Ça le saoule déjà et ils n'ont même pas commencé, mais qu'est-ce qu'il a fait au ciel pour qu'on l'emmerde autant ces derniers temps ? Ils sont nombreux dans sa promo, en deuxième année, c'est encore la petite école et le rythme n'est pas très effrayant ; à la portée de n'importe quel passionné bosseur comme lui. Ce n'est pas comme s'il se tournait les pouces contrairement à ce qu'on lui envoie sur la gueule là tout d'suite. On l'a rattrapé à la sortie pour mieux lui plomber sa journée. « On a déjà un concept avec Yeol, on te dira quoi faire ce soir. » C'est pas mal de les faire travailler en équipe, par groupe de trois ou quatre et parce que Hiro a laissé le prof l'intégrer où il restait de la place, le voilà commis d'office avec le plus gros con que la terre ait jamais porté. Le mec le plus relou de sa classe et accessoirement, celui qui semble lui vouer une haine uniquement justifiée par ses hauts scores et le rejet qu'il a subi de la part de Hiro à la rentrée. Fallait l'excuser, mais cet automne, le p'tit n'était pas dans son assiette et encore heureux qu'il n'en criait pas les raisons sur tous les toits. Ça s'est su malgré tout et ce type ne se gêne plus de le prendre de haut depuis. « C'est une blague ??? T'as compris quoi dans "travail d'équipe" ? Vous allez juste me refiler le sale boulot. » Le Nagao n'est pas dupe non plus, mais ça ne l'arrange pas lui, il est à la fac pour apprendre, pas pour glander. L'autre hausse les épaules et tente une approche agressive en poussant celle du japonais. « Depuis quand, toi, tu connais ces mots ? Ne nous gêne pas. » Il serre le poing, mais comme toujours, il le laisse gagner parce qu'au fond, à quoi bon ? Ce gosse de riche a tout pour lui, une famille, des amis, de bonnes notes et si embêter le benjamin des Nagao égaye sa vie, qui est-il pour l'en lui retirer ? « C'est ça, t'as raison. Tu feras moins le malin quand je planterai vos codes, ducon. » On lui saisit le col et il attend presque qu'on le frappe, ah, mais l'autre a une réputation à garder et il finit par le lâcher. Hiro recule sous la force du plus grand et il sourit jusqu'à ce que son camarade s'en aille et disparaisse à l'intérieur du bâtiment. Il sourit jusqu'à ce qu'il puisse laisser le masque tomber et choisir une direction différente. C'est l'heure du déjeuner, mais il n'a plus très faim et plutôt que de rester planté devant l'université, il s'engage dans la cour et choisit un banc vide pour s'y asseoir. Il sort son téléphone et tente de se distraire en défilant sur ses dernières photos : mauvaise idée. Il aimerait tellement que ça aille mieux, il a l'impression d'avoir le cœur lourd tous les jours et pour n'importe quoi. Parfois il ne se reconnaît pas, il se demande où est passé le petit Hiro de l'été dernier ou alors, pourquoi il ne se montre pas plus, parce qu'il n'a pas disparu... non, bien sûr que non. Il bouge pour se mettre de côté et poser les pieds sur le banc, les genoux pliés tandis qu'il lance Tetris. Voilà, ça va le distraire jusqu'à ce qu'il en ait marre. Il veut dépasser son record et ce jeu le rend dingue, mais c'est une bonne façon de se défouler aussi.

Tu bailles non discrètement, ouais, le manque de sommeil ne te réussit pas finalement. Il faut dire que tu es habitué, t'es pas ce genre de garçon à devoir dormir huit heures pour pouvoir tenir debout. Huit heures ? C'est une grosse nuit pour toi ça, en ce moment, tu enchaînes les soirées à l'Epsilon alors le sommeil... Ce n'est qu'un doux rêve éveillé. Tu te diriges vers ton casier, tes cahiers de dessins en mains tu ne tardes pas à ouvrir la porte du casier sans aucune attention, non, ce qui attire ton attention, c'est ce qu'il se passe à quelques mètres de toi. Alors tu déposes doucement tes cahiers, observant la scène, tu fronces les sourcils. Hiro ? Le petit frère de Tadashi. Oh ça fait bien longtemps que tu ne lui as pas parlé... Des années, sans doute, tu ne sais même pas s'il se souvient de toi. Ouais toi, le frère de Min Hee, la défunte petite-amie de son aîné. Il faut dire qu'après la mort de ta sœur, tu as évité tout le monde, si on ne venait pas vers toi... C'était foutu. Pour preuve, tu t'es éloigné de Tadashi, tellement éloigné qu'il est presque redevenu comme un inconnu, comme si vous n'aviez rien partagé. Son visage te rappelait beaucoup trop ta soeur pour que tu puisses accepter son aide. Ce n'est pas la première fois que tu croises Hiro dans les couloirs de la faculté et bizarrement, ce n'est pas non plus la première fois que tu le vois au milieu d'un conflit. Et alors que ce type le saisit par le col, toi, tu claques la porte de ton casier. Si ça part en bagarre tu t'en mêleras sans doute, jouant les médiateurs afin de tirer Hiro de là. À quand remonte la dernière fois que tu l'as vu sourire, au juste? Ce détail te fait tiquer, ouais... Il n'y a pas que ces conflits qui t'interpellent, il y a