Aujourd'hui c'est dimanche, saint jour de repos pour tout le monde, enfin à ce qu'il paraît parce que le petit dernier des Nagao a semble-t-il un rendez-vous important après le déjeuner et il dévore plus son bol de riz qu'il ne le savoure. « Pourquoi cet empressement Hiro ? » S'enquit sa mère en riant, elle est rayonnante aujourd'hui et c'est de plus en plus rare. « Même si je pense le deviner. Tu lui diras bonjour de ma part ? » Poursuit-elle en déposant un joli paquet sur la table. Des biscuits sablés faits maison que son fils lui a réclamé, et elle est heureuse de savoir qu'il s'est trouvé une amie si sympathique pour ne pas lui faire "payer" ses cours à proprement dit. Sauf qu'elle a été jeune un jour et que c'est un regard assez suggestif qu'elle adresse au plus jeune, qui se lève d'un bond après avoir fini son repas. « Je suis contente, mais ne tarde pas ? C'est toujours bon pour ce soir ? » Elle penche la tête et débarrasse pour lui avant de recevoir un hochement de tête en guise de réponse. Hiro a pris les mots de son frère en considération et il a décidé de consacrer plus de soirées en compagnie de sa mère, et de ce fait, il lui a proposé un canapé-film qu'il se promet de ne pas manquer. De toutes les façons, il rentrera pour le dîner. Il file se brosser les dents et en revenant, il s'arrête pour enlacer sa bienfaitrice. « T'es la meilleure, et repose-toi d'accord ? » Il attrape le paquet et sort de l'appartement avec le sourire, il est de bonne humeur aujourd'hui.


Il descend de son vélo et l'attache dans un emplacement adapté avant de se planter devant la résidence où vit son fameux rendez-vous. Rien de charnel rassurez-vous, il s'agit en réalité d'une sunbae particulièrement douée avec les chiffres et les ordinateurs, qui s'est un jour trouvée sur sa route et qui depuis, lui donne des cours particuliers en maths. Il n'en a pas spécialement besoin, mais il a tout de même raté les premiers mois de son semestre à cause d'un drame ayant touché sa famille, qui l'a touché à son tour et complètement démotivé dans ses études. Chose qui a évolué depuis deux mois, mais toujours est-il qu'il se sent à la traîne et que sa rencontre avec la Neugdae a sûrement été choisie par le destin. C'est simple : il l'admire. Il cherche le numéro de son appartement et sonne, puis une voix l'accueille, il s'annonce et la porte lui est ouverte. Après quoi, il prend l'ascenseur et ne s'arrête qu'une fois devant la bonne porte. Il frappe deux, trois coups et attend patiemment qu'on lui ouvre. Quand c'est chose faite, il ne peut s'empêcher de trépigner d'impatience en ne sachant pas pourquoi elle l'a contacté aujourd'hui. « Salut noona ! Désolé du retard. » Il s'avance un peu dans la pièce avant d'agiter son paquet. « Alors... qu'est-ce qu'on va faire aujourd'hui ? » Elle lui a demandé de l'aide et pour que ce soit chez elle, il espère déjà pouvoir la regarder bidouiller son ordi, à moins qu'elle ne l'ait appeler pour l'aider à monter une étagère ?? Oh, elle en serait capable.

Hana n'avait pas la chance d'avoir sa famille auprès d'elle, malheureusement. Seulement quelques photos, pour la majorité envoyées discrètement par internet, en passant par des connexions clandestines. Son départ de Chine avait été précipité, elle n'avait pas même eu le temps de prendre ses affaires, ni de leur dire au revoir. Deux femmes aux yeux verts, similaires en tous points aux siens, une très âgée et l'autre un peu moins, étaient sur son bureau, et à côté de son lit. Uniquement en image. Sa mère, et sa grand-mère. Elles lui manquaient, énormément. Mais impossible d'aller les voir. Trop dangereux. Elle était interdite de territoire en Chine, et avec son physique atypique, peu probable qu'elle parvienne à passer entre les mailles du filet sans se faire remarquer si elle y retournait, malgré sa « nouvelle identité ». Mieux valait ne pas jouer avec le feu. Alors elle se contentait de quelques discussions dérobées dès qu'elle le pouvait, en cryptant leurs échanges pour qu'on ne puisse pas y accéder. Et de photos.

