### si bae a disparu dans la nuit ; bagheera, elle, le cherche encore. parce que son enveloppe charnelle est désormais vide ; parce que les molécules se dispercent sans qu'elle puisse réussir à les rassembler. alors maintenant qu'elle a remis les pieds dehors bagheera erre, en reprenant peu à peu leurs habitudes, mais seule. elle a cette analyse sur le monde qui change, qui devient plus floue. et quand elle n'a pas la force de s'échapper, la meilleure alternative reste la contemplation d'un ciel étoilé. elle ne compte plus le nombre de fois ou ils se sont retrouvés ainsi, à se perdre dans des discussions qui n'avaient aucun sens pour les autres, et qui pourtant, les emmenaient vers des découvertes inattendues. la pyobeom pousse finalement la porte du toit, s'assurant d'être seule. à peine à l'extérieur, la demoiselle inspire une grande bouffée d'air, et part s'installer un peu plus loin, à même le sol. les lumières de la rues éclairent légèrement autour d'elle, alors qu'elle s'allonge sur le sol, croisant ses mains sous sa tête. lentement, ses lèvres miment ses souvenirs, se remémorant certaines conversations qu'ils ont pu avoir ensemble. peu à peu, elle a même cette impression qu'il est là, juste à côté d'elle. elle s'imagine son visage près d'elle et peut à nouveau ressentir sa présence. parfois, on pourrait même deviner un léger sourire s'étirer sur ses lèvres. et elle reste là, coupée du monde sans se rendre compte du temps qui passe. ses yeux se ferment quelques secondes avant de découvrir à nouveaux ces étincelles de lumière dans l'obscurité. sa tête se tourne en douceur vers la gauche, puis vers la droite alors qu'elle imagine encore cette formule, essayant éternellement de mettre la main sur cet inéluctable inconnu qui a tout fait chaviré.

 Allongé dans son lit In Su fixe le plafond. Le sommeil le fuit dans ces draps propres, dans ce lit confortable et moelleux. Sa cigarette coincée entre ses lèvres il tire une latte. Il sait qu’il n’a pas le droit de fumer dans le dortoir mais il s’accorde quelques droits. Une chambre vide rien que pour lui, des draps qu’on lui prête, un toit qui l’abrite. Il s’est promis de se reprendre en main rapidement. Il a juste besoin de se cacher encore un peu … et quoi de mieux que de se noyer dans une foule pour disparaitre. Pourtant cette foule l’effraie.  Il déteste cette idée. Il déteste cette sensation. Il se sent bruler de l’intérieure. Il cri mais personne n’entend. Il supplie mais personne ne s’arrête. Il se sent dépérir de l’intérieure. Le silence est assourdissant et le bruit angoissant. Rien ne le réconforte. Ni la musique, ni la bonne nourriture. Il se déteste. Il se hait. Il se sent seul. Sourit au monde entier. Il sourit à la vie. Il fait semblant. Il dupe tout le monde, ce monde qu’il s’applique à fuir dès qu’il en a l’occasion.  Il n’arrive même pus à se regarder dans le miroir. Lui, ce coupable, ce taulard. On ne voit plus que ça de lui. Il est loin le In Su qui savait rire de tout, qui agissait comme un con et que rien ne pouvait atteindre. Il est loin le In Su qui dormait en cours et passait le plus claire de son temps debout sur un skate. Il crève le In Su d’avant, engloutit dans cette noirceur. Opaque et oppressante. Il manque d’air. Il se redresse. Attrape son sweat à capuche et l’enfile rapidement. Gravit rapidement ces marches qu’il connait par cœur et monte sur le toit. Il arrive en courant, déboule au milieu de la terrasse et reprends son souffle comme un nouveau. Ça le brûle, sa respiration est retenue en apnée depuis trop longtemps. Il lâche un gémissement et donne un coup de poing dans l’air. Comme pour se battre avec un ennemi invisible. Lui-même. Il lâche un nouveau gémissement avant de tituber doucement près d’un banc. Il se laisse tomber dessus. Il souffle, assez fort pour creuser ses poumons. Il tente de retrouver son calme mais c’est dur quand votre corps devient votre propre prison. Ça lui brule la peau d’être lui. Il passe une main dans ses cheveux et s’allume une nouvelle cigarette. Il n’a pas vu Bagheera. Il est enfermé dans son monde, il tend la main vers le ciel comme pour attraper les étoiles mais fini par les masquer de sa main. Finalement elles sont un peu comme lui. On les voit mais elles sont déjà mortes. C’est d’une tristesse infime pourtant les gens y voient une certaine poésie. In Su n’y voit qu’une mort certaine et un bonheur factice. Elles ne sont plus, il n’est plus là.