son attitude. Alors tu restes sur place, même s'il ne t'a pas vu, tu le vois s'éloigner une fois que la situation s'est un peu calmée. Serait-ce une bonne idée d'aller le voir? Pourtant tu vas y aller, tu te connais assez pour savoir que c'est bien plus fort que toi, tu ne sais même pas s'il se souvient de toi, s'il a envie de te parler mais tu as besoin d'y aller. Il s'agit quand même du frère de Tadashi, malgré cette distance que tu as malheureusement installée. Tu te décides enfin à le suivre, le retrouvant assis seul sur ce banc, pianotant sur son téléphone portable, ça te fend le cœur d'assister à cette scène. Un court instant d'hésitation, tu en profites pour regarder autour de toi avant de t'approcher de ce banc. « Hey. » commences-tu d'une fine voix. Tu plisses les lèvres un court instant, t'as peur d'être maladroit, ça fait tellement longtemps... Il se demandera sans doute ce que tu veux, ou s'étonnera de te voir encore en vie. « Je peux? » demandes-tu, désignant l'autre partie du banc d'un geste du menton. Oh il y a encore assez de place pour que tu t'installes, t'es pas gros comme garçon, t'es même une brindille... Mais c'est un moyen de lui demander si tu ne le déranges pas, tu n'as aucune envie d'être envahissant alors qu'il souhaite rester seul. Il est rare pour toi de te retrouver face à des personnes qui sont au courant de la mort de ta sœur, tu as bien du mal à t'y faire, comme si... tu étais mis complètement à nu. « Je t'ai vu avec les types de ta promo... » dis-tu de manière à lui faire comprendre qu'il n'a pas à t'expliquer grand chose, quand bien même, tu doutes qu'il ait vraiment envie d'en parler. « Ça va toi? » demandes-tu d'un air peu à l'aise et, oui, inquiet. Tu vois bien qu'il n'est pas au top de sa forme mais si seulement ce n'était qu'aujourd'hui... Or toi, tu n'as aucune idée du calvaire que les Nagao ont vécu ces derniers mois, aucune fichue idée, pourtant tu sais qu'il se passe quelque chose. Peut-être que Tadashi a su te le cacher, mais tu doutes que Hiro le puisse, tu le vois déjà.

Il est concentré sur son écran, les deux mains occupées à combattre la rapidité des blocs et ça marche plutôt bien, parce qu'il ne pense plus à rien et qu'il n'entend même pas la première intervention d'un importun venu squatter son banc. Il le monopolise à moitié, c'est un banc public et d'accord, son nom n'y est pas gravé, mais il a pourtant l'air de vouloir être seul, non ? L'élève se manifeste à nouveau et capte cette fois l'attention du garçon, non sans lui faire perdre le rythme et finalement, sa partie dans un sifflement de mécontentement. Il abandonne et pose son téléphone en levant les yeux sur celui qui est venu le déranger. Il fronce les sourcils et paraît agacé sur le moment, mais son expression change totalement lorsqu'il reconnaît son vis-à-vis. Yury ? Il le fixe quelques instants sans rien dire et la bouche entrouverte à en gober des mouches. Ça fait une paie qu'ils ne se sont pas parlés, même s'il lui arrive de le croiser parfois de loin, sans jamais osé l'aborder. Pourquoi l'aurait-il fait ? C'est un ancien ami de Tadashi après tout et par ancien, il les sait toujours en froid, à moins qu'ils se soient réconciliés entre-temps et que Hiro n'ait juste pas eu l'occasion de le savoir. Faut dire qu'ils ne parlent plus beaucoup les deux frères, du moins pas sur des sujets aussi fâcheux que le frère de son premier amour décédé. Ça le surprend de le voir face à lui, il doit l'admettre, parce qu'ils ne se connaissent pas tellement et qu'il se demande bien ce qu'il lui veut. Toutefois, il replie un peu plus ses jambes pour lui laisser de l'espace et l'inviter à s'asseoir avec lui. « Vas-y, il ne m'appartient pas.. » Il sait bien les raisons qui ont déchiré l'amitié entre lui et Tadashi et pour ça, il se sent à la fois bien et mal à l'aise avec lui. Ils ont tous deux perdu un membre de leur famille et Hiro en a lourd sur le cœur, et il se dit que Yury a vécu la même chose il y a plusieurs années. Est-ce qu'il le sait ? Pourquoi vient-il lui parler ? Hiro ne peut s'empêcher d'être sur la défensive. « Je t'ai vu avec les types de ta promo... » Il baisse les yeux, « c'est rien » et se triture les mains. C'est donc ça, il l'a vu se disputer avec ses camarades et s'est senti obligé de venir le voir ? « Ça va toi ? » C'est étrangement touchant, en vérité et les pommettes du plus jeune rosissent un peu. S'il va bien ? Il ne sait pas comment lui répondre... est-ce qu'il devrait le repousser comme les autres ? Il relève les yeux vers lui et se triture toujours les doigts. « Ça pourrait aller mieux... » Yury l'impressionne sans doute un peu, aussi. « Ça fait longtemps, ça me surprend que t'aies envie de me parler. » Ce n'est pas un reproche, le ton est même timide. « Ou que tu te souviennes de moi. Pourquoi aujourd'hui ? » Quoiqu'il fasse, il reste malgré tout sur la défensive.

