Il avait traqué ce taré jusque dans une ruelle. Et même si j’avais conscience de ce qu’il se passait, c’était lui qui avait le contrôle. Il avait cette haine cruelle qui l’animait chaque fois qu’il posait les yeux sur un homme qui possédait l’audace de l’approcher d’un peu trop près.  C’était si viscérale que ca me faisait trembler intérieurement. Il suffisait de sentir le parfum nauséabond de cette émotion pour que je sache ce qui allait suivre. Des années j’avais réussi à le museler, le laissant apparaitre que malgré moi de temps à autre. Mais ces deniers temps, mes émotions étaient à fleur de peau, mis à l’épreuve, et il profitait de ma faiblesse pour sortir sans mon consentement. Cette fois, j’avais flanché après des semaines d’abstinence, de m’interdire de faire le premier pas pour la voir, j’avais erré dans les rues de Séoul jusqu’à ce que mes pas me mènent à ce bar. Cet endroit duquel elle disait être chez elle, sa maison. Je n’avais pas pu me résigner à entrer, m’autorisant seulement à l’observer quelques minutes au travers d’une des vitres de la devanture. Il y avait toute cette animation, tous ces hommes qui ne se cachaient pas pour la reluquer et qui n’avait pas l’air de la déranger plus que cela. Puis, il y avait lui… toujours dans les parages. Si il n’était pas encore tombé entre les mains de l’autre, c’était sans doute parce que lui comme moi sachions que si il lui arrivait quoi que ce soit, Bobae ne nous le pardonnerait pas. Pourtant, il le mériterait tellement plus qu’un autre. Sentant un mélange de colère et de jalousie monter en moi, je frappais dans le mur adjacent pour me calmer, m’ouvrant les jointures du poing. « Génial, je vais faire comment pour mon rendez-vous demain maintenant ? » je pestais, et jetais un dernier coup d’œil à l’intérieur avant de partir. Cependant, un homme d’un certain âge attirait mon attention. Il avait ce regard que je connaissais bien. Celui qui disait « t’es bonne, je te baise après le travail. » Surtout qu’il était posé sur la jeune femme. Au moment même où il se levait pour la toucher, je vis rouge. Par impulsivité, je faillis passer le pas de la porte pour lui mettre mon poing dans la gueule, mais je stoppais net en voyant le patron du Kurss intervenir. Au moins, il servait à quelque chose. Ce fut la dernière vision de la réalité que j’eus. L’autre pris ma place à cet instant présent, me refourguant dans un coin de notre esprit. Il ne comptait pas en rester là, lui. Tapis dans l’ombre, il attendit des heures que cet homme daigne sortir du bar. A partir de là commença une chasse où le prédateur devenait la proie d’un autre prédateur sans même en avoir conscience. Telle une ombre, il le suivait pas à pas, attendant le bon moment. C’est quand la victime décida d’entrer dans une petite ruelle qui menait à une espèce de maison close non loin du Kurss, que mon double passa à l’action. Il attrapait une barre en fer qui trainait sur le sol, avançant d’un pas assuré. Il ne fallut pas attendre longtemps pour entendre la barre s’abattre plusieurs fois sur le malotru. Du sang giclait sur son visage, les vêtements tachés d’un rouge pourpre qui ne partirait sans doute pas au lavage. Un sourire carnassier étira ses lèvres, alors que son regard qui se couvrait d’un voile orage observait sa dernière œuvre…