### une légère brise vient plaquer quelques mèches de cheveux à son visage. ses lèvres continuent de dessiner ces semblants de moments qui se sont envolés à jamais. son regard divague alors qu'un frisson parcours son corps. elle pousse un soupir, ce soir n'est pas propice à de nouvelles réponses, elle s'en rend compte. pourtant, elle n'ose pas encore bouger, préfère profiter encore un peu de l'instant. 'les gens associent souvent une personne perdue aux étoiles. si une personne à qui tu tiens finit par mourir, tu te l'imagine en observant une de ces lumières qui t'interpelles. c'est aussi simple que ça. bon, c'est surtout des histoires pour les enfants, pour supporter le deuil. mais ça fait sûrement du bien, de s'imager la personne comme ça.' elle se demande encore ce que le commun des mortels trouve de séduisant dans cette idée, et pourtant, elle est là à observer ces scintillements à la recherche de son âme perdue. la porte qui claque la sort doucement de ses souvenirs alors qu'elle tourne la tête pour observer ce qu'il se passe, son corps toujours plaqué au sol. une présence qui se rapproche, mais qui ne fait pas fuir la pyobeom, au contraire. ses yeux restent rivés sur le jeune homme, alors qu'elle finit par se redresser, s'asseyant en tailleur. elle penche sa tête, analysant ce qu'il semble se dérouler devant elle. puis elle détourne le regard vers la lumière du ciel, suivant les gestes de celui qui vient de s'installer non loin d'elle. 'c'est débile parce que finalement, quand t'es mort, bah c'est fini. ça sert à rien de s'inventer des histoires pareilles, mais c'est la beauté de la métaphore, tu vois ?' elle finit par tendre la main devant elle à son tour, puis se reconcentre sur le jeune homme, troublée. elle fronce ses sourcils, regardant au hasard autour d'elle, avant de finalement briser le silence. "t'aimes pas les étoiles ?"

Il sursaute légèrement, il ne l’avait pas vu, ne s’était pas attendu à la voir ici. Il fronce les sourcils, se redresse, la fixe. Bagheera. Quel nom étrange n’a-t-il pu s’empêcher de penser la première fois qu’il l’avait vu. Elle le fixe de ses yeux univers, un autre montre s’offre à lui quand elle pose son regard sur lui mais ça In Su il ne saurait vraiment l’expliquer. Il regrette d’avoir été vu à un moment de faiblesse, il déteste ça.  Son premier réflexe c’est de se lever pour partir, mais mu par une force silencieuse il reste cloué au banc. Il la fixe de longues minutes avant de se dire que finalement sa question n’est pas si idiote que ça. Elle sort de nulle part, et c’est si soudain qu’il ne saurait comment lui répondre. Il hausse les épaules et sa voix cassée, trop abîmé d’être resté silencieux, lui souffle « Ch’ai pas. » Aimer les étoiles ? A-t-on déjà réellement aimé des étoiles ? On peut les trouver jolies, poétiques, mais les aimer ? Qui aime les étoiles. Pas moi. Se dit-il. Il n’est pas en deuil pourtant il a l’impression d’avoir perdu quelqu’un. L’ancien In Su insouciant et chaleureux. C’est étrange de se voir ainsi, comme si finalement il se voyait à la troisième personne. Il se voyait évoluer. Il se voyait crever. « T’aimes les étoiles toi ? » demande-t-il. C’est sûrement la première fois qu’il parle aussi longtemps  depuis sa sortie. Il est devenu peu bavard. Silencieux. Cruellement silencieux. Il tourne son visage vers elle. Allongée ainsi en pleine nuit sur le toit de la fraternité, c’est qu’elle cherchait des réponses. Du réconfort peut-être ? Est-elle ce genre de personne, qui croit au pouvoir des étoiles, qui s‘accroche au paradis pour être moins triste ? On disparait. Voilà tout. Pourquoi se chercher un monde auquel s’accrocher ? Plus rien n’existe. C’est cette fatalité qui saigne son cœur. Il s’assoit sur le banc en fixant en face de lui. Avant il aimait les étoiles. Enfin il croit. Il ne sait même plus. Il mordille sa lèvre et déglutit. Ouais, avant il était optimiste et heureux, alors forcément ça change tout. Il pose son regard sur elle et la sonde. T’es venu cherché quoi ici ?