Ouais, Tadashi et toi... C'est compliqué, ou pas tant que ça au final. Il y a eu cette distance qui a bousillé votre amitié, cette distance que tu as imposé sans le vouloir, parce que t'étais malheureux, parce qu'il te rappelait beaucoup trop Min Hee, tellement que le simple fait de voir son visage, te rappelait beaucoup trop de souvenirs douloureux, tu ne pouvais pas faire semblant et tu es honnête avec toi même : durant cette période, tu n'as même pas essayé. Pourtant tu l'as retrouvé, du moins, vous aviez discuté comme vous ne l'aviez plus fait depuis sept longues années. Il n'a pas vraiment parlé de sa vie, ou il esquivait, dans tous les cas tu n'es au courant de strictement rien. Mais tu ne  t'es pas éloigné que de Tadashi, non, de sa famille aussi... Hiro, vous vous connaissiez bien pourtant, tu l'appréciais énormément ce petit mais évidemment, en t'éloignant de ton ami, tu t'es aussi éloigné de tout ce qui le touchait de près ou de loin. Sa famille dans un premier temps. Pourtant là, tu as assisté à une scène qui attise ton inquiétude. Il est seul mais est-ce qu'il va bien? Loin de toi l'envie d'être indiscret mais malgré cette distance, les Nagao, restent quand même des personnes que tu connais et que tu apprécies. Alors tu n'hésites pas plus longtemps et tu fais ce premier pas, t'assurant que tu ne le déranges pas parce que non, tu ne souhaites pas non plus t'imposer. Quand il te répond positivement, tu ne tardes pas à t'asseoir à ses côtés, un brin timide, tu lui demandes comment il va. Oh pas que tu soit timide, loin de là, mais tu n'as aucune envie de le brusquer, il n'a pas l'air d'aller bien et quand il te répond qu'il pourrait aller mieux, t'en as la confirmation. « Ça fait longtemps, ça me surprend que t'aies envie de me parler. » Oui, ça fait longtemps... Très longtemps même, mais pourquoi n'aurais-tu pas envie de lui parler? Tu lui poses pas la question, tu sais pourquoi, tu as repoussé absolument tout le monde et ça, il doit bien le savoir. Il sait ce qu'il s'est passé, peut-être le comprend t-il même mais dans tous les cas, tu n'avais aucune envie de briser tout contact avec lui, exactement comme Tadashi... Mais c'est arrivé. Tu baisses alors la tête un court instant. « Ou que tu te souviennes de moi. Pourquoi aujourd'hui ? » Évidemment que tu te souviens de lui, tu hausses doucement les épaules, reprenant d'une petite voix. « Désolé... Je me suis éloigné de tout le monde. » C'est rare que tu t'excuses pour ça, pour preuve, tu ne t'es même pas excusé auprès de Tadashi, à croire que c'est plus facile avec les personnes dont tu es moins proches. « Ce n'était pas contre toi, tu sais. » lui assures-tu tout de même, sait-on jamais, il n'est pas dans ta tête alors peut-être que tu le rassureras de cette manière. Tu relèves la tête, lui offrant un sourire crispé mais surtout, désolé. Cela fait plusieurs fois que tu le vois dans ce genre de petites embrouilles et aussi, bien longtemps que tu ne l'as pas vu tout souriant, d'ailleurs. Ce n'est peut être qu'un mauvais hasard mais tu veux en avoir le cœur net, puis de toute façon, la réponse qu'il t'a donné te montre clairement qu'il se passe quelque chose. « Je m'inquiète pour vous. J'ai... croisé ton frère il n'y a pas longtemps, je ne l'ai pas vraiment senti. » Quelque chose clochait, c'est l'impression que tu as eu, ouais, tu l'as recroisé au cimetière et c'est aussi pour cette raison que tu ne t’attardes pas sur ce point là. « Peut-être que ça venait de moi. » Après tout, c'est à cause de toi que vous vous êtes éloignés, peut-être que ç'a définitivement cassé quelque chose entre vous ? Mais pourquoi Hiro est-il aussi dans cet état ? Il se passe forcément quelque chose, même si ce ne sont pas tes affaires et ça, tu en es parfaitement conscient, tu veux simplement t'assurer que ce n'est rien de grave, c'est plus fort que toi. « Mais depuis quelques temps, je ne te vois plus en forme toi non plus. » termines-tu, d'un ton inquiet. Tu n'as pas réellement poser de questions à Tadashi, vos retrouvailles étaient déjà si... Bizarre, tu n'allais pas en rajouter une couche. Cependant, pour ne pas le mettre mal à l'aise, tu tentes de le rassurer aussitôt. « Je sais que ce ne sont pas mes affaires, mais je voulais m'assurer que tout allait bien et que je me faisais des idées. »

Ça le surprend Hiro et il aimerait plutôt croire à une coïncidence, mais il sourirait bien en ayant la pensée, juste un instant, que Yury soit venu par une sincère préoccupation. Puis non, il ne sait pas trop ce qu'il aimerait en vérité.. qu'on lui fiche la paix ? Qu'on le laisse broyer du noir tout seul et qu'on arrête de lui porter de l'intérêt au moindre petit problème ? Il en a marre Hiro, les préoccupations de sa mère l'étouffent et celles de Tadashi l'enfoncent un peu plus. Il sait qu'il n'agit pas pour le mieux de cette famille, mais il ne veut pas être couvé. Il veut se sentir grand et fort, il voudrait qu'on le regarde comme un adulte et non un enfant, mais quoiqu'il fasse, il se retrouve toujours au centre des conflits. Ses disputes avec son frère l'épuisent, ses camarades l'énervent et pour ce qui est de ses amis, il se sent un peu plus désolé pour eux à chaque fois. Il est parfois maussade, parfois hâtif et d'autres fois plus froid qu'il ne le voudrait, parce qu'il commence à se haïr autant qu'il hait son frère. De la haine, le mot semble fort et