Camden – Octobre 2008

«Amyyyy ! Are you fucking pooping right now ? Here ? Get off the toilets ! Need to fix my hair ! » ma main manucurée d'un vernis noir toquai contre la porte. Un toilette pour des dizaines et des dizaines de personnes, bienvenue en Angleterre. Crasse, graffiti, serviettes hygiéniques usagées près de la poubelle, papier toilettes se déroulant tout le long du parquet en bois, petites gouttes de pisse de je ne sais quel homme ne sachant pas viser sur la cuvette, et bien entendu, des tas de prospectus et autre affiches collées sur la porte, voilà de quoi était constitué le pub anglais de base. Elle était vraiment en train de faire ses besoins ici ? Le concert n'allait pas tarder à reprendre en plus, je voyais déjà les musiciens se remettre en place. Tout juste le temps pour moi d'aller fumer un petit quelque chose. «see ya late' » Je tournai mes talons direction le bar pour commander une bière et un petit truc rien que pour moi. Ici ils me connaissent bien. Je ne venais pas tout les jours, mais j'étais  une bonne consommatrice. « Thanks » Verre et cigarette en main je sortis du pub pour prendre un peu l'air sur le trottoir. Une gorgée, puis une taff. Je finis par m'approcher d'une voiture garée dans la rue, et me penchai vers le rétroviseur de celle-ci pour essayer de me recoiffer un peu, alors qu'au même moment la vitre s'abaissa ce qui me fait reculer de quelques pas. « What the fu...No no no sorry ! I'm not in ! Not today ! It's my day off tonight ! » Grand sourire hypocrite adressé au conducteur sans même avoir regardé son visage. C'était interessant de se faire passer pour une prostituée pour les faire fuir ou juste comme là, pour éviter de me faire engueuler. Je repris ma boisson et ma clope et retournai dans le pub. C'était encore un des rares pubs ou on pouvait fumer à l'intérieur malgré l'interdiction établie depuis deux ans. C'est tant mieux. Au moins on était dans l'ambiance. Et d'ailleurs j'arrivai au bon moment puisque la musique reprenais sur un bon son des Beatles. Voilà pourquoi j'aimais ce groupe : The Pussy Bushes. Ils faisaient de tout. Ils reprennaient tout, ils le faisaient à leur sauce et c'était juste génial. Et l'ambiance bordel. J'aimais tellement. C'est là où j'avais rencontré mon ex d'ailleurs, petit chanteur d'un petit groupe pas très connu en 2005 qui un an plus tard sortait son album. Assise à côté du bar, je cognai mon talon contre le pied d'un haut tabouret sur le rythme de la musique en chantant gaiement les paroles de la chanson. C'était comme ça que je les aimais les soirées. C'était encore mieux qu'une soirée rugby, c'était juste des gens, là pour la musique. On ne se connaissait pas, et on s'en fichait et pourtant il y avait bien quelque chose qui nous réunissait.

Je fini par me lever du tabouret pour pousser les gens à coup de « sorry » afin de me mettre tout devant. C'est là où on voyait le mieux. Et fuck, le batteur était grave canon. Tout à l'heure je lui avais envoyé mon haut, pendant qu'ils reprenaient du Rolling Stone du coup ça faisait bien vingt minutes que je me baladais en soutif-veste en jean mais ça les anglais ils s'en fichaient. Finalement le pub se combla de plus en plus, comme si y avait écrit entrée gratuite et que la salle pouvait s'étendre par magie. Mais la magie c'était bien qu'à poudlard. Nous pauvres moldus, n'avions pas cette capacité, et par conséquent, je ne sait trop comment je terminai à quatre rangs de là où j'étais initialement. Coupée en plein flow par ma collègue Amy, je fus traînée un peu à l'écart pour qu'elle me raconte je sais pas quoi. « What ? Yeah ! Yeah ! Nooooo wayyyyy  really? » j'entendais rien mais je faisais semblant « OMG ! Wait ! That's this ! This ! This is MY SONG ! » et en un éclair je disparu pour me fondre dans la masse et commencer à chanter « When she woke up late in the morning light » J'en poussai un, puis un autre de mes épaules menues, « and the day had just begun ! She opened up her eyes and thought OH WHAT A MORNING ! » ma bière cogna contre une blondasse, je m'excusai avec la main. « It's not a day for work ! It's a day for catching taaan ! Just laying on the beach and having fuuuun » Je m'agrippai au premier mec venu pour presque lui crier dessus, bière dans une main, clope dans l'autre, « SHE'S GOING TO GET YOUUUU ! AAAAALL THAT SHE WANNNNTS IS ANOTHER BABY ! SHE'S GONE TOMORRRRROW ALL THAT SHE WAAAIT YOU FUCKIN KOREAN ? » croisais un ici. Est-ce qu'il était réel même ?  «T'es un adopté ?» demandai-je en lui tendant ma bière. Vas-y prions pour qu'il soit adopté. J'aime pas les coréens de la Corée. Ils puent le riz en plus.