### le silence comme première réponse, la pyobeom repose rapidement son regard vers le ciel. observatrice, elle penche sa tête, sans jamais réussir à s'en empêcher. parfois, elle se concentre sur une lumière en particulier, fronçant ses sourcils, avant de regarder à nouveau cet ensemble en face d'elle. elle tend une nouvelle fois sa main pour obscurcir le tableau, mais rien ne change au fond. lentement, elle se retourne un peu mieux vers insu, toujours en silence. elle le regarde à son tour, sans forcément avoir d'idée précise sur sa présence sur le toit. sa façon de lui retourner la question lui semble si familière, l'écho d'une autre voix la laisse balancer sa tête en avant avant de tourner son visage vers les étoiles. "elles sont déjà mortes depuis si longtemps. et pourtant on les voit encore." quelque chose de fascinant, mais qui représente bien plus lorsqu'elle s'échappe pour pouvoir les admirer. elle ne comprend pas vraiment pourquoi, ne saurait dire si elle aime les étoiles, ou si elles lui permettent simplement de se souvenir plus facilement. "elles finiront bien par disparaître." à quoi bon les aimer. voilà la principale question. voilà ce qui perturbe la demoiselle qui ne comprend pas tout à fait ce sentiment. même cette séparation silencieuse ne lui donne pas les réponses qu'elle cherche. venir ici n'est finalement qu'un moyen de retrouver sa formule, celle qui la fait évoluer, avancer. et elle redevient silencieuse, se perd dans ses pensées, ses souvenirs qui la maintiennent encore debout, qui l'aident encore un peu à suivre le courant de la vie en évitant les embuches. mais elle a surtout peur. peur de devenir folle, à ne plus rien comprendre. folle de ne plus retrouver cette humanité qui l'habitait lorsque baeju était à ses côtés. et si cette formule est la clé pour ne plus avoir peur, alors elle s'efforcera de la chercher encore, partout.

« C’est ça je crois, qui plait à tout le monde. Qu’elles soient mortes, mais encore là. » Soufflais je en fixant le ciel. C’est vrai en soit ça avait quelques choses de poétique mais moi je trouvais ça lâche. Se raccrocher à se raccrocher à ce qu’on voit parce qu’on n’a pas les couilles d’avancer. Remarque, je dis ça mais je suis l’abruti qui a décidé d’arrêter de vivre. Le temps n’a plus d’effet sur moi, et les émotions … j’ai le cœur anesthésié par la colère. Tout se transforme en négatif, comme une aura qui m’engloutit. Avait j’étais joyeux, le mec sans prise de tête, le mec qui profitait de la vie parce qu’il l’a savait bien trop chienne, bien trop courte. Je ne sais pas où je l’ai foutu cet In Su. Je ne sais pas à quel moment exactement il a crevé. Je ne sais pas si j’ai envie de le retrouver. Il était trop naïf, trop idiot. Je n’ai pas envie de redevenir ce mec heureux, ce mec jaloux, ce mec … amoureux. Il ne valait pas mieux que le mec que je suis devenu aujourd’hui mais ce n’est pas le pire non plus. Je me rallonge sur le banc et fixe le ciel pour m’y noyer. J’aimerais soudainement qu’il s’abatte sur nuit, que le vent se lève et que la pluie nous écrase. Peut-être que je pourrais ressentir quelque chose d’autre que le froid. « Bagheera c’est ça ? » finissais-je par souffler pour casser le silence qui s’était installé entre nous. Pas spécialement gênant, pas lourd non plus, je m’étais juste réfugié dans mes pensées sans m’en rendre compte. Je tourne mon visage vers lui en passant une main dans mes cheveux. 

### elle se perd dans son monde, alors que ces pointes de lumières apparaissent dans son esprit comme des molécules éparpillées ci et là. elle pense à ce que dit son vis-à-vis. c'est ça qui plait à tout le monde. comme si l'écho de bae faisait face à elle. troublée, elle se reconcentre tout naturellement vers le ciel étoilé, la tête en l'air. elle se complait à observer cette vue, à se remémorer les paroles de celui qui a toujours su la comprendre. elle aimerait être capable d'imaginer qu'il puisse être une de ces étoiles, mais ça lui est impossible. bien trop subtile. elle refuse de croire qu'il n'est plus là. il se cache simplement, et elle pense encore pouvoir le trouver. lentement mais sûrement. bagheera, elle ne fait plus vraiment attention au fait qu'elle n'est pas seule, et s'enfouit dans son esprit, en laissant l'obscurité l'abriter. le silence pourait faire rage que la présence d'in su ne la dérange pas, au contraire. puis ce blanc se brise, dans un souffle qui lui fait tourner la tête vers le jeune homme. "oui, c'est ça. et toi ?" elle l'observe, scrute son visage en penchant sa tête. elle sait qui il est mais se demande ce qu'il fait là, ce qui le pousse lui aussi à venir observer les étoiles en pleine nuit. sa curiosité la pousse à rester là, à continuer d'entendre cette voix qui lui rappelle tant de souvenirs. ses jambes se tendent devant elle alors que ses pieds se secouent lentement. "t'aimes la nuit ? je trouve ça joli. on peut y voir des choses surprenantes, des détails qu'on peut pas voir en temps normal." elle se mordille l'intérieur de la joue alors que son regard se perd à nouveau sur ce qui l'entoure.

