heavy dirty souls ✗ dukna
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heavy dirty souls ✗ dukna | Ven 12 Mai - 12:08 Citer EditerSupprimer
heavy dirty souls
jae duk ✗ mei na
Trois fois que je regarde ma montre et trois fois que je constate que l’aiguille est toujours positionnée sur cinquante-sept. « Putain ». J’ai même l’impression que plus je la fixe, moins elle avance. J’ai juste envie de me tirer, de rentrer chez moi mais je suis encore loin d'avoir fini mon service. Alors j’attends la pause avec impatience, mon pied tape machinalement contre le parquet lustré du club. Mes collègues passent à côté avec un sourire, celui qui se veut compatissant parce qu’on connaît toutes ce besoin vital de fuir d’ici même si ce n’est que pour quelques ridicules minutes. Et quand enfin vient la délivrance, je dénoue à la hâte mon tablier et m’échappe vite par la porte de service. Mes talons martèlent le sol, le bruit résonne entre les murs délavés. Parfois, je me demande pourquoi je continue à venir bosser ici alors que je hais ce boulot du plus profond de mes tripes. Je déteste faire la plante verte, la poupée qu’on peut traiter comme de la merde sous prétexte qu’elle sert qu’à servir ces pervers, ces infidèles qui viennent se rincer l’œil car leur femme n’est plus du tout à leur goût, trop défraîchies par le temps qui malheureusement, ne fait de cadeau à personne. Pour les clients, je ne suis qu’un bout de chair fraîche devant lequel ils peuvent baver, humer en toute impunité. Je hais ça, je répugne leurs regards lubriques de tout mon être mais je reste. Parce que je peux pas cracher sur la paie qui me revient à la fin du mois, les gros pourboires qui gonflent mes poches chaque soir et qui me permettent de vivre. Je sais, y’a d’autres jobs plus respectables mais avec un aussi gros chèque ? Non, ça n’existe pas. Pas quand on est dans ma situation, sans diplôme, sans qualification. Alors oui je me vends avec des sourires, des tenues trop courtes et des talons haut perchés. Je déteste ça mais j’ai pas le choix.
Alors quand vient le temps de la clope, je crève l’abcès, laisse tout mon dégoût s’évaporer dans les nuages de nicotines et je me laisse rêver à un avenir plus doré. Rêver seulement parce que je sais bien que ça ne sera jamais autre chose. La lourde porte passée, je retrouve sur le mur qui me supporte à chaque fois mais j’oublie toujours les invités non désirés, les camés à la recherche d’un coin isolé ou les pauvres fêtards qui ne sont plus capables de faire un pas sans trébucher sur leurs propres pieds. Et ce soir, il est là. Il peut squatter plusieurs soirs comme disparaître pendant des semaines mais il revient toujours au même endroit, éteint, livide, tordu dans une position presque inhumaine. Mais à chaque fois, je peux pas m’empêcher de vérifier s’il est toujours vivant. Des cadavres, j’en ai plein mon placard. Un de plus n’y changerait rien mais j’ai pas envie d’en prendre la responsabilité. La clope allumée, coincée entre les lèvres, je le pousse du bout du pied. Pas de réaction. Je retente, plus fort cette fois et quand je l’entends grogner comme un homme des cavernes, je me dis que j’ai accomplie ma bonne action de l’année. Et comme à chaque fois, je m’éloigne, ignorant sa silhouette voûtée, mes yeux se perdant dans les sillons du mur tagué.
Alors quand vient le temps de la clope, je crève l’abcès, laisse tout mon dégoût s’évaporer dans les nuages de nicotines et je me laisse rêver à un avenir plus doré. Rêver seulement parce que je sais bien que ça ne sera jamais autre chose. La lourde porte passée, je retrouve sur le mur qui me supporte à chaque fois mais j’oublie toujours les invités non désirés, les camés à la recherche d’un coin isolé ou les pauvres fêtards qui ne sont plus capables de faire un pas sans trébucher sur leurs propres pieds. Et ce soir, il est là. Il peut squatter plusieurs soirs comme disparaître pendant des semaines mais il revient toujours au même endroit, éteint, livide, tordu dans une position presque inhumaine. Mais à chaque fois, je peux pas m’empêcher de vérifier s’il est toujours vivant. Des cadavres, j’en ai plein mon placard. Un de plus n’y changerait rien mais j’ai pas envie d’en prendre la responsabilité. La clope allumée, coincée entre les lèvres, je le pousse du bout du pied. Pas de réaction. Je retente, plus fort cette fois et quand je l’entends grogner comme un homme des cavernes, je me dis que j’ai accomplie ma bonne action de l’année. Et comme à chaque fois, je m’éloigne, ignorant sa silhouette voûtée, mes yeux se perdant dans les sillons du mur tagué.
