Pas assez pour que je puisse m'en défaire seule mais je ne le réalisais pas encore. J'écoutais les paroles de Jeha, paroles qui enfonçaient de plus en plus l'artiste qui semblait ne plus être capable de répliquer. Paroles qui m'enveloppaient d'un bouclier invisible dont je pouvais sentir la protection. L'admiration me blessait, et lui, elle le sauvait, quelle ironie. Sa menace combattait celles qu'il m'avait lancé, celles qui m'avaient fait reculer, m'avaient plaquée contre ce mur de béton. Comment avais-je pu reculer.. Ses pas fuyaient jusqu'au bout du couloir, je les entendais encore résonner dans l'escalier. Puis un bruit, un objet cassé dont je n'arrivais pas à identifier l'origine. Une voix féminine.. Alicia. De quoi parlait-elle.. Est-ce qu'elle parlait de Jeha ? De quelque chose qui lui appartenait.. ? J'entrouvris les lèvres, déglutinant difficilement.. Son appareil ? Non.. Toujours vrillé vers le sol, je coulai doucement mon regard vers lui, vers ses chaussures qui avançaient d'un pas vers moi. Querelle d'amoureux.. Mon cul avec sa tronche ensanglantée, il pensait faire croire cela à qui ? Et.. si il touchait à Alicia ? Mais celle-ci semblait se diriger à l'opposé, ce qui me rassura aussitôt. Tout comme la présence oppressante du styliste qui s'éloignait, je ne la percevais presque plus et pourtant.. je n'arrivais toujours pas à bouger. Qu'est-ce qui m'en empêchait.. ? Des mots restés plantés dans ma cage thoracique, me piquant violemment les poumons dès que je réussissais à attraper plus d'air. Profonde entaille d'éraflures multiples dont je ne percevais pas clairement l'étendu. Comment un homme pouvait-il réussir à me mettre dans un tel état de stoïcisme ? Mes épaules s'étaient recroquevillées sur elles-même, les doigts glissant sur mes avants-bras dans une étreinte, la pulpe de mes doigts s'y enfonçant, griffant un épiderme endormi. C'est froid. Sa chaleur m'enveloppa à cette simple pensée, sa veste recouvrant le silence que j'imposai dans les lieux. Comme si il m'avait entendu. Je me laissai attraper, alors que mon instinct m'ordonnait hargneusement de courir. Cache donc ce visage qu'on ne saurait voir. Mais comme un animal sonné qui avait pris un coup, un choc, je m'étais crispée. Seulement. Un soupir surpris, un battement plus brusque qui se mêla à la respiration chaude de son buste qui se gonflait contre moi. Sa rage faisait écho à la mienne qui, peu à peu, reprenait conscience.. Je n'avais même pas pensé à me rendre plus légère, à aider, à crier que c'était tout bonnement inutile.. Mais il avait raison. Il m'éloignait de là, et c'était tout ce que je voulais..

On traversa le couloir, jusqu'à ce que Jeha choisisse une porte, s'ouvrant sur une pièce qui m'était inconnue. Il me déposa sur l'une des tables qui formaient toutes ensemble un U, laissant penser à une petite salle de réunion. La fraîcheur du meuble sous mes cuisses, la lumière aveuglante qui me força à fermer quelques secondes les yeux, avant de les réouvrir pour m'y habituer. Le silence m'avait suivi à la trace, et je n'étais pas sûre que ce soit lui, la solution. Bien au contraire. Il ne faisait que nourrir mon esprit de questions et de critiques interminables, que je discernais à peine dans une masse sombre embrouillée, qui me faisait peu à peu perdre mon calme. Mais une chose revenait inlassablement en boucle.. Je n'avais pas réagi. Moi, Kang So Ra, je n'avais pas pu réagir. Un peu mais pas assez. Et un peu, n'avait jamais été dans mon répertoire pour ce genre de comportement. Je refermais l'une de mes mains sur un poignet légèrement rougi, dont je fis le tour d'un cercle formé par le pouce et l'index. C'était n'importe quoi.. Comment est-ce que j'ai pu le laisser m'attraper de cette manière ? Il aurait dû être au tapis en moins de deux. Il aurait dû sentir la douleur de mon genou dans ses côtes, et je m'aurais satisfaite de sa plainte, avant de m'éclipser. Claire et radicale, on ne revenait pas deux fois pour me faire le même coup, pas avec moi. Je ne faisais pas partie de ces filles qui ne savaient pas se défendre, je n'avais rien contre elles mais j'avais fait un choix différent de part mon tempérament impulsif. Et où était cette impulsivité, il y a de cela quelques minutes ? Je percevais la présence de Jeha qui me tournait autour, sa tension qui accentuait, sans le vouloir, un peu plus la mienne. Vide, je m'étais sentie vide. Pourquoi ? Était-ce parce que c'était.. Steven Kim en personne ? Est-ce que des réflexes instinctives pouvaient disparaître comme ça, par enchantement ? J'avais entraîné ce corps pour qu'il réagisse vite, avec une précision acérée. Et il était resté là, éteint.. inutile. Cet homme avait réussi à m'embrouiller. « Je peux sortir si tu as besoin de craquer. Mais je ne te laisserais pas seule autrement que devant cette porte. » Il l'avait dit d'une voix douce, comme une caresse apaisante. Il était là, il voulait m'aider mais.. Mais bien qu'agréable, ce n'était qu'une caresse sur un animal qui retrouvait peu à peu sa sauvagerie. J'avais laissé parler cet homme, je l'avais écouté, j'y avais cru et je n'y avais vu que du feu. Ma mâchoire se contracta, mes dents se frôlant jusqu'à se rejoindre, serrées. Tu t'ai cru dans le monde des bisounours, Sora ? Tout le monde n'était pas ce qu'il prétendait être, ce qu'il laissait paraître. Tout ça, c'était des conneries toutes faites, et toi, t'es tombée dans la panneau. Toi qui pourtant, remarque ce genre de type, frimeur et séducteur, auquel tu prêtes parfois attention, mais pas à ceux que tu ne sens pas. Dont la négativité ne semble pas les atteindre. Non, je n'ai pas besoin de craquer. Pas de la manière à laquelle il pensait du moins. Tout ce que j'avais envie.. c'était de me gifler. Mais que quelqu'un me gifle, bordel ! Que quelqu'un me frappe, sinon je le ferais moi-même ! Une chaleur familière se glissa violemment au creux de mes veines, les parcourant, réveillant des membres engourdis qui peu à peu se renforçaient, se durcissaient. Il avait eu les bons mots, les mots que personne n'avait encore jamais utilisé contre toi. Ils avaient été bien affûté pour être brandi sous ta gorge, pour que tu n'émettes aucune objection. Il avait tourné ça d'une façon.. pour qu'en cinq minutes, tu n'avais plus que ça en tête. Un flot d'émotions emmêlées, n'ayant plus le temps de penser au "pouvoir", ni au "vouloir". Tout était restait coincé, transi, comme si j'avais subi un blocage psychologique, puis physique.. Impossible.. Les nerfs qui avaient été court-circuité, reprirent du service à une vitesse faramineuse, envoyant des milliers de messages en une seconde à peine. J'ai chaud.. J'ai chaud.. Qu'est-ce qui se passe.. ? Je n'en pouvais plus.. Comment a t-il osé.. ? Comment est-ce que j'ai pu être si.. « Sora … je peux dénoncer et témoigner si tu me le demandes. » Un arrêt. Encore un autre. Une lueur s'anima dans mes prunelles fauves, dont la rangée de cils se releva doucement. De même qu'une bouche qui s'entrouvrait avec lenteur, l'expression d'une réalité dont je prenais enfin conscience. Témoigner.. Je rencontrai à nouveau ce regard sombre qui explorait le mien, s'accrochant à cette fine lueur de vie qui, à peine effleurée, le brûla. Il avait vu.. Il m'avait vu comme ça.. dans.. dans cet état.. La plus grosse des aiguilles plantées entre mes côtes, s'enfonça d'un coup sec, me poignardant intérieurement. La mâchoire roula de droite à gauche, la langue coincée derrière la barrière d'ivoire, alors que mes yeux glissaient en biais. La morsure de l'embarras, de la honte, me perfora d'une marque indélébile : celle d'une fierté ardemment atteinte. Et la lueur, vivement, s'enflamma.          

Je voulais protéger, puis rejeter, c'était à ni rien comprendre. Et pourtant, cette main tendue qui était simplement l'esquisse d'une aide bienveillante, m'apparût comme une claque violente et involontaire. Je l'avais demandé, la voici ! Un rictus sarcastique déformait mes traits, laissant échapper une brève expiration, cassante. Tout s'éveillait, tout refonctionnait. Et la flamme de la rage m'arracha à la raideur subie. Les talons claquèrent sur le sol alors que je descendais soudainement de la table. Je laissai Jeha devant celle-ci, traçant un chemin d'un pas rapide, à la recherche d'une ouverture dans ce lieu bien trop confiné pour moi. J'agrippai la poignée de la fenêtre, la tirant plusieurs fois vers moi, jusqu'à ce qu'elle me cède enfin. La fraîcheur de la soirée s'engouffra dans la pièce et je m'accrochais à cet air pur qui m'avait tant manqué. Mes doigts s'accrochèrent à la bordure grisâtre, avant de subitement me pencher vers l'avant, dans le vide. Et la transe pris fin, pour laisser place à tout ce qui avait été retenu : aussi déchaîné, qu'affaibli. D'abord un cri. Long et trop court à la fois. Aiguë, bestial, il ne dura qu'à peine deux secondes, déchirant la nuit mouvementée de la capitale séoulienne. Un souffle emballé dans un corps qui se courbe à nouveau. « Espèce de connard, enfoiré ! Tu sais où tu peux te la foutre ta collaboration ?! » criai-je en direction de l'avenue, qui longeait le bâtiment à quelques étages en dessous. Comme si cet homme s'y trouvait, comme si cet homme pouvait m'entendre d'ici. S'en était suivi des insultes en anglais qui, traduites en coréen, en auraient choqué plus d'un. Puis un coup de pied maladroit dans le mur, et un autre, plus colérique, lorsque je me redressai, envoyant balader la poubelle en fer quelques mètres plus loin, derrière la rangée de chaises. Des boulettes de papier se renversèrent sur le carrelage clair. Un silence. Les battements impétueux d'un coeur et d'un corps qui avaient retrouvé leur pleine impulsivité. Je fixai l'objet expulsé qui bougeait encore, comme une proie dont j'attendais le dernier tressaillement. De profil, je laissai ma tête partir en arrière, fermant les yeux un instant, les dessins de ma mâchoire se raidissant. Je balayai de la main quelques mèches qui s'attardaient devant mes cils soulignés de ce large trait noir, en marquant la brusque noirceur. Un silence que j'attendais qu'on brise et que je voulais à nouveau brisé. « Alors.. qu'est-ce que t'attends ? Va-y dis-le. Je sais que t'en meurs d'envie.. » lâchai-je, tranchante. Je coulai mon regard vers lui, seulement la tête s'était tournée. « Dis-le que j'ai été stupide, idiote, complètement aveugle.. que je le méritais peut-être.. » Il m'avait aidé, c'est vrai mais.. La fierté ébranlée, s'attendait à une critique virulente. A un revers de médaille comme on dit. En réalité, ma colère n'était pas dirigée vers lui, mais contre le styliste car c'était à cause de lui.. à cause de lui que le loup avait assisté à cette scène. Qu'il m'avait vu dans cette position de.. faiblesse dont je ne supportais pas qu'il puisse en garder la moindre image, la moindre trace. Alors j'attaquai, avant de me faire attaquer. Pour qu'il oublie ce qu'il avait vu, pour qu'il ne puisse plus y croire en lui imposant moi-même l'apparence extérieure que je voulais qu'il conserve. Violence brute d'une femme blessée.

« Tu l'as cru ? Sur le fait que je l'ai allumé toute la semaine.. Toi aussi tu me vois comme ça ? » demandai-je, en lui faisant cette fois-ci face, moi près de la fenêtre, lui entre les tables. Je penchai légèrement le menton sur le côté, le questionnant de mes prunelles fixes. Je ne savais pas ce qu'il pensait. Je n'avais jamais su ce qu'il pensait vraiment en réalité. Il semblait être dans un rejet total des femmes, du moins certaines, et je me demandais.. Est-ce qu'il avait une si mauvaise image de moi pour vouloir m'éviter ? Même au point de ne pas vouloir se lier simplement d'amitié ? Une brève étincelle froissée traversa mon visage, éclairé par les néons blanchâtres, avant de me détourner du brun. J'avançais de quelques pas derrière les chaises. « Qu'il sache une chose ce connard prétentieux.. Si je suis intéressée par quelqu'un, je le clame. » commençai-je, ma voix claquant dans la pièce, avant de m'arrêter. Les pierres dorées se reposèrent sur Jeha. « Tu me plais.. j'ai envie de toi.. » susurrai-je, d'un ton suave, qui m'avait trahi, tout comme ces mots. Ne les lui avais-je pas offert à l'oreille, ces mots, la dernière fois que l'on s'était vu.. dans l'appartement de Il Nam.. ? Mais je n'en avais pas tenu compte, continuant dans ma lancée, dans ma marche. « Est-ce qu'il a entendu ces mots ? Pas un seul. Par contre, je lui ai dit que son travail me plaisait, que j'avais envie de le rencontrer depuis longtemps.. Tu saisis la nuance ? C'est ce qui différencie le privé du professionnel. » Où est-ce que cet abruti avait cru entrevoir une once de désir physique ? Allez savoir. Il l'avait tout bonnement imaginé, ou il ne comprenait absolument pas les femmes. Loin de là. Il n'était clairement pas fait pour elles, et pourtant, il savait parfaitement leur donner une allure en les habillant. Je passais derrière la rangée du fond, quand la paume de ma main frappa soudainement la table en bois. « Et je n'étais pas intéressée sexuellement ou par une quelconque relation personnelle, est-ce que c'est clair ?! » articulai-je fermement, en le regardant. Les choses devaient l'être et elles allaient l'être. Non, il ne m'attirait pas. Il ne m'attirait pas avant, et encore moins maintenant. Plus du tout même. Il n'y avait plus rien. Je ne savais pas pourquoi, mais je ne voulais pas que Jeha se méprenne. Je voulais que personne ne se méprenne sur ça. Sur le fait que je n'avais rien incité, que je ne l'avais pas allumé, que je n'avais rien fait pour qu'il croit le contraire. Est-ce que ce gars avait même besoin de se méprendre ou est-ce qu'il agissait tête baissée, sans songer une seconde qu'on puisse dire non ? « C'est lui qui est fait pour la baise, et rien d'autre, il ne mérite même pas son talent ! » continuai-je en parcourant la dernière rangée, reprenant ses mots vulgaires que j'avais senti passer. D'habitude, je ne tenais pas compte de ce genre de remarques, elle me passait au-dessus de la tête, et pourtant aujourd'hui.. Admettre qu'un tel homme avait du talent, l'admettre maintenant, après ça.. même le dire me laissait un goût amer sur la langue. Non, c'était loin d'être mérité.

Je frôlais de la pulpe de l'index le bout de la table que je venais d'atteindre, avant de rejoindre le photographe et de lui face. Le menton levé, pour être, et paraître. Paraître pour être devant ce regard ténébreux. « Je n'avais pas besoin d'aide. J'allais très bien y arriver toute seule.. » attestai-je, réduisant à un pas la distance qui nous séparait. Vraiment ? Je remontai ma main vers sa chemise. Sa veste glissa de l'une de mes épaules. « Je me préparais à le frapper.. J'allais le frapper, tu m'entends ? Le faire reculer, cet enflure ! » Celle-ci se fraya un chemin vers le haut, se refermant solidement sur le noeud de sa cravate et le col entrouvert. Sans lui faire mal, dans un geste démonstratif qui se voulait dissuassif mais.. Tu allais le frapper, alors.. pourquoi tu ne l'as pas fait ? T'attendais quoi ? N'était-ce pas déjà le moment ? Je ne te crois pas.. Tu as été trop lente, Sora. Reconnais-le. Non.. « J'allais le mettre à terre d'un coup dans le ventre, d'un seul coup qui lui aurait brusquement coupée la respiration quelques secondes.. de longues et interminables secondes, sans comprendre ce qui lui arrivait.. » Les coins de mes lèvres se retroussaient, trahissant une violence cachée d'une vengeance désirée. Et la conscience revenait à la charge. Tes jambes ne bougeaient pas, Sora. Pas parce que tu ne le voulais pas, mais parce que tu ne pouvais pas. Tu n'as même pas pensé à le frapper à ce moment-là. Tu pensais à beaucoup de choses, mais pas à ça.. Alors ce fameux coup, comment l'aurais-tu porté ? L'ivoire s'enfonça dans ma lèvre inférieure. Déstabilisée. « … Il n'allait rien pouvoir faire de plus. Ce n'est pas comme si il avait tenter de me.. » Je m'étais interrompue tout à coup, avant la fin de ma phrase.. Il t'avait plaqué contre le mur, Sora.. Il avait essayé de te toucher, de t'embrasser.. et tu crois qu'il ne peut pas y avoir plus ? T'es pas naïve comme fille, je le sais ! En réalité.. « de.. de me v.. »  La poigne se desserra doucement, alors que la lueur enflammée dans mes deux pierres fauves étouffait. A nouveau. Avant de peu à peu, perdre de sa fougue, de son ardeur, puis de s'éteindre complètement. Tu vas prendre ton pied.. Un frisson me parcourra, puis un soubresaut involontaire, ma paume rebondissant sur le torse de Jeha, trahissant le souvenir, le choc d'un corps ébranlé. J'étais dans le dénis. « Je ne l'aurais pas laissé me toucher. Jamais. » murmurai-je, bien trop faiblement à mon goût, baissant lentement la tête. Et je rejetais tout.. tout ça.. Tout ce qui s'était passé alors qu'il.. Est-ce qu'il avait.. vraiment eu l'intention de continuer ? Est-ce qu'il allait.. me violer ? Et quand le cerveau s'évertuait à se torturer à coups de questionnements interminables qui ne faisaient que l'épuiser davantage, le corps lui voulait juste.. céder à ses propres émotions et avouer tout ce qui l'avait angoissé.. Simplement.. Embuant simplement mes yeux en amande, les noyant sous la force d'un trouble durement refoulé, avant de les faire déborder. Les larmes caressèrent doucement les cils, avant d'être abandonnées dans un battement de paupières. Se laissant tomber sur les pommettes, sur les joues, près de cette bouche qui s'entrouvrait alors qu'elle réalisait les méfaits de ce corps qui voulait simplement se relâcher.. Surprise, la rangée de cils se souleva vers le photographe, s'agrandissant aussitôt, avant de vivement s'abaisser. L'embarras colora mes joues, sur lesquelles je portai mes mains. « .. Voilà que je pleure maintenant. Je.. Je suis ridicule.. » Un sourire mince, gêné, bouleversé. « Je suis désolée.. ce n'est pas contre toi en réalité.. » Biensûr que non ce n'était pas lui.. Tout ça, c'était contre moi, contre Steven Kim, contre cette absence, cette.. faiblesse que j'avais eu.. Je refusais de me voir comme une victime.. je n'étais pas une victime.. « Ne me regarde pas.. C'est rien, c'est juste la fatigue. Ce n'est pas moi.. » rajoutai-je, en lui tournant complètement le dos, effaçant l'humidité qui perlait sous les deux pierres. Je n'assumai toujours pas mon comportement.. et la fatigue devait aussi jouer. Oui.. J'inspirai et expirai doucement pendant de longues secondes, afin de stabiliser ce qui cherchait encore à s'échapper de la pointe des amandes. « Comment un homme qui habille et met en valeur si splendidement la gente féminine, peut-il.. traiter les femmes de cette manière... ? Je n'ai vraiment rien vu.. Je me déçois moi-même.. » Mes épaules ployèrent de quelques centimètres. Espèce d'idiote.. Depuis quand es-tu aussi faible ? Je n'avais jamais été autant humiliée.. Je penchais un peu la tête en arrière, un soupir tremblotant, tout comme ces doigts qui formaient un poing, imperceptiblement.