Camden – Octobre 2008

« RICK ! THE FUCK, MATE ?! » Vous comprenez, il fallait bueugler pour se faire entendre, dans ce genre d'endroits. N'importe quelle conversation normale se transformait en pseudo-engueulade et honnêtement, je trouvais ça plutôt magique. C'était la beauté des bars, hé, même s'il n'y avait rien de comparable avec l'Irlande (Ever been in an irish fight ? No ? Just don't try. ). Le fait de devoir parler fort, ça me faisait penser aux portugaises qui travaillaient à la cafétéria de l'université... lorsque ça jacassait entre-elles, croyez-moi que ça ressemblait plus à une dispute qu'autre chose. Du moment qu'elles me servaient mon café sans se mettre à me traiter de « filho » de quelque chose, on était quittes, remarquez.

Bon, en attendant, Rick, il avait l'air plus occupé à parler avec le barman que motivé à m'apporter ma pinte, ce qui, dans mon état actuel, ne me plaisait pas trop. Il voulait que je meurs de soif, sans bière ?! Forçant un peu le passage en jouant des épaules entre les gens, l'alcool aidant à ne pas faire gaffe aux autres, j'arrivais enfin à hauteur de mon pote. « Comment ça, tu veux pas aller écouter ? » Mais il était sérieux, lui ? Il préférait draguer son serveur, ok. Respect et bon courage. « Meh... » Sans plus m'attarder au bar, je me frayais un chemin en sens inverse, afin de m'approcher des musiciens (mais sans lâcher ma boisson des lèvres pour autant), jusqu'à enfin trouver un bon spot. Ah, les basses et la guitare qui déchiraient les oreilles, y'avait que ça de vrai, moi je vous le dis... c'était pas mes trente piges qui m'empêcheraient de profiter de Camden. NEVER EVER. Sans trop faire attention aux alentours ou aux gens qui me poussaient au rythme de la mélodie, je fus néanmoins sorti de on état second par une drôle de voix qui parvint à mon oreille gauche. « QUOI ? » J'ai compris Korean. Ca devait être un réflexe conditionné de ma part, genre, en tant qu'étranger, d'entendre ça. Quelle ne fut donc pas ma surprise, en tournant la tête, de découvrir... une asiatique. Et sa question suivante me parut tout aussi bizarre que son visage d'avion de chasse. Impossible de savoir s'il s'agissait d'une métisse ou quoi. Dans les deux cas, j'en oubliais rapidement le band sur scène et pris sa boisson pour en boire un peu, avant de lui donner ma Guiness. Echange standard, j'imagine ? C'est pas comme si on allait se refiler de la drogue via nos binch, hein ? « Nope ! Je me suis barré avant de devenir fou ! Toi ? » En sentant qu'on se faisait pousser, je répliquais sans ménagement au gêneur (ou à la gêneuse, remarquez, le respect était mort ce soir), afin de pouvoir tenir mon visuel avec mon interlocutrice. « C'est quoi ton nom ? » Elle était trop belle, wow.

Camden – Octobre 2008

Londres capitale de toutes les rencontres. C'est ce qui était beau dans cette ville. Peu importe où on allait, les gens étaient conviviaux, accueillants, et surtout chaleureux. Quoi que la petite grand-mère fan d'Elizabeth et du couple princier qui vous offrait du Earl Grey matin midi et soir avec de le gelée en guise de dessert n'était pas sincèrement le synonyme de « chaleureuse » je dirai même plutôt désagréable. Toutefois pas d'inquiétude ces fameuses petites grannies n'étaient qu'une infime partie de ce qui se trouvait dans les suburbs de Londres. Mais revenons à nos moutons, dans ce fameux pub de Camden, lieu où toutes les nationalités se rencontraient. Et pour dire, le jeune -et grand- asiatique qui me barrait à présent la route faisait partie de ces gens que j'aimais bien. Sa réponse à ma question fut nette, précise, et me plaisait carrément. Armé de mon plus beau sourire je lâchai un pauvre rire, avant de tremper mes lèvres dans sa Guiness. M'humectant les lèvres en fronçant les sourcils, afin de juger un peu le contenu de son verre, je pris une seconde gorgée avant de lui rendre sa boisson. «Je suis bien contente d'entendre que t'as fuis ton vieux pays...mais à juger par le choix de ta bière, j'en conclue que t'es qu'un pauvre touriste, vivant là depuis quoi...deux semaines ? » J'avais du hausser un peu le ton de ma voix pour lui parler. Sans plus attendre j'attrapais son poignet et l'emmenais un peu plus loin, dans un coin du pub où on pourrait s'entendre un peu mieux parler. Clope toujours en main, je fis tout de même attention à ne brûler personne jusqu'à ce qu'on arrive dans un coin, pas très loin de l'entrée, ni trop près pour se prendre des coups de porte. «Donc tu veux savoir mon prénom ? Je te laisse deviner. » croisant mes jambes, je posai ma pinte entre mes jambes puis coinçai ma cigarette entre mes lèvres, le regard fixé sur ce fameux Coréen. Etonnant...Plutôt grand, pas degueu à regarder, et un regard de chien battu, ou au choix, un regard nourri au haschich . Pour le coup je savais pas trop. « En y regardant de plus près t'as pas la tête d'un Coréen pur...ou alors t'as refait ton nez mais...c'est weird » dis-je en secouant la tête avant de recracher la fumée de ma cigarette par ma bouche. «Tu dois être half something...half korean...ou..je sais pas...t'es juif ?»