we are only as blind as we want to be (+) SAE YEON
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we are only as blind as we want to be (+) SAE YEON | Sam 20 Mai - 18:50 Citer EditerSupprimer
We are only as blind as we want to be
Sae Yeon & Je Ha
Sa peau embaumait l'orchidée et avait la douceur du coton sur lequel ruisselait sa chevelure brune lorsqu'elle s'éveillait. Je fis courir mon pouce sur la veine battante d'une gorge allongée puis y enfouis les paumes. Je l'effleurai, m'y appuyai. Ses doigts menottèrent mes poignets, sa langue glissa sur mon inférieure et nos souffles s'entremêlèrent. Ses lèvres étaient sucrées, sa langue était chaude … mais ses mains étaient froides. L'acier qui écrouait son index mordait ma chaire et ses dents une inférieure croquée, presque dominée. Ce baiser n'avait ni le goût d'un au revoir, ni celui d'un à bientôt. Il transpirait l'amertume, telle que je la lus dans ses yeux lorsque je reculais. Telle que je voulus la lire. Je la croyais transparente, lisible, honnête … amoureuse. Mais ce n'était ni la déception, ni le regret qui coulaient réellement dans ce regard sombre qui faisait mine de sourire. Ce n'était ni l'attachement, ni l'intérêt sentimental que dessinaient ses lèvres pulpeuses. Mais comment percevoir le mensonge et l'indifférence derrière un masque que je ne voulais pas voir ? Comment imaginer que seul le physique et le métier la poussait à s'enterrer dans une relation qui n'existait pas pour elle ? Je restais aveugle, égaré par des sentiments qui troublaient mon jugement et par une confiance qui déformait une femme à laquelle je tenais sincèrement. Mais sous le vernis de la passion, ne ressentais-je pas un vide ? Et mon instinct ne me soufflait-il pas les failles d'un tableau que je me refusais, borné, à observer ? «Ne m'oublie pas ce soir. Je me ferais pardonner. » lui rappelai-je en la relâchant. Mes mains coulèrent, cascadèrent, le dos de mes doigts frôlant sa gorge, ses épaules puis ses bras avant de renouer avec le vide, comme une métaphore d'une vie qui n'allait pas tarder à m'échapper. « Je ne t'oublie jamais moi. » murmura t-elle suave en effleurant mes lèvres une dernière fois. Elle s'éloigna, longue et fine sur ses talons hauts. J'aurais dû noter qu'elle ne se retournait pas, j'aurais dû comprendre la signification de sa main posée sur le bras de celui qu'elle rejoignit et que je reconnaissais pour l'avoir déjà vu dans son sillage. Mais ces détails … je les effaçais, les retenant sans m'en rendre compte dans un coin de mon esprit pour plus tard. Pour pouvoir maudire à loisir mon manque d'intelligence quand la vérité m'exploserait au visage. Mais je ne fis qu'ouvrir ma portière pour me glisser sur le siège de ma voiture. Ce n'était plus ses mains qui étaient froides mais les miennes. Je soufflai sur mes paumes et coulai un regard dans le rétroviseur. Je ne vis rien, rien d'autres que des cerisiers aux fleurs perdues et fugitives. Je jetai un œil à ma montre, et démarrai abruptement, sans prêter attention aux battements d'un cœur trouble et au pressentiment qui tentait de m'étreindre sans y parvenir. Mon portable sonna. J'aurais dû m'en douter. Comprendre que quelque chose n'allait pas et que mon histoire était bancale. Je lu son nom sur l'écran et un sourire étira spontanément mes lèvres. J'aurais dû.
