ohana.
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ohana. | Dim 16 Avr - 16:04 Citer EditerSupprimer
Ses doigts se promènent sur ses joues, effacent les sillons creusés par le torrent de larmes qui galope sur son épiderme maladif. Les hoquets compriment sa cage thoracique, rendant ses échos de voix un peu plus douloureux à chaque fois - mais toujours moins douloureux que ces souvenirs qui se réveillent. Des bribes de conversation lui parviennent alors ; elle pose ses deux mains sur ses lèvres mordues pour espérer se rendre aussi silencieuse qu'elle n'est invisible au quotidien, l'ouïe sollicitée pour comprendre à quel instant ces jeunes femmes quitteront les toilettes pour qu'elle puisse à nouveau s'adonner à ses sanglots parfois bruyants. Elle les entend se remaquiller en gloussant, discuter de la soirée de la veille, de célébrités et parfois-même plus simplement de garçons du campus. Elle les entend vivre avec tant d'aisance qu'elle en vient à avoir honte de vivre elle-même. Elle les écoute faire toutes ces choses qu'elle ne fait pas. Qu'elle ne peut pas faire - parce que maman est morte. Elle ne peut rien faire, sans maman. Et quand bien même -elle le sait- elle ne les aurait quand même pas faites, toutes ces choses, il est toujours plus aisé de penser que tout est la faute de maman. parce que maman est morte.
Sous la répétition houleuse et douloureuse, Chaemi oublie la présence de ses aînées et fond à nouveau en larmes : bientôt un an que maman est partie, qu'elle l'a laissée seule avec de nouvelles personnes qu'elle doit désormais appeler famille sans même connaître quoi que ce soit de ceux-ci. Un an qu'elle se soumet aux ordres d'un père-inconnu, d'une sœur épouvantable, de frères effrayants - et qu'elle se force à y voir une famille. famille. famille. famille. famille. où est sa vraie famille, depuis qu'elle a volé en éclats ? où est papou ? l'enfant a honte, l'enfant est terrorisée, mais plus que tout, l'enfant est meurtrie et ne prend pas même la peine de s'excuser lorsqu'elle pousse violemment de ses deux mains l'une des femmes qui obstruait la sortie, se surprenant elle-même d'un courage si soudain. Elle traverse les couloirs en hoquetant, cachant parfois honteusement son visage dans le creux de ses mains pour cacher ses larmes, les enfouissant l'autre reste du temps dans ses poches en reniflant.
Elle pousse la porte d'un bâtiment qu'elle connait bien après avoir traversé une bonne partie de la Yonsei malgré son manque d'énergie. maman est morte. où est papou ? famille. Elle crispe sa mâchoire ; pauvre enfant perdue, elle en oublie même de songer un instant à Caden - journée anormale. oui mais anormale, parce que c'est bientôt l'anniversaire de maman. ou plutot celui de la mort de maman. Elle évite des corps d'étudiants qui la dévisagent, renifle davantage encore lorsque la honte barbouille ses joues d'un rose vif. Alors elle galope encore un peu jusqu'aux casiers, parce qu'elle sait qu'il sera là. Et lorsqu'elle aperçoit Naru, elle s'empresse de se jeter contre son torse en enroulant ses bras autour de ses côtes, enfouissant son visage dans son t-shirt pour y pleurer bruyamment, ne percevant alors plus aucune honte, comme protégée dans une bulle. dans ses bras. parce que maman est morte, que papou n'est pas là, mais que Naru est désormais sa famille. un frère véritable. tout ira bien un jour, Naru est là. « oppa, ne m'abandonne pas toi non plus, d'accord ? je t'aime trop, oppa.. » elle ne cesse d'hoqueter, y mêlant sa candeur et son désespoir. mais au fond, elle apprécie d'y avoir au moins gagné un véritable compagnon de vie et frère d'armes, un frère - d'avoir rencontré Naru.