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en cours de cuisine

Ça fait deux heures que j’suis là dessus et j’ai bien conscience que c’est pas normal, de mettre autant de temps pour cuire des pâtes. Mais pour ma défense, j’ai du recommencer quatre fois (heureusement j’avais acheté plusieurs paquets en prévision de tous mes loupés). J’ai jamais été douée pour cuisiner mais c’est vraiment pas faute d’avoir essayé. Quand papa était encore là, c’était pas nécessaire vu qu’on avait une cuisinière (et une femme de ménage, et un jardinier, c’est tout juste si j’avais pas un chaperon). Mais ensuite il est parti et de là j’me suis mise à penser que j’pourrais faire ça par moi-même, surtout que maman n’a jamais été à fond dans le délire ‘personnel de maison’. Bref, j’ai tenté de toutes mes forces mais au bout d’un moment, il a été assez évident que j’étais beaucoup plus douée pour les activités de plein air que celles d’intérieur. « Bon, j’y vais. » Nawei prend une grande inspiration, comme s’il s’apprêtait à faire un truc qui demande énormément de courage (ce qui, objectivement parlant, est surement le cas, mais je lui trouve quand même un air drama queen). Puis j’attends qu’il m’en dise des nouvelles et j’le vois se décomposer. Il tente de garder la face en faisant remarquer : « J’croyais que t’aimais pas les poivrons. — Je déteste ça, ça me donne envie de vomir. Mais là, c’est des tomates. — Pourquoi ça a le goût de poivrons ? — Bah c’est une bonne question. » J’admets que le truc n’a vraiment pas l’air ragoutant, les tomates lui donnent une vieille couleur un peu… un peu passée, un peu délavée. Comme un truc périmé. « Goute. — J’suis obligée ? — J’voudrais pas savourer ça tout seul, ce serait égoïste. — Ah… ouais… t’as raison… » On sait tous les deux que c’est sa vengeance mais après tout, comme il a été le crashtest et que le résultat n’est que très moyennement concluant, je lui en veux pas. Du coup je me saisis du bol qu’il me tend et commence à manger, beaucoup trop lentement pour qu’on puisse croire que j’y prends du plaisir. Mais je tente quand même de faire genre pendant les premières secondes (juste les premières secondes, après j’abandonne). « Ça va refroidir, j'ferai vite si j'étais toi. » Je lui lance un regard assassin sans répondre mais comme c’est lui qui m’a appris comment les faire, ils ne marchent que moyen sur le maître. Je continue de faire semblant encore un peu, et puis finalement, moment tant attendu par Nawei, je cède : « C'est dégueulasse.  — Tu t'souviens quand tu m'as parlé du cours de cuisine et que j't'ai dit que j'avais pas qu'ça à foutre ? — Oui ? » Je m’en souviens très bien même si c’est sa réponse pour à peu près tout. Mais j’ai quelques victoires à mon palmarès : une fois j’ai réussi à l’emmener au parc, et une autre à lui faire rencontrer Yuki dans une fête foraine. « J'ai changé d'avis. — Sérieux ? » Soudainement je suis hyper excitée, totalement remontée à bloc. Et quand il voit ça, il comprend que j’ai fais exprès, que j’ai fais un truc encore pire que d’habitude parfaitement consciemment.


« Et donc, là, vous mettez une pincée de seeel. » Nawei juge hard le type qui dirige le cours de cuisine parce qu’il est gay, qu’il en joue trop et que du coup, il ressemble vraiment à un cliché ambulant. Sachant que de base, Nawei pense déjà que la moitié des mecs de la terre sont homos (comme Ilsu, même si j’ai déjà expliqué mille fois qu’il était bi). Bref, notre professeur, Monsieur Park (comme un quart du pays), a une certaine tendance à agiter les bras dans tous les sens et à appuyer sur les dernières syllabes de ses phrases. « Oui, comme çaaa. » qu’il dit à l’une des filles de la table d’à côté en se penchant au dessus de sa casserole. Puis il vient vers nous, et je demande innocemment : « Comme ça ? » Ses yeux se révulsent dans un air outré tandis que Nawei étouffe un rire. « Heu, non, mademoiselle… ça c’est une poignée. » Il est si choqué qu’il oublie d’appuyer sur le ‘ée’ de poignée, et qu’il se tourne vers Nawei pour chercher un peu d’aide.