Apprendre ? Découvrir ? Avoir un métier ? Qu’est-ce que j’en ai à foutre ? Je connais bien mieux la vie que le petit Rae Won du premier rang qui collectionne les bonnes notes. Au final, il aura surement une superbe baraque, un métier qui rapporte, une épouse formidable qui le trompera  avec des types comme moi quand  il sera au travail. C’est ce que j’appelle : Un juste retour des choses. On n’a rien sans rien et le pauvre Rae Won pourra dire ce qu’il voudra, il pourra pleurer sur ses jolies diplômes il restera une victime toute sa vie… Vous vous dites surement « mais qui c’est ce petit péteux ? » C’est un avis intéressant mais il est facile de juger ce que l’on ne comprend pas. Ne vous imaginez que je me la joue « type mystérieux » ou un truc dans le genre. La vérité c’est que je m’en fiche… Tout me blase… Tout m’ennuie… Parfois j’essaye d’imaginer mon avenir mais je ne vois rien que le néant…  Comme si je venais d’un autre monde, parce que je ne partage pas les délires des gens de mon âge. Malgré les apparences, je n’ai pas vraiment de problèmes pour me sociabiliser, j’ai pas mal de potes et je m’intègre très rapidement dans un groupe. Malheureusement, je ne suis pas membre de l’UNICEF alors je ne peux aimer tout le monde… Avec les femmes ? Tout va bien même si j’essaye de ne pas trop m’attacher… Oui… Je suis un tombeur… Tout du moins… Quand j’ai le temps parce qu’entre mon Job de mecano dans un petit garage et mes études… Disons qu’il me faut tout de même trouver un juste milieu. Car si je me fiche de l’opinion des autres ou de ma réussite, disons que j’ai tout de même l’intention d’aller le plus loin possible pour ensuite avoir le choix de gâcher ou non ma vie et tout cela, sans le moindre regret.

« Si tu vois un jour une étoile filante, suis là peu importe où elle te mènera. » Mon père n’avait de cesse de répéter ces mots lorsque j’étais encore gamin. Maintenant qu’il vit six pieds sous terre, je me demande si il a jamais suivit son propre conseil. Du peu que je me souvienne de lui, c’était probablement un type sympa qui obéissait à ses supérieurs, gagnait son argent honnêtement, passait ses soirées au Pachinko et tentait de nous faire vivre son rêve américain lorsqu’il ne rentrait pas trop bourré. Si je dois désormais évaluer l’importance de sa vie, je dirais qu’il l’a gâché et que son existence n’a été qu’une vaste fumisterie dans laquelle il n’avait même pas le rôle principal.

Les psychologues et autres escrocs du genre qui viennent palper votre oseille en vous faisant croire qu’il y a une raison à tout, diraient que je suis ce que l’on pourrait appeler un cas ayant des circonstances atténuantes, que ma jeunesse a été difficile en l’absence d’une véritable cellule familiale… Foutaise.  Si je fais des conneries c’est parce que j’ai envie de me sentir vivant, de ne pas passer mon temps à obéir à la société, à lacer ma cravate tous les matins pour me faire sodomiser par le grand capital lorsque l’on viendra saisir ma maison comme mon père avant moi.

Une bouteille de Nikka Black à 780 Yens entre les doigts, je tapote inlassablement le verre et me demande encore ce que je suis venue faire à cette soirée d’un ennui mortel. Il parait que j’ai cours demain… Que je vais entrer dans ma nouvelle école et qu’enfin je pourrais penser à mon avenir. C’est amusant… On est en 2014 et il y a encore des gens assez naïfs pour croire à ce genre de conneries ? Si je reste en dehors du système je n’ai aucune chance et si je l’intègre je n’aurais plus l’espoir qu’un autre monde est possible. Pourquoi aller en cours ? Je ne sais pas vraiment, disons que ça permet de me rappeler que j’ai raison de ne pas fréquenter tous ces gosses qui se mettent à hurler quand apparait à l’écran leurs stars préférés ou en hurlant « c’est ma chanson »

Soudainement, je repense à ma sœur, de ce que j’ai entendu elle s’est encore fait virer par sa famille d’accueil. Ça fait combien d’années qu’on nous balancer de familles d’accueils en familles d’accueils ? Hum… Mon géniteur est mort quand j’avais onze ans ça veut dire… Wow… Déjà dix ans… C’est fou comme le temps passe vite. Si je devais définir la relation que j’ai avec ceux qui jadis m’offraient le gite et le couvert, je dirais qu’ils ont fait ce qu’ils ont pu. Au moins, ils pourront dire à tous les culs bénis de leur paroisse que ce n’était pas de leur faute.

Je sors une Lucky Strike de ce qui avait dû ressembler à un paquet de clope… Foutut paquets rigides…  Je l’allume avant de finalement me lever, titubant jusqu’aux toilettes y laissant une trace historique pour marquer mon passage et me dirigeais doucement vers les escaliers. Je ne sais même pas ou je vais pioncer ce soir mais ça ne change pas, c’est la même à chaque fois que le soleil se couche. J’attrape mon téléphone et cherche dans mon répertoire qui pourrait bien m’héberger pour la nuit. Kyoko ? Ayumi ? Nana ? Hitomi ? Megumi ? Tomoko ? Je n’arrive même plus à mettre un visage à tous ces prénoms… Ah ouais… Je suis en Corée maintenant… alors ça sera… Kwon machin ? Su truc ? Ouais en fait je m’en fout… Tant qu’elle a du pognon…

Je choisis au hasard et monte dans un taxi comme elle m’a dit de le faire, je devais l’appeler quand j’arrivais pour qu’elle puisse payer l’homme. Je m’affalais alors au fond du siège, me demandant une fois encore ce que j’avais fait pour en arriver là. A force de trop profiter j’avais l’impression de m’être brulé les ailes. Oh…Je ne regrettais rien, juste de ne pas avoir, de temps à autre quelques pauses dans cette vie si mouvementé ou finalement rien ne se passait. L’université possédait un campus et des chambres à bas prix, c’était surement pour ça que je m’y étais inscrit au lieu de faire Dockers sur le port… ça et le fait que j’ai jamais eu besoin de bosser pour être le meilleur…

Le taxi arriva devant une suite d’appartement luxueux, je pris ma bouteille et monta les marches sachant très bien qu’une fois encore, je risquais de le payer de ma personne. On ne donne jamais rien sans rien et je l’avais appris au fur et à mesure des années. Même  ceux qui font du bénévolat le font pour se sentir important aux yeux des plus démunis… On vit dans un monde d’hypocrite alors… Kanpai !