pourtant, il l'emploie assez facilement lorsqu'il essaie de décrire ce qu'il ressent pour son aîné. Il regarde Yury l'espace d'une seconde et ses yeux retombent vite sur ses jambes qu'il replie contre sa poitrine. Il n'a pas envie de sourire Hiro, ni même de s'apitoyer, mais il commence à suffoquer de ses propres mensonges. Des "je vais bien" il en sert par dizaines, mais ne les pense pas souvent. Il ne sait pas pourquoi, mais aujourd'hui il se montre un peu plus honnête. « Désolé... Je me suis éloigné de tout le monde. » Et c'est peut-être ce qu'il devrait faire aussi ? Non, le Nagao en mourrait. Il n'est pas fait pour vivre seul, quand bien même il clamerait haut et fort n'avoir besoin de personne. « Ce n'était pas contre toi, tu sais. » Il hoche doucement la tête, le regard toujours baissé sur ses genoux. Bien sûr que non, il n'avait pas assez d'importance pour ça. Pour qui en a-t-il ? Même Kin l'a oublié et c'est pourtant celui qui a toujours eu le plus d'importance pour le benjamin. Yury a perdu sa jumelle dans un tragique accident et parfois, aussi horrible sont ses pensées, Hiro a l'impression d'avoir aussi perdu Kin ce maudit jour de septembre. Il en a pleuré et en mouille toujours son oreiller quelquefois, sa faiblesse le rendant toujours plus agressif le lendemain et c'est ainsi qu'apparaissent ses mauvaises humeurs. Il peut s'en prendre à leur mère pour un rien, se montrer distant et fier, à ne rien vouloir admettre et laisser sa fierté prendre le pas sur son amour. Il en a à revendre pourtant, bien caché au fond de son cœur et finalement, il n'est qu'un pauvre gosse qui se croit mal aimé, mais qui ne sait juste pas voir que c'est tout le contraire. Qu'on essaie de l'aider, alors qu'il repousse les mains tendues, toujours. « Je m'inquiète pour vous. J'ai... croisé ton frère il n'y a pas longtemps, je ne l'ai pas vraiment senti. » Le plus jeune relève les yeux vers le Chu, intrigué. Alors, ils se sont bien revus, tous les deux. Il a essayé de les rabibocher par le passé, mais ça s'est soldé par un échec qui lui revient soudain en mémoire. Il admirait leur amitié, souhaitait en connaître une similaire et quand elle s'eût brisée, il en a eu le cœur fendu pour eux. Lui, le pauvre gosse de treize piges qui admirait son grand-frère comme on admirait une idole. « Hm, je vois. » Il n'est pas très bavard hein, il ne l'a jamais vraiment été. Pas avec Yury en tout cas, la différence d'âge peut-être ? Il se demande s'il fait toujours de la moto d'ailleurs, il le regardait avec deux étoiles dans les yeux à l'époque, avec une envie certaine de monter à l'arrière un de ces jours. Peut-être même, y faire un tour avec Tadashi. Ouais, la bonne époque où il rêvait encore de pouvoir appeler son frère "hyung". Il a envie de pleurer, pris de court par les souvenirs et les sensations plus que malaisantes que Yury fait resurgir en lui. « Mais depuis quelques temps, je ne te vois plus en forme toi non plus. » Il aurait envie de le repousser, de lui crier de se barrer, bordel... pourquoi il lui fait ça ? Il n'est même pas un ami proche ! Son inquiétude le dépasse et lui fait un bien fou en même temps, alors non, il ne le repousse pas. Il n'en trouve pas le courage et c'est peut-être grâce au lien qui a un jour lié Yury à son frère et qu'il croit en l'amitié, qu'il y croit assez pour se dire qu'un jour : ils se retrouveraient. Tadashi, pourquoi n'as-tu rien dit ? Hiro se sent obligé, mieux : il n'arrive plus à lutter et il renifle, sans pour autant laisser ses larmes couler. Les yeux lui piquent, mais il les refoule en se mordant les joues. Il ne veut pas avoir honte et il attend avant de parler, parce qu'il sent que sa voix pourrait craquer s'il répond maintenant. Alors, il a donné le temps au Chu de se justifier, mais ce n'est pas la peine : il comprend. Hiro est un gosse en mal d'attention, parce qu'il refuse celles qu'on lui offre et voilà, Yury n'a eu qu'à prononcer quelques mots clés et il trouve le courage. Juste, d'avouer. D'admettre pour une fois, qu'il ne va pas bien, même s'il a été le moins touché par la tragédie. « Tu ne te fais pas d'idées... Tadashi a dû oublier de te dire que nous avions perdu notre père, je suppose. » Il n'est même pas ironique, il essaie juste de raconter les faits sans se donner envie de chialer, parce qu'il se sent un peu étrange à l'idée d'en parler. Un poids s'installe au creux de son ventre, un autre dans son cœur et c'est comme s'il faisait quelque chose d'interdit. « On a eu un accident l'automne dernier. Notre père est mort, Kin est amnésique et… tu sais, il m'a oublié. » Il lui a répondu de façon indirecte : c'est pour ça qu'il ne sourit plus trop. Pour ça et toutes les merdes qu'il se crée depuis, pour ne pas montrer ses peines. « Personne comprend… ils savent pas, mais Kin, c'était comme mon jumeau. J'l'aimais comme ça et maintenant, je ne sais plus. » Il se pince les lèvres, il hésite, mais il avoue tout de même : « Tadashi conduisait. » Un mélange de mépris et d'accusation dans sa voix, mais il ne serre les dents qu'un instant avant de détourner les yeux vers le chemin et les étudiants posés. Il s'est juste dit, que Yury comprendrait. Il n'a pas fait attention à ses mots, aux heurts qu'ils pourraient lui causer, au choc de la nouvelle, non. Il sait juste qu'il est en droit de savoir, et s'il a merdé, tant pis. Ça libère un peu, d'en parler à voix haute.

