Ça avait été pourtant une question simple, et, malgré les pensées qui fusaient entre ses deux oreilles, il se contenta de garder un masque souriant. C’était bien une femme, ça, indécise, laissant le mâle prendre des décisions pour elle, il ne savait même pas pourquoi il en était surpris. Il lui avait posé une question, simple vraiment, à laquelle répondre ne semblait pas difficile, tout du moins pour lui, et elle ne lui avait pas répondu. Enfin, si, elle l’avait fait, mais il doutait que « surprend-moi » soit un de ces nouveaux plats en vogue en ce moment dont il n’avait toujours pas eu vent. C’était sûrement pour ça qu’il y avait une majorité d’homme à la tête des grandes entreprises, des gouvernements, et de toutes ces choses-là. Les femmes ne savent pas choisir, ne savent pas prendre de décision, et ont besoin de la présence forte d’un homme pour faire ces choix à leur place. Au moins, se dit-il, elle lui avait donné une petite indication sur l’endroit où elle voulait se restaurer. Il avait simplement voulu lui faire plaisir, pour une fois, essayant d’être respectueux des envies des autres personnes, la laisser goûter à des mets qu’elle adorait, mais il allait devoir prendre les devants. Ce n’était pas comme si cela le dérangeait réellement, en fait. Il râlait (intérieurement), mais il aimait ça, au final, choisir, occuper sa place de dominant, guider la femme dans la poursuite de sa vie, et puis, avec ses années passées au dortoir gumiho, il avait au moins l’avantage de connaître si bien la zone qu’il pouvait la parcourir les yeux fermés (bien qu’il lui arrivât de se perdre occasionnellement, lorsqu’il était saoul ou pas bien réveillé, c’est-à-dire plus souvent qu’il ne voulait l’admettre). Il appréciait le poids de la jeune femme contre lui, et la laissait accrocher à lui sans lui jeter un regard, ni lui dire un mot (la femme a besoin de soutien, se dit-il, c’est bien pour ça qu’elle porte des soutiens gorges), de peur qu’elle le lâche et s’éloigne de lui. « faut pas me dire ce genre de chose » dit-il sur le ton de l’humour. « tu risques de te faire entraîner dans des aventures auxquelles tu ne t’attends pas du tout » Il espérait ne pas lui faire peur, mais il n’avait fait que dire la vérité. Si Se Yun était un homme des plus classiques (c’était lui qui se qualifiait de la sorte), il était une sorte d’aimant à connerie. C’était peut-être son cerveau qui lui faisait croire que des mauvaises idées en étaient en fait des excellentes, mais il avait au moins le mérite de bien s’amuser. « mais t’inquiète pas, aujourd’hui il ne t’arrivera rien » il continua, souriant, s’avançant dans chacune des rues, connaissant bien le chemin à emprunter pour se rendre là où il souhaitait aller. Et enfin, il se retrouva face à ce restaurant italien. La devanture était plutôt belle, lui donnant un air plutôt chaleureux. Il aimait bien ce resto, et même si quelques personnes lui avaient dit qu’il se passait des choses étranges dans l’établissement, il n’avait jamais eu à se plaindre de la bouffe, et c’était au final tout ce qui comptait. « on y est » il souffla, d’un coup beaucoup moins sûr de lui, glissant avec nervosité ses mains dans ses poches arrières, les essuyant contre le tissus, avant de venir lui tenir la porte pour la laisser entrer.

