À ses yeux, bien qu’elle apprenait à découvrir le monde sous un autre angle, grâce à de nouveaux regards, le luxe et encore plus la démesure – singapourienne, oblige –, demeurait encore chose normal pour la jeune égérie de la marque Samsung. Elle ne se rappelait que cette condition n’était pas si banale qu’à travers l’expression impressionnée de sa meilleure amie. Les vastes pièces n’avaient jamais empêcher sa soif de liberté. À sa façon, car Haewon était aussi un esprit libre mais, les deux étudiantes la dévoraient chacune à leur manière. Précisément cette chambre chez ses grands-parents s’apparentait davantage à une cage dans l’esprit de la singapourienne. Ses venues en Corée du Sud avaient toujours été contre son gré. Il lui avait fallu près de vingt années pour apprendre à aimer, non pas le pays, mais les personnes qui pouvaient y vivre. Des personnes devenues essentielles à l’instar de Haewon. Ces êtres chers à son coeur, Hera aimerait tellement qu’ils aient été singapouriens. Elle s’efforçait de ne pas y penser, sauf quand son mal du pays récurrent se manifestait. Deux mondes, et aucun auquel la native de la cité du Lion ne pouvait renoncer. Toutes deux assises sur le lit, le jeune husky allègrement étendu sur la couverture à se rouler et recevoir les caresses de l’une et de l’autre, les regards des deux amies se croisèrent. Imperceptible battement de cil, à l’instar de son coeur qui légèrement flancha, Hera se sentie émue par les mots de Haewon. Elle n’avait pas l’habitude de représenter vraiment quelqu’un d’affectivement importants aux yeux d’une autre personne, de donner. Cette sensation, la brunette le découvrait surtout grâce à eux Haewon et Hyeon. La gorge un soupçon nouée, les yeux brillants du reflet de l’émotion, elle ne put que lui répondre :
« Je n’ai rien fait. Je peux juste être là. »
Elle voudrait tellement pouvoir faire plus. Effacer sa peine mais s’était impossible. Hera se sentait aussi démunie qu’inutile, cependant, qu’importait son incertitude, ce dont elle ne doutait était de sa place aux côtés de sa meilleure amie. Peut-être, surement même, n’aurait-elle pas les mots, néanmoins, elle ne l’abandonnerait pas pour autant. Et ses larmes qui discrètement réclamaient à inonder ses yeux, elles étaient surtout les témoins de sa joie immense d’avoir une si chère amie comme Haewon. Alors, à nouveau, avant que l’émoi les subjugue, elle sourit et rétorqua avec une tendre facétie :
« Évidemment que je suis la meilleure ! Mais je te remercie de me le rappeler ! »
Un visage rayonnant, un petit rire nerveux mais sa prestance qui démontrait qu’elle restait sûre. Qu’elle serait forte pour soutenir à Haewon. Qu’elle serait une épaule inébranlable sur laquelle se reposer et pleurer. De ses petits doigts fins, Hera vint chercher la main de sa meilleure amie qu’elle serra tendrement dans la sienne :
« Et je ne m’entoure également toujours que des meilleurs. Les personnes qui me sont chers ne peuvent être que des êtres d’exception. »
Un moment de complicité entre deux amies, des regards qui se vouent confiance, et… un museau qui vint déposer sa truffe froide sur leurs mains liées manifestant son sentiment d’exclusion. Hera râla après son chiot mais d’une voix si empreinte d’un doux rire que personne n’eut été convaincu de son autorité en cet instant. L’atmosphère retomba. Leurs doigts s’occupaient à la fourrure du chien qui lui ne manquait pas de goûter son plaisir à se faire papouiller. Les iris d’ébène de la petite-fille  Choi se perdirent vaguement dans la pièce. Elle repensa à la remarquer de son amie en entrant à l’intérieur :
« Je ne mentais pas quand je disais que mon placard à chaussures était plus grand que nos chambres aux dortoirs. »
C’était le genre de remarque sifflée entre ses dents qui lui échappaient parfois lors de ses premiers temps au dortoir des gumiho. À cette époque là, Hera faisait profil quant à son extraction sociale car imprégnée du sentiment d’avoir été déchue.
« Et encore, cette chambre, cette maison, ce n’est qu’une modeste bicoque comparée à la maison de mon père à Singapour ! »
Dans sa bouche, ces mots n’étaient points vantardises, juste fierté : celle de la réussite, de la grandeur de son père. Celle d’être la fille de son père !
« Si mon grand-père m’entendait, il en marmonnerait encore de sa jalousie ! »
Elle aimait bien, froissé ce grand-père qui l’avait toujours gâtée comme sa plus précieuse petite princesse – tout l’opposé de sa grand-mère –, juste pour souligner devant lui ô combien son père était si merveilleux. Sur certains points, Hera possédait encore une âme d’enfant. Face à son père, elle serait toujours une petite fille aux yeux remplis d’autant d’amour que d’admiration.

Posées dans la chambre, si héberger à Haewon chez ses grands-parents n’avait pas fait l’ombre d’un doute un seul instant dans l’esprit de Hera, cette dernière ne savait pas trop comment occuper leur temps. Dans la chambre, elle avait montré à son amie où elle pouvait ranger ses affaires afin que ses vêtements ne finissent pas chiffonner dans son sac, présenté la salle de bain privative associée à la chambre. Elle voulut désigner également les photos de son pays accrochées sur une partie d’un mur, mais se ravisa juste avant, apercevant des clichés familiales représentant notamment sa fratrie réunie. Alors, une idée lui vint soudainement en tête !
« Oh ! Je vais te révéler un secret ! »
Hera entraina Haewon dans son dressing où elle ouvrit un « placard secret » révélant sa collection d’objets, magazines, posters à l’effigie de son idole d’adolescence : Kim Hyun Joong.
« Tadam ! »
La brunette rougit un peu. C’était la première fois qu’elle dévoilait à un monceau de sa fameuse collection de ce chanteur dont elle et ses deux ainées avaient été de ferventes fans. Inéluctablement, Hera avait déjà fait part de son coup pour le célèbre sud-coréen à sa meilleure amie, mais elle n’en avait pas tant dit.
« Encore une fois, j’ai au moins le double chez moi… »
Elle riait en repensant à ses caprices d’enfants. C’était lui, Leader, le fameux humain qu’elle avait réclamé à son père de le lui acheté et ce jusqu’à l’âge de 13ans, lorsqu’enfin, elle comprit que non, les gens ne s’achetaient pas. Extrayant une affiche sur pied grandeur nature pour la montrer à son amie, les deux jeunes filles la ramenèrent ensuite dans la pièce principale de la chambre :
« Tu sais quoi ?  On va se faire une petite soirée pyjama, télé, mal-bouffe – tu vois ce que je ne ferais pas pour toi ? –, toi, moi, Jethro et Oppa ! » désignait-elle alors la représentation de Leader.
Cependant, afin de pouvoir savourer pleinement cette soirée paisible en perspective, elles devaient franchir une étape :
« Allons saluer le dragon, au moins, nous serons débarrassées de cette corvée. »
Hera fit signe à Haewon qu’elles allaient vaincre le monstre puis la guida jusqu’au salon de lecture où son aïeule se trouvait certainement.