Oh non, loin de toi l'envie de jouer les curieux ou quoi que ce soit. Si tu es ici c'est par inquiétude. Tu t'inquiètes pour Tadashi mais également pour Hiro, après tout, ils étaient comme ta famille. Et toi, ça te fait du mal de les voir comme ça, t'es loin d'être idiot, tu vois très bien qu'Hiro n'est plus le même, vous étiez plus ou moins proches avant tout ça. Peut-être que tu ne devrais pas te permettre de faire ce pas vers lui ? Maintenant que tu as comme qui dirait imposé cette distance malgré toi, peut-être que tu n'es effectivement plus légitime. Tu comprendrais qu'Hiro t'envoie sur les roses, qu'il te demande de te mêler de tes affaires, mais tu espères sincèrement qu'il comprendra que tu es réellement inquiet pour lui, pour eux. Et tu le vois dans son attitude, Hiro est détruit, ça te fait tant de mal de le voir comme ça. Mais qu'est-ce qu'il s'est passé au juste ? Clairement, tu ne reconnais plus Hiro. Tu lui avoues tes craintes, peut-être que ça vient de toi c'est vrai mais tu en doutes fortement, non mais... Regardez le. Il n'a même pas besoin d'ouvrir la bouche pour te dire quoi que ce soit que tu ressens déjà le besoin de l'aider, l'aider pour quoi au juste ? Tu ne sais pas, mais il n'est pas bien. Tu ne sais pas s'il essaye de le cacher ou non mais dans tous les cas, tu le vois bien. Alors oui, c'est vrai, tu es venu le voir pour t'assurer que tout allait bien, mais tu sais également que ce n'est pas le cas. Tu le vois et l'entendre renifler, tes sourcils froncés d'inquiétude, de compassion, tu observes la scène impuissant, ignorant la cause de son état actuel. Vous êtes tous les deux plongés dans ce lourd silence, lourd oui. Lourd de sens, d'émotions aussi, sans doute. Peut-être qu'il ne veut pas reprendre la parole car il n'ose pas te dire qu'il souhaite être seul, qu'il ne veut pas parler, ou alors... Peut-être qu'il retient ses larmes de cette manière, cette option te paraît la plus plausible d'ailleurs, après ces reniflements. « Tu ne te fais pas d'idées... Tadashi a dû oublier de te dire que nous avions perdu notre père, je suppose. » Ton visage se décompose aussitôt. Ta bouche s'entrouvre peu à peu sous le choc de la nouvelle, leur père... ? Tu le connaissais, évidemment, tu ne la croisais que quelques fois et rien de plus mais si tu t'attendais à cette annonce. Non, Tadashi ne t'a rien dit, mais ça explique également l'état dans lequel tu as retrouvé Hiro aujourd'hui, pourquoi tu ne le vois plus autant sourire, plus en forme depuis quelques semaines, voire mois. Ton cœur se resserre dans ta poitrine, tu te sens tellement idiot mais tu ne saurais expliquer pourquoi, c'est souvent ce qu'on ressent dans ces cas là : lorsqu'on ne peut rien dire, rien faire, pour consoler la personne face à nous. Tes lèvres se plissent dans une moue désolé, tes yeux se baissent même un court instant. Le perte d'un être cher, d'une personne de la famille, évidemment que tu connais. Tu parviens à sentir la douleur dans ses paroles, la manière dont il t'a balancé ça, ouais... Des paroles qui viennent droit du cœur, qui transpirent la souffrance. « On a eu un accident l'automne dernier. Notre père est mort, Kin est amnésique et… tu sais, il m'a oublié. » Ce qui explique l'absence de son sourire. « Personne comprend… ils savent pas, mais Kin, c'était comme mon jumeau. J'l'aimais comme ça et maintenant, je ne sais plus. » Tu fermes un court instant les yeux, ton cœur rate même un battement. Ça te fait plus de mal qu'on ne le pense, oui. Comme son jumeau. Toi, tu peux le comprendre, tu sais ce que c'est de perdre une sœur ou un frère dont on est proche. Un jumeau, une jumelle. Alors avec difficulté, tu relèves le regard dans sa direction quand il termine enfin, lâchant la bombe : « Tadashi conduisait. » Tu peux y sentir du mépris dans sa voix. De l'accusation. Tu hausses les sourcils, tu en as le souffle coupé. Tu peux déjà sentir toute la culpabilité sur les épaules de celui qui autrefois, était l'un de tes plus proches amis, tu comprends également pourquoi il t'en a pas parlé. Tadashi n'est pas le genre de mecs à raconter ses problèmes, encore moins après ce qu'il s'est passé entre vous et la distance que tu as imposé... Mais il doit mal le vivre, comme le reste de sa famille d'ailleurs. Inutile de lui en parler pour savoir qu'il culpabilise, qu'il en souffre lui aussi. Et ce pauvre Kin, tu le connaissais lui aussi, ça te fend le cœur. Alors d'une voix brisée par l'émotion, tu reprends enfin la parole. « Je suis désolé d'apprendre ça... Mes condoléances. » C'est le moins que l'on puisse dire, tu es sincèrement désolé. Pour son petit frère, pour son père, pour sa vie qui a littéralement basculé l'automne dernier. Que peux-tu bien dire d'autre ? Tu sais bien qu'aucun mot ne pourront l'aider, peut-être l'apaiser oui, mais pas l'aider. Tu as bien fait de venir le voir, effectivement, tu ne te faisais pas d'idée. Tu as tellement de peine pour lui, tu pourrais sentir ton cœur saigner de le voir dans cet état. « J'ignorais tout ça. » ajoutes-tu, bien qu'à la vue de tes expressions, il l'aura sans doute déjà compris. Mais toi qui déteste parler de ta défunte sœur jumelle, tu te demandes comment réagir, quoi lui dire, tu ne veux certainement pas remuer le couteau dans la plaie. Tu te braques facilement lorsque ça concerne Min Hee, mais tu sens peut-être, qu'Hiro avait besoin d'en parler, de le dire, du moins. Mais ça te déchire le cœur de le voir dans cet état, inutile qu'il te le dise pour le comprendre: il doit se sentir tellement seul, il te l'a déjà sous-entendu et aussi étrange que cela puisse paraître, toi, tu le comprends. Toi aussi tu te sentais seul, mais toi, tu rejetais tout le monde, tu espères simplement que ce n'est pas son cas, au moins, il n'a pas l'air de vouloir te rejeter toi. En tout cas, pas pour le moment. « Tu sais Hiro, tu n'es pas seul. » commences-tu, déposant après un court moment d'hésitation, ta main sur son bras. Timidement, tu ne tardes pas à la retirer de peur de te faire trop imposant, mais tu lui montres par ce geste une autre forme de soutient. « Si tu as besoin de quoi que ce soit... » Tu peux compter sur moi. Un service, ou même simplement parler, il comprendra. Il saura que tu feras de ton mieux pour l'aider, pour l'écouter. Il n'est pas seul, tu ne mentais pas. Et tu doutes être le seul à vouloir l'aider, il ne doit pas le voir, et sur ce point là aussi tu peux le comprendre. Toi aussi, tu avais ce sentiment que personne te comprenait.