« On a plus besoin de moi ici.. Je vais prendre un taxi. Je pense que je rentrerais tard au dortoir.. » lâchai-je soudainement en me retournant, m'arrêtant un instant à côté de lui. « Rentre et.. repose toi. Ne raconte ça à personne et surtout pas à Il Nam. » Je ne voulais pas que tout cela s'ébruite, et encore moins chez les loups. L'humiliation était déjà bien assez grande.. Nos bras se frôlèrent un instant, avant que je ne disparaisse dans le couloir. J'avais envie de boire.. ou de traîner quelque part.. Je donnerais tout pour un sac de sable mais la salle de sport était fermée à cette heure tardive.. Je voulais frapper, m'épuiser, me vider entièrement pour ne plus être capable d'y penser. Mais est-ce que cela allait être suffisant ? Je descendais l'escalier d'une démarche rapide, voulant quitter cet endroit au plus vite. Je voulais voir Camille et lui demander de me serrer dans ses bras, sans aucune raison, sans rien dire. Lui faire croire que les larmes qui coulaient sur elle, n'étaient dues qu'à du stress, qu'à un vulgaire coup de pression comme je m'en mettais toujours et c'était tout. Je n'allais pas la réveiller pour si peu.. Ma cheville tremblota dans un mouvement trop brusque. Je me rattrapais de justesse à la rambarde, manquant de rater une marche. J'en avais oublié la veste du photographe qui glissa de mon épaule, je me retournai pour la voler à la pierre froide du sol. Je ne lui avais pas rendu.. ça faisait un peu comme sa chemise blanche de l'autre soir. Une impression de déjà-vu, qui me fît légèrement sourire, mes doigts se refermant sur le col. Et si en bas, je croisais à nouveau le styliste.. ? Mon corps se contracta, une petite voix me criant que ce serait le bon moment pour lui casser le nez.. Jeha avait choisi cet instant pour réapparaître dans mon champ de vision et ses paroles me revinrent en mémoire.. « Je veux voir les photos. » Je voulais voir ces fameuses preuves, tout voir, à travers ses yeux à lui, à travers son objectif. Tout découvrir et affronter la réalité d'une image que je m'étais crée de Steven Kim. D'un modèle, qui n'était plus rien. Mais était-ce son appareil photo, ce bruit de verre cassé tout à l'heure ? J'espérais pour le loup que ce ne soit qu'un bibelot du hall.. et les photos ? Si ce n'était pas le cas, il nous fallait un ordinateur.. Il fallait que tout sorte, que tout soit compris, que tout soit clair pour que les mots essentiels puissent enfin sortir : merci.   
    
 

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.
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Re: You can't judge a book by its cover | #JERA ♥ | Sam 29 Avr - 0:04
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Ils rampent, avec une douceur hésitante, pour frôler l'objet d'un désir peu assumé. Puis ils fuient. Ils ne cessent jamais de fuir, de reculer, de vouloir échapper à l'attraction qu'exercent sur eux ceux qu'ils veulent toucher, attraper, posséder. Alors ils avancent, puis s'échappent, en une danse immuable, pour finalement faillir et enlacer, les doigts de l'être qui fascine.
 


Le souffle du passé me chuchotait de quitter la pièce mais mon cœur se serrait à l'idée de la laisser affronter seule les démons qui ne tarderaient plus à l'assaillir. Le dégoût et la haine qui noient, la colère qui ravage, la souffrance qui détruit. Je m'étais maudit d'avoir été assez aveugle pour laisser Sae Wa jouer avec mon cœur et une naïveté dont j’exécrais jusqu'au souvenir. Je me blâmais toujours. De l'avoir aimée, de l'avoir estimée, d'avoir été tellement con que… la bile effleura ma gorge sèche. Je crispais les poings et les enfonçais dans mes poches, sans savoir que faire, sans savoir que dire. Je laissai le silence s'étirer et les ombres s’épaissirent. Je ne bougeais pas. Seul mon souffle trahissait ma présence, en une caresse fraîche sur mon inférieure figée, miroir d'une étreinte glacée autour d'un cœur hésitant. Perdu. Mais ma patience s'effilochait, sous les écorchures d'une inquiétude qui comptait vicieusement les secondes qui s'écoulaient. Je ne retrouvais pas Sora dans cette statue de cire. Je ne reconnaissais pas la femme qui m'obnubilait dans ce regard inexpressif, si différent de tous ceux qu'elle avait posé sur moi. Et pendant une demi seconde, j'eus envie de la secouer, de la gifler, de la forcer à renouer avec une réalité qu'elle avait fuit. Bordel, réagis ! Les mots, inexprimés, se peignirent dans deux obsidiennes qui l'effleurèrent … puis se figèrent. La noirceur du néant reculait, brûlée par une colère vive. Oublié la pâleur, l'immobilité, l'impassibilité. Ses lèvres s'incurvèrent en un rictus et son corps s'ébroua, échappant à la torpeur et au marasme. Elle se leva brusquement et je reçu en pleine figure le son claquant de ses talons contre le sol, en un mélange de soulagement et d'inquiétude exacerbé. La peur … son haleine fétide effleura mes narines lorsqu'elle s'approcha de la fenêtre. J'eus un mouvement, idiot, stupide. Irréaliste. J'avançai, mu par la pensée, pourtant absurde, qu'elle pouvait se jeter par la fenêtre dans un mouvement de colère ou de désespoir. Pourtant, je connaissais sa force de caractère. Mais le doute, plus puissant, me força à l'approcher, sans quitter des yeux ses gestes saccadées et ses mains recroquevillées autour de la poignée d'une fenêtre qu'elle parvint à ouvrir. Le vent gifla. Sora hurla. Une plainte, une souffrance, une douleur, tant de notes qui me percèrent et me saignèrent. Alors que je la connaissais à peine. Quelques mots, quelques dagues, quelques touchers. Mais que savais-je vraiment d'elle ? Rien. Alors pourquoi ? Pourquoi ressentais-je sa douleur au point qu'elle brûlait ma cage thoracique compressée ? Pourquoi avais-je envie de tendre la main, de l'attraper et de la serrer à l'étouffer ? Pourquoi désirais-je tuer ce type simplement en l'entendant crier et vomir le dégoût qu'il lui inspirait ? Nous n'étions rien l'un pour l'autre, si ce n'est deux âmes qui s'étaient frôlées sans jamais réellement se rencontrer. Alors pourquoi ? Je me contractai, la mâchoire serrée, sans trouver de réponse à une question qui finit par s'évanouir, emportée par les mots qu'elle crachait à la gueule de son bourreau invisible et par le bruit d'une poubelle frappée d'un coup retardataire. Les papiers s'éparpillèrent, en un son feutré qu'accompagna un silence brusque et assourdissant. Elle le brisa d'une langue acérée. Apeurée. Le voile de mes cil chuta, voilant l'ombre et la compassion d'un regard dérobé. Je me reconnaissais en elle, en sa douleur, en cet appel au secours indésiré et pourtant palpable sous la rage et la fureur. Les lèvres serrées, je fus happé par un passé que je tentais d'oublier. Le réveil, l'hôpital, le souvenir. La souffrance n'en était pas une. Elle avait planté ses griffes dans mon cœur battant, aux coups si bruyants qu'il me semblait les entendre résonner dans la pièce vide. J'enfonçai les doigts dans mes paumes et relevai la tête pour lui faire face. Et la gifle, bien que verbale, fut d'une violence telle que je me sentis pâlir. Pernicieuse, la nausée afflua dans ma bouche, en un mélange de colère et de haine. Cet homme l'avait ébranlé jusqu'aux tréfonds d'elle même. Il avait souillé sa confiance, son image, ses pensées. Tout. « Ne dis pas de connerie ! » répliquai-je abruptement. « Personne ne mérite de vivre ce que tu as vécu ce soir. Et si je pensais ne serait-ce qu'une seconde que tu aies ta part de responsabilité dans cette scène ignoble, je ne vaudrais pas mieux que ce salopard ! » Je regrettais ma véhémence dès que ma pensée, indignée, se répercuta dans la salle. Elle n'avait pas besoin de ma colère en plus de la sienne. J'enfonçai les dents dans mon inférieur, les joues blafardes mais le regard aussi noir que l'ébène. Elle pivota. Ses cheveux bruns glissèrent sur son épaule, en une caresse éthérée qui trancha avec l'acier d'une question torturée. Interdit, je la fixai, tandis que résonnait dans ma tête la pique venimeuse de Steven Kim. Ta meuf m'a allumé toute la semaine. Mais comment pouvait-elle … Mes épaules se relâchèrent et je levai vaguement les yeux vers le plafond, dans un effort pour dissimuler la déchirure causée par son interrogation. Mon agressivité ne devait pas l'aider à voir les choses autrement. Plutôt que la rassurer, je lui rappelai un rejet qu'elle ne comprenait pas et qui la confortait dans l'opinion que les horreurs déblatérées par ce type étaient fondées. Je m'adossai à la table et y refermai les mains. Les muscles, tendus sous ma chemise, trahissaient ma nervosité, ainsi qu'un soupçon de culpabilité. « Je crois que tu es une femme forte, qui assume aussi bien ses désirs que ce qu'elle pense. Tu es surprenante, imprévisible, bornée et fière… mais définitivement pas allumeuse. Si tu l'étais, je n'éprouverais pas la moitié du respect que j'éprouve en réalité pour toi. » Je poussai mon menton en avant et baissai la tête. Mes lèvres se fuirent, mes dents effleurèrent mon inférieure et une mèche sombre coula sur mon front. Rebelle, à l'image d'un homme qui prenait conscience, malgré sa détermination et son besoin de solitude, qu'il s'était attaché. Un peu. Au fond, je l'appréciais. Voilà pourquoi j'étais sensible à sa détresse, à sa colère  et à son affliction. J'aurais voulu haïr ma fragilité mais je n'en avais pas le temps. Je m'oubliais, moi et mes peurs, moi et mes doutes, moi et ces angoisses qui me poursuivaient depuis des mois. Je n'étais pas assez salop pour rester égoïste face à une détresse qui m'était aussi familière. « Si les circonstances avaient été différentes, nous aurions pu être amis. » lui avouai-je en redressant la tête, dans un ultime effort pour apaiser en partie des souffrances que je lisais en elle. Mais en vérité, j'aurais préféré qu'elle soit l'allumeuse que Steven Kim avait dénoncé. J'aurais préféré la savoir garce pour ainsi tuer le désir que seule cette situation détestable parvenait à apaiser. Puis … elle n'aurait pas été dans cet état. Elle n'aurait pas souffert. La honte s'ajouta à la culpabilité et je passai les ongles sur mon cuir chevelu tandis qu'elle bougeait, à l'image d'un félin prisonnier d'une cage. Sensible à sa tension, je la suivis des yeux. Je sais. Elle faucha ces mots d'un regard, d'une parole, de quelques sons suaves qui se plantèrent durement dans ma chaire, pour réveiller un désir affadit et exacerber la honte qu'il m'inspirait. Mon sang bouillonna, éclaboussant mes joues pâles, tandis qu'elle se détournait pour continuer sa diatribe. Je n'avais plus rien à dire. Si je savais qu'elle n'était pas une allumeuse, n'avais-je pas cru en revanche que ce type lui plaisait ? Ne m'étais-je pas persuadé qu'ils avaient une relation lorsque je l'avais vu redescendre les escaliers, rougissante de plaisir alors qu'il venait de la caresser ? Mes dents claquèrent et l'os fit rouler ma peau par son mouvement. Le coup, brusque, m'interpella et je levai la tête pour croiser son regard à la fermeté tranchante. La compassion n'était pas la seule émotion que j'éprouvais. Mais je n'avais aucune idée de ce que ce soulagement, indicible et inattendu, signifiait. « C'est clair. » répondis-je calmement, sans chercher à fuir les deux pierres dorées dardées sur moi. Un calme effiloché par une nouvelle remarque, par une vulgarité reprise, par une prise de parole qui m'avait donné envie de faire de ce visage arrogant une bouillie de sang. Je tus les phrases acerbes que vomissaient ma gorge, j'étranglais les mots acides et les explications sans esprit. Je n'étais pas celui qu'elle cherchait à convaincre. Les bras croisés sur mon torse, j'attendis silencieusement que la colère se mue en cette autre émotion qu'elle combattait farouchement. Mais à la fureur s'ajouta l'orgueil. Faussement stoïque, je la regardai approcher puis s'immobiliser en face de moi. La couronne dorée qui habillait ses amandes étaient striée de sang. « Je sais. » murmurai-je, en un mensonge que j'aurais voulu croire autant qu'elle. Sa main effleura mon torse, ses doigts empoignèrent ma cravate. Ignorant les réactions d'un corps oublié, je me concentrai sur son visage, sur sa douleur, sur ces émotions qui défiguraient son minois pâle et assassinaient son assurance habituelle. « Je n'ai pas pu attendre. » répondis-je doucement en plongeant dans l'or ensanglanté. « Je ne pouvais pas attendre. » répétai-je en la laissant faire, répugnant à couvrir sa main de la mienne. Je ne voulais pas lui rappeler cet homme par le toucher, par la chaleur de ma peau ou par une poigne masculine. La fureur se fracassait, se dilatait. Dans ses yeux, je lisais à présent la force d'un désespoir dont j'avais attendu la venue, pertinemment conscient qu'il existait sous le vernis colérique. La gorge serrée, je retins le mouvement instinctif qui m'aurait conduit à la serrer dans mes bras. De voir les larmes humidifier son regard me touchait. Sa détresse était un écho, un rappel, un miroir de ce que j'avais été, de ce que j'étais encore parfois. « Il n'a rien fait. » lui rappelai-je en taisant ce qu'elle réveillait en moi. Elle butait sur ses mots. Elle balbutiait sur sa propre souffrance, incapable de supporter l'idée qu'il ait pu tenter de la forcer à donner ce qu'elle lui avait refusé. Sa paume rebondit sur mon torse, comme pour marquer ce qu'elle ne parvenait pas à exprimer. La violence de ce qu'elle avait subit, le choc qui l'écrouait, l'horreur d'une idée qu'elle ne pouvait pas accepter. Je me retins. Mais, et malgré mes muscles contractés, ce ne n'étaient pas mon corps qui gémissait mais un cœur touché qui n'aspirait qu'à chasser les larmes qui s'amassaient sous ses cils … les larmes qui coulèrent. Je faillis céder. Mais elle leva les bras avant que les miens ne se résignent à bouger, pour dissimuler une digue brisée et une souffrance à vif. « Ce n'est pas moi qui vais juger. » Mais elle se retourna, en un ultime geste de protection, pour dissimuler ce qu'elle considérait comme une faiblesse. J'enfonçai les mains dans mes bras, en regardant les siens trembler, de même que ses épaules qui bougeaient légèrement sous le voile de sa chevelure. Une nouvelle fois, je me sentais impuissant. Elle respira profondément puis murmura. Mais je n'avais aucune réponse à sa question, si ce n'est des insultes qui s'amassèrent et que je préférais garder pour moi. « On ne voit pas toujours ce qu'on devrait voir. » soulignai-je avec amertume, en songeant à une femme plus qu'à l'homme qui encombrait sa mémoire. Pourtant, et contrairement à elle, j'avais été prévenu par mon entourage. Mais je n'avais rien vu. Rien. Je m'étais réfugié dans une naïveté pour ne pas voir mon monde s'écrouler. J'avais préféré le mensonge à la vérité, pour ne pas affronter mon mauvais jugement. Pour ne pas avoir à admettre que j'avais eu tort de repousser ceux qui avaient condamné, ceux qui avaient raison. Contrairement à un cœur qui croyait éprouver ce qui n'existait pas. Se Wa n'avait pas existé. Comme Steven Kim, tel qu'elle l'imaginait, n'existait pas. Ils avaient été fantasmés par une imagination fertile, naïve et admirative. Je recroquevillai les doigts sur le tissu immaculé de ma chemise. Mon âme ne l'était pas. Elle était souillée d'ombre, de larmes et de sang. Comme la sienne en cet instant. Un éventail de cil chuta, en de petites stries ténébreuses sur une vision noircie.