Kelea se surpris à penser que c’était sûrement ce dont elle avait besoin ces temps-ci. D’aventures. De quelques choses de fantasques à réaliser. Elle ne pensait pas pouvoir partir à la découverte d’une île déserte et découvrir un trésor caché mais un peu d'imprévu pourrait la sortir de sa bulle de monotonie dans laquelle elle s’enfermait jour après jours. Les médecins lui avaient diagnostiqué un bien vilain mot quelques semaines après la mort de Kouji. Une dépression. Une vilaine dépression qu’elle n’avait pas envie de soigner. Quelle idée de vouloir être heureuse maintenant que sa vie entière avait basculé. Elle secoue la tête et se contente de rester triste parce que c’est la seule chose qu'elle semble réellement maitriser et accepter. Elle n’aurait pas dû vivre. Mais c’est bien cette seule promesse faite à Kouji qui la gardait en vie. Mais elle n’avait pas envie de croire qu’elle pourrait avoir encore droit au bonheur. Ce soir elle se changerait les idées rien qu’un peu. Et demain elle reprendrait le cours de sa morne existence. Et les aventures fantasques promises par Se Yun ne seraient que des rêves qu’elle s’autorisera peut-être à faire la nuit venue. Elle reste accrochée à son bras et le laisse la guider à travers la ville. Elle relève son nez et réalise qu’il fait bon ce soir. Elle remonte son pull qui tombe sur son épaule et constate qu’elle n’avait pas fait attention à ce qui l’entourait depuis un long moment. Elle se contente de lâcher un petit rire à la remarqué du garçon et souffle finalement « Et bien j’aurais presque hâte de voir ça. » elle affiche un sourire doux pour la première fois depuis un moment et tente encore de se convaincre qu’elle ne fait rien de mal. Juste un repas. Dans un restaurant qui lui parait soudain Romantique. Elle ne dit rien. Observe la devanture avant de glisser comme pour approuver son choix « Magnifique. » elle se glisse alors la première dans la restaurant en le remerciant d’un petit signe de tête de lui avoir tenu la porte. Elle entre accueilli par un serveur qui les guide a une table pas trop exposée et plus intimes qu’à l’accoutumé. Peut-être était-ce ainsi pour tous les couples qui entraient ici ? Et l’idée qu'on puisse se méprendre donnait envie a Kelea de rectifier le tir. Pourtant elle n'en fit rien. Ne voulant pas blesser le garçon en affirmant une vérité qui pourrait être vexante. La jeune femme s’assit à table et après avoir tenté de gagner du temps en vérifiant ses couverts et son sac posé par terre elle finit par redresser le visage vers lui. Il était temps de discuter maintenant, pas vrai ? Le trajet bien qu'entrecoupé de discussion avait été silencieux. Décidant de faire un effort Kelea céda enfin à la curiosité du garçon. «  Oui … c’est une robe que je dessinais tout à l’heure. Je fais des études de stylismes et je tente de me créer un book. » Elle esquisse un petit sourire en coin. Jamais elle n’a été aussi timide et gênée devant un homme. Elle ne se reconnaît plus. Peut-être qu’un peu d’alcool l’aidera à se sentir plus … ouverte. « Tu suis quel cursus scolaire toi … ? » demande-t-elle bien qu’elle en ait déjà une petite idée.

« tu pourrais peut-être le regretter » il glissa, et bien qu’il avait dit cela sur le ton de la blague, il ne se douta pas à quel point cela allait s’avérer vrai. Se Yun ne faisait pas partie de ces gens qui vivaient en pensant au futur, en faisant divers projets pour avancer plus dans la vie, sachant où ils allaient être dans 5 ans, 10 ans, ou même où ils passeraient leurs vieux jours une fois que l’heure sera venue. Il préférait même éviter de penser à ce genre de chose, parce que ça finissait par tout gâcher. Il ne voulait pas essayer de deviner ce qu’il ferait l’année suivante, parfois il n’osait même pas faire de plan pour le lendemain. Alors non, il ne se doutait pas qu’un jour elle pourrait regretter d’avoir dit une phrase qui, somme toute, était tout à fait hypothétique. Lorsqu’il la laissa entrer dans le restaurant, il ne put s’empêcher d’avoir un sourire quelque peu gêné, mais satisfait, semblable à ceux qu’avaient les enfants lorsqu’on les félicitait. Il se laissa guider par le serveur, s’amusant à regarder la décoration qu’il finirait un jour