Je me garais quelques dizaines de minutes plus tard devant la station Gwangnaru. Éteignant le moteur, je balayai rapidement les lieux du regard, mais sans repérer Sae Yeon. « Tu es en retard ... » murmurai-je en écrivant les mêmes mots sur mon téléphone, que je lui envoyais avant de sortir de la voiture avec souplesse. Je claquai la portière, ouvris l'arrière et en sortis mon épais blouson que j'enfilais. La fermeture glissa jusqu'à mon plexus solaire, où je l'immobilisais. Mon épais pull suffisait à me protéger du froid, ce qui excluait une trop grande prudence vestimentaire Je nouais rapidement un bandana sur mon front pour retenir le jeu de mèches rebelles ployant sous les coups de vent et attrapai mon sac à dos que j'installai sur mes épaules. Ainsi prêt, je récupérai mon téléphone, fermai la voiture et l'abandonnai pour rejoindre le haut des marches conduisant au métro. Je m'adossai au rebord et attendis, les paupières presque fermées, qu'elle daigne apparaître. L'appareil vibra presque brusquement contre mon torse, en éveillant sous ma peau une nuée de fourmis qui courut le long de mon muscle pectoral. Je glissai la main dans la poche, récupérai mon portable et lu un message qui n'était pas d'elle. Je ne pourrais pas ce soir, j'ai du travail. Pardonne moi ♥ Un soupir effleura ma lèvre, froid et amer. Le regret tissa sa toile, de même qu'une émotion plus sourde que je me refusais à analyser. Il fut dilué, effacé par la main qui s'enfonça dans mon blouson. Je tournai la tête et reconnu Sae Yeon, dont les yeux noirs pétillaient sous l'influence du sourire qui illuminait ses traits. « Tu es en retard. » répétai-je, en tapotant le sommet d'une tête tapissé d'ébènes avec le portable que je tenais toujours à la main. « J'ai cru que tu m'avais posé un lapin. » repris-je en reflétant un dessin qui étira une bouche à la tension oubliée. Pourtant, elle n'était pas celle qui me laissait tomber. Sae Wa se défilait une nouvelle fois, pour une raison que je ne cherchais ni à savoir ni à comprendre. « Allons y. » lui dis-je sans lui laisser le temps de rebondir sur ma remarque. Je nouais les doigts autour de son poignet et l'entraînai à ma suite sur le trottoir, en direction du parc écologique de Achasan. « Jeune homme excusez nous ? » Je m’immobilisai, la main toujours sur son bras et regardai celle qui venait de m'apostropher. Elle me tendit son téléphone portable. « Pourriez vous nous prendre en photo s'il vous plaît. » J'acceptai d'un signe de tête, relâchai Sae et immortalisai le couple devant l'étang. « Vous voulez que je vous prenne avec votre petite amie pour vous remercier ? » demanda t-elle en prenant l'appareil que je lui rendais. Petite amie ? Je mis une demi seconde à comprendre qu'elle parlait de Sae Yeon, qui attendait à côté. « Ça ira. Bonne journée. » Je pressai la main dans le dos de la jeune fille et la poussai légèrement, l'avant bras collé à son blouson. « Notre couple éphémère reste un secret. » lui glissai-je avec humour en nous éloignant. Elle n'était qu'une amie, née dans un mélange de chocolat et de mathématique entre quatre murs tapissés de livres. Plus qu'une amie, elle m'était suffisamment proche pour que je sois à l'aise, et ce au point de n'avoir aucun tabou en sa compagnie, avec laquelle je passais volontiers des heures.