Quand ils battirent de nouveau, elle s'était tournée pour annoncer son départ et une rentrée tardive. Mais je ne parvenais pas à me faire à l'idée de la laisser seule, ne serait-ce même que pour quelques heures. Pas maintenant. Je craignais ce qu'elle pouvait faire, mais plus encore ce qui pouvait lui arriver dans cet état. Quand à son conseil … Mon sourcil mouva, sur des prunelles à la tristesse broyée par la détermination.. « Sora ... » commençai-je sans m'attarder sur les promesses demandées. C'était son combat, sa douleur. Néanmoins … Son bras me frôla. Dans un élan instinctif, je tendis la main pour la retenir et l'empêcher de quitter la pièce, mais mes doigts ne firent qu'effleurer sa peau nue. Elle disparut. Le son de ses talons s’amenuisât, marquant son éloignement. J'inspirai profondément. Elle était adulte. Sûre d'elle. Mâture. J'eus un rictus. J'étais pourtant bien placé pour savoir que la souffrance n'avait pas plus d'âge que de sagesse. Sans plus tergiverser, je quittai la pièce pour la rejoindre dans le couloir. Elle se tenait immobile dans les escaliers, la main refermée sur ma veste, le regard perdu dans le vague. J'entrouvris les lèvres, mais elle me prit de court en se retournant brusquement, un éclat fiché dans ses prunelles fauves. Je plissai les yeux et hochai la tête imperceptiblement, cédant spontanément à sa demande. Quelle ironie. J'avais tout fait pour la fuir et j'éprouvais désormais du soulagement à l'idée de rester près d'elle. Les mains dans les poches, je descendis les escaliers pour la rejoindre et lui repris ma veste pour fouiller la poche intérieure du vêtement. J'en sortis la carte mémoire et la lui montrai. « Allons nous en. » fis-je en la recouvrant du tissu noir. Je l'abandonnai sur ses épaules fines puis dévalai les marches restantes, en serrant entre mes doigts l'objet pour lequel mon appareil photo avait finit en miette. La tristesse baigna mes veines. J'appréhendais le moment de poser les yeux sur un compagnon brisé. Je soufflai en gonflant les joues et levai la tête pour regarder la silhouette du gardien de sécurité, qui attendait toujours auprès du cordon. « Alicia a laissé ça pour toi. » maugréa t-il en me tendant la sacoche refermée. « Elle a dit .. » « Je sais » le coupai-je en jetant un œil à Sora. « Bien. » Je le remerciai en attrapant mon bien et glissai l'attache sur mon épaule, sans oser l'ouvrir pour en regarder l'état. Encore moins devant elle. « Tu devrais la retrouver et la raccompagner chez elle. » lui conseillai-je alors qu'il déroulait le cordon pour nous laisser passer. Il me coula un regard, que je soutins, sans savoir s'il pouvait saisir un message que je ne pouvais pas plus verbaliser sans trahir la scène qui s'était déroulée plus tôt. Il hocha néanmoins la tête sans poser plus de question et je marchai jusqu'à la sortie, attentif aux silhouettes, peu nombreuses, qui déambulaient encore autour de nous. La seule que je recherchais – et redoutais- réellement était celle de Steven Kim. Mais nous atteignîmes la sortie sans voir sa gueule déformée. Je frôlai de la main le dos de Sora et la guidai jusqu'à ma voiture, garé quelques mètres plus loin sur le parking. « Mon appareil est déchargé. » expliquai-je en usant d'un nouveau mensonge, répugnant à l'idée de devoir lui avouer que ce type avait bousillé mon appareil photo en plus du reste. « Je vais t'emmener au studio, qu'on puisse les regarder sur un ordinateur. » Je m'approchai du coffre et l'ouvris pour y placer la sacoche. Immobile, j'attendis qu'elle s'installe dans la voiture pour céder à une curiosité malsaine et l'ouvrir. Mes doigts tremblèrent  légèrement sur le nylon noir. C'était ridicule. Bordel, ce n'était qu'un appareil ! D'un geste, j'en repoussai le revers. Mes muscles se tendirent douloureusement tandis que je figeai mon geste, la mâchoire durcie. Des morceaux de verres tapissaient le fond du sac, au milieu desquels survivaient des éclats de plastique arrachés à l'appareil cabossé. J'enroulai les doigts autour de l'objectif, irrécupérable. La lentille était brisée, le tronc fracassé. Je le reposai puis glissai l'index sur l'appareil lui même, en notant les cassures et les marques laissées par l'impact contre le sol. Ou le mur. Mes ongles écorchèrent ma paume libre. Ce n'était pas grave. Je fermai le coffre d'un geste et m'avançai pour ouvrir ma portière et m'installer derrière le volant. Étouffé par les braises d'une colère opiniâtre, je tirai sur ma cravate au point d'en défaire le nœud survivant et ouvris la fenêtre. Un souffle bref. Imperceptible. Une inspiration profonde et aussi discrète que le regard que je lui lançais. Je m'attachai et démarrai la voiture, avec une souplesse familière. La carte luisait entre mes doigts serrés, sous le ballet incessant des lumières des lampadaires et des feux tricolores qui s'y reflétaient. Je restai silencieux. J'écoutai sa respiration, je prêtais attention aux bruits qui baignaient les rues. Je n'avais aucune idée de ce qu'elle voulait faire de ces clichés mais j'étais prêt à les lui donner sans hésitation quelque soit son choix. Ou tout du moins une copie au cas où ce Steven serait assez fou pour s'en reprendre à elle. Le volant glissa contre mes paumes alors que je tournais à droite, en m'efforçant de prêter plus d'attention à la route qu'à la jeune femme assise à mes côtés. Elle avait une façon bien à elle d'occuper mes pensées. Désir, inquiétude, compassion … elle était un ballet imprévisible. Je freinais en douceur sur une ligne blanche marquée d'un stop et posai le coude sur ma portière, puis mon menton sur mon poing refermé. Le bras droit tendu sur le volant, j'y fis valser mes doigts tandis qu'une voiture passait, avant de redémarrer. Mais j'étais intimement conscient de sa présence dans la voiture. Cette scène suffirait-elle à apaiser la frustration ou étais-je insensible au point de subir les affres de l'envie alors qu'elle venait de se faire agresser ? Une interrogation sur laquelle je n'avais aucune envie de m'attarder, pas plus que sur les nombreuses nouvelles émotions qu'elle avait fait naître malgré elle.

Je m'arrêtai devant un petit immeuble d'un étage, à la façade claire et aux baies vitrées barrées d'épais rideaux noirs. Quand au quartier, il était à l'image de l'appartement que j'avais convertit en studio. Tranquille et isolé. Je garais la voiture sur ma place de parking et descendis en retirant complètement la cravate qui pendait sur l'encolure de ma chemise. « On va à l'étage. » lui dis-je en pointant du menton les fenêtres du premier. J'attrapai mes clés, récupérai mon sac à l'arrière puis verrouillai la voiture sans prendre une sacoche qui y resterait jusqu'à ce que j'ai l'opportunité de réparer un appareil photo à priori foutu. D'ici là, elle n'avait pas besoin de le savoir. Je la guidai jusqu'à la porte d'entrée et fis coulisser le panneau du boîtier numérique pour y taper le code d'accès. Quatre chiffres qui représentaient pour moi ce qu'elle avait vécu aujourd'hui. Un réveil brutal et une prise de conscience que je m'efforçais de ne jamais oublier. Je poussai le battant et m'effaçai pour la laisser entrer. Une silhouette que je suivis sans vraiment regarder. Dans mon dos, la porte claqua, en un bruit qui résonna dans une salle dont j'avais fait tomber les murs lors de ma sortie de l'hôpital. Je n'avais pas supporté l'impression d'enfermement que j'avais ressentis en y remettant les pieds, pas plus que les quelques souvenirs malheureux que j'y avais rattaché. J'avais tout cassé, comme pour réaménager une âme aux murs encore debout. L'écho se prolongea dans l'obscurité, d'autant plus profonde que les rideaux étaient tirés. Je m'approchai du panneau, placé près de la porte d'entrée, et l'ouvris afin de remettre le courant. La salle, immense, dévoila tout au premier regard. Une épaisse toile blanche barrait le mur du fond, en face duquel était installé les éclairages et mon matériel, qui occupait une bonne moitié de l'espace. La seconde, plus chaleureuse, offrait un contraste entre l'appartement qu'il avait été jadis et un lieu de travail. Une cuisine aménagée s'ouvrait sur la gauche, dans des tons blancs et noirs, tandis qu'un bureau disposé en angle droit formait un début de carré sur la droite. Un canapé, où trônait encore des couvertures, le fermait. Je m'approchai des tables sur lequel je posai les clés et allumai l'un de mes deux ordinateurs. Laissant la machine ronronner, je récupérai une des chaises qui traînaient près de la toile de fond et revins la poser en face de l'ordinateur. « Tu peux t'asseoir. » dis-je en tirant légèrement la chaise pour qu'elle s'installe, tandis que je prenais place pour enfoncer la carte dans la tour. Je fis glisser la souris sur le bureau pour accéder au dossier et aux nombreuses photos de la soirée. Si la première moitié d'entre elles représentaient les moments clés du défilé, la seconde n'était destiné qu'au salop qui l'avait … Je contractai la mâchoire et tournai la tête vers elle. Je ne posais pas de question. Je ne me souvenais que trop des impressions laissées par les nombreux « ça va aller » ou les « tu t'en sortiras » que l'on m'avait asséné durant ma convalescence. J'avais détesté ces mots aussi creux qu'insupportables. J'avais exécré la fausse compassion et la compréhension basée sur du vide.  Aussi surveiller ses réactions du coin de l'oeil me suffisait. Et le cas échéant  … je n'avais aucune idée du comportement à adopter. Notre relation, ambiguë et en dents de scie ne me facilitait pas la tâche, d'autant plus depuis que je m'étais forcé à admettre qu'elle ne me laissait pas aussi indifférent que je m'étais borné à le croire. Je cliquai directement sur la première photo de la soirée, puis poussai le clavier vers elle pour qu'elle puisse naviguer à son aise. « Je ne sais pas vraiment pourquoi il s'est posé en tant que rival avec moi, mais lorsqu'il t'a appelé dans l'escalier, il m'a fait comprendre de ne pas t'approcher. » lui révélai-je pour expliquer une obsession apparente sur tous les clichés pris. Il était au cœur de chaque photo, de même que les gestes, parfois infimes, qu'il avait envers les femmes qu'il approchait. « Je regrette de ne pas t'en avoir parlé sur le moment mais je n'avais aucune idée de ce qui se tramait entre vous. Quand à nous … notre relation étant tout sauf simple, je n'avais aucune légitimé pour intervenir et lui dire d'aller se faire foutre même si l'envie m'en démangeait. Alors j'ai posé quelques questions à un de mes collègues. J'ai appris qu'il avait une réputation de Don Juan invétéré et qu'il avait couché au moins avec une femme de chez Vogue cette semaine. » Je sentis l'âcre saveur de la nausée effleurer de nouveau ma langue derrière mes lèvres serrées. Adossé à ma chaise, je croisai les bras pour retenir en moi ce mélange d'émotions étouffant qui me submergeait. Un soupçon de colère dans une larme de culpabilité. Mais, et étrangement, l'angoisse restait en retrait malgré mes confessions. Elles ne m'engageaient à rien. Je lui révélais seulement une inquiétude réelle après lui avoir fait comprendre que je tenais un minimum à elle. Difficile aurait été de prétendre le contraire après ce soir, alors que j'avais passé mes heures de travail à surveiller un homme qui l'approchait de trop près. Le sang déferla dans mes veines et un soupçon de rouge colora mes joues blêmes. Je faillis préciser qu'aucune jalousie ne m'avait poussé à agir comme je l'avais fait mais je retins ces mots, égoïstes, avant qu'ils ne percent une barrière de chaire serrée. Qu'elle le croit n'avait aucune importance. Elle avait même probablement d'autres choses en tête que mes états d'âmes et mes motivations profondes. Les paupières légèrement abaissées sur mes yeux sombres, j'observais la photo à l'écran et expliquai d'un ton posé. « Certaines ne montrent pas grand chose. D'autres en révèlent trop. Ce n'était pas une menace en l'air. Tu peux bousiller sa carrière avec ce qu'il y a dans cette carte mémoire. » Je tournai la tête vers elle pour effleurer des yeux son profil. « C'est ton choix. Je garderais un double au cas où il s'en prend à la tienne mais pour le reste, tu es libre.. »
 
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Re: You can't judge a book by its cover | #JERA ♥ | Mer 3 Mai - 19:02
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You can't judge a book by its cover
Je Ha & Sora





LOOK & BROWN HAIR | Quel spectacle devais-je donner.. Si j'y réfléchissais trop, la rage contre moi-même me dévorerait tout de suite, sans le moindre répit. Pitoyable.. Qu'elle est la patience d'attendre encore un peu, que je sois seule pour me frapper de plein fouet. En attendant, je ne voulais pas me morfondre. Je me fis violence afin de tarir les larmes qui montaient encore le long de mes cils, afin d'avancer pour couper un lien mental que j'entretenais avec cet homme depuis des années. Après avoir vu en chasse cette double personnalité dont j'avais fait les frais un peu plus tôt. "Avais fait les frais"... un peu, c'est tout. C'était tout. Jeha avait raison, il n'avait rien fait, point. Mais autant tout voir, tout encaisser d'un coup non ? Au moins.. cela serait fait. Je ne savais pas où voulaient me porter mes pas, délaissant volontairement le photographe à l'étage. Le corps avait choisi de faire à sa guise, de se dévoiler même si je le lui avais interdis. Il avait osé montrer un coeur tremblant, qui aurait dû rester dans le noir pour se calmer et reprendre des forces. Honte. Cela n'avait rien de beau chez moi, cette.. faiblesse.. dont je m'assurerais qu'elle ne soit que passagère et rien d'autre. Pourquoi avais-je craqué ? Ne pouvais-je donc pas attendre ? N'avais-je pas déjà été.. assez ridicule.. devant lui ? Tenant sa veste entre les doigts, je relevais les yeux vers Jeha qui se tenait en haut de l'escalier. Montre moi ces photos et je ferais en sorte que tu oublies ce que tu as vu. Il me rejoignit, marche par marche, avant d'arriver à ma hauteur pour fouiller dans sa veste que je lui tendis. Surprise, je découvris qu'il avait gardé la carte mémoire sur lui. Je me crispais légèrement à son approche, alors qu'il se penchait pour remettre le tissu noir sur mes épaules. Pas par peur de lui, ni de l'homme, mais par peur qu'il ne se rapproche trop de ce visage qui se détournait, dont le masque peinait à se reconstruire. A ses paroles, je le suivis, confirmant qu'il était d'accord pour me les montrer. On regagnait l'entrée, que Tae gardait d'une carrure dissuasive. Il s'adressa directement à Jeha, en lui tendant sa sacoche que j'avais vu un peu plus tôt sur lui, en début de soirée. Cela devait être son appareil. Alicia.. ? Alors, c'était ce qu'elle avait emmené emporté un peu plus tôt avec elle ? Et le bruit de verre de tout à l'heure.. ? Je regardai calmement ses gestes, mais il n'ouvrit pas le sac, offrant plutôt un conseil au colosse qui fronçait les sourcils, comme si il cherchait dans ses paroles une attaque cachée. « Fais-le Tae, s'il te plaît. Elle habite pas loin, mais il est tard, assure-toi qu'elle ne rentre pas seule.. » fis-je dans une douce demande, qui trahissait une réelle inquiétude qu'il sembla percevoir enfin, autant chez le brun que chez moi. Il opina d'un mouvement de menton, alors que l'on se dirigeait vers la porte d'entrée. Mes yeux qui vagabondaient sur le dos de cette chemise blanche, puis vers le carrelage pâle, n'avaient pas pu s'empêcher de balayer les lieux, les visages qui passaient à côté de nous, qui nous regardaient.. J'avais l'impression qu'ils me dévisageaient, comme si ils lisaient en moi, comme si ils savaient tout.. rajoutant un poids supplémentaire sur mes épaules contractées. Mais il n'y avait pas celui que je redoutais, celui de Steven Kim. Celui devant lequel je ne savais pas comment j'allais réagir, suite à la trahison d'un corps stupidement pétrifié. Je rêvais pourtant de lui péter le nez d'un coup de poing fracassant, signant ainsi ses traits ensanglantés qu'avait déjà peint Jeha, avant moi. Mais il n'était pas là. Il était peut-être caché quelque part, ne pouvant se montrer sous son allure blessé, ou parti, la queue entre les jambes. Un mélange de soulagement et de frustration m'envahissait, ne sachant toujours pas clairement ce que je souhaitais alors que l'on s'engageait dans la rue. L'air caressa mes jambes, mon ventre, passant sous la veste pour faire frémir mon épiderme d'une brise glaciale. La même sensation que j'avais ressenti en ouvrant cette fenêtre, cette impression de pouvoir enfin.. respirer. Un frisson, puis un autre qui remontait le long de mon dos, alors que je pouvais sentir une chaleur familière l’effleurer. Un courant électrique entre deux températures bien différentes. Et si je voulais reprendre mon souffle dans cette fraîcheur printanière, je me surprenais à vouloir aussi le perdre contre la tiédeur de cette main, qui me guidait dans la bonne direction. Désir primaire qui perdurait, chassant un bref instant les pensées rabaissantes que m'affligeait une fierté écorchée. Alors que j'ouvrai la porte de sa voiture, il m'indiqua que son appareil était déchargé, et qu'il m'emmenait donc à son studio. J'approuvais silencieusement, mes prunelles s'attardant de longues secondes sur sa main fermement agrippée à sa sacoche. Il gagna le coffre alors que je m'installai sur le siège passager, attrapant lentement la ceinture que je sécurisai d'un bref bruit sec. Et puis.. je levai le menton vers le rétroviseur intérieur, penchant un peu plus la tête sur le côté. La silhouette de Jeha s'y dessina, figée devant le coffre ouvert. Je pouvais voir qu'il regardait quelque chose, et je devinais que c'était dans son sac.. J'entrouvris les lèvres, détaillant le langage corporel qu'il dégageait.. Douceur des gestes, dans un corps brusque et tendu. Une expression accablée à laquelle je m'accrochai péniblement, alors que je réalisais. Ce qu'il voyait.. lui faisait mal... Vivement touchée, je détournais aussitôt les yeux, mes ongles s'enfonçant dans le siège. Les pupilles se dilatèrent dans une sombre colère qui me griffait de l'intérieur, vacillant de droite à gauche sans savoir où se poser. Ce.. Ce.. Ce salaud.. Mais quel connard, putain ! J'étais désormais certaine qu'il avait touché à son appareil, qu'il l'avait brisé, et que c'était ce bruit-là que je n'avais pas clairement pu identifier tout à l'heure. Le bruit rude du coffre qui se ferme, ma mâchoire crispée alors que je sentais mon coeur accélérer violemment, se tordant en une douleur palpable. Jeha entra à son tour dans l'habitacle, et sa présence m'écrasa contre la portière. Mon regard vrilla sur la droite, mes doigts remontant sur la ceinture, l’enserrant contre moi. L'arc de ma poitrine se gonflait dans un rythme nerveux, lorsque la voiture démarra enfin, empruntant une avenue principale. A la fierté et à la rage, se rajoutait désormais le poids de la culpabilité, qui semblait bien s'entendre avec son amie fidèle.. la honte.  