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Re: heavy dirty souls ✗ dukna | Dim 14 Mai - 18:44 Citer EditerSupprimer
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jae duk ✗ mei na
Y a l’temps qui passe, y a les journées qui défilent, m’rapprochent d’ce fameux jour, celui qu’j’ai choisi y a quelques mois, celui où j’vais enfin pouvoir m’casser d’ici. Pas qu’j’ai spécialement hâte de ça ; j’veux surtout arrêter d’avoir mal.
Arrêter tout ça une bonne fois pour toute, pouvoir tirer ma révérence comme j’en ai envie.
Et pas finir comme ma mère, surtout pas finir comme ma mère.
Finir comme mon père l’déchet ça m’dérange pas trop par contre. C’pour ça qu’j’ai pris l’habitude d’boire et d’atterrir dans cette vieille ruelle, où y a qu’les poubelles et les rats ; et parfois la chieuse qui travaille au Nymphea.
Bon d’accord elle est bonne. En tout cas elle l’a l’air et j’dirais pas non pour aller plus loin, mais. elle. est. ultra. chiante.
Pourquoi elle m’laisse jamais piquer mon p’tit roupillon en paix même ? Toujours à m’pousser du bout du pied comme si j’avais la peste. Alors c’presque devenu un jeu, et j’me ramène ici aussi pour la faire chier (et puis parce qu’j’ai pris l’habitude).
Comme ce soir.
Après avoir un peu trop enchaîné les verres, j’me retrouve à mon endroit habituel (j’devrais peut-être gravé mon nom sur les murs ; la seule fois où j’ai essayé d’laisser ma trace c’était en essayant d’écrire jaeduk avec ma pisse mais j’ai abandonné après ‘jae’).
Enfin bref.
J’suis donc là, affalé par terre à décuver tranquillement sans faire d’mal à personne, quand j’sens un pied qui m’bouscule. D’abord j’bouge pas, j’suis trop occupé à comater.
Sauf qu’elle continue, et j’finis par pousser un grognement pour lui exprimer l’fond d’ma pensée (et lui expliquer qu’putain, j’suis pas un paillasson) (même si en vrai ça j’m’en fous, j’suis pas à ça près).
Puis elle s’tire, enfin j’crois, j’me relève un peu, j’plisse les yeux, j’tente de voir, et j’l’aperçois pas loin.
J’aperçois surtout l’rougeoiement d’sa clope.
« skejpavoirssi » que j’tente d’abord, la bouche pâteuse et la voix à peine audible. J’ai mal au crâne, y a l’monde qui tourne autour d’moi, j’crois que j’vais pas tarder à vomir.
En tout cas j’la sens, la nausée. Mais elle m’empêche pas d’m’avancer vers la meuf. Enfin d’me traîner un peu, et puis finalement m’adosser à un mur, l’cul toujours par terre. c’est crade mais bon, j’suis pas à ça près. j’ai déjà connu et fait pire après tout.
« s’que j’peux en avoir aussi ? » Ouais cette fois j’y arrive mieux. J’agite la tête en direction d’sa clope mais j’aurais pas dû parce que j’vois trente-six chandelles d’un coup.
Putain en vrai j’suis une pub vivante contre l’alcool. J’suis même sûr j’peux m’faire du blé avec ça ; pas besoin d’maquillage et d’effets spéciaux avec moi, suffit juste d’montrer ma gueule. Et j’peux même accessoirement leur dégueuler dessus, c’est cadeau.
« J’peux t’rembourser en nature s’tu veux. » J’souris mais intérieurement j’fais pas trop l’malin ; j’sais pas si d’un instant à l’autre j’vais pas m’mettre à vomir tout l’contenu d’mon estomac.
Ou si même j’vais pas nous faire un bon vieux comas éthylique des familles. J’suis même sûre qu’si ça arrivait elle m’ramènerait chez elle pour m’transformer en paillasson. Après tout elle a commencé à prendre l’habitude, ses chaussures doivent m’kiffer (même si la réciproque est pas trop vrai m’bon).