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Re: we are only as blind as we want to be (+) SAE YEON | Sam 3 Juin - 16:46 Citer EditerSupprimer
We are only as blind as we want to be
Sae Yeon & Je Ha
Adossée contre la porte que je venais de claquer, j’étais épuisée. L’appartement était vide, silencieux en l’absence d’un père encore dehors, à mener un combat contre ses démons. Il m’avait une nouvelle fois entrainé dans une mission suicide. Un dossier qui lui tenait à cœur, encore un homme à faire chanter pour obtenir ces morceaux de papiers qui me laissaient parfois indifférente. Ce n’était pas la vie que j’espérais, et pourtant, j’y étais empêtrée jusqu’au cou, je n’avais plus aucun moyen de faire demi-tour, mais le voulais-je vraiment ? Je laissais tomber ma veste avant de prendre place à l’unique bureau qui trônait dans un coin de la pièce, m’asseyant mollement pour coucher sur le papier tout ce dont je me souvenais de cette nuit. Les cocktails échangés, les habitudes, les préférences, les abus de langage, les regards, et surtout, les bribes d’informations lâchées presque trop facilement contre un sourire qui se voulait charmeur. Une façade, un masque créé de toute pièce par une organisation tenue par un homme que j’admirais malgré tout. Je me dépêchais néanmoins de laisser ces quelques notes à mon père, une page de plus dans un dossier qui s’épaississait pour quelques billets, j’avais un autre rendez-vous, une rencontre pour laquelle j’étais prête à sacrifier un sommeil qui pesait sur mes épaules. Mon père ne connaissait rien de Je Ha, et jamais il n’en saurait rien. Cette amitié était une entorse à mon quotidien, une parade que je ne craignais voir se transformer en nouvelle victime, un choix que j’étais incapable de faire, ami ou ennemi ? J’étais parfaitement consciente que si un jour il me faudrait choisir un camp, je ne pourrais en sortir indemne. Il était devenu une échappatoire, une bouffée d’air dans un monde tenu secret, une vie de criminelle déjà trop active. Un dernier mot, un dernier point sur une feuille qui rejoignait la pile d’informations compromettantes, je posais le front à même le bois bon marché du meuble, laissant se rejouer une nuit que j’aurais préféré oublier derrière mes paupières closes. Inspires, expires ! Les souvenirs s’évanouirent, et je me levais enfin pour profiter d’une douche salvatrice. L’eau brûlante noyait mes pensées sans pour autant réchauffé un cœur glacé par le vice et le désir de vengeance que j’avais hérité de mon père. J’enfilais rapidement une tenue avant de retrouver ce sourire qui rendait mes journées moins difficiles. J’attrapais un jean et une chemise bien trop large, agrémentant le tout d’une casquette, plaire n’était pas dans mes intentions et je repoussais le tissu d’une robe que je détestais déjà. Je laissais l’apparat de séductrice pour reprendre mon identité. Mais laquelle exactement ? Qui était Sae Yeon ? La petite fille de neuf ans avait décidé de l’enterrer en acceptant une vie faite d’angoisse et de délits. J’arpentais les rues de Séoul, dos vouté et tête baissée, marchant discrètement, essayant de me faire oublier. Je passais comme une ombre entre les coréens qui croisaient mon chemin, sans m’arrêter, encore et toujours guidée par cette impression que l’on me suivait. D’instinct, je portais la main à mon épaule, ravagée par un coup de feu, entravée d’une cicatrice certainement aussi difforme que mon âme torturée. Le soulagement s’insinua doucement dans mes veines alors que j’arrivais enfin à notre point de rendez-vous, vierge de sa présence. Je n’étais jamais en retard, je me servais au contraire d’une avance certaine pour inspecter les lieux, m’assurer que je n’y croise personne qui puisse avoir une dent contre l’arnaqueuse. J’attendais, calmement et scrutant avec précision chaque espaces, dévisageant avec habileté les visages qui défilaient devant moi, sans attirer l’attention de qui que ce soit. La voiture qui vint se garer un peu plus loin m’obligea à sortir de ma concentration. J’observais l’étudiant les yeux rivés sur son téléphone avant que le mien ne vibre à son tour. Tu es en retard… Le message provoqua un sourire sincère. Jamais ! pensais-je, sans même prendre la peine d’y répondre. Il s’équipait alors que je me contentais de le regarder depuis le coin de la rue. Je glissais un dernier regard autour de moi avant d’emboiter le pas à Je Ha, laissant une distance de sécurité entre nous, je le filais comme j’avais l’habitude de le faire avec mes victimes. Mais alors que la tension me forçait à rester sur le qui-vive lorsque je travaillais, je marchais calmement souriant à l’idée de le surprendre, jouant presque comme une enfant. J’attendais le moment propice pour lui faire la surprise, mais l’expression de son visage changea lorsqu’il saisit à nouveau son téléphone. Stoppant mon ascension, je connaissais déjà la raison de son soupire, une brune insatiable usant de son charme à coup de talons aiguilles et de parfums aux effluves envoutantes. Je ne la côtoyais pas, mais je bénissais ma capacité à trouver des informations là où personne ne saurait chercher, je mettais mon nez là où les ragots s’arrêtaient et où la vérité était dissimulée, prisonnière de lèvres désireuses de conserver une image flétrie par l’inconscience. Au fond, je n’étais pas si différente d’elle. Je mentais comme un arracheur de dent, j’usais de charme pour obtenir ce dont j’avais besoin. Non, j’étais bien pire, j’utilisais ces informations dans un but bien précis, faire chanter et manipuler les hommes puissants, détenteurs d’une fortune qu’ils avaient de toute façon volé. Mais bien sûr, et tu vas te surnommer le Robin des Bois des temps modernes ? Je secouais la tête face à une idée aussi stupide. Les richesses s’arrêtaient à l’organisation, ce cartel d’amateurs devenus pros, de véritables requins dans l’océan des capitalistes qui fleurissaient pour écraser les petites gens. Des personnes comme moi. Je me parais de mon masque, ce sourire jovial, heureux derrière lequel j’enterrais le froid polaire qui enserrait mon cœur, m’avançant vers lui. « Je sais. Mais je suis ravie de voir que tu m’as attendue ! » Je forçais mes lippes à s’étirer davantage. Comment pourrais-je, ne serait-ce qu’imaginer, me passer des seuls moments de répit que tu m’accordes ? « J’y ai pensé ! Mais je me suis dit que ça ne serait pas très juste ! » Il était là, le sourire que j’attendais, celui qui faisait fondre l’armure du soldat que j’étais. Et je m’en voulais davantage alors qu’il accordait sa confiance à ceux qui ne le méritaient pas. Il attrapa ma main d’un geste, presque naturel avant d’être interrompu par un couple réclamant une aide, un service insignifiant. J’abaissais la visière de ma casquette, priant pour qu’ils ne m’accordent pas la moindre attention, et mon cœur loupa un battement alors qu’ils proposaient de nous immortaliser à notre tour. Je n’écoutais pas, ignorant le statut qu’elle me conférait, il était une insulte pour Je Ha, une torture pour moi… Je fus presque soulagée alors qu’il m’entrainait de nouveau vers les chemins dans lesquels j’avais accepté de me perdre avec lui, juste pour une journée, juste le temps de goûter à une vie qui ne m’était pas destinée. Si tu savais ce que mon cœur renferme… Au lieu de ça, je riais. « Es-tu sûr que je sois capable de garder un secret ? » Sae Wa réagirait-elle seulement si je décidais de m’accrocher à ton bras ? Mes yeux chutèrent, me laissant tout juste le temps de prendre une profonde inspiration, une nouvelle dose de courage afin d’effacer des pensées qui m’échappaient. « Donc… Tu as décidé de m’emmener faire de la rando pour… me tuer et cacher mon corps quelque part c’est ça ? » J’usais d’humour pour m’éloigner de lui, regagner une liberté relative en avançant à grande enjambées, et me figer à une intersection. Me tournant à nouveau vers ce sourire qui m’avait tant manqué, je le questionnais du regard. « À toi de jouer ! Quel chemin doit-on emprunter maintenant ? J’imagine que l’un est plus sûr que l’autre non ? » plaisantais-je à nouveau. Je te fais confiance. « Sache par contre que si tu me perds, il faudra en répondre à ma famille ! » Personne, pas même Je Ha ne savait qu’il ne me restait que mon père, ma famille parfaite et aimante, travailleuse et heureuse de son sort était mon tableau, mon trompe l’œil sur le monde.