Le silence s'installa tout le long du trajet et lui, comme moi, ne semblions vouloir le briser cette fois-ci. Mon attention glissa vers les lumières extérieures, tout comme mon corps vers la fenêtre, qui marquaient notre avancée dans la capitale, sans réellement m'y attardait. C'était ma faute. Si je n'avais pas été aussi conne.. Si je m'étais débarrassée de lui toute seule.. Si il n'était pas monté.. Si il n'avait pas assisté à cette scène.. Oui, je sais. On pouvait refaire le monde avec des "si", mais je ne pouvais m'empêcher d'y penser, et de m'accabler encore et encore. Jeha avait été là au mauvais endroit, au mauvais moment, à cause de mon jugement voilé et d'une faiblesse de coeur que je préférais rayer de mes souvenirs. Une situation que j'aurais dû savoir gérer moi-même, comme j'avais l'habitude de le faire, comme je l'avais toujours fait et pourtant.. je n'avais pas pu. Il avait dû intervenir, il avait été obligé de m'aider, de me soutenir même en me portant, d'assister à cette scène grotesque de cris et de larmes que j'avais tenté d'enrôler à mon avantage.. en vain. Et en plus d'avoir été mêlé malgré lui à tout ça, cet enfoiré qui n'avait rien à voir avec lui, avait osé toucher à un de ses biens les plus précieux car j'étais certaine que c'était le cas.. Je fermai les paupières, fronçant les sourcils alors que je ravalai ma salive. Je n'osais même pas le regarder. Cette fin de soirée ne pouvait pas être plus pire que celle-ci..

Dix minutes plus tard, on se gara devant un petit immeuble dans un quartier calme, bien loin du très bruyant Gangnam que l'on venait de quitter. Je levais les yeux en direction de l'étage qu'il indiquait, des rideaux noirs en couvraient les fenêtres. Si je ne savais pas qu'il était photographe, je trouverais cet appartement bien suspect, si bien que la remarque ne fît que m'effleurer l'esprit alors que j'attendais qu'il montre le chemin. Un regard en arrière.. il n'avait pas pris la sacoche. J'aurais voulu y jeter un coup d'oeil lorsqu'il aurait eu le dos tourné, mais il semblerait que je n'en aurais  malheureusement pas l'occasion. Je plissai les lèvres en marchant sur le trottoir, avant de suivre le brun jusqu'à l'intérieur. Une porte sécurisée nous arrêta quelques instants, c'était plus gardé que je ne le pensais. Mais avec tout le matériel qu'il devait avoir, c'était certainement nécessaire et plus rassurant pour lui. Il composa son code et l'accès fût aussitôt déverrouillé, s'entrouvrant sur une obscurité peu avenante, mais dans laquelle je m'engouffrai lentement, sans me poser de question. La porte claqua à notre suite, en un bruit qui résonna tout autour de nous et même sans voir, on pouvait déjà deviner que les lieux étaient immenses. Prudente, je m'arrêtai dans ma marche à l'aveugle, avant qu'il ne mette soudainement le courant, éclairant tout, dévoilant tout, d'un seul coup. Je papillonnai un instant des paupières, m'habituant à la vive clarté, figée dans l'entrée. Et puis, je me décidai à avancer de quelques pas, levant la tête pour admirer l'ensemble des lieux. L'ouïe avait eu raison, c'était effectivement assez spacieux, ouvert et aéré. Une cuisine sur la gauche, un bureau en angle droit sur la droite et le grand mur du fond, blanc et dégagé, semblait servir à des photoshoot avec tous ces éclairages qui l'entouraient. C'était un excellent espace de travail.. On pouvait respirer au moins, et c'était souvent cela que l'on recherchait pour bien se concentrer sur nos tâches. Je voulais aussi avoir un endroit à moi un jour.. Il passait puis repassait devant moi comme un courant d'air vif, alors que je semblais pour ma part au ralenti, à moitié déconnectée. Un grincement de chaise attira mon attention, et je le rejoignis derrière l'un des ordinateurs qui s'allumait, le remerciant en m'asseyant. Mon coeur jouait les montagnes russes.. Il ne faisait qu'accélérer puis ralentir sans cesse, dans un numéro de voltige extrême. Je sentais l'appréhension noyer mes veines tendues, alors qu'il ouvrait le fichier de sa carte mémoire contenant les photos prises au cours de la soirée. Je ne savais pas à quoi m'attendre, j'imaginais des choses, mais c'était peut être pire que ça encore. Mais c'était au cours d'une soirée importante et privée, il n'avait pas pu faire grand chose.. non ? Hmm.. j'étais la preuve qu'il ne semblait pas en tenir rigueur, pensai-je en me crispant un instant sur ma chaise. J'expirai discrètement, alors que la première photo apparaissait à l'écran. Jeha glissa le clavier devant moi, passant les flèches de l'index à l'annulaire pour visualiser l'album. Je me penchai pour mieux voir l'image, avant de l'agrandir d'un bref clic, pour mettre le tout en diaporama.

Pour l'instant, les clichés montraient l'arrivée de Steven Kim dans la salle spécialement décorée pour la seconde partie de la soirée, avec le buffet proposé aux invités. J’arquai un sourcil, en me tournant en biais vers Jeha. Rival ? « T'avais déjà perçu quelque chose à ce moment-là ? » Et on disait que les femmes voyaient tout, l'instinct masculin cette fois-ci semblait avoir été beaucoup plus attentif et performant. Il avait déjà eu une mauvaise impression de lui ? Vraiment ? Je me souvenais de la scène, que je n'avais pas senti comme étant.. prévisible d'une potentielle suite que je n'aurais pas souhaitée. « Il voulait simplement savoir quand arrivait la rédactrice en chef, je le lui ai indiqué. Et puis.. il m'a complimenté sur ma tenue.. et c'est tout. » rajoutai-je, en rabaissant les yeux vers la nouvelle photo qui apparaissait. Un compliment n'amenait pas toujours à une séduction, à une envie, ou à un acte sexuel. Cela ne voulait pas toujours dire quelque chose. C'était un styliste bon sang, c'était normal qu'il soit minutieux avec ce genre de détails. C'était ce qu'on appelait une déformation professionnelle et le fait qu'il s'arrête un instant sur une tenue que j'avais moi-même crée, ces mots m'avaient fait chaud au coeur.. Ma mâchoire se contracta à la vue d'un sourire surjoué. Seul l'artiste m'avait intéressé, et l'image que je m'en avais fait, mais maintenant, il m'en avait dégoûté.. Autant de l'homme que de l'artiste. Je continuais lentement à passer d'une photo à une autre, me rendant compte au fur et à mesure.. qu'elles avaient toutes pour seul et même modèle Steven Kim.. Pour cette seconde partie de soirée, je n'avais toujours pas vu passer le buffet, une vue d'ensemble sur les invités ou sur la salle pour mettre en avant la décoration savamment mise en scène par un organisateur d’événements. Tous les arrêts sur image avaient pour seul point d'ancrage le visage faussement avenant de l'américano-coréen, ses mains levées qui parlaient pour lui et son avancée dans la foule privilégiée qui ne demandait qu'à l'atteindre. Jeha reprit la parole.  « Je regrette de ne pas t'en avoir parlé sur le moment mais je n'avais aucune idée de ce qui se tramait entre vous. Quand à nous … notre relation étant tout sauf simple, je n'avais aucune légitimé pour intervenir et lui dire d'aller se faire foutre même si l'envie m'en démangeait, alors.. » « Je t'en prie.. Ne t'en vas pas sur ce terrain-là, tu n'y es pour rien, tu n'as aucune obligation envers moi. Tu ne me devais rien.. » l’interrompais-je, alors qu'il culpabilisait de ne pas être intervenu plus tôt. Mais on ne pouvait pas tout prévoir, on ne pouvait pas savoir, ni lui ni moi. Il fallait tout le temps être sur ses gardes en fait, se méfier de tout, et pourtant, cela n'avait pas semblé suffire.. Mister SK qui tient une flute de champagne, qui parle à la rédactrice.. « J'ai posé quelques questions à un de mes collègues. J'ai appris qu'il avait une réputation de Don Juan invétéré et qu'il avait couché au moins avec une femme de chez Vogue cette semaine. » Pourquoi cela ne m'étonnait pas désormais.. Est-ce qu'il l'avait surveillé.. pour moi ? Je coulai mon regard vers le clavier, puis lentement vers l'homme à mes côtés que je dévisageai un instant, adossé à sa chaise. Est-ce que c'était pour ça qu'on y voyait que le créateur devant son objectif.. parce qu'il avait eu un mauvais pressentiment à son égard ? « En fait, ce n'était pas tant sa réputation d'homme à femme qui me choque, car j'en ai vu, j'en connais, et cela ne me fait rien. Ce qui me.. me hante.. ça serait le fait qu'elles ne soient peut-être pas toutes consentantes.. » avouai-je difficilement, car c'était un sujet sensible sur lequel on s'aventurait. Je m’intéressai à nouveau à l'ordinateur, découvrant cette fois une photo de lui avec une jeune femme que je ne connaissais pas. Qu'il soit un don juan, qu'il en profite. Un peu, mais pas trop. Pas trop. Après tout, c'était une célébrité, le milieu était attirant, n'importe qui se laisserait embarquer par de belles paroles et le bling bling qui allait avec. Est-ce qu'il y en avait beaucoup qui s'était laissé avoir ? Est-ce qu'il y aurait eu.. pire que moi ? L'ivoire s'enfonça dans la lèvre inférieure alors que je fixai deux clichés similaires où il tendait discrètement quelque chose dans les mains de deux jeunes femmes au cours de la soirée. Discrètement, mais pas assez face au loup. Je reconnaissais l'une d'entre elles, qui était une secrétaire dans le pôle direction chez Vogue. « Est-ce qu'il.. On dirait qu'il leur donne un papier ? C'est son numéro de téléphone ou quoi ? » demandai-je en plissant les yeux. On pouvait dire qu'il avait du culot, mais le mot était faible.. Des messes-basses, des échanges de regard, de sourires, des gestes avenants typiquement occidentaux et puis.. Je m'arrêtai net sur une série de plusieurs clichés pris en rafale, où l'on pouvait voir au fur et à mesure, sa main glisser dans le dos de la secrétaire, vers ses reins et.. Mais il avait la main sur ses fesses, je ne rêvais pas ! « T'as réussi à prendre ça !? » lâchai-je soudainement, surprise de cet instant capturé. Il n'avait pas fait ça au milieu de la salle bien entendu, mais dans un recoin, et la baladeuse avait tâté pendant deux secondes à peine mais le photographe l'avait quand même eu. Ce mec avait sous-estimé le nombre d'yeux et d'objectifs braqués sur lui ! Et cette confiance allait clairement le perdre. Il aimait particulièrement se donner en spectacle, tel un exhibitionniste refoulé. Qu'est-ce qu'il aimait dans ça, dans cette séduction brute qui pourrait le mettre en danger ? Est-ce qu'il se plaisait à jouer devant les autres, sans qu'ils ne s'en aperçoivent ? Agir à sa guise, posséder comme bon le lui semblait, sans penser qu'il puisse y avoir une négation à tout ce jeu. « Certaines ne montrent pas grand chose. D'autres en révèlent trop. Ce n'était pas une menace en l'air. Tu peux bousiller sa carrière avec ce qu'il y a dans cette carte mémoire. » J'opinai d'un lent mouvement de menton, pensive. Si c'était pour prouver qu'il avait un faible plus que prononcé pour les femmes, c'était plus que clair. Mais est-ce que cela serait suffisant pour le reste.. ? « C'est ton choix. Je garderais un double au cas où il s'en prend à la tienne mais pour le reste, tu es libre. » C'était mon choix.. Jeha me donnait toutes les cartes en main pour assouvir une vengeance personnelle contre cet état second dans lequel j'avais été forcé de plonger, forcé par cet homme, et son irrespect qui m'avait giflé de plein fouet. Les prunelles glissèrent sur l'écran, les doigts encerclant mon poignet gauche, le souvenir violent d'un étau douloureux. Si il n'y avait eu que les avances, je serais passée à autre chose, sans plus m'y attarder. Mais il avait franchi une barrière personnelle, rejetant une première négation qui se voulait polie et claire, puis une autre, qui en un mot, résumait toujours ce désaccord dans cette scène irréelle. Son orgueil et son excitation sexuelle, tout deux mal placés, ne faisaient que guider l'animal qu'il était, en manque et froissé dans un égo surdimensionné. Moi, j'avais cherché après l'homme, après sa raison, sa conscience.. Ma mâchoire voguait de droite à gauche, se crispant en une inspiration silencieuse. J'aurais voulu le frapper pour le réveiller mais en fin de compte.. Jeha l'avait fait, et est-ce que cela avait changé quelque chose à son discours.. ? Une once de remord, des excuses ? Rien. Si tu ne savais ni t'excuser, ni reconnaître tes torts, alors tu n'avais rien d'un homme, ni d'une bonne personne. J'entrouvris les lèvres, le bout de ma langue l'humidifiant, relevant soudainement le menton. « Si il aime les rumeurs, et bien, on va jouer avec.. On va envoyer anonymement les clichés les plus croustillants à la presse américaine, car la Corée il s'en fiche, il va la quitter le plus tôt possible. Les paparazzis américains sont de vrais requins, si on leur suggère de suivre Steven Kim pour obtenir d'autres photos de ce style, il y en aura forcément un qui mènera l'enquête. Et dieu sait qu'ils aiment les ragots dans ce pays, ça va doucement le dévorer.. » lâchai-je de profil, le coin de ma bouche s'étirant en un sourire tranchant, carnassier. Qui sait ? Il y allait avoir peut être des femmes qui allaient se manifester, des témoignages.. ? J'espérais au fond de moi qu'il n'ait jamais commis les horreurs qui me traversaient l'esprit, comme certains photographes condamnés, dont on entendait encore parler aujourd'hui.. Je fixai intensément son image qui apparaissait toujours à l'écran. « On peut le faire aussi auprès de la presse coréenne, mais j'ai peur que ça entache le défilé de Vogue et puis.. que les journalistes puissent remonter jusqu'à toi. Je ne veux pas que ça touche à ton intégrité en tant que photographe, et que cela éclabousse ton nom.. » Le fauve glissa légèrement vers la gauche, en direction du loup, avant de se rabaisser. Hors de question qu'il soit encore plus lié à tout ça. « Donc non. Les américains eux, s'en ficheront. Ce qu'ils veulent, c'est des braises, et ils s'occuperont eux-même d'enfiévrer l'incendie.. » Je connaissais déjà quelques magazines et journaux de tête, qui seront ravis d'obtenir de telles photos pour un prochain article, j'en étais certaine. Aux Etats-Unis, quand on commençait avec une rumeur, une toute petite rumeur, celle-ci grandissait de plus en plus, acide et empoisonnée. Et puis, d'autres s'y rajoutaient, s'y greffaient, des similaires, des fausses, des vraies, des nouvelles, et cet amas d'horreurs n'était repu que des paroles d'une population assoiffée de commérages, incapable de réfléchir par elle-même. La rumeur était l'image d'une tumeur cancéreuse, s'accrochant férocement à vous, vous suçant jusqu'à la moelle, aspirant presque toute once de vie en vous, avant d'enfin vous délivrer. Pour un temps, ou peut être pour toujours, vous n'en savez rien. Tout ce dont vous êtes certain, c'est qu'elle vous aura soigneusement marqué, à vie.