Aussitôt dit, aussitôt regretté. Il n’ose toujours pas regarder Yury et voudrait même s’éloigner pour s’isoler un peu, trouver un endroit tranquille et y passer le reste de l’après-midi peut-être. Il garde ses bras autour des genoux en observant les alentours. « Je suis désolé d'apprendre ça... Mes condoléances. » Ça lui confirme que Yury n’en savait rien et d’un côté, ça le peine un peu. Tadashi devrait avoir des personnes à qui parler lui aussi, mais c’est un peu ironique quand lui-même ne se confie à personne. Il garde tout pour lui, se soigne seul et s’efforce de sourire avec les autres pour ne pas ternir l’ambiance. Il n’aime pas parler de ce qu’il ressent ; peut-être parce qu’il en a honte ou qu’il aurait l’impression de déranger ? On l’avait mis en relation avec un psychologue après l’accident, un homme venait le voir tous les jours quand il était alité dans un lit d’hôpital et à chaque fois, il est resté fermé. Il ne voulait déjà pas s’effondrer devant sa mère, alors devant un inconnu ? Non merci. Et c’est à cause de tous ces refoulements qu’il en est devenu plus agressif au fil des semaines. Il est telle une bombe à retardement qui ne demande qu’à exploser et un jour ou l’autre, ça arrivera. Aujourd’hui n’est rien, Hiro ne fait qu’un pas vers une main tendue ; une main qu’il n’espérait pas revoir de sitôt et ça le touche bien plus qu’il ne le montre. « Merci. » Il tourne les yeux vers l’aîné pour y voir le choc mêlé à la peine tordre ses traits, et il pense encore à l’amitié qui l’unissait à Tadashi il y a longtemps ; séparés à cause de la perte d’une proche. L’histoire se répète, mais se pourrait-il que cet aveu les rapproche ? Hiro se sent timide avec Yury malgré tout, même s’il lui a tout avoué d’une traite et sans tourner autour du pot. C’est la première fois qu’il dit tout haut ce qui le tracasse, car ce sont pour lui des marques de faiblesse et que, même s’il voudrait arrêter de souffrir seul, il repousse tout soutien. Si paradoxal. « Tu sais Hiro, tu n'es pas seul. » Il se mord les joues et hoche doucement la tête en montrant l’ombre d’un sourire, discret lorsque le Chu pose une main sur son bras. Il aurait même envie d’un câlin, mais il se gifle mentalement en préférant plutôt se recroqueviller un peu plus sur lui-même. Il se sentira seul quoiqu’on lui dise, parce qu’il aimerait que tout s’arrange au sein de sa famille et qu’il se monte la tête avec bien trop d’idéaux. Il aimerait soulager sa mère et même Tadashi, qui fait encore et toujours trop de mystères. Ce dernier est tout aussi fermé que lui sur ses sentiments et c’est ce qui les fait tourner en rond. « Si tu as besoin de quoi que ce soit... » Il est surpris, mais il ne devrait sûrement pas. Yury est un bon gars, il est content de le revoir et encore plus en constatant qu’il tient toujours à eux, les Nagao. « Okay… merci, mais tu n’es pas obligé. » Il baisse les yeux un instant avant de prendre une grande inspiration et de relâcher ses jambes pour poser les pieds au sol et s’asseoir correctement. Quand il cherche le regard de Yury, il redevient un peu timide et se montre hésitant sur ses prochains mots, mais finalement il ose. « Tu… toi et Tadashi, c’est toujours pareil ? » Oui vraiment, ça lui fait de la peine car même s’il est lui-même en froid avec lui, ça ne veut pas dire qu’il souhaite ça de tous ses proches. Il lui a tourné le dos, mais il n’en veut pas à Kin de lui pardonner et il en va de même avec les autres. « Il aurait besoin de toi en ce moment, je crois. » Hiro préfère alors s’intéresser au bois du banc où il y pianote des doigts, parce qu’il sent ses joues chauffer et qu’il a toujours envie d’aller s’isoler quelque part, mais d’un autre côté, la compagnie de Yury l’apaise et le met bien plus à l’aise qu’il ne l’aurait cru. « Je dis ça comme ça… ne lui répète pas. » Il fronce les sourcils, mais c’est un air inquiet qui suit. « Je ne sais pas ce qu’il fait, mais je suis sûr que c’est mauvais. Il ment, mais j’évite de penser au pire. » Et encore, le ‘pire’ auquel il pense est encore loin de la vérité, s’il savait. « Dis Yury, » commence-t-il, toujours aussi hésitant, « tu pourrais essayer de veiller sur lui plutôt ? » C’est son ami en premier, pas le sien. Il a même l’impression de le lui voler, ce qui est très bête, mais ça le gêne alors il espère qu’au moins, ces deux-là se reparlent.