par connaître par cœur, espérant aussi que tant qu’ils seraient là, rien de louche ne se passerait. Il s’installa confortablement, essayant d’occuper le plus d’espace possible sur sa chaise, se délectant de la vision qui s’offrait à lui, juste sous ses yeux. Il mit un certain temps à comprendre de quoi elle parlait lorsqu’elle ouvrit la bouche peu après, clignant des paupières plusieurs fois avant de réaliser qu’elle répondait à une question qu’il avait posé bien avant, et qu’il avait réussi entre temps à oublier. Il hocha la tête, s’approchant un peu d’elle inconsciemment pour l’écouter plus attentivement. « un book ? » il ignorait ce que c’était, c’était sûrement parce que ce genre de chose n’existait pas dans le monde dans lequel il évoluait, et il n’avait jamais été par l’art, mis à part lorsqu’il s’agissait d’exposer des tableaux de corps de femme dénudés, et ne se retint pas pour lui poser la question, curieux de savoir ce qui prenait autant de temps à la jeune femme. Il n’était certainement pas déçu par la filière que Kelea suivait, certes, il s’était douté que cela devait être lié d’un moyen à un autre à l’art, vu le bâtiment dans lequel elle traînait la plupart du temps, mais maintenant qu’il savait qu’elle était en stylisme, son cerveau s’était tout de suite mis à imaginer des centaines de scénario différent dans lesquels elle avait fabriqué une robe qui aurait fait bouillir le sang de l’homme le plus saint. Avant qu’il ne puisse répondre à la question de la jeune femme, on vint leur apporter des cartes, il l’ouvrit par reflexe, mais ne prit même pas la peine de consulter les traits dessinés sur le papier blanc. « je suis en staps » dit-il, et il se demanda s’il devait justifier son choix d’avenir. « je voulais tenter médecine, mais j’aurais fini par me donner un coup de scalpel à moi-même à cause de ma maladresse » il laissa échapper un petit rire, même s’il venait de mentir. Enfin, en partie seulement. Il avait vraiment voulu tenter médecine (non pas pour aider les gens, mais plutôt pour le prestige que de telles études apportait), mais il avait été jugé bien trop idiot pour réussir à suivre ce genre de formation. Mais il préférait omettre ce genre de détails, ne voulant pas passer pour un imbécile face à la femme. « et puis, au final, je suis pas trop sûr de supporter la vue du sang » il grimaça. Il était gêné, il parlait trop. Il pinça ses lèvres, et baissa les yeux pour se concentrer sur la carte qu’il tenait entre ses mains.

« Plutôt dans le commerce. » avoue-t-elle en mordillant sa lèvre inférieure un brin gênée. Elle relève le visage vers lui, surprise. « Oh ! » fit-elle alors que ses lèvres forment un petit O. elle ne s’était pas attendue à ça il faut l’avouer mais un sourire appréciateur ourle ses lèvres avant même qu’elle ne le remarque. Il faut dire que Kelea a toujours su apprécier les jolis choses, et un homme musclé couvert de sueur en faisait partie. Elle pose son menton dans le creux de sa main en papillonnant des yeux vers lui sans même en avoir conscience. C’était son corps qui parlait pour elle et qui la trahissait. C’était peut-être un peu trop cliché, la jolie fille de l’école qui succombait aux charmes du joueur de football riche et drôle. Le genre de garçon qui avait tout pour lui. Elle se demanda d’ailleurs ce qu’il lui voulait réellement. Si elle n’était qu’une conquête de plus à ses yeux, ou si … Non, elle n’avait pas envie de penser à ça. Se Yun lui paraissait d’ailleurs un peu trop nerveux pour coller au profil du mec qui saute tout ce qui bouge mais la jeune femme avait appris à se méfier des apparences. Elle glisse une main dans ses faux cheveux blonds et humidifia ses lèvres de sa langue. Elle laissa le garçon prendre les devants et passer commande. Elle sourit en coin de son assurance face au serveur et tenta de le percer à jour en détaillant ses mimiques et sa façon d’être. La façon qu’il avait eu d’ajuster sa tenue, de croiser les jambes, de se tenir face à elle. Elle parlait peu mais observait sans relâche. N’était-ce d’ailleurs, pas un peu gênant pour lui ? Elle pencha la tête sur le côté en sourit en coin avant de se redresser à son tour et de croiser les jambes. Elle était un brin amusé de