Je me laissai lentement tomber en arrière, me calant à mon tour contre le dossier. Putain de soirée. Un début inoubliable, et une fin.. à effacer. Et je m'y attelai inconsciemment, étouffant les pensées angoissées qui n'avaient pas fini de sortir, de se déverser. Pourtant, j'avais encore l'impression de les sentir, dans ces tracés invisibles, délaissés sur mes joues. Joli masque d'acier, fissuré, recollé à la va-vite, laissant apparaître un peu de peau de ce visage découvert.. Cette personnalité agressée, acculée contre son gré dont l'impulsivité désarmée l'avait emporté, sur une fureur écrasée, qu'on avait osé faire taire d'un claquement de doigt. Cette fureur si téméraire dont l'orgueil s'était subitement réveillé.. Trop tard, mais mieux vaut tard que jamais. J'avais conscience de la présence du brun juste à côté de moi, comme une douce chaleur qui s'infiltrait sur sa veste posée sur mes épaules. On flirtait tous les deux avec le silence. D'un clic de la souris, je fermai le dossier des photos, seul le fond d'écran demeurait, un décor ensoleillé dont je regrettai de ne pas connaître le lieu. Je passai doucement la main dans quelques mèches caramels, les calant derrière mon oreille, alors que je laissai échapper un soupir fatigué. « Est-ce que.. tu aurais du café ici ? Ou quelque chose de chaud ? » demandai-je tout à coup, en tournant doucement la tête vers Jeha. Il me semblait avoir vu une cafetière en rentrant. Je me levai en même temps que lui, et pendant qu'il se dirigeait vers la cuisine juste en face, je me décidai à vagabonder vers le mur blanc. Mes pas me portaient vers une table où étaient disposés divers matériaux en tout genre pour ses shooting en intérieur, et pour la plupart, à vue d'oeil, je n'en devinais même pas la fonction. Des photos étalées, des petites, des plus grandes, de nombreuses en noir et blanc, et quelques unes en couleur, dont un beau coucher de soleil devant la rivière Han, je reconnaissais cette fois-ci le paysage. Un pincement au coeur, les lèvres plissées. Je repensais à nouveau à l'image de Jeha dans le rétroviseur, penché sur son appareil.. La culpabilité me piqua à nouveau, et s'intensifia dès que je me retournai pour poser mes yeux sur lui, sur son dos à quelques mètres. Mètres que je réduisais peu à peu, presque sur la pointe des pieds, les épaules rentrées. Et l'orgueil, l'égo, s'affaissèrent, en même temps qu'un corps qui se courba en avant. « Je suis désolée.. Vraiment. » lui avouai-je subitement, m'inclinant légèrement comme la plupart des coréens quand ils se voulaient sincères. Le caramel glissa, se perdant dans le vide, mon bras droit enserrant ma taille, les doigts recroquevillés sur le long tissu noir. « Je t'ai mêlé à tout ça malgré moi et voilà le résultat.. Ton- » Les prunelles baissées s'accrochèrent à sa main pâle contre sa jambe, aux phalanges striées de quelques marques rouges, m'interrompant dans ma phrase. « Est-ce que tu t'es blessé.. ? » demandai-je, en indiquant d'un mouvement de menton sa main serrée. Mais vu l'état dans lequel il avait mis Steven Kim.. était-ce vraiment son sang ? Une pointe d'inquiétude traversa mes traits, naviguant entre lui et la rougis. « Nettoie-la sous l'eau qu'on voit ça de plus près. » Je le suivis jusqu'à l'évier, avant de caler mon dos contre le plan de travail à côté de lui. Attentive, j'observai chacun de ses gestes alors que la honte, l'embarras, s'insinuaient vicieusement à mon oreille.. Si tu n'avais pas joué les paralysées devant l'autre pervers, il n'aurait pas eu à te défendre, à intervenir et ce connard ne s'en serait pas non plus pris à lui. Une souffrance seule, valait mieux qu'une souffrance à deux. Je ravalai ma salive, lèvres entrouvertes, avant de lever les yeux vers le plafond. « T'as une bonne droite.. Je n'ai pas vu les coups mais entendu. On devrait se faire un round un jour, je me demande bien qui gagnerait ! » J'essayai d'adoucir l'atmosphère, de m'adoucir moi, la nerveuse qui évitait de rencontrer la noirceur sous les mèches d'ébène. Adoucir pour me faire petite, pour me faire pardonner, même si je ne demandai pas à l'être. Sa main avait fini d'être nettoyée à l'eau claire, et il n'avait même pas eu le temps de l'essuyer du revers du torchon que j'y glissai la mienne dans sa paume. « Voyons voir ça.. » Je la levai délicatement, puis m'y penchai pour voir le tout de plus près, mes cils papillonnant juste au dessus. L'autre main encerclait son poignet pour le retenir de toute tentative d'esquives, avant de passer l'index sur la prétendue blessure, qui n'en était pas une, et qui avait disparu. Je soufflais doucement dessus, faisant fuir quelques gouttes.. Non, il n'y avait plus rien. « Plus de peur que de mal.. » murmurai-je d'un fin sourire rassuré, en me redressant vers lui. Les pierres ténébreuses étaient là, déjà bien près quand je les rencontrais un instant, les palpitations de mon coeur s'emballant soudainement durant ces quelques secondes d'attention accaparée. Je mettais cela sur le compte d'une culpabilité piquante encore bien présente.. Mais il n'y avait pas que cela. Ma main se referma un peu plus sur la sienne, juste une pression, une seule. Un soubresaut, une crispation. Mes lèvres s'entrouvrirent à la recherche des mots qui voulaient venir, qui m'entortillaient le ventre, et se coinçaient volontairement dans ma gorge. Ces lâcheurs. Mes paupières, finalement, s'abaissèrent et puis, dans un besoin d'air, dans une inspiration.. « Merci. » Un murmure dans un battement plus fort, un orgueil rangé sur le côté pour une raison qui en valait la peine. Un mot discret, simple, mais suffisant. Une sorte de poignée de main, une étreinte appuyée de la pulpe de mes doigts, qui se voulait chaleureuse et reconnaissante. Je relâchais peu après la prisonnière, agrippant les rebords du plan de travail de chaque côté de mes hanches, contre lequel je m'appuyais à nouveau. « Tu sais.. on est déjà un peu amis, même si tu ne veux pas l'admettre. Et je n'ai pas été une bonne amie pour le coup.. » Désolée de t'avoir entraîné là-dedans, Jeha..   
    
 

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.
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Re: You can't judge a book by its cover | #JERA ♥ | Lun 8 Mai - 17:30
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Ils rampent, avec une douceur hésitante, pour frôler l'objet d'un désir peu assumé. Puis ils fuient. Ils ne cessent jamais de fuir, de reculer, de vouloir échapper à l'attraction qu'exercent sur eux ceux qu'ils veulent toucher, attraper, posséder. Alors ils avancent, puis s'échappent, en une danse immuable, pour finalement faillir et enlacer, les doigts de l'être qui fascine.
 


Un rideau de cil effleura mes pommettes contractées, en un clignement de paupières qui voila momentanément le faciès d'un homme que j'aurais aimé pouvoir défigurer définitivement. Je regrettais d'avoir retenu mon poing et de l'avoir laissé partir malgré ce qu'il avait à Sora. Je regrettais mon silence, mon temps de réaction et la colère entretenue par une frustration qui ne comptait plus. Les lèvres serrées, j'inspirai silencieusement pour souffler sur les braises encore chaudes d'une colère latente. Il ne m'a pas laissé le choix L'aurais-je seulement sentit s'il ne m'avait pas regardé de travers ? L'aurais-je perçu si ma tension jalouse n'avait pas envié à Sora une page que j'avais imaginé tournée ? J'effleurai des dents mon inférieure sèche mais ne formulais aucune des pensées qui me traversaient l'esprit. Ce ne sont pas tes vêtements qu'il regardait. Elle ne s'en était pas rendue compte, mais il avait eu le même comportement avec elle qu'avec les femmes ayant assistées à la soirée. Il avait laissé sa main voyager sur ses épaules, son dos, ses reins à peine dévoilés …. Je me crispai et croisai les bras sur mon torse, les muscles et la mâchoire contractée. Je n'avais pas eu besoin d'appareil photo pour graver cette scène dans ma mémoire et ce qu'elle ravivait dans mon être tendu n'était en rien comparable aux émotions détachées que faisaient naître les clichés qui défilaient sur l'écran. J'étais bouffé par un mélange de rage et de culpabilité, auquel s'ajoutait une étrange et une profonde lassitude. « Si, j'en ai une. » la contredis-je impulsivement, mais sans tourner vers elle un regard aux ombres exacerbées par mes émotions. « Tu m'as sauvé la vie il y a quelques semaines et tu comptes énormément pour quelqu'un qui représente beaucoup pour moi. »  Mais je sentais, au fond d'un être rébarbatif à cette seule idée, que ces raisons n'expliquaient qu'en partie ce que je ressentais vis à vis de la situation. Car je n'avais pensé ni à Il Nam, ni à ma dette lorsque l'inquiétude m'avait noyé et poussé à enquêter. Je n'y avais songé que lorsqu'il avait fallu trouver une excuse à mon comportement qui, en réalité, traduisait un début d'attachement que je n'étais pas prêt à assumer. Aussi continuais-je mon explication sans m'attarder sur une vérité dérangeante. Je tenais à elle. Pourtant, ça ne signifiait rien de plus. Elle n'était pas la première femme à éveiller en moi ce genre de sensation. Mi Ran, récemment, y avait réussit, de même qu'Eun Mi ou encore Lei. Mais ce désir inexprimé m'inquiétait et ternissait une amitié probable à laquelle je ne croyais pas. « Je n'aurais jamais imaginé qu'il puisse forcer quelqu'un. Sinon je n'aurais pas attendu. » Je lui coulai un regard et me figeai devant son expression torturée. Une ombre voila mes traits. Je n'avais pas l'habitude de rester aussi inactif lorsque je côtoyais quelqu'un qui souffrait. Je me retenais. Terriblement. De lui parler, de la toucher, de la secouer. De réagir. Je levai la tête et étirai ma nuque, avant de glisser mes doigts froids sur mon sourcil. Des mèches brunes effleurèrent ma peau, et y firent naître un frisson qui parcourut mon corps rigide. Je me redressai à sa question et me penchai sur l'ordinateur pour observer le papier blanc qu'il donnait à la jeune fille. Un sourire torve incurvait ses lèvres et dans son regard transparaissait une perversité dont je ne mesurais l'intensité que maintenant. « Attends ... » lui dis-je en posant la main sur la souris. Nos doigts s'effleurèrent un moment, en une caresse aussi imperceptible qu'un battement d'aile sur nos peaux effleurées. Une onde de chaleur parcourut mon bras, comme pour me rappeler les raisons pour lesquelles une amitié n'avait pas lieu d'être. J'ignorais mes sensations, mon trouble et mes pensées réfractaires pour me concentrer sur une photo que je zoomais. Des chiffres apparurent alors, avec une netteté qui excluait toute forme de doute. « C'est son téléphone. » acquiesçai-je avec un calme factice. Je n'étais pas étonné et pourtant cette information suffit à compresser sur le nœud colérique qui pesait sur mon estomac. Quel salopard. Les mots faillirent m'échapper mais je les retins par respect pour elle. Je ne voulais pas enfoncer un clou qui mordait déjà profondément sa chaire. Je poussai la souris vers sa main, en prenant garde de ne pas la frôler, puis m'adossai de nouveau à ma chaise, les bras croisés. « Sincèrement, je n'ai pas eu à faire grand chose. Il m'a mâché le travail. » Cet homme avait manqué tout autant de discrétion que d'intelligence. Comment avait-il fait pour échapper aux rumeurs jusqu'ici ? Un mouvement attira mon regard, que je posais sur un poignet qu'elle serrait de ses doigts graciles. Je plaquai mes lèvres l'une contre l'autre. Immobile, je quittai des yeux sa peau rouge et tendue pour me concentrer sur l'ordinateur puis sur des mots qu'elle posait avec une réflexion étonnante. « Je te suis. » répondis-je simplement, sans masquer l'approbation qui luisait dans mes yeux. Les talons fermement plaqués contre le sol, je poussai pour faire rouler la chaise derrière elle, afin de prendre une clé USB vide. Un nouveau mouvement me ramena près de la tour dans laquelle je l'enfonçais, afin d'y copier toutes les photos concernant Steven. Et elles étaient nombreuses. Naviguant dans les dossiers pour faire le tri entre mon travail et une enquête plus personnelle, j'écoutais la brune d'une oreille attentive en ne lui offrant qu'un profil impassible. Mais je n'avais jamais été doué pour déguiser mes émotions et mon accident n'avait fait qu'abîmer un peu plus un masque déjà presque inexistant. Aussi la surprise inonda t-elle mes traits quand elle mentionna mon travail. Les amandes s'agrandirent, mes pupilles se dilatèrent et je me tournai vers elle avec une rapidité qui exclut toute retenue tardive. « Tu crois vraiment que c'est le moment de t'inquiéter pour moi ? » Néanmoins, et intérieurement, je devais admettre qu'elle avait raison. Une telle publicité autour de mon nom entacherait probablement ma réputation par une étiquette de paparazzi et de fouteur de merde. Je pinçais les lèvres, consterné de ne pas y avoir songé moi même, mais touché qu'elle ait eu une pensée pour ma carrière sachant toutes les émotions brutes qui devaient déferler en elle. « Mais je reconnais que tu as raison. Cela dit, quoique tu fasses, je te soutiendrais. » ajoutai-je après m'être éclaircit la gorge, les yeux rivés sur l'écran d'un ordinateur qui achevait sa copie. La barre de progression disparut et elle ferma le dossier, qui laissa place à un paysage inondé par le soleil. La lumière chaude et naturelle captée par l'objectif tranchait avec nos émotions et nos sensations, plus sombres et plus torturée. Et j'imaginais seulement les siennes, en me basant sur mon propre vécu et mon expérience personnelle. Toutefois … je devais en être loin. J'avais souffert d'avoir été une victime mais je n'avais jamais été contraint à quoique ce soit. Ma gorge se serra et mes paupières se fermèrent.

Sa voix s'insinua doucement dans mes oreilles, pour y glisser une question aux notes troublées par une hésitation qui ne lui ressemblait pas. Je découvrais chez elle une nouvelle facette, plus douce, plus fragile, qui me désarmait plus qu'autre chose. Comment se protéger d'une femme aux prunelles oscillant entre force et désespoir ? « Je dois avoir ce qu'il faut dans les placards. » opinai-je d'un ton bourru en me redressant souplement. Mon pied buta contre sa chaise mais je me rattrapai in extremis en posant ma main sur son dossier. Le cœur battant, je rétablis mon équilibre et me dirigeai vers la cuisine sans mot dire pour fouiller les meubles. Mes doigts s'enroulèrent autour d'une poignée et ouvrirent un des panneaux anthracites. Mais je fus incapable de focaliser mon esprit sur ce que cette ouverture dévoilait. Je sentais Sora bouger dans mon dos et évoluer dans une pièce qui révélait tout un pan de moi même, dont ce besoin irrépressible de liberté. Mais il n'y avait pas que l'espace et son agencement qui trahissaient ce que je dissimulais. Les photos étaient un hymne vibrant aux faiblesses que j'étouffais. Je serrais les doigts autour de l'anse et tournai légèrement la tête pour l'observer en biais. Elle se tenait devant le mur sur lequel j'avais affiché toutes les photos qui me touchaient le plus, dans un sens comme dans l'autre. L'une d'entre elle représentait d'ailleurs une femme, dont le profil épuré et voilé de bouches brunes se découpait dans la lumière du jour. Un carré de papier glacé, dont seule la signification était laide. Superficiellement, Sae Wa était belle. Mais je ne voyais plus qu'en elle la douleur et la haine, que je n'éprouvais non pas vis à vis de notre histoire mais à l'égard de moi même et de mes propres failles. Elle était le rappel constant d'un rôle, des sentiments et d'une vulnérabilité que je ne désirais plus.Un éclat se ficha dans un organe battant, comme à chaque fois que j'effleurais du regard une photo qui reflétait des émotions bien différentes de celles qui m'animaient aujourd'hui Je secouai légèrement la tête, comme pour balayer des sentiments diffus et attrapai le café qui trônait sur l'étagère. Me concentrant sur la poudre noire, si semblables aux cendres laissées par le passé, j'en versais une dose dans la cafetière que je mis en route. Au ronronnement de la machine se mêlèrent alors des excuses que je n'attendais pas. Je pivotais vers Sora, qui s'était avancée vers l'îlot qui nous séparait. Ses épaules voûtées et son visage pâle trahissaient une culpabilité inexplicable, qui rongeait aussi bien son regard sombre que son expression tendue. J'entrouvris les lèvres mais les mots s'étranglèrent dans ma gorge alors elle s'inclinait légèrement. Un profond mal être m'envahit et je me contractais instinctivement, sans comprendre une réaction qui n'avait aucun sens. « Ne fais pas ça devant moi. » marmottai-je entre mes dents, les épaules raides. « Tu n'es pour rien dans cette histoire et tu en aurais fait autant à ma place. Tu as même fait pire donc nous sommes quittes. » Mais mes mots ne semblèrent pas atteindre la jeune femme, qui mentionna un résultat doublé d'un « mon » étranglé. Mon quoi ? Je me figeai douloureusement et un sillon écarlate zébra mes pupilles. Se pouvait-il qu'elle ait comprit ? « Sora, tu …quoi ? » m'interrompis-je en suivant des yeux le menton qu'elle pointait vers ma main. Je crispai la mâchoire à la vue du sang de cet homme, qui avait séché sur mes doigts et entre mes phalanges. « Ce n'est pas à moi. » sifflai-je écœuré en retirant la bague à l'argent souillé. Je la posai près de l'évier et ouvris le robinet afin de passer ma main sous le jet d'eau glacé. Un tapis rouge recouvrit le fond du bac puis se dilua tandis que je frottai avec brusquerie ma peau que je tenais à laver autant de son flux que du souvenir, sans savoir lequel je désirais réellement effacer. Était-ce l'image de son sourire abject ou de ses mains autour de ses poignets alors qu'il la retenait contre le mur ? Était-ce les paroles et les insultes crachées sans conscience ou ce visage penché sur le sien ? J'entrevoyais les cils habillant mes paupières à moitié baissées, ces striées noirs et troubles qui reflétaient des pensées amères et irritées. Semi conscient, je ne perçus sa présence qu'au moment où elle tenta d'user d'un humour qui m'effleura sans m'atteindre. « Je n'essaierais pas sur toi ce que j'ai fait sur lui. Mais si tu veux me frapper pour alléger ton humeur, tu peux tenter. » répliquai-je avec un sérieux qui tranchait avec sa tentative. J'achevai de faire disparaître la dernière souillure puis passai sous l'eau ma bague avant de la remettre autour de mon index. Elle y glissa sans peine grâce à l'humidité qui drapait ma peau. Pliant les doigts, j'attrapai le torchon pour la sécher quand les siens s'y refermèrent.