Une catastrophe. Tu ignorais ce qu'il s'était passé pendant ton absence mais de toute évidence, il y avait un gros changement. Tadashi tentait de te le cacher et en réalité, il y parvenait assez bien mais ce n'est pas le cas de son plus jeune frère, Hiro. Tu n'étais pas si proche de lui mais tu le connaissais assez pour voir que quelque chose clochait, ça faisait longtemps que tu ne l'avais plus vu sourire non, et tu comprends désormais pourquoi. Tu en as les jambes sciées, tu te sens tellement mal... Les Nagao était comme ta famille à toi aussi, tu aimerais pouvoir les aider mais tu ne sais pas comment, c'est délicat, n'est-ce pas ? Tu n'as même pas su affronter la perte de ta sœur, pire, tu n'as même pas su accepter l'aide de quelqu'un... Ouais, tu ne sais pas trop quoi faire là. Son sourire est tellement brisant, le gosse qui se tient à côté de toi est brisé en tout point, il suffit de le regarder, recroquevillé sur lui-même certainement à la recherche d'un peu de réconfort. Toi, t'es tactile, tu n'as aucun souci avec ça et c'est pour cette raison que tu viens doucement déposer ta main sur son bras, délicatement, dans un geste qui se veut réconfortant. Tu aimerais le prendre dans tes bras si tu étais certain de faire ce qu'il fallait. Tes sourcils légèrement froncés par l'inquiétude, tu restes là, à l'observer, avant de lui avouer que tu es là, et s'il a besoin de quoi que ce soit, qu'il n'hésite pas. Ca peut paraître idiot, tu disparais pendant sept ans et tu reviens, comme un cheveu dans la soupe. Pourquoi devrait-il te faire confiance ? Tu espères au fond de toi qu'il te connaisse assez pour ça, pourquoi se confierait-il à toi s'il n'avait pas confiance, après tout ? Tu n'aurais jamais dû t'éloigner autant de cette famille, t'éloigner autant de tous tes proches mais... Tu es encore persuadé de n'avoir aucune autre solution, à part la solitude qui au final, ne t'a pas aidé tant que ça. « Okay… merci, mais tu n’es pas obligé. » reprend t-il, baissant les yeux avant de reprendre une position convenable. Tu lui offres un doux sourire, discret mais surtout amer après de telles révélations. « Je sais. » Oui tu le sais, tu n'es pas obligé mais tu seras là. Il te brise le cœur, Hiro et bordel... Tu n'oses même pas imaginer l'état de Tadashi. Un court silence s'installe entre vous, un silence que tu ne cherches pas à combler, bien trop intrigué par le comportement du petit Nagao qui se fait étrangement... hésitant. « Tu… toi et Tadashi, c’est toujours pareil ? » Ta mine se décompose, tu déglutis même. Si c'est toujours pareil ? Non, ça fait bien longtemps que tout a changé. Sept ans, sept longues années. Et ça te brise le cœur de l'avouer, mais aussi de te dire que c'est à cause de ton comportement si vous en êtes arrivés là. C'est pour cette raison que tu ne réponds rien dans un premier temps, l'air désolé et attristé que tu adoptes actuellement répondra sans doute à sa question. « Il aurait besoin de toi en ce moment, je crois. » Tu ne le lâches pas du regard, non, tu le questionnes même d'un regard interrogatif. Tu pourrais le comprendre, tu avais besoin de lui lorsque tu as pris l'horrible décision de le repousser mais pourquoi, lui, aurait besoin de toi? Après des années des absences? Tu peux déjà te considérer chanceux qu'il n'agisse pas comme un simple inconnu avec toi, parce que tu l'aurais mérité, clairement. « Je dis ça comme ça… ne lui répète pas. » Tu fronces les sourcils, remarquant son air inquiet qui te rend tout aussi inquiet, toi aussi. « Je ne sais pas ce qu’il fait, mais je suis sûr que c’est mauvais. Il ment, mais j’évite de penser au pire. » Ton regard se rive alors sur ses doigts, qu'il pianote contre ce banc comme plongé dans tes pensées. Comment ça, il ment ? Qu'est-ce qu'il fait ? Dois-tu en conclure que Tadashi est en train de prendre une mauvaise direction ? C'est encore pire que ce que tu croyais... « Dis Yury, tu pourrais essayer de veiller sur lui plutôt ? » Tu relèves ton regard dans sa direction, si Hiro a l'air si inquiet, ce n'est sans doute pas pour rien... Et t'aimes pas ça. Toi qui voulait retrouver ton amitié avec Tadashi, voilà que tu apprends que pendant ces dernières années, un drame a frappé la famille des Nagao, laissant un gosse amnésique, un Hiro détruit et un Tadashi qui inquiète beaucoup trop sa famille à ton goût. Évidemment que ça t'inquiètes, tu as peut-être passé sept années sans lui, ce n'est certainement pas pour recommencer ou faire comme s'il n'avait jamais existé, tu tiens beaucoup trop à lui pour ça. Il suffit de voir ton air abattu face aux annonces de son petit frère pour le comprendre, et c'est pour cette raison que tu lui réponds aussitôt: « Promis, je veillerai sur lui. » Et toi, t'aimes pas faire des promesses en l'air. Tu accompagnes même ta promesse par un sourire discret, éploré mais qui est présent pour le rassurer. Un sourire qui disparaît que trop vite, et ce n'est sans doute pas plus mal, c'est douloureux de le garder. « Je vais m'assurer qu'il ne fasse rien de mauvais. » continues-tu. Tu n'as aucune idée de ce dont il veut parler, et lui non plus, sans doute... En tout cas, oui, tu t'assureras qu'il ne fasse pas de conneries, en espérant tout de même que Hiro fasse erreur. Tu n'oses même pas imaginer ce que tu ressentirais si Hiro avait bien raison... T'es abasourdi par toutes ces nouvelles, et beaucoup trop inquiet. Tu sens même ce lourd poids sur ton cœur qui ne risque pas de s'envoler de si tôt. « Pense pas au pire, bonhomme. » Et dans un geste qui se veut réconfortant, tu viens lui frotter doucement le bras. Encore une fois, peut-être que tu ne devrais pas mais c'est plus fort que toi... Tu ne peux pas le regarder aussi malheureux, aussi inquiet, et ne rien faire. Et comme pour le rassurer d'autant plus, tu ajoutes même: « Et ça sera difficile pour lui de m'échapper, je suis dans sa chambre depuis les changements aux dortoirs. » Ça devrait le rassurer, tu feras ton possible du moins. Même si vous n'aviez plus cette relation qui vous liait autrefois, rien ne change. Tadashi reste Tadashi. Et tu comptes le retrouver, ne plus jamais l'abandonner. « Mais tu sais Hiro, je pense qu'il a plus besoin de toi que de moi. » Tu es sincère dans tes paroles, mais là, tu ne crois pas si bien dire...