La nuit ? In Su s’est toujours sentie plus à l’aise la nuit. Malgré la fatigue il se sentait toujours plus serein, calme. Comme si soudain l’agitation de la journée se tarissait et que celle de la nuit n’arrivait pas à le toucher. Il s’enfermait dans une bulle de silence et laissait la pression redescendre doucement. Oui il avait toujours réussi refuge dans la nuit pourtant depuis qu’il avait enfin retrouvé sa liberté il se sentait plus prisonnier que jamais. Il ne trouvait sa place nulle part et la nuit semblait le fuir. Dans le silence assourdissant qui l’entourait il se noyait dans les souvenirs de toutes ces nuits où il a commis des erreurs. L’odeur de feu.  Le goût de sa bouche. La peur. La peine. Depuis des mois sa vie ressemblait à un champ de bataille. Il n’avait sa place nulle part. Tout n’était qu’un champ de ruine. Comment était-il supposé retrouver la lumière pour le guider ? Aveuglé par ses propres démons il se contentait d’avancer sans savoir où il allait.  La seule certitude qu’il avait c’était qu’il devait aller droit devant. S’il s’arrêtait il sonnait la fin de lui … Il se sentait oppressé, si triste, si dévasté et si coupable. Coupable de se sentir monstrueux, d’avoir peur d’assumer d’être l’homme qu’il était devenu … il regard Bagheera et pince ses lèvres. Ses paroles feraient échos à celle du In Su d’avant mais celui qui lui fait face se contente d’hausser les épaules en fixant le ciel. « Oui, sûrement. » sa voix n’est qu’un souffle lointain. Il s’assoit en tailleur sur le banc et baisse lentement son regard sur la Pyobeom qu’il observe doucement de ses yeux inquisiteurs sans être trop intrusif. Il détail son visage avec a vague impression de la connaitre d’avant. Un sentiment oppressant qu’il chasse d’un revers de main imaginé. Non, impossible. Il l’a surement croisé sur le campus rien de plus. « Ouais … sûrement. » répète-t-il comme pour éviter au silence de trop s’installer. « Tu veux que je te montre la voie lactée ? » demande-t-il alors soudainement en levant son regard sur elle. 

### difficile de dire ce qui lui plait réellement dans la contemplation d'un ciel étoilé. bagheera, elle sait simplement qu'elle se sent bien quand l'obscurité tombe sur la ville. elle se sent enjouée, prête à défier les pièges de la vie, et à retrouver sa formule. que ce soit sur un toit, en errant dans les rues, son but est toujours le même. retrouver son âme égarée. ce sentiment qu'il n'est jamais très loin ne l'a pas quittée, et prend de plus en plus de place dans son esprit ce soir. elle ne saurait dire si cela à avoir avec la présence d'in su, mais bagheera se sent proche de cette réponse qu'elle cherche depuis un an maintenant. elle observe le jeune homme avec un air enfantin, ne saurait dire ce à quoi elle pense exactement à ce moment précis. elle écoute cette voix qu'elle a l'impression de connaître depuis toujours, et reste silencieuse. elle se souvient de ces longues nuits à parler du monde sous le même type de ciel avec bae, cette impression de revivre l'instant, et se laisse légèrement aller. un sourire s'esquisse sur son visage en écoutant in su. si habituellement les enfants ont peur de l'obscurité, bagheera elle, fait partie de ceux qui n'ont jamais trop cru aux histoires de monstres. elle est de ceux qui se retrouvent dans le noir, au lieu de s'exposer en plein jour. et elle a cette impression là aussi, quand elle l'observe. sa tête reste penchée en direction de son vis-à-vis, jusqu'à ce que ses yeux s'illuminent. la voie lactée. comme l'écho d'une promesse silencieuse faite des années plus tôt. comme le souvenir d'une nuit hors du temps. "tu sais où elle est ?" presque enthousiaste, bagheera dégage cet aura enfantin sans même le contrôler. son regard s'enfonce dans celui d'in su, prête à redécouvrir un élément qui la fascine, prête à trouver de nouvelles réponses.