Son geste me surprit tant par sa douceur que sa fermeté. Mais plus qu'une prison de chaire inattendue, ce fut les sensations qu'éveillèrent sa peau sur la mienne qui me prirent de court. Des aiguilles se plantèrent dans ma paume, pour remonter paresseusement le long des veines qui habillaient mon bras. Je retins mon souffle, les poumons oppressés et le corps tendu. J'étais incapable de lui soustraire ce qu'elle regardait avec minutie, les yeux ternis par l'inquiétude. « Ce n'était pas mon sang. » répétai-je d'un ton rauque alors qu'elle approchait ma main de son visage. Elle menotta mon poignet pour m'empêcher de bouger et fis couler son index sur ma peau, au cœur d'un entrelacs de lignes profondément creusées dans mon épiderme. Un effleurement qui éveilla des frissons jusque dans mes reins cambrés. J'entrouvris instinctivement les lèvres pour m'abreuver d'un air manquant, en une gorgée aussi silencieuse que brève. Sa propre bouche s'arrondissait, en un cercle à l'incarnat pâle et décoloré par des émotions que mon corps oubliait. Comment pouvais-je seulement oublier ? Mes muscles gonflèrent sous la tension soudaine, alors que j'opposai une faible résistance à mon geôlier. Je voulais lui retirer ma main et échapper à des sensations qui m'épuisaient. Sora m'épuisait. Par sa présence dans mon corps, dans mon esprit et dans cette pièce. Elle m'épuisait depuis des jours, des semaines et j'étais fatigué d'essayer de lutter contre un instinct qui m'empoisonnait. Même ce soir …. songeai-je écœuré. Mais ce dégoût, éprouvé à l'égard de moi même, s'évanouit lorsqu'elle esquissa un sourire pour ponctuer des mots qui ne lui ressemblaient pas plus que la douceur qu'exhalait ses traits. Mes yeux s'agrandirent, en deux touches d'ébènes taillées en amandes sur un visage pâle. Je plongeai dans les siens, m'immergeant dans ces couronnes fauves qui embellissaient deux amandes nacrées. Ma respiration n'était plus qu'un filet sur mon inférieur et mon cœur un tambour énergique et hyperactif. Elle resserra la main autour de la mienne, ce que je laissai faire, incapable de détourner un regard à l'intensité troublante. Ses lèvres, fuyantes, butaient sur un phrasé qu'elle semblait chercher, indécise. Jusqu'à ce mot à peine prononcé, ces quelques lettres entrelacées que joua une langue presque timide. Je la fixai, troublé par la sincérité qu'elle offrait tant par sa gestuelle que par ses yeux. Ses doigts s'enfoncèrent dans ma peau et je finis par céder et refermer les miens sur sa main gracile. « De rien. » soufflai-je en retour, conscient de l'importance du moment pour elle. Et le lien fut brisé. Ils se dénouèrent, s'éloignèrent puis nos bras retombèrent, sans plus se toucher ni même s'effleurer. Je m'adossai au plan de travers et enfonçai les mains dans les poches de mon pantalon en regardant sans voir l'îlot placé devant nous. Mais la réalité, imprévisible et bornée, se rappela d'elle même au travers d'une affirmation à laquelle j'étais incapable d'adhérer. Et pourtant, alors que je tournai la tête vers elle, je fus incapable de la détromper. Je haussai un sourcil et la baissai, le menton fuyant. Notre relation était tout sauf amicale. Elle était un mélange d'intérêt, de désir et d'incompréhension. Je soupirai doucement tandis que des mèches brunes valsaient sur mon front. L'amitié était platonique et ce mot ne définissait en rien les liens qui nous unissaient malgré nous. « Tu as raison, j'ai dû mal à l'admettre. » fis-je en levant la tête, « mais parce que j'ai du mal à qualifier d'amicale une relation aussi compliquée que la nôtre. Cela dit … si tu me considères réellement comme tel, ne te mets plus en porte à faux. Ça m'énerve que tu puisses te blâmer pour quelque chose dont tu n'es pas responsable. » La cafetière siffla, coupant un droit de réponse que je ne tenais pas à lui accorder. Je n'avais aucune envie d'épiloguer sur l'éternel combat de la victime contre sa propre culpabilité. Puis … je ne voulais surtout pas qu'elle se sente redevable. Je me tournai pour lui servir une tasse de café, que je posai près d'elle. Un souffle. Une hésitation. Un saut. « Tu ne t'es pas excusée simplement parce que je suis intervenu n'est-ce pas ? » demandai-je en la regardant. Je me remémorai sa silhouette démoralisée, la culpabilité dessinée sur ses traits et ce corps qu'elle avait incliné. Elle avait deviné. J'humidifiai mon inférieure, étirai mes larges épaules pour masquer instinctivement mon mal être et plongeai les doigts dans mon épaisse chevelure brune en penchant la tête. « Ça ne te concerne pas. Pour moi, tu n'es mêlée ni de prêt ni de loin à ce « résultat ». Ce n'est qu'un objet, qui se répare ou qui se rachète. Et je préfère le voir briser que de te voir briser. Alors n'en parlons plus. » martelai-je avec une brusquerie destinée à supplanter l'embarras. Je serrai les dents plusieurs fois, en un mouvement qui contracta une mâchoire rebelle. « Je vais te chercher un pull. Il caille ici.  » fis-je en coulant un regard à sa tenue. Mais c'était un prétexte pour m'éloigner d'elle et de ce qu'elle venait une nouvelle fois de me faire ressentir, physiquement et moralement. L'abandonnant dans la cuisine, je me dirigeai vers le fond de la salle. Une porte, dissimulée derrière la tenture, donnait sur un dressing dans lequel je gardais quelques tenues dont plusieurs vêtements au cas où je passai la nuit ici. Une salle de bain s'ouvrait d'ailleurs au fond, petite mais fonctionnelle. Je respirai profondément une fois entrée, afin de savourer momentanément ce semblant de solitude. L'amitié était-elle réellement une mauvaise idée ? Je m'étais un peu attaché à elle malgré la fuite et l'ignorance. Pourquoi ne pas assumer en lui donnant ce qu'elle considérait déjà comme acquis ? Je m'avançais dans la pièce, et fouillai parmi les vêtements pour trouver deux pulls. J'en attrapai un gris que j'enfilai par dessus ma chemise, puis un noir pour elle, large et à capuche. Quittant la pièce, je traversais de nouveau la vaste salle pour la rejoindre dans la cuisine. Sans mot dire, je posai le vêtement près d'elle. « Je ne te force pas. Mais il fait froid, dedans comme dehors. Et tu es … enfin ta tenue n'est pas chaude. » m'expliquai-je d'un ton rocailleux. « Tu en fais ce que tu veux …. en attendant, tentons l'amitié. » annonçai-je abruptement, de crainte de changer d'avis et de prendre la direction contraire, à laquelle je ne croyais pas plus. Je voulais seulement mettre des barrières claires et nettes entre nous, en particulier pour mon propre esprit perdu et embrouillé par l'envie sexuelle. « Ça ne changera pas grand chose entre nous, excepté que je serais peut-être moins fermé à l'idée de t'adresser la parole. Je ne te promets rien. Ça fait longtemps que j'ai cessé le jeu de la sociabilité et que ça ne m'intéresse plus. Cela dit, je veux bien admettre que je me suis inquiété comme un « ami » ce soir. » Le mot avait une saveur étrange dans ma bouche la concernant. Pourquoi cela me paraissait-il hypocrite et peu réaliste ? Je mordis mon inférieure, qui disparut momentanément entre mes dents. « Mais ça n'ira pas plus loin. Je ne sors pas, je ne discute pas forcément et je suis le dernier vers qui il faut se tourner pour rire ou se changer les idées. Mais je serais là en cas de besoin. » offris-je en l'observant intensément. Elle était proche, à moins de cinquante centimètres d'un corps troublé par une proposition qui n'allait pas dans son sens. Mais elle plaisait à mon esprit pratique, qui imaginait pouvoir ainsi effacer les soucis physiques qu'elle me posait. Me forcer à la considérer comme une amie ne m'aiderait-il pas à gommer définitivement le désir que j'éprouvais pour elle ? N'en serait-elle pas moins dangereuse pour mon psychique ? « Et puisqu'on en est là, je peux me permettre de te le dire … si tu te sens encore une fois coupable pour mon appareil photo ou ce qu'il s'est passé ce soir … je t'étrangle. » grognai-je avec un sérieux que démentait la pointe d'amusement terne dans deux obsidiennes aux émotions plus sourdes ... plus profondes. Je contredisais mon propre comportement et des réactions que j'avais moi même eu à la fin de ma relation. Je me détournai d'elle et pris la cafetière pour me servir une tasse de café. J'y portai les lèvres mais grimaçai dès que le liquide les eut effleurer. Je n'avais jamais été fan de ce genre de boisson, mais l'amertume me permettait de me recentrer sur l'important. Hors, il s'agissait avant tout d'un bien être que j'espérais retrouver par un sacrifice qui n'en était pas vraiment un. On ne m'avait pas laissé le choix. Pouvoir espérer aller contre ses émotions étaient utopiques et je préférais encore éprouver de l'amitié que de l'amour pour elle. Un sentiment largement improbable mais qui m'effrayait néanmoins suffisamment pour que je reste en retrait et refuse toute relation physique avec elle. Je ne voulais pas m'attacher plus, ni lui prêter une autre forme d'attention dont je pâtirais invariablement. Je soupirai faiblement dans ma tasse et repris une gorgée, le front plissé et un œil fermé. Puis, je posai la tasse et reportai mon attention sur elle. D'avoir « accepté » son amitié me mettait dans une position qui me poussait encore davantage à vouloir faire disparaître l'ombre qui pesait sur ses traits. Et encore … si j'avais eu Seol en face de moi, j'aurais réagit différemment. « J'ai connu une fille qui ressemblait à Steven. » lui révélai-je sans pour autant mentionner nos liens. Je m'adossai à l'îlot pour lui faire face et pressai les mains contre le meuble. « Elle était du même bois. Populaire, sûre d'elle et profondément hypocrite. J'ai aussi vu chez elle quelqu'un qui n'existait pas. Nous étions pourtant assez proches mais je n'ai jamais rien vu au delà de ce qu'elle voulait bien me montrer. » Contrairement à tous ceux qui m'avaient entouré. Ma sœur, Sae et la plupart de mes amis m'avaient prévenus, conscient de ce qu'elle cachait réellement derrière ses sourires et ses simagrées. Sora avait été seule face à ce type et n'avait donc aucune raison de se sentir coupable.  « Je ne renie pas ce qui a faillit t'arriver et je vais probablement me montrer maladroit mais qu'il se soit dévoilé aussi salement et aussi rapidement te permet d'échapper à un mensonge auquel tu aurais pu croire encore des années. » Je lui donnais plus qu'il n'y paraissait. Je partageais une idée à laquelle je me raccrochais depuis plus de deux ans. Même si le tableau m'avait brisé et conduit à être enfermé dans un hôpital pendant presque un an, une part de moi se sentait soulagé d'avoir échapper à une situation de laquelle j'aurais pu sortir autrement plus fracassé. Alors, aussi sordide que soit l'idée, je ne maudissais qu'à moitié le jour où je l'avais trouvé dans les bras de cet homme. Et l'autre moitié … un sourire ironique incurva mes lèvres plissées. « Et plutôt que de t'inspirer du travail de cette pourriture, tu vas pouvoir te concentrer sur ton art uniquement. Je suis certain que tu trouveras. Tu as le talent pour. » affirmai-je en croisant les bras sur mon torse en effleurant sa tenue des yeux. « Elle est belle. » soufflai-je en remontant sur son visage pâle. « Sers toi de tes émotions pour avancer et transforme les en quelque chose d'artistique. C'est l'apanage du métier. » Un silence s’abattit sur la pièce, presque lourd. Mes paupières vacillèrent et avalèrent une partie de son visage. Je sentais la fin approcher, d'autant plus que je ne savais plus comment la retenir. Elle avait vu les photos, elle avait un pull, elle était libre d'aller hurler sa frustration dans un endroit mieux adapté qu'une grande salle non chauffée et aux échos nombreux. « Je ne raconterais rien à personne parce que ça ne me regarde pas et que tu me l'as demandé. » dis-je en reprenant brusquement la parole. « Je te demande en échange de ne pas rester seule cette nuit. Si tu veux absolument faire quelque chose pour me remercier, fais le. Je n'ai pas envie de m'inquiéter pour toi parce que je suis le seul à savoir. » Je la fixai, sans ciller, sans faillir. « S'il te plaît. » ajoutai-je calmement, en jouant sur ses propres émotions sans une once de culpabilité.
 
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Re: You can't judge a book by its cover | #JERA ♥ | Mer 10 Mai - 23:34
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You can't judge a book by its cover
Je Ha & Sora





LOOK & BROWN HAIR | Il avait raison, le sang ne lui appartenait pas. Ce n'était que l'éclaboussure d'éraflures souillée, qui s'était estompée sous l'eau claire, mais dont la tension intérieure demeurait. J'observais ses poings, je les avais écouté comme si c'était les miens lorsqu'ils avaient frappé. Ils résonnaient en écho, à l'unisson, comme si j'avais imaginé toute ma fureur se propager dans le corps de Jeha, et réagir à ma place. A la place du mien, paralysé et inutile. Je voulais que ce soit les miens.. mais ce n'était pas les miens. C'était les siens. Moi je m'en fichais que mes doigts craquent violemment sous les coups, que mes phalanges s'esquintent, et me fassent mal une fois que j'aurais relâcher cette poigne ferme, et crispée. Violente. Mais c'était les siens. Les siens qui m'avaient défendu, et qui n'avaient pas le droit d'avoir la moindre blessure à cause de moi. Je passai l'index sur les quatre arrondis de sa main, soufflant sur les gouttes et m'en servant pour effacer la moindre trace qu'il pourrait rester. Mais il n'y avait rien, mise à part les lignes de ses os saillants, et de ses veines gonflées, dont j'admirais un instant le dessin. Il avait de jolies mains.. et il y avait plus de peur que de mal. C'était ce que je lui assurais d'un sourire dont j'avais à peine conscience, en relevant la rangée de cils, vers lui et ses pierres sombres penchées. Si profondes ces pierres, que je sentais mon coeur accélérer par peur d'y tomber. Par peur d'être happée, et qu'elles puissent lire en moi comme dans un livre ouvert. N'en avait-il pas déjà assez vu.. Mais il m'avait aidé.. Je resserrais lentement ma prise sous sa paume. Et même si y repenser, éraflait un peu plus mon orgueil, je ne pouvais pas lui en vouloir pour cela. Je ne pouvais qu'être reconnaissante.. Que pouvais-je dire ? Je repensais à son intervention.. Il m'avait protégé par la violence, par des paroles, des arguments qui avaient fait mouche. Il m'avait.. porté, avait usé d'une patience dont je prenais peu à peu conscience, ainsi que de mots qui s'étaient voulus rassurants.. Il avait été là, et il fallait que je le dise. Et le merci était venu naturellement, sans forcer. Léger, tout en étant appuyé par mes doigts autour de sa paume qui raffermirent une prise en un mélange de gêne et de reconnaissance. Troublée, je l'étais, mes paupières s'abaissant. Il fit à son tour écho à mon geste, nos mains s'épousant quelques brèves secondes, puis à mes paroles de ses deux mots significatifs, et qui allaient de paire avec le mien. Avait-on besoin de plus ? Non, le plus important avait été dit, avait été compris et cela suffisait. C'était l'essentiel. La chaleur émanant de nos deux peaux embrassées.. J'avais envie de la serrer un peu plus, sans savoir vraiment pourquoi. Attirée par un feu qui brûlait silencieusement au creux de mon ventre, venant à nouveau titiller mon épiderme par ce simple toucher. Encore.. cet homme me tentait toujours. Je dénouai l'étreinte, en brisant le lien éphémère qui ranimait une flamme ravageuse et incontrôlable. Je m'appuyai contre le plan de travail, mes mains s'agrippant fermement au rebord. Etait-ce le moment, mon cher corps, de me rappeler ces souvenirs brûlants qui me hantaient encore ? L'envie n'avait-elle donc pas de limite ? Je pouvais sentir la présence de Jeha calé à côté de moi, et ce sentiment qui ne me quittait pas, même si je n'y pensais pas. Si je n'étais pas sûre sur ce qu'il voulait réellement à propos de ce désir qui avait failli nous consumer, ne croyant qu'à moitié qu'à ses paroles qu'il m'avait affirmé au petit matin lors de notre dernière rencontre, je savais une chose.. on était en quelque sorte amis. Non ? Je ne pensais pas me tromper de ce côté-là. On s'était mutuellement aidé, protégé, on avait joué aussi, on avait bu ensemble, on avait partagé un peu sur nous à l'autre, un peu.. mais cela rapprochait. On était devenu avec toutes ces circonstances plus que des connaissances. Une amitié naissante, difficile mais bien là, on ne pouvait le nier. Mais même quand je prononçais ce mot à voix haute, je ne le trouvais pas tout à fait vrai et juste dans sa signification pour nous. Car il y avait bien autre chose qui troublait sa définition.. Il l'admettait lui aussi. Il y avait désormais une part de moi qui voulait bien s'entendre avec lui, qui en avait marre de vouloir le gifler et le secouer à chaque fois que je le voyais.. Non, ce temps-là semblait être résolu. L'évolution restait d'ailleurs surprenante, et particulièrement inattendue. Amis.. Je le considérais comme tel, un peu, à moitié. Oui, j'avais une part de responsabilité là dedans, et c'était ce que j'allais affirmer, avant d'être interrompue par le sifflement bruyant de la cafetière. J'attrapais la anse de la tasse qu'il me tendait, et à sa soudaine question, j'arrêtai mon mouvement, le liquide foncé agité par une houle de surprise. Son regard accapara mon attention avec une telle intensité, que je me sentis m'appuyer un peu plus sur le carrelage derrière moi. Ma bouche se plissa d'un air coupable, prise au dépourvu, les yeux fuyants. L'absence de réponse me trahissait. Il avait compris que j'avais deviné. Il le prenait mal, du moins je ne savais pas si le terme était le bon. Mais l'agacement et la fermeté qu'il employait ne me trompaient pas. Il n'avait pas tort, je n'étais pas celle qui avait pris son appareil et l'avait détruit de mes mains. Mais je trouvais.. que tout était lié à moi, à cette situation dans lequel je l'avais embarqué.. Ses mots résonnèrent tout à coup en moi, faisant rater un battement à un coeur fatigué par cette soirée. Je préfère le voir briser que de te de voir briser.. Les pupilles s'étaient agrandies, surprise. Touchée. Il avait parlé avec brusquerie mais il s'était vraiment.. soucié de moi. Une touche carmin sur mes pommettes pâles, alors qu'emporté par son élan, il s'éloigna pour aller me chercher un pull.

