The beginning of a new chapter

Feat Eun Sil

tenue - Je suis restée exactement une heure et vingt six minutes devant cette porte à attendre que quelqu’un arrive. J’ai sonné et toqué une dizaine de fois et j’a fini par abandonner, plus par peur d’être prise pour une harceleuse que par dépit. J’ai fait un peu de hors forfait en envoyant des messages à ma famille pour leur faire savoir que j’étais bien arrivée, j’ai joué à tous les jeux possibles sur mon portable et ma tablette avant de me résoudre à faire une sieste sur les escaliers de l’immeuble en attendant qu’on vienne me réveiller. Le réveil avait été assez dur ce matin et j’avais un peu de mal à garder les yeux ouverts, d’autant plus qu’il faisait incroyablement bon dans cette cage d’escalier. Lorsque j’ouvre à nouveau les yeux, quelqu’un a installé ses affaires à quelques mètres de moi. Une jeune fille, placée face à la porte et les yeux rivés vers son portable, semble bien concentrée. Pas un bonjour, pas un regard, peut-être est-elle en train d’appeler la police pour me faire dégager de son immeuble ? Mais les affaires qu’elle traîne derrière elle semblaient être les siennes, ce qui me rassure sur le fait que nous étions toutes les deux dans la même situation. Oui mais voilà, la jeune demoiselle a au moins eu la bonne idée de demander le code d’entrée du dortoir avant d’emménager. Me relevant doucement en me demandant depuis combien de temps elle est là à m’observer dormir, je passe mes mains sur l’arrière de mon pantalon pour le dépoussiérer et m’incline devant la demoiselle pour la saluer. C’est ce que ma grand-mère m’a dit de faire à chaque fois que je rencontre quelqu’un de nouveau, c’est apparemment la façon la plus polie de dire bonjour à quelqu’un dans ce pays, alors vu que l’intégration est de mise, il faut que je joue le rôle à fond. « Bonjour ! » En passant, c’est aussi l’occasion pour moi de tester mon coréen autre qu’avec ma grand-mère et ça, c’est déjà plus effrayant.

Quand la petite musique indiquant que la porte vient de se déverrouiller, je ne peux me retenir et lâche un gros soupir de soulagement, suivi d’un rire nerveux. Je viens de passer une heure et demi à attendre que cette foutue porte s’ouvre enfin et cette jeune fille qui est arrivée il y a seulement deux minutes a résolu le problème en un claquement de doigts. J’avoue me sentir un peu seule à rire bêtement, je pensais que la demoiselle me suivrait mais aucune réaction de sa part. Bon… Entre une timide comme elle et une étrangère comme moi, on va faire la paire ! J’attends qu’elle soit rentrée avec ses affaires et je lui emboîte le pas silencieusement, tirant tous mes affaires comme un buffle. Un sourire apparaît lorsque je découvre la pièce à vivre, contenant la cuisine. C’est simple mais c’est exactement ce à quoi je m’attendais et le plus important c’est que tout soit propre. Je pose mes bagages dans un coin et commence à arpenter le salon, toute excitée à l’idée de passer les prochains mois de ma vie dans cette demeure. « Wow, c’est super ici… » Même si je sais que je n’aurai sûrement aucune réponse de la jeune coréenne, je m’exprime quand même dans mon coin parce que, bon sang, je suis vraiment contente d’être là. Je vais enfin commencer ma nouvelle vie loin de tout ce tumulte chinois, loin des strass et des paillettes, loin des défilés et des objectifs. Je vais enfin être moi-même, Mei Lian, l’étudiante chinoise dans un pays étranger. J’en trépigne déjà d’impatience.

La petite voix de la jeune fille se fait à nouveau entendre, attirant directement mon attention. Je souris encore davantage, ravie de voir qu’elle s’adresse à moi et qu’en plus elle me propose de la nourriture. Je l’aime déjà, cette demoiselle ! Je m’approche de la cuisine, m’asseyant sur une des chaises hautes. « Oui, beaucoup ! » je répondis, riant de bon cœur. Les bras croisés sur le plan travail, je la regarde déballer ses tupperware devant moi et j’en ai déjà l’eau à la bouche. De la nourriture, coréenne et faite maison qui plus est. Elle sait comment parler à mon estomac, je sens qu’on va s’entendre à merveille. « Ca a l’air vraiment trop bon. C’est toi qui a cuisiné tout ça ? » Je lève les yeux vers elle et remarque qu’elle fuit toujours mon regard. Pour ne pas la brusquer, je respecte l’espace qu’elle a instauré entre nous pour le moment mais cherche quand même à en savoir plus sur ma future colocataire. Les plus timides sont souvent des adorables personnes une fois qu’on réussit à défaire les couches supérieures. « Et comment tu t’appelles ? »