le voir lui poser toutes ses questions sur son book. « Ça t’intéresse vraiment ? » demande-t-elle par simple curiosité. Ne cherchait-il pas à trouver un sujet de conversation ? Ou à faire semblant de s’intéresser à elle pour mieux la séduire ? Elle remonta son pull sur son épaule et finit par lui dire « J’ai bien avancé mais ça demande pas mal de boulot … j’ai passé ces derniers mois à ne faire que ça, alors oui … j’ai passé beaucoup de temps dessus, mais je suis du genre perfectionniste alors … » elle n’avait pas autant parlé depuis des mois … elle se surprise même à reprendre son souffle légèrement. Le serveur arriva à cet instant est déposa une bouteille de champagne que Kelea devina plus cher que la normale. Elle fixe Se Yun gênée et regarda la bouteille « Tu n’étais pas obligée … » dit-elle presque timidement. Elle gratte sa joue mal à l’aise mais appréciant l’attention. « Et je te montrerais mon book que si tu es sage … » blagua-t-elle. C’était une phrase qu’elle sortait souvent, un tic de langage qu’elle espérait ne pas être déplacée aux yeux du garçon. C’était peut-être un sous-entendu un brin tendancieux qu’elle n’avait pas eu l’intention de dire. Elle attrape alors sa coupe de champagne que le serveur avait rempli et le lève devant elle. « A cette soirée alors … » trinque-t-elle en croisant le regard du garçon quand elle porte la flûte à ses lèvres, déposant sur le verre une fine couche de rouge à lèvre rouge qu’elle finit par tourner vers le garçon en déposant son verre sur la table.

« Si ça ne m’intéressait pas, je n’aurais pas posé de questions » elle appréciait sa franchise, même brute de pomme. Elle esquisse un sourire rassuré en coin et remonte la manche de son pull qui ne cessait de dévoiler son épaule. La gêne soudaine du garçon fit penser à Kelea qu’elle avait commise une erreur. N’aurait-elle pas dû lui demander avant s’il partageait l’addition ? Il avait été évident pour la jeune femme qu’il l’invitait parce que c’est ce à quoi elle avait toujours été habituée … Elle se méprend sur sa gêne et pense déjà à l’addition qu’elle devra payer. Et bien au moins comme ça c’était claire que ce n’était pas un rendez-vous … Pourtant quand elle croise son regard elle mentirait si elle ne disait pas qu’elle ne ressentait pas cette attraction. Elle sourit à sa remarque et ne put trancher, savoir s’il flirtait avec elle ou non. Trop de signe contradictoire en si peu de temps, elle était définitivement perdue. Elle aimerait avoir l’audace de lui demander je te plais ? T’attends quoi de moi ? Mais elle passerait assurément pour une folle. Elle préférait se contenter de nager dans le flou plutôt que de passer pour une névrosé qui perdait les pédales dès qu’elle n’avait plus le contrôle de la situation. Elle passa une main dans ses cheveux avant de boire une gorgée de champagne. Délicieux, comme elle s’y attendait. Elle rit légèrement devant la veine tentative de Se Yun pour paraitre à l’aise et rougie quelques peu à ce surnom. « Ma belle ? » reprit-elle avec une moue amusée et un brin moqueuse. « Hé bien… » Je fais une dépression. J’ai perdu mon fiancée y a un peu moins d’un an et depuis je n’arrive pas à remonter la pente. Seules les études comptent dans lesquels je me noie pour être certaine de ne pas avoir à penser à autre chose. Ça ne fait quelques semaines que je me suis remise à me maquiller et sortir un peu de ma torpeur. Bien évidemment elle ne se voyait pas lui dire ça comme ça alors elle se contente de sourire en soufflant « Je dois avouer que je manque de passion ces derniers temps … je dessine et je dors » et pour ne pas paraitre trop pathétique elle ajoute «  Et je pense reprendre le cheerleading. J’ai dû arrêter après … une blessure, mais ça me manque. Qui sait, j’aurais peut-être l’occasion de t’encourager. » Elle hausse ses sourcils en affichant un sourire un brin charmeur et fait mine de se concentrer sur ses couverts pour cacher le rouge de ses joues. « Et toi … mon beau ? Que fais-tu quand tu as du temps libre ? En dehors du fait de venir chercher les jolies étudiantes dans leur classe pour les emmener diner au restaurant. » Elle plante à nouveau son menton dans le creux de sa main et ancre son regard au sien taquine.