Je n'avais pas vraiment froid, mais je n'étais pas sûre que la moindre de mes paroles ne l'aurait empêché de partir. Je restai donc dans la cuisine, m'échappant un peu du meuble derrière moi. Je portai la tasse à mes lèvres, buvant une gorgée du breuvage brûlant. Son fort arôme en bouche, glissa dans ma gorge, soulageant un corps d'une douce tiédeur. Un soupir. Ça faisait du bien.. Ce n'était pas grand chose, mais pour quelqu'un qui buvait autant de café noir que moi, c'était comme une délivrance. Je fermai les yeux quelques secondes, le savourant.. Mais le silence, et la soudaine solitude vinrent m'assassiner de flashs et de paroles irrespectueuses qui m'arrachèrent un frisson désagréable. Je fronçai les sourcils, mes ongles claquant contre la tasse que je tenais devant moi. Et puis, je les réouvris, attirée par la présence de Jeha dans la salle d'à côté dont j'entendais l'agitation. Pensive, les prunelles dorées glissèrent à nouveau vers les tables remplies de photos, puis le mur au loin.. Avant que le loup ne réapparaisse d'une démarche rapide dans la pièce. Je le suivis sans le quitter du regard, avant de me retourner pour le voir revenir dans la cuisine. J'entrouvris mes lèvres, alors qu'il déposait un pull à côté de moi. J'allais lui acheter un nouvel appareil, c'était décidé. Je me redressai, et haussai un sourcil en le voyant balbutier dans sa phrase, alors qu'il commentait la fraîcheur des lieux et ma tenue. Un fin sourire se nicha sur mes lèvres. « Merci, c'est gentil. » fis-je, alors qu'il affirma brusquement avoir l'envie de tenter l'amitié. Mes paupières papillonnèrent, avant d'ôter sa veste de mes épaules dénudées. « Tentons, tentons. » rajoutai-je, pas particulièrement convaincue par la définition complète, alors que c'était moi qui avait mis le terme sur le tapis. Mais l'amitié était déjà là, je ne pouvais le nier, même si autre chose voulait délicieusement dominer ce sentiment d'affection. Délicatement, je pliai sa veste, que je déposai sur le plan de travail, avant d'attraper son pull juste à côté, l'écoutant avec attention. Moins fermé à l'idée de m'adresser la parole, voilà déjà un grand pas pour lui. Je me demandais pourquoi il était si asocial.. mais en réalité, je me doutais qu'il ne l'était pas avec tout le monde. Et puis, oui, il m'avait aidé comme un ami. Je lui lançais un regard, alors qu'il mordait sa lèvre. Il ne semblait pas sûr de ce qu'il disait, ou de ce qu'il allait dire. Je dépliais le pull devant moi, penchant légèrement la tête sur le côté, avant de le retourner et de me décider à l'enfiler. Perdue dans le tissu foncé, j'écoutai toujours le photographe d'une oreille. Je glissai mes bras dans le vêtement, puis mon visage qui apparût sous la capuche nichée sur ma tête. Un parfum d'homme vint chatouiller mes narines, que j'inspirai doucement. Je fis glisser la longue chevelure caramel de chaque côté du col, alors que je sentais les deux pierres sombres me fixer. A nouveau si proches, que je n'en prenais conscience que maintenant. « Tu es bien compliqué comme ami.. Pourtant, on est déjà sorti ensemble, on a ri, on s'est changé les idées.. OK. Mais tu es fidèle et je le suis aussi, alors tu pourras aussi compter sur moi. » assurai-je, en accentuant l'intensité du regard qu'il me lançait. Oui, je n'avais pas pu m'empêcher de souligner ces points, ces points qu'il ne voulait pas faire, mais qui étaient des voies que nous avions déjà emprunté. Cela avait déjà pris ce sens-là, pourrions-nous désormais revenir en arrière ? Il essayait de le croire, de m'en convaincre, et je le suivais, pour ne pas engager un quelconque désaccord qui pouvait souvent s'emballer entre nous. Bien trop vite. Et ce soir, j'étais épuisée. Et puis, sa nouvelle réplique, claire et directe, qui me prit à nouveau de court. Son sérieux teinté d'un humour sagement caché, m'avait encouragé à un sourire à sa menace. « Tu peux toujours essayer mais.. d'accord. » répliquai-je calmement, même si en réalité, je n'allais pas m'arrêter là, quoiqu'il m'en dise. Je le laissai se servir du café, détournant les yeux pour me regarder. J'étirai les bras devant moi, admirant les manches couvrir presque entièrement mes mains et je ne parlais pas de la longueur du pull, qui laissait quand même entrevoir la moitié de ma jupe. Au moins, j'étais à l'aise là-dedans. C'était chaud, et ça.. sentait bon. Les fragrances de cèdre s'échappaient de son col, je les humai discrètement, une lueur amusée traversant les pierres dorées à la vue de la grimace de Jeha qui buvait son café. Apparemment, ce n'était pas sa tasse de thé, comme on disait. Mais il semblait perdu dans ses pensées, et je l'y laissai, les miennes me travaillant assez de mon côté. Je pensais à ce soir, est-ce que j'arriverais à dormir ? Je pensais à lundi, allais-je le croiser ? Et puis, je pensais aussi à notre plan, ce qui réchauffa un peu plus mes scénarios angoissés. Je soupirai alors qu'il posait sa tasse sur le plan de travail, me faisant face, avant de reprendre la parole.

Une révélation qui me surprit, attisant aussitôt ma curiosité. Une fille au double visage comme lui ? La tasse toujours à la main, je le fixai, attentive, me retrouvant parfaitement dans la description qu'il venait de faire. La seule différence était le fait que je n'étais pas proche de Steven Kim, contrairement à lui et cette ancienne amie, apparemment. Ce n'était que l'image que je m'étais faite d'une célébrité, en qui j'avais eu confiance, bêtement. Mais lui, si c'était quelqu'un de son entourage, cela devait être encore plus.. marquant. Auquel tu aurais pu croire pendant des années.. Est-ce que c'était son cas ? J'abaissai les prunelles, qui vacillèrent au rythme de mes réflexions. J'étais admiratrice de ce styliste depuis presque cinq ans je dirais. J'adorais son travail, et maintenant, son comportement m'en dégoûtait profondément. Mieux vaut tard que jamais. Dans ce cas là, c'était mieux vaut tôt, que trop tard. J'opinai d'un lent mouvement de menton, une légère moue plissée liant ma bouche. « Tu as sans doute raison. » avouai-je, avant de continuer. « Je suis désolée pour cette fille.. Enfin, à moitié du coup. » Car le fait qu'elle se soit révélée, comme il venait de me l'expliquer, était peut-être la seule bonne chose dans cette histoire, comme Steven Kim. Malgré la trahison d'un visage différent. Effectivement, mon inspiration pour lui avait été anéanti. Comment pouvais-je même désormais regarder ses modèles féminins, alors qu'il traitait si mal les femmes qui les portaient ? Quand on avait aucun respect pour l'autre, pour la personne qui allait s'en apprêter, pour le client fidèle, à quoi bon s’intéresser à des créations d'un esprit perverti ? Plus rien. J'avais d'autres inspirations, j'avais d'autres aspirations que les siennes. Plus grandes, plus idéalistes peut-être, mais qui se voulaient sincères. Jeha disait juste. Un compliment, deux compliments.. Ils m'effleurèrent, doux et francs comme le reflet de ses deux pierres noires, réchauffant légèrement mes joues d'une couleur carmine. Ce pull commençait à me tenir chaud, je l'avais dit que je n'avais pas si froid.. « Tu parles beaucoup aujourd'hui, et tu es un peu trop convaincant à mon goût. » fis-je, taquine. J'esquissai un sourire amusé, puis peu à peu ironique. « Si je devais m'inspirer de tout ça pour une tenue.. ce serait du noir, sous toutes ses formes. Des matières froides, glacées, et une touche de rouge qui attirerait l'attention de l'oeil.. » Le rouge, une blessure, une oeuvre élégante aux allures gothiques. Je caressais des yeux le vide devant moi, comme si j'en dessinais la silhouette du mannequin, complètement hypnotisée par les sensations que m'avaient délaissé cet événement violent.. « Du cuir lacéré, une armure de piquants argentés, des talons immenses et un drapé démesure qui coulerait jusqu'au sol.. Une silhouette déstructurée, brute et touchante à la fois. Un mélange entre Jean-Paul Gaultier et l'univers de Tim Burton. » concluais-je dans ma réflexion à voix haute, mon cerveau notant chaque détail de cette oeuvre sombre dont le croquis flottait devant moi. Il s'effaça, lorsque je reposais mes prunelles sur Jeha. « J'en ferais quelques croquis, tu me diras ce que t'en penseras. » lui proposai-je. Il avait été témoin de tout ça après tout, il fallait que son regard résonne avec le mien. Que ces modèles reflètent nos deux humeurs enragées. Et puis, le silence à nouveau s'installa, lourd, pesant, entrecoupé par le son de nos bouches qui aspiraient à l'unisson le breuvage amer. J'ôtai le tissu qui couvrait ma tête, y passant mes doigts pour y peigner maladroitement quelques mèches rebelles qui ne voulaient pas rentrer dans les rangs. Je fis claquer ma langue contre l'ivoire en un bruit qui trahissait un léger agacement. Je montai doucement la manche gauche pour dévoiler une fine montre. Il était déjà minuit passé, le temps passait vite. Je me projetai déjà à demain, afin d'étouffer consciemment des choses auxquelles je n'avais pas envie de penser. Matinée de libre, et je devais me rendre au Nymphéa dans l'après-midi. L'envie de soju me démangeait toujours.. Arriverais-je vraiment à dormir ce soir ? Est-ce que ce connard allait m'ôter le sommeil, m'assénant d'une bonne insomnie ? Quand quelque chose me tracassait, je savais déjà que je voyais les heures défilées sur mon réveil, et ne rien faire m'énerver encore plus, m'éloignant davantage des bras de Morphée. Peut-être.. que je devrais m'éclipser dans un des bars près de la fraternité, ouverts jusque tard dans la nuit. Si je bois assez, j'oublierais, un temps. Une nuit. Je plissai mes lèvres quand le photographe reprit brusquement la parole. L'arrogance en moi grognait qu'il avait intérêt, la douce conscience le prenant pour sa part d'une manière reconnaissante, et rassurée. Ne pas rester seule.. C'était mon intention pourtant et voilà qu'il m'en demandait le contraire. Mes pupilles se dilatèrent en l'observant intensément, refermant davantage mes doigts sur la tasse. « Vu l'heure tardive, je ne pourrais répondre à ta requête. Ça sera moi, une bonne insomnie et une longue nuit certainement. » affirmai-je. Il ne serait pas le seul à savoir. Enfin.. je ne savais pas encore. J'en parlerais à Camille, peut-être.. Têtue, j'eus pourtant un excès de faiblesse dans ce "s'il te plaît" qu'il prononça, appuyant un peu plus sur une conscience tourmentée. Une demande qui crispa un coeur, et un corps qui s'était aussitôt raidi, la tasse embrassant les commissures de mes lèvres. Les dernières gouttes s'y déversèrent, avant de redescendre ma main, son regard me transperçant. Je raclais ma gorge qui me chatouillait, la paume cachant ma bouche, les yeux fuyants. Il m'influençait un peu trop ce soir.. Je me retournais vers l'évier, attrapant l'éponge pour laver la tasse. Je la passais sous l'eau, j'avais l'impression que le bruit se répercutait dans chaque recoin de la grande salle devant nous. J'arrêtais le robinet, calant la tasse sur l'égouttoir. « Tu n'as qu'à rester avec moi. » lâchais-je soudainement de dos, sans vraiment réfléchir aux diverses significations de cette phrase. Un silence, alors que je séchais calmement mes mains à un torchon, de profil. Les palpitations reprenaient tout à coup un rythme plus soutenu, alors que je me retournai vers lui. « Rentrons à la fraternité, tu veux bien ? » demandai-je simplement. En réalité, je voulais juste qu'il me raccompagne, rentrer avec lui et enfin terminer cette journée. Même si temporellement parlant, elle était déjà finie. Rester avec moi jusque là. Je l'effleurais d'un léger sourire, avenant, fatigué, avant de passer devant lui pour quitter la pièce. « Tu as tout copié sur la seconde clé ? Je compte préparer ça ce week-end. Avec la presse, plus les informations sont fraîches, mieux c'est. » Sinon, ils les délaisseraient pour celles plus récentes. Ne voulait-on pas que les nôtres terminent en première page ? Il aimait bien être sur les couvertures des magazines, on verra si ça lui plaira toujours à Steven Kim après ce qu'on lui prépare. On récupéra les deux clés usb, il m'en confia une que je gardais soigneusement dans la poche de son pull dont j'étais vêtue. Un quart d'heure plus tard, nous étions dans sa voiture en direction de l'aile Est de la capitale.  

Je poussai doucement la porte d'entrée de la fraternité des Neugdae, tendant l'oreille à la recherche d'une source auditive nous informant d'une présence encore réveillée dans la maison. Mais à peine quelques pas esquissés dans le vestibule, suivi de près par Jeha, nul bruit ne semblait s'échapper du salon, en concluant que tout le monde était déjà à l'étage, au lit, ou de sortie. J'en profitai pour ôter mes chaussures, et manquant de perdre l'équilibre sur un pied, je me rattrapais de justesse d'une petite exclamation au bras du brun à côté de moi. « Excuse ! Attends deux secondes.. » lui murmurai-je, en m'agrippant un peu plus, mes doigts perdus dans les manches bien trop longues pour moi. Dix centimètres et quelques en moins, je relâchai le soutien qu'était le loup, avant d'attraper la lanière des talons, les emportant avec moi. M'assurant qu'il suive, j'allumai la lumière de l'escalier et le montait lentement sur la pointe des pieds. Je mourrais d'envie de prendre une bonne douche, un bain même et de m'y endormir.. Une marche grinça sous mon poids et je m'arrêtai net d'un « Chut ! » inutile en direction du bois bien trop sensible. Mais qu'est-ce que je faisais ? La fatigue devait vraiment être là.. Je fermai un bref instant les yeux, me mordant la lèvre inférieure, me tournant d'un air gêné vers Jeha derrière moi. Mais est-ce que cette fatigue allait m'emporter ? J'en doutais mais je l'espérais. J'apercevais au loin la première porte du couloir qui donnait sur la salle de bain. Oui.. cette même salle de bain où tout avait un peu commencé. Un désir léger d'un baiser volé, mais il n'y avait eu que les souffles tièdes, les battements et les regards perdus au-dessus d'une baignoire. Je ralentis marche par marche, avant d'atteindre la dernière. Et puis.. il y avait eu le jeu, les rires, les découvertes, la danse, la chaleur, l'envie, l'ivresse des lèvres entrelacées, le manque, et l'étreinte empressée, enflammée. Tout avait été interrompu, à chaque fois, et pourtant, le même sentiment demeurait, du moins.. pour ma part. Je m'étais stoppée nette sur le palier, avant de me tourner vers Jeha auquel je ne laissais pas le temps d'atteindre la dernière marche. Nous étions alors à peu près à la même hauteur. « Au fait, va pour l'amitié et peut-être plus.. qui sait vraiment hm ? » lui lançai-je, en rencontrant les pierres sombres soulignées de quelques mèches échappées. C'est vrai, pouvait-on vraiment prévoir ? « Ce petit "plus" d'une nuit.. une seule.. » Ou plus encore. Tu te souviens de tes mots.. ? Lentement, je fis glisser mes cheveux sur une épaule, dégageant ma nuque. Je tirai un peu sur son pull, avant d'en faire de même avec mon col roulé blanc. Je l'écartais, mon épaule partant vers l'avant, la mâchoire se tournant sur le côté. Peu à peu, se dévoilait une tâche qui rougissait ma peau nacrée. Une tâche légèrement violacée qui n'avait rien à voir avec un bleu ordinaire. C'était une marque, la marque d'une bouche gourmande, vorace qui avait signée de ses lèvres, un baiser de luxure. J'entrouvris les miennes en l'observant de cette lueur ardente qui brûlait au fond du doré. Un frisson. « Je n'ai rien oublié. » Ni la soirée, ni tes baisers, ni ton corps collé au mien.. « Absolument.. rien. » articulai-je d'une voix grave, qui se voulait voilée dans le silence qui nous entourait. Il fallait qu'il sache que même après sa réflexion le lendemain, ce n'était pas pour autant que tout avait été effacé en un claquement de doigt. Est-ce que cela pouvait être si simple pour ce genre de choses que l'on ne pouvait réellement contrôler ? Je relâchai le tissu pour m'avancer d'un petit pas, réduisant la distance à moins de cinquante centimètres à peine. « Ne t'inquiètes pas, je ne sortirai pas en douce.. Pas ce soir du moins. » murmurai-je. Je n'avais plus envie de sortir à vrai dire, ni de voir du monde. Je me contenterai de la torture du silence, ainsi que celle du marchand de sable qui allait choisir ou non de passer par ma chambre. Et puis.. un sourire esquissé, doux, les paupières qui papillonnent une fois, qui s'abaissent. Une inspiration, une expiration. Une hésitation d'une seconde, peut-être deux, je n'en savais rien. Le menton relevé qui s'avance, dépassant d'une esquive le sien. Je penchai un peu plus mon visage sur le côté, déposant en une caresse inattendue, mes lèvres sur sa joue. J'y demeurai un instant, épousant l'arrondi de ses traits alors que je sentais mon rythme cardiaque ralentir, comme un temps en suspens. Finalement, il s'emballa en de rapides impulsions lorsque je me reculais pour lui faire face. « Good night. » esquissai-je, avant de me diriger dans le couloir, et de disparaître derrière une des portes. C'était une autre forme de remerciement, une marque d'affection aussi, sans doute un peu car c'était ce que je réservais à mes proches. Mais je ne m'attardais pas tant que cela sur la signification. J'en avais éprouvé le besoin, l'envie, et je l'avais fait.