Arrêter tout ça une bonne fois pour toute, pouvoir tirer ma révérence comme j’en ai envie.
Et pas finir comme ma mère, surtout pas finir comme ma mère.
Finir comme mon père l’déchet ça m’dérange pas trop par contre. C’pour ça qu’j’ai pris l’habitude d’boire et d’atterrir dans cette vieille ruelle, où y a qu’les poubelles et les rats ; et parfois la chieuse qui travaille au Nymphea.
Bon d’accord elle est bonne. En tout cas elle l’a l’air et j’dirais pas non pour aller plus loin, mais. elle. est. ultra. chiante.
Pourquoi elle m’laisse jamais piquer mon p’tit roupillon en paix même ? Toujours à m’pousser du bout du pied comme si j’avais la peste. Alors c’presque devenu un jeu, et j’me ramène ici aussi pour la faire chier (et puis parce qu’j’ai pris l’habitude).
Comme ce soir.
Après avoir un peu trop enchaîné les verres, j’me retrouve à mon endroit habituel (j’devrais peut-être gravé mon nom sur les murs ; la seule fois où j’ai essayé d’laisser ma trace c’était en essayant d’écrire jaeduk avec ma pisse mais j’ai abandonné après ‘jae’).
Enfin bref.
J’suis donc là, affalé par terre à décuver tranquillement sans faire d’mal à personne, quand j’sens un pied qui m’bouscule. D’abord j’bouge pas, j’suis trop occupé à comater.
Sauf qu’elle continue, et j’finis par pousser un grognement pour lui exprimer l’fond d’ma pensée (et lui expliquer qu’putain, j’suis pas un paillasson) (même si en vrai ça j’m’en fous, j’suis pas à ça près).
Puis elle s’tire, enfin j’crois, j’me relève un peu, j’plisse les yeux, j’tente de voir, et j’l’aperçois pas loin.
J’aperçois surtout l’rougeoiement d’sa clope.
« skejpavoirssi » que j’tente d’abord, la bouche pâteuse et la voix à peine audible. J’ai mal au crâne, y a l’monde qui tourne autour d’moi, j’crois que j’vais pas tarder à vomir.
En tout cas j’la sens, la nausée. Mais elle m’empêche pas d’m’avancer vers la meuf. Enfin d’me traîner un peu, et puis finalement m’adosser à un mur, l’cul toujours par terre. c’est crade mais bon, j’suis pas à ça près. j’ai déjà connu et fait pire après tout.
« s’que j’peux en avoir aussi ? » Ouais cette fois j’y arrive mieux. J’agite la tête en direction d’sa clope mais j’aurais pas dû parce que j’vois trente-six chandelles d’un coup.
Putain en vrai j’suis une pub vivante contre l’alcool. J’suis même sûr j’peux m’faire du blé avec ça ; pas besoin d’maquillage et d’effets spéciaux avec moi, suffit juste d’montrer ma gueule. Et j’peux même accessoirement leur dégueuler dessus, c’est cadeau.
« J’peux t’rembourser en nature s’tu veux. » J’souris mais intérieurement j’fais pas trop l’malin ; j’sais pas si d’un instant à l’autre j’vais pas m’mettre à vomir tout l’contenu d’mon estomac.
Ou si même j’vais pas nous faire un bon vieux comas éthylique des familles. J’suis même sûre qu’si ça arrivait elle m’ramènerait chez elle pour m’transformer en paillasson. Après tout elle a commencé à prendre l’habitude, ses chaussures doivent m’kiffer (même si la réciproque est pas trop vrai m’bon).
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Re: heavy dirty souls ✗ dukna | Sam 20 Mai - 16:04 Citer EditerSupprimer
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C’est qu’il me ferait presque pitié ce type. Presque parce que, pour ça, faudrait déjà que m’y intéresse. Le truc de vérifier s’il est toujours en vie, c’est pour pas finir en taule pour non-assistance en personne en danger. Un accident est si vite arrivé : il s’étouffe avec son vomi, comas éthylique, hypothermie. Bref, que des trucs qui me mettraient dans la merde si ça lui arrivait juste à côté de moi. Alors c’est juste pour la forme. Je le tape, il grogne, se retourne (parfois il y arrive pas), baragouine dans une autre langue, je finis ma clope et je retourne à mes pervers. C’est pas franchement mieux, faut le dire, je préférerai même rester dehors, à le regarder se viander par terre à chaque fois qu’il essaie de se relever. Mais c’est pas ça qui me fera gagner du fric. Les vieux dégueu’, oui.