Il pouffa légèrement, non pas pour se moquer d’elle, mais parce que l’idée le faisait réellement rire. « je sais pas si c’est une bonne chose ou pas » Il ne s’imaginait absolument pas dans un contexte aussi sérieux, et il fut bien content d’avoir fait ce choix il y avait des années quand il voyait la réaction de la jeune femme. Il sentit ses joues chauffer, et il espérait qu’aucune rougeur n’était apparu. Il aurait tellement aimé être capable de garder son apparence de bad boy, il aurait tellement apprécié montrer de quel bois il se chauffait. Dur. Autoritaire. Bagarreur. Et face à elle, il n’était aucune de toutes ces choses. Il avait juste l’impression d’être un enfant hésitant en train de réclamer une friandise à sa maman, malgré le fait qu’une heure plus tôt, il avait cassé un verre en jouant au ballon à l’intérieur. Il fut un peu plus désarçonné par la question de la jeune femme, et ses sourcils se froncèrent de leur propre chef. « si ça ne m’intéressait pas, je n’aurais pas posé de questions » dit-il en penchant un peu plus la tête sur le côté, essayant de comprendre l’intérêt de cette question. Ce ne fut qu’une fois que les mots furent sortis de sa bouche qu’il se demanda s’il n’avait pas été un peu sec dans sa façon de s’exprimer, espérant simplement que sa nervosité avait rendu sa voix plus douce qu’elle ne l’était en temps normal. Il hochait la tête régulièrement en l’écoutant, pratiquement tous les deux mots. Il observa le serveur pour se détourner un peu du regard de Kelea, le remerciant lorsqu’il remplit leur verre. « mon plaisir » il glissa, content de lui lorsqu’il observa l’attitude de la jeune femme face à l’apparition de la bouteille de champagne. Il n’osa pas avouer que pour lui, tout ceci n’était rien, mais réalisa aussi que ce que les mots de la jeune femme impliquaient, c’était qu’il allait payer… et donc que c’était un rendez-vous… et si auparavant il avait prié pour ne pas finir rouge, il était certain d’être d’un seul coup devenu une tomate, ou d’avoir pris soudainement un coup de soleil, loin des rayons de celui-ci, à la lumière de la lampe sous laquelle ils se trouvaient. Il racla sa gorge, retourna rapidement son attention vers elle lorsqu’ils trinquèrent, se contentant de dire « oui » puisqu’il n’avait toujours pas réussi à reprendre contenance. Il but quelques gorgées, et reposa le verre sur la table, commençant à jouer avec le pied de la coupe en s’adossant à sa chaise. Avec un léger sourire en coin qui se voulait séduisant, il dit enfin : « ça dépend de ce que tu entends par sage ». Il espéra que c’était bien comme ça qu’on flirtait, et non pas en suivant les gens aux détours des couloirs et en les harcelant de messages sans queue (parfois) ni tête. Il se redressa. « mais je vais essayer de faire de mon mieux » Il voulait tenter un clin d’œil, mais il eut soudainement peur que ça fasse trop, peut-être qu’elle n’était pas intéressée, et qu’elle voulait simplement profiter d’un bon repas tous frais payés. Son esprit et son cœur faisait des allers-retours entre des hypothèses tellement différentes qu’il ne savait plus où donner de la tête. Il continuait de jouer avec son verre, mais son attitude s’était faite nettement moins charmeuse. Il avait si peu l’habitude d’être ainsi, mais c’était aussi parce qu’il avait si peu d’enjeu en général. « qu’est ce qui occupe ton temps en dehors des cours, ma belle ? » Et il était certain que s’il avait pu jeter sa tête contre la table, il l’aurait fait. Foutu sobriquet.