Cette nuit-là, j'avais mis deux bonnes heures avant de réussir à me laisser emporter par Morphée. J'avais eu le temps de prendre une douche, de nouvelles larmes se dispersant  discrètement dans l'eau savonneuse.. frottant avec acharnement les poignets dont je sentais encore la prison de chair m'emprisonner, et cette cuisse palpée, dont j'avais éloigné la main baladeuse d'une négation claire. J'effaçais tout, tout.. à m'en rougir la peau, avec violence, avec fureur, jusqu'à ce qu'elle finisse par me lancer, à vif. Une fois dans mon lit, j'avais déjà en tête le paragraphe que j'allais envoyer à plusieurs journaux américains et qui allait faire défaillir Steven Kim. La clé usb sur la table de chevet, je m'enfonçais peu à peu dans les songes profonds de mon subconscient. Ma dernière pensée fût pour Jeha : lundi, je lui offrirais un nouvel appareil photo. Un sourire. Puis, le noir.                 
    
 

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.
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Re: You can't judge a book by its cover | #JERA ♥ | Sam 13 Mai - 16:04
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Ils rampent, avec une douceur hésitante, pour frôler l'objet d'un désir peu assumé. Puis ils fuient. Ils ne cessent jamais de fuir, de reculer, de vouloir échapper à l'attraction qu'exercent sur eux ceux qu'ils veulent toucher, attraper, posséder. Alors ils avancent, puis s'échappent, en une danse immuable, pour finalement faillir et enlacer, les doigts de l'être qui fascine.
 


Le pull retomba sur ses cuisses, en un murmure assassiné par les battements désordonnés d'un cœur bruyant. Si je l'avais trouvé désirable dans la chemise qu'elle avait enfilé suite à notre nuit avortée, je la trouvais … troublante dans le large vêtement à capuche. Cette dernière soulignait de noir sa chevelure ambrée, reflétant ainsi le trait sombre qui habillait son regard. Je glissai les doigts sur ma nuque et les perdis un instant dans ma courte chevelure, en tentant de mettre des mots sur une pensée qui m'échappait. Amitié, tu parles songeai-je avec ironie, en prononçant un terme qui ne reflétait ni notre relation, ni ce que j'éprouvais pour elle. Un mélange de désir et d'attachement qui ne me plaisait pas, d'autant moins ce soir alors qu'elle venait d'être agressée sexuellement. Quelle image mes réactions donnaient-elles de moi ? Je me retins de frotter mes cheveux dans un geste démentiel et tentai de me concentrer sur le peu que j'étais disposé à lui offrir. Amitié … Je l'observais intensément, en m'efforçant de ne pas voir en elle la femme qui m'obsédait physiquement depuis des semaines. Mais il pulsait dans mes veines, rebelle et brûlant. J'avançai la lèvre inférieure et soufflai sur la mèche unique qui ployait sur mon front. Elle retomba, caressant mon sourcil, tandis que mes prunelles se perdaient dans deux pierres intenses. « J'étais saoul. » me défendis-je impulsivement en plongeant les mains dans mes poches. « J'ai fait beaucoup de choses que je ne ferais pas normalement. » Comme me laisser entraîner sur une piste de danse ou céder à l'appel d'une bouche pulpeuse et attirante. Je glissai les doigts sur le col de ma chemise et le tirai un peu plus, afin d'échapper à la sensation pernicieuse d'étouffer malgré l'espace immense dans lequel j'évoluais. Mais ce ne fut pas ce geste dérisoire qui m'arracha à un conflit intérieur qui prenait de l'âge mais son manque de répartie. Durant une demi seconde, j'avais oublié son choc et son épuisement. Une seconde de trop. Mon bras retomba et je me concentrai sur le café, dont je servis une autre tasse pour m'y brûler les lèvres et la langue. Mais plus qu'allergique à la chaleur, je l'étais à l'amertume d'une boisson qui me sied mal. Je redressai la tête et m'éloignai de la jeune femme, perturbé par son aura et par sa présence.Amis Un ami ne la regarderait pas comme s'il cherchait à oublier des désirs profonds et dénigrés. Il parlerait pour tenter d'alléger l'angoisse qui assombrissait son regard, momentanément voilé par ses cils noirs. Je refermai les doigts sur le bois, conscient qu'aider serait dévoiler. Mais les mots glissèrent sur mes lèvres en échappant à un cœur serré. Un début d'histoire, une vérité en demi teinte, une confession dont je ne voulais pas qu'elle mesure l'importance. Alors je minimisais le rôle de Sae Wa dans ma vie, comme l'impact qu'eut son mensonge sur mon existence et ma vision des femmes. Les regrets m'effleurèrent dès que j'eus finit. J'avais la sensation de lui avoir ouvert une porte sur une intimité que je ne voulais pas partager. Je lâchai le plan de travail et enfonçai les mains dans les poches. Je le suis seulement d'en avoir été amoureux. Je tournai légèrement la tête pour regarder le mur et ainsi masquer le dégoût que m'inspirait ma propre pensée. Je préférais associer Sora à amitié que Sae Wa à amour. J'exhalai doucement et me concentrai sur sa propre histoire, sur sa propre douleur, sans plus m'appesantir sur celle qui me bouffait depuis des mois. Et, sans réellement en prendre conscience, je lui confiais une pensée que je n'avais pas eu l'intention de partager. Le compliment fut soufflé d'une voix posé, alors que je remontai doucement sur son visage. Le tambour s'y brisa et mon muscle tressauta dans un torse compressé.  Un voile de rougeur s'était répandu dans ses joues pâles. Les pupilles dilatées, je suivis des yeux la rivière sanguine qui coulait jusqu'à ses lèvres mouvantes. Les mots eurent raison d'un intérêt momentané et je me contractai instinctivement, les doigts enfoncés dans mes manches grisâtres de mon pull. Je penchai la tête, plissai les sourcils puis me raclai la gorge avec un sourire éphémère. « Si ça fonctionne ... » Mal à l'aise, je m'apprêtai à bouger quand son ton se fit plus tranchant. Je m'immobilisai et reposai les yeux sur son visage, perdu dans des pensées noircies auxquelles elle donnait corps. Je n'eus aucun mal à imaginer la tenue qu'elle décrivait comme les émotions qui l'agitaient. Elle les laissait s'exprimer, tant par les mots que par ses expressions. Touché, je demeurais silencieux, jusqu'à qu'elle mentionne une confiance que j'aurais préféré ne pas recevoir. Ne t'attache pas à moi. Mais n'était-il pas déjà trop tard ? Amis … Elle chercha mon regard et je me laissai faire, avec le sentiment d'accumuler les conneries depuis le début de la soirée. Mais je ne savais plus lui claquer les portes au nez après ce qui lui était arrivé ce soir.  «Je regarderais. » acceptai-je simplement en baissant la tête pour échapper à un lien visuel presque pesant. Le silence en refléta les débris, mais sans atténuer le son de nos souffles entremêlés, pas plus qu'il ne pouvait faire taire un cœur déchiré par la situation. Le terme « amis » m'obsédait. Ce salop me hantait et cette soirée pesait sur mes épaules. Je les étirai en levant légèrement la tête vers la gauche. Au delà de la colère, de l'hésitation et de l'incompréhension, ce fut l'inquiétude qui eut raison de la gêne installée. Je cherchai son regard avant de poser des mots sur un sentiment que je m'efforçais d'admettre. Je plissai les lèvres quand elle refusa d'emblée, et ajoutai un « s'il te plaît » dont je n'usais qu'avec mes proches. Mais je le fis sans remord, et sans véritable regret, et cela même si je jouais consciemment sur une culpabilité qui n'avait pas lieu d'être. Je vis à ses doigts qu'elle se crispait, alors même qu'elle se réfugiait derrière son café. Silencieuse, elle s'échappa et me tourna le dos pour aller laver sa tasse dans l'évier. Usant d'une patience qui ne m'était pas familière, je ne réitérais pas et la laissai réfléchir. Elle finit par éteindre et poser la céramique sur le côté … en offrant la dernière réponse que j'aurais pu imaginer. « Rester ? » Attendait-elle de moi que je reste debout toute la nuit ou que je me bourre la gueule en faisant de même ? Songeant aux conséquences de notre dernière cuite, je tirai sur mon pull mal à l'aise, prêt à exprimer des conditions qui ne lui plairaient probablement pas. Elle ne m'en laissa pas l'occasion. Se retournant calmement, elle mit fin au conflit en me demandant de la raccompagner à la fraternité. Soulagé, j'acceptai d'un signe de tête avant de noter l'ébauche d'un sourire fatigué. Je serrai les lèvres et la suivis des yeux tandis qu'elle s'éloignait vers le bureau. Qu'elle puisse être crevée ne m'étonnait pas. Je passai la main dans mes cheveux et la suivis pour récupérer ma carte mémoire et la clé USB. Je rangeai la première dans le tiroir où je les conservais et posai la seconde dans sa paume en effleurant sa peau. « Tout est dessus. » confirmai-je en laissant retomber mon bras. Elle glissa la clé dans son pull, j'attrapai celle de ma voiture puis éteignis toutes les lumières. La salle, replongée dans le noir, se para à nouveau d'un silence habituel, que seul le claquement d'une porte se permit de briser.

Je pénétrai la maison à sa suite et retirai mes chaussures en fermant doucement la porte derrière nous. Ses doigts s'enfoncèrent subitement dans mon bras tendu et je contractai spontanément les muscles pour la retenir. Le bras en suspension, j'attendis qu'elle ait finit de retirer ses talons. Sa main, disparue sous le vêtement noir qu'elle portait, contrastait avec le gris pâle de mon propre haut. Elle ne me touchait pas vraiment et pourtant, j'étais intimement conscient de sa présence et du lien physique qu'elle me forçait à accepter sans broncher. Je me mordis la lèvre inférieure et m'efforçai de rester immobile en concentrant mon attention sur l'intérieur. Nul bruit ne régnait dans un salon plongé dans l'obscurité. Nous étions seuls. Elle finit par relâcher son étreinte sur mon muscle gonflé et je pliai le bras avant de le laisser choir contre mon flanc. Silencieuse sur ses pieds nu, elle s'avança et alluma la lumière. Je baissai la tête et plissai les yeux pour m'habituer à l'éclairage, avant de m'engager derrière elle dans les escaliers. Ma paume chaude rencontra le mur frais et mes yeux s'attardèrent sur une chute de rein dérobé par un pull dont je bénissais brusquement l'usage. Un rictus marqua mon souffle puis s'adoucit, amusé, lorsqu'elle exhala un « chut » à l'égard d'une marche dérangée par son poids plume.  « Je ne suis pas certain qu'elle soit sensible à ton autorité naturelle. » me moquai-je tandis qu'elle se retournait, gênée, d'être pris en flagrant délit de discussion avec le bois. Je retins un soupçon de sourire devant son expression, qui s'esquissa lorsqu'elle reprit son ascension. Ma main glissa sur le mur, au rythme de plus en plus lent d'une brune qui finit par s'immobiliser sur le palier. Le sourcil levé, je me penchai légèrement en avant pour comprendre son arrêt mais retins mon geste lorsqu'elle se retourna soudainement pour me faire face. Mes doigts râpèrent le lambris et mes yeux se posèrent sur ses lèvres avant de plonger dans deux amandes fauves à l'intensité troublante. « Quoi ? » la questionnai-je pris au dépourvu, tant par sa proximité que par son regard. Une perdition qui s'accentua à sa réponse, que je me refusais d'analyser.  « Je ne vois pas de quoi tu parles. » Mais mon corps trahit plus sûrement un mensonge que ne l'auraient fait des mots dérisoires. Mes pupilles s'étaient dilatées, brûlées par un sang qui martelait sourdement mes tempes et mes muscles s'étaient contractés, à l'image d'un visage fermé et assombrit. J'aurais voulu que nier suffise à y échapper mais il était difficile d'ignorer le brusque éveil d'une tension sexuelle palpable. Sora ne tint compte ni de ma réaction ni de mon refus évident d'y songer. Une seule Sa réplique rebondit momentanément dans ma tête mais ce n'était pas sa voix qui y résonnait. J'entendais mon propre timbre aggravé par un mélange de désir et d'alcool qui avait fracassé des barrières que je n'étais parvenu qu'à restaurer difficilement. Mais elles étaient fragiles. J'entrouvris les lèvres en quête d'une inspiration profonde, chamboulé par une libido pernicieuse. Puis je poussai ma langue contre mes dents inférieures afin de répliquer mais mon idée s'estompa pour disparaître à son mouvement. Sa chevelure glissa sur son épaule et les cols noirs et blancs furent repousser par ses doigts pâles aux ongles immaculés. Sa gorge ne l'était pas. Une tache s'y dessinait, une marque pourpre qui réveillait sous mes paupières des souvenirs que je peinais à refouler. Les battements de son cœur contre mes lèvres, la douceur satinée de son épiderme sur ma langue, le désir fou et marqué de la dévorer et de la posséder. Ma salive afflua sur un muscle mutin et une vive rougeur se répandit dans mes pommettes incendiées. Un souffle chaud sur ma lèvre … je l'emprisonnai en les serrant, la mâchoire crispée. J'aurais voulu fermer les yeux et échapper à ce que je n'avais pas imaginé laisser. Une preuve, tant pour elle que pour moi, que je fantasmais sur cette nuit qu'elle évoquait. Mais je ne réussis qu'à les détourner … et à les poser sur sa bouche entrouverte. Elle était si proche que j'imaginai sans mal la caresse de sa respiration sur la mienne. Au mal être succéda la morsure du désir dans mes joues et je me fis violence pour reculer plutôt qu'avancer et cueillir. Comment pouvait-elle me faire perdre la tête aussi facilement ? Je fronçai les sourcils et un voile de cil masqua la tentation alors que ma langue humidifiait une inférieure asséchée. J'aurais voulu oublier. Ce qui hantait mes nuits comme mes pensées quand je croisais son regard, même après une soirée aussi cauchemardesque. Ce qui tiraillait mes veines et torturait mon bassin compressé. Ce qui m'étouffait et ce à quoi je brûlais d'envie de céder. J'aurais voulu oublier absolument tout.. Un frisson parcourut ma nuque et ruissela dans mes muscles rigides. Le faisait-elle exprès ou sa voix était-elle naturellement rauque ? Elle s'avança et je me tendis spontanément, à l'image d'un poing pressé contre le mur. Sa gorge était à nouveau voilée mais ce qu'elle avait réveillé …. il pulsait. Mon flux bourdonnait, frappait, maltraitait mes tempes et mes oreilles sifflantes. Pourquoi sortirait-elle en douce ? Il me fallut quelques secondes pour comprendre qu'elle venait abruptement de changer de sujet. Les poumons gonflés, je levai le menton et lui offris un sourire sommaire. « Me voilà rassuré. » Un soupçon d'ironie perçait les notes d'une phrase qui témoignait d'un déchirement psychologique. Une part de moi l'était, la seconde … la seconde était prisonnière d'émotions qu'elle avait sciemment réveillé avant de revenir à un présent auquel j'essayai de m'accrocher. Et merde, pourquoi étais-je distrait aussi facilement ? Je n'avais pas la moindre envie de me souvenir de l'autre tordu pour m'empêcher de …. de … Un mouvement, une caresse légère, un toucher fragile et fugace. Une ombre de douceur sur ma peau chaude. Je m'immobilisai, le souffle court, le cœur éteint. Elle recula, murmura quelques mots puis disparu. Je tirai sur ma sweat et retint un rire ironique. Amis Comment pouvais-je même m'imaginer ami avec cette femme ? Je passai la main dans mes cheveux et enfonçai les ongles dans mon cuir chevelu brièvement.

Je tournai les talons, descendis les marches, traversai un couloir que j'omis d'éteindre et pris la porte pour sortir à l'extérieur. Les vitres éclairées me guidèrent jusqu'à ma voiture, que j'ouvris pour récupérer le paquet de cigarette que j'avais rangé dans ma boîte à gant. La portière claqua, sans briser une nuit moins silencieuse qu'une maison momentanément abandonnée. Je m'y adossai et mordis dans un bâton de nicotine pour l'allumer. Qu'est-ce qu'elle venait de me faire ? Je croisai les jambes et inspirai profondément, une main enfoncée dans la poche de mon pantalon. Le menton baissé, j'observais les volutes de fumées ajouter une touche de blanc sur un noir nocturne. J'avais chaud. Coinçant la cigarette entre mes doigts, je tirai sur ma capuche pour retirer une partie de mon vêtement puis glissai la cigarette entre mes dents pour libérer mon bras restant. Le vent frais mordit ma chaire à peine voilée par le tissu léger de ma chemise et caressa ma nuque aux veines saillantes. Je lui avais laissé une sacrée marque. « Aish ! » m'exclamai-je en frottant compulsivement mes cheveux. La prison de gel céda et ma frange retomba souplement sur mon front. Mon esprit, lui, resta prisonnier des doutes qui l'enflammaient. Je m'accroupis, enfonçai mes coudes dans mes cuisses bandées et mes pouces dans mes yeux fermés. La fumée âcre envahissait ma bouche. Mes bras retombèrent et pendirent dans le vide, de même qu'un regard lasse. Cette soirée … Arrête de penser à toi. Si je réfléchissais posément à ce qui s'était passé, sans me laisser envahir par la colère ou ce désir … ce désir de merde, la réaction de Sora n'était pas si … illogique … . Cet interlude était-elle pour elle le moyen de reprendre le contrôle de son corps et de son esprit après avoir été violentée ? Ou avait-elle eu besoin momentanément d'oublier sa blessure pour un désir plus personnel … familier ? Ma réaction en revanche .... J'enfonçai les dents dans la nicotine, la retirai et l'écrasai contre le bitume avant de me redresser. Qu'importe. Ce n'étaient que des mots soufflés sur le coup. Elle ne m'avait rien dit pendant des semaines, il était inutile de croire qu'elle y reviendrait après ce soir. Mais le désirai-je vraiment ? Je poussai la porte du dortoir et éteignis les lumière avant de monter les marches silencieusement. Un filet de lumière filtrait sous la porte de la salle de bain et le son de la douche y résonnait. J'enfonçai les doigts dans le pull roulé en boule, aussi inquiet que troublé. Et la nuit fut à l'image de ces deux émotions, déchirée entre une libido envahissante et les souvenirs d'une femme. Et je n'aimais être hanté ni par l'un ni par l'autre.
 
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