Ma bonne action faite, je retourne à ma place habituelle, histoire de profiter du peu de répit qui me reste avant qu’une des autres serveuses débarque et m’annonce que le spectacle reprend. Je parle pas de celui qui se joue sur scène et qui fait baver tous ces messieurs mais plutôt de celui qu’on performe nous, dans l’ombre : sourire de façade, maquillage soulignant à la perfection nos traits et s’en parler des tenues de qu’on aborde, sans jalouser celles des danseuses. Sois belle et tais-toi. C’est comme ça qu’on survit dans ce milieu. Un jour, je me tirerai de cet endroit miteux, de ces vieux au regard lubrique et cette épave humaine qui commence à émerger de son sommeil alcoolisé. « La Belle au bois dormant se réveille ... ». Un nuage de cigarette s’échappe de ma bouche à chaque mot tandis que je regarde la chose s’éveiller. Et tient, le voilà qui essaie de communiquer. Je fais un pas de côté pour rester à une distance convenable, au cas où il me gerberait sur les pompes, vu la gueule qu’il a, ça devrait pas tarder.
Fausse alerte (pour l’instant), y’a que des brides de mots qui sortent de sa bouche. Mais je fais pas vraiment d’efforts pour le comprendre et puis c’est tellement incompréhensible ce qu’il raconte. Puis la deuxième tentative, on se rapproche un peu plus d’un truc cohérent. « Non ». Je réfléchis pas à la réponse parce qu’elle est déjà toute faite et elle sort toute seule. « Tu te vends pour une clope ? C’est triste ». Les filles au bordel, elles avaient au moins le mérite de faire ça contre un peu de thune. « Et qu’est-ce qui te fait croire que je voudrai coucher avec toi ? Tu m’as pas l’air d’être un mec capable de faire grimper une fille au rideau. T’as vu ta gueule ? Non t’as raison, vaut mieux pas, tu risquerais de tourner de l’œil ». Qu’il prenne une douche aussi, ça lui ferait sûrement pas de mal. Même de là, j’arrive à sentir l’alcool de son haleine.
Ma bonne action faite, je retourne à ma place habituelle, histoire de profiter du peu de répit qui me reste avant qu’une des autres serveuses débarque et m’annonce que le spectacle reprend. Je parle pas de celui qui se joue sur scène et qui fait baver tous ces messieurs mais plutôt de celui qu’on performe nous, dans l’ombre : sourire de façade, maquillage soulignant à la perfection nos traits et s’en parler des tenues de qu’on aborde, sans jalouser celles des danseuses. Sois belle et tais-toi. C’est comme ça qu’on survit dans ce milieu. Un jour, je me tirerai de cet endroit miteux, de ces vieux au regard lubrique et cette épave humaine qui commence à émerger de son sommeil alcoolisé. « La Belle au bois dormant se réveille ... ». Un nuage de cigarette s’échappe de ma bouche à chaque mot tandis que je regarde la chose s’éveiller. Et tient, le voilà qui essaie de communiquer. Je fais un pas de côté pour rester à une distance convenable, au cas où il me gerberait sur les pompes, vu la gueule qu’il a, ça devrait pas tarder.
Fausse alerte (pour l’instant), y’a que des brides de mots qui sortent de sa bouche. Mais je fais pas vraiment d’efforts pour le comprendre et puis c’est tellement incompréhensible ce qu’il raconte. Puis la deuxième tentative, on se rapproche un peu plus d’un truc cohérent. « Non ». Je réfléchis pas à la réponse parce qu’elle est déjà toute faite et elle sort toute seule. « Tu te vends pour une clope ? C’est triste ». Les filles au bordel, elles avaient au moins le mérite de faire ça contre un peu de thune. « Et qu’est-ce qui te fait croire que je voudrai coucher avec toi ? Tu m’as pas l’air d’être un mec capable de faire grimper une fille au rideau. T’as vu ta gueule ? Non t’as raison, vaut mieux pas, tu risquerais de tourner de l’œil ». Qu’il prenne une douche aussi, ça lui ferait sûrement pas de mal. Même de là, j’arrive à sentir l’alcool de son haleine.
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