Mais heureusement, elle avait tout de même de la compagnie. Tout d'abord, son chien. Sirius. Magnifique Husky aux yeux vairons, un chien spécial pour une humaine très spéciale, qui derrière ses airs de peluche, était une véritable arme de guerre si on s'attaquait à sa maîtresse. Et ses amis. Elle avait réussi à se faire des amis, pour la première fois de sa vie. Une nouveauté pour elle, et à laquelle elle prenait goût. Des amis adorables qui avaient organisé un voyage pour elle lors du Nouvel An lunaire afin qu'elle ne se sente pas seule, des amis qui l’entouraient, l'invitaient chez eux à manger et lui ramenaient même des biscuits maisons. Comme Hiro, là, avec ses sablés qui lui donnaient plein d'étoiles dans les yeux. « Ils ont l'air troooop bons. Ta maman cuisine vraiment trop bien. Et salut. » Dire bonjour ? La politesse ? Ca passait après les biscuits, voyons. Elle entama rapidement le paquet, mangeant un ou deux biscuits avant d'enfin se décider à répondre à toutes ses questions. « Aujourd'hui, j'ai besoin de toi pour une mission particulière. Et d'une haute importance. » Elle lui fit signe de la suivre jusqu'à son bureau. Son appartement n'était pas très grand, il s'agissait d'une seule pièce, mais énorme, contenant à la fois le lit, le bureau, et la petite kitchenette en mode cuisine américaine. Et ça lui suffisait amplement lorsqu'elle avait envie d'être seule, c'est-à-dire pas au dortoir, et qu'elle voulait bricoler, comme aujourd'hui. « Tu vois les trucs sur le bureau ? Les petites pièces noires ? » Et pour être petites, elles l'étaient. Il y en avait beaucoup, minuscules. « On va devoir les rassembler, pour en faire quatre mini caméras discrètes. Comme celle-ci. » Une caméra, toute prête, et pas plus grande qu'une pièce de monnaie. Oui, Hana avait officiellement décidé de se lancer dans l'espionnage et de se la jouer 007. « T'as une bonne vue, j'espère ? » Elle approcha quelques outils de lui, ainsi qu'une notice qu'elle lui avait dessiné histoire de lui montrer la marche à suivre. Avec un bonhomme qui était censé être Hiro, et les étapes par lesquelles il fallait passer. Elle avait du mal à cacher sa fierté d'ailleurs, quant au chef d’œuvre qu'elle avait accompli de ses propres mains. C'est-à-dire dessiner un bonhomme en bâton et avec un semblant de tête. « Tu vois, ça c'est toi. Et c'est toi en train de monter les minis caméras. »

C’est si facile de la distraire avec un peu de nourriture ou peut-être essaie-t-il juste de l’amadouer à chaque fois ? En plus ce n’est pas elle qui lui rend service aujourd’hui, mais lui et il s’intéresse à Sirius le temps qu’elle se décide à tout lui expliquer. Il s’accroupit et appelle l’animal qui s’approche sans trop de mal, habitué à voir le garçon depuis peu, mais peut-être pas encore assez pour lui sauter dessus à son arrivée. Il lui caresse le dos et lui gratouille les oreilles en ouvrant bien les siennes lorsque son aînée reprend la parole. Il acquiesce en silence et sans poser de questions sur le moment, il se demande juste ce qui a tant « d’importance » pour elle. Ça pourrait être n’importe quoi et tel qu’il la connaît, imprévisible, il n’arrive guère à le deviner. Il se redresse et la suit jusqu’à son bureau où il voit les tas de petites pièces disséminées et séparées en petits groupes, pour ne pas les mélanger. Il hausse un sourcil puis deux. Tout d’abord : qu’est-ce que c’est ? « On va devoir les rassembler, pour en faire quatre mini caméras discrètes. Comme celle-ci. » Des … quoi ? Il regarde la caméra qu’elle tient entre ses doigts avec une certaine incrédulité, détaillant l’objet comme s’il doutait de son authenticité et quand l’information arrive enfin à son cerveau, il laisse sa mâchoire pendre sans trouver les mots. « Noona … c’est légal tout ça ? » Il s’approche alors du bureau pour inspecter les petites pièces et c’est un sourire trop large qui se dessine sur ses lèvres lorsqu’il lui fait face à nouveau. « Je t’ai déjà dit que t’étais la fille la plus cool de cet univers ? » Oui, parce qu’il a quelques noms de personnages badass qui n’existent malheureusement que dans la fiction, mais Hana et ses passions douteuses ne peuvent que satisfaire le gamin rêveur qu’est le Nagao. « Ça devrait aller… même si ça va me donner mal aux yeux j’le sens. T’as une notice ? » Non parce qu’il est peut-être un peu bricoleur avec les ordis, mais il n’a jamais assemblé ce type d’objets. Il la suit du regard et saisit le joli dessin qu’elle a eu la patience de lui faire en fronçant les sourcils lorsqu’il entra en contact avec le bonhomme qui est censé le représenter. « Même moi je fais mieux et t’as pas intérêt à dire qu’il me ressemble ! » Il est peut-être tout fin et encore plus dans son tee-shirt d’une taille au-dessus de la sienne – il aime bien flotter dans ses vêtements – il trouverait ça vraiment très petit de sa part. Il passe son regard de la feuille au bureau et s’installe sur le siège en soupirant d’aise. Il a dû prendre le bus depuis Séoul, avec son vélo oui, mais on a eu vite fait de le faire descendre à l’entrée de la ville. Il connaît presque tous les raccourcis à force, mais à peine s’est-il assis que les muscles de ses jambes le tiraillent. « Et tu vas en faire quoi de ces caméras ? Qui tu veux espionner comme ça James Bond girl ? » Il s’amuse à faire tourner le siège, un peu trop distrait pour se mettre dans le bain tout de suite. « Tu vas m’aider ? Sinon, je ne serai pas contre un petit massage en support. » Il s’étire les épaules et la nuque pour illustrer ses propos, un petit sourire narquois au coin des lèvres, avant de se pencher sur les fameuses pièces. Ça va lui demander de la précision. « C’est plus fun que les jouets des pochettes surprises. »