Cette sortie était peut-être une erreur, peut-être n’arriverait-il a rien pendant ces quelques heures, si tant est que cela dure ne serait-ce qu’une heure, il n’arriverait qu’à se ridiculiser un peu plus à chaque minute avec des remarques de plus en plus sorties de nulle part, ou des sobriquets qui allait bien trop loin vu qu’ils n’étaient pour l’instant rien l’un pour l’autre. Certes, il ressentait une certaine attirance envers la jeune femme, mais était-ce plus que physique ? (Sûrement, il se disait, parce que pour un simple plan cul il ne se serait pas donné autant de mal) Et elle ? Est ce qu’elle ressentait quoique ce soit pour lui, ou l’avait-elle simplement pris en pitié, avait accepté son invitation juste pour qu’il ne se sente pas mal à l’aise ? Il grimaça presque lorsqu’il l’entendit répéter les mots qu’il avait utilisé pour la qualifier, s’attendant à ce qu’elle lui fasse une remarque cinglante à laquelle il devrait répondre en lui apprenant où était sa place, et toute la soirée se réduirait à un fouillis duquel ils voudraient échapper le plus vite possible pour ne plus jamais croiser le regard de l’autre. Mais rien ne vint, et ce ne fut que lorsqu’elle commença à lui parler réellement de ses passions – ou dans ce cas de son manque de passion – qu’il se permit enfin de souffler, reprenant à la hâte quelques bouffées d’air pour réoxygéné son cœur et son cerveau. Son visage s’illum8na un peu lorsqu’il l’entendit parler de cheerleading, s’imaginant tout de suite des mini jupettes sexy qui dévoileraient des cuisses fines à la peau douce, des filles qui sautillaient avec leurs seins faisant des vas et viens dans les airs. Il se mit à sourire, à l’idée de la voir dans cet accoutrement, mais aussi à celle de l’entendre l’encourager. « les jolies étudiantes ? j’en vois qu’une pour l’instant » il lui répondit, un sourire sur les lèvres, se sentant reprendre un peu confiance en sentant l’atmosphère se faire un peu plus flirteuse. Il l’observa quelques secondes, plongeant son regard dans ses beaux yeux pour s’imprégner de leur couleur. Quelles étaient ses occupations ? Il essaya de réfléchir le plus vite à une réponse à la question dont il était lui-même l’instigateur. Je vais voir des putes, je les baise bien sévère parce que juste avant je me suis cassé le poignet après avoir frappé une autre meuf… je rencontre des salopes en boite, et je les baise en connaissant à peine leur prénom… je me bourre la gueule au point d’en oublier où je suis… je coince mon pénis dans ma braguette, c’était du joli ça aussi… oh, oui, à ne point oublier, j’adore faire chialer des enfants… Tout ceci était une bien mauvaise idée. « je voyage beaucoup » dit-il alors, avec la mine la plus passionnée qu’il réussit à créer sur son propre visage. « un peu partout dans le monde j’en profite » dit-il avec un sourire, essayant de ne pas passer pour le type arrogant qui étale tout son argent (bien que c’était tout à fait ce qu’il était). Il tenta d’ajouter une pointe d’humour. « genre, durant les dernières vacances, je suis parti dans le triangle des Bermudes pour voir si la légende est vrai » Il prit une nouvelle gorgée du champagne, et vit du coin de l’œil le serveur arriver avec leurs plats. « mais mis à part ça… j’ai des occupations plutôt classiques ? regarder des films, sortir avec les amis, tout ça » il conclut avec un sourire, pile au moment où les plats arrivèrent face à eux, espérant, comme s’il se trouvait à un entretien d’embauche, avoir fait bonne impression.