Il lui fait assez confiance pour parler de ses ressentiments, même si Hiro évite soigneusement ses propres états d’âme. Il évite d’admettre au Chu que lui aussi, aurait besoin d’une épaule sur laquelle se reposer et une oreille attentive à sa peine. Pourtant, il préfère demander à Yury de veiller sur son frère et ce n’est pas si anodin, car peu importe la rancune et la colère qui l’habitent à chaque fois qu’ils se parlent, il tient à Tadashi. Il ne réalise juste pas à quel point leurs disputes l’affectent aussi. Hiro fait l’enfant et se dit juste que son aîné le supporte par obligation. Il a si longtemps envié Kin et aujourd’hui encore rien ne change, car ce dernier est bien plus doux et tolérant envers le plus grand. Il aimerait juste remonter le temps Hiro, récupérer leur vie d’avant et tout refaire en mieux, tout recommencer à zéro… parce qu’il ne le conçoit pas à l’heure actuelle. Il ne voit pas comment il pourrait regarder Tadashi dans les yeux sans penser à ce qu’ils ont perdu. Pourquoi a-t-il fallu que ce soit lui au volant et pas un chauffeur lambda ? Il n’a pas envie de blâmer le destin ou le mauvais sort, il n’a pas envie de se défouler sur du vent et des idées ; il avait besoin d’un bouc-émissaire et oui, alors, le mauvais sort lui a choisi son frère. Yury lui promet de veiller sur ce dernier et Hiro hoche la tête, satisfait. « Pense pas au pire, bonhomme. » Il est surpris par le geste qui suit, mais il ne fait rien de plus qu’acquiescer à nouveau en silence. Il y a même l’ombre d’un sourire sur son visage et il tourne la tête vers le plus vieux pour rencontrer son regard. Yury a l’air sûr de lui et sa patience suffisent à rassurer le plus jeune, et même à l’apaiser pour quelques temps – au moins jusqu’à la fin de cette journée. « Et ça sera difficile pour lui de m'échapper, je suis dans sa chambre depuis les changements aux dortoirs. » Hiro affiche un air surpris quelques secondes avant de se dire que le hasard ne pouvait pas mieux faire les choses. « Oh. » Il suppose que ça ne pourra que les aider à revenir l’un vers l’autre… parce qu’il ne sait pas trop comment son frère vit la chose, étant donné que « parler » n’est pas leur fort. Hiro ne peut qu’essayer de deviner en se mettant à leur place. Il voudrait retrouver son ami, même s’il ne lui pardonnerait pas en un claquement de doigts non plus. « Bonne chance alors, ne vous entretuez pas. » Il lui offre un sourire plus franc cette fois et jouer sur l’humour est une façon discrète de changer de sujet, de détourner l’attention de lui-même et focaliser Yury sur autre chose. Il a ravalé ses larmes avant même qu’elles ne coulent et il ne sera pas plus faible aujourd’hui qu’hier. Puis… « Mais tu sais Hiro, je pense qu'il a plus besoin de toi que de moi. » Le sourire disparaît. Il fronce les sourcils un instant et détourne le regard vers les arbres et tout ce qui peut attirer son regard. « Non, tu te trompes. J’suis la dernière personne dont il ait besoin. » Le ton est légèrement sec et incrédule, car sa colère l’aveugle et qu’il n’y croit vraiment pas. Tadashi lui en veut sûrement de faire ses caprices et toutes ses remontrances ne sont là que pour le lui faire payer ; c’est un peu ainsi qu’il pense Hiro. C’est comme ça qu’il préfère penser tout du moins et ça lui donne meilleure conscience. D’autres sont là pour veiller sur lui, leur mère et Kin par exemple ainsi que ses amis. Il ne voit pas en quoi il aurait plus besoin de lui aujourd’hui qu’avant. « Tu vas me dire que j’suis son frère et que j’ai tort, mais ne le fais pas s’il te plait. » Sa voix est plus douce cette fois, moins forte tandis qu’il se mord les lèvres en évitant toujours le regard de Yury. Il a besoin de toi Hiro. Ne le repousse pas Hiro. Sois compréhensif Hiro. Parle nous. La voix de sa mère fait écho et il prend une grande inspiration avant de se lever et donc quitter sa place sur le banc. « Désolé, je ne veux vraiment pas t’embêter… t’as sûrement mieux à faire que d’écouter un gamin. » C’est sûrement l’embarras qui lui fait dire ça, alors que le garçon ne lui a montré qu’une sincère gentillesse. « Mais merci. » Dit-il après un court silence et en dirigeant son regard vers ses pieds, encore.