Elle aimait bien Hiro. Il n'était pas comme les autres. Les autres ne la prenaient pas au sérieux, ou se moquaient parfois de ce qu'elle faisait. Se moquaient d'elle tout court. Ne lui accordaient pas d'importance. Elle était l'intello de service, voilà tout. Mais lui, c'était différent. Lui, c'était... Son ami ? Elle ne savait pas s'il percevait la chose de la même manière, Hana n'était pas très douée pour cerner les gens mais... Mais il semblait plutôt bien s'amuser avec elle, non ? Il semblait apprécier ce qu'elle faisait. Elle partageait même avec lui ses connaissances et elle adorait ça. Il n'y en avait pas beaucoup, des gens, intéressés par ce qu'elle pouvait dire. Hana, elle ne parlait que d'informatique, de maths, de dramas ou de disneys. Ses centres d'intérêt étaient assez restreints. Faire un peu de bricolage comme aujourd'hui, par exemple, elle adorait ça. Et qui d'autre qu'Hiro pourrait l'assister dans une telle mission ?
Lorsqu'il lui demanda si c'était légal, la grande Hana ayant réponse à tout marqua une petite pause. Un silence. Loin d'être rassurant. Qu'elle tenta rapidement de combler avec un « C'est pas très très très illégal. » Ou les joies de la rhétorique. Pas légal, mais pas très illégal non plus. A vrai dire, Hana avait tendance à ne pas beaucoup se soucier de la légalité. La preuve-même étant ce qu'il lui était arrivée il y a quelques années, l’événement qui expliquait sa présence-même aujourd'hui en Corée du Sud, son changement de prénom et son changement de vie. Si elle n'était pas allée pirate les serveurs du gouvernement Chinois, pour afficher les plans d'une fusée dans sa chambre, elle n'en serait pas là aujourd'hui. Mais fort heureusement, Hiro semblait trouver son train de vie dangerous comme étant très cool. Elle sourit comme une gosse en entendant ça. Elle n'était pas vraiment habituée ce qu'on lui dise qu'elle était cool. Même qu'on ne le lui disait jamais, en fait. « Vraiment ? Je suis cool moi ? Ohhhh. » Gentiment, elle lui montra donc la notice qu'elle avait fait. Avec plein de petits dessins. Un bonhomme le représentant. Elle était douée pour beaucoup de choses la Hana, à part pour le dessin, et ça se voyait facilement vu la tête de la notice. Et la tête que faisait Hiro en la lisant au passage. « Ca va, il te ressemble quand même un petit peu, non... ? Peut-être en un tout petit peu plus fin ? » Un peu de mauvaise foi, la Hana, alors que le Hiro de son dessin ressemblait plus à une brindille qu'autre chose. « C'est pour la salle des profs. J'ai besoin d'emprunter quelques documents alors... » Emprunter. Mais bien sûr. La plus mauvaise menteuse de l'histoire. Avant de venir l'aider, serviable et adorable, elle lui fit son fameux massage. Comme elle le pouvait. Parce qu'elle ne savait pas très bien comment on s'y prenait pour faire des massages, en fait. Puis elle vint s'asseoir sur le fauteuil à côté du sien, histoire de se mettre au travail. « J'adore les Kinder Surprise. Les seuls fois où les enfants à la cour de récré voulaient bien jouer avec moi, c'était quand ils avaient des kinder, parce que j'arrivais toujours à leur construire les jouets à l'intérieur. » Elle rit un peu. Alors que la chose n'était pas si drôle en réalité. Solitaire depuis toujours, la pauvre petite.