Connor & Abygail

Le cœur a ses raisons

L’entraînement des Cheerleaders de la Yonsei venait tout juste de se terminer. Honnêtement, à part passer entre les rangs pour corriger certains mouvements, je ne sers pas à grand-chose. J’étais censée apporter une petite touche américaine mais je suis bien loin des promesses qui m’ont été faites. Mais je ne vais pas me plaindre, c’est une manière pour moi d’arrondir un peu plus mes fins de mois tout en me reposant.

« A la semaine prochaine les filles, n’oubliez pas les enchaînements. »

Je pouvais également pratiquer mon coréen et ça, ce n’était pas à négliger. Même si quelques-unes d’entre elles pourraient me comprendre en anglais, j’ai décidé de ne pas user de ma langue maternelle pendant ces heures d’entraînement. Après tout, le vocabulaire est simple et répétitif, il y a très rarement des surprises.

Je profite d’avoir le terrain de libre pour rester encore un moment pour m’entraîner. Ce n’est pas toujours évident d’utiliser le Stade de Jamsil pour cela, on doit le partager avec tellement de monde qu’on se retrouve presque tout le temps dans une salle trop basse de plafond et pas assez large pour performer tranquillement. Ici, même si les joueurs de baseball sont également là, j’ai suffisamment de place pour moi, pour pouvoir pratiquer sans gêner et sans être gênée.

Je me concentre sur quelques pas seulement, je ne peux malheureusement pas faire les figures aériennes sans parades. Je sens des regards se poser sur moi alors que je tente de me concentrer sur mon entraînement. Evidemment, une blonde seule sur le terrain de sport qui se donne en spectacle, ça ne passe pas vraiment inaperçu. Entre ceux qui sont de passage, ceux qui courent autour du terrain et les joueurs de baseball, je ne sais plus trop où me mettre. Lors des performances en groupe, ce n’est pas dérangeant, mais là, j’en viens presque à regretter d’être restée.

Je suis peut-être un peu paranoïaque à penser que je suis tout le temps observée parce que les coréens sont un peu trop curieux, mais quoiqu’il en soit, je suis gênée et je n’arrive plus à me concentrer. Je me dirige vers les bancs près des vestiaires pour aller chercher ma bouteille d’eau. Qui sait, ça va peut-être leur passer et je pourrai alors reprendre mon entraînement, sinon je devrai retourner à Jamsil sans avoir eu la possibilité de pratiquer et ça, ça ne va pas plaire à la team. Je m’assois un moment sur le banc pour observer à mon tour. Mon regard est alors attiré par une silhouette en particulier. Je ne sais pas pourquoi c’est lui qui retient mon attention, peut-être parce qu’il me rappelle terriblement quelqu’un. De là où je suis, on dirait Connor, mon premier petit ami. Mais ça ne peut pas être lui, pourquoi serait-il en Corée ?

Je passe quand même un long moment à le suivre du regard. Soudainement tout un tas de souvenirs liés à Connor refont surface et me font sourire bêtement. Comment est-ce possible que quelqu’un lui ressemble autant de loin ? Je m’approche alors un peu, en oubliant mon entraînement. Je veux être certaine que ce n’est pas lui. Ce qui est le plus perturbant, c’est qu’il joue au baseball comme le faisait Connor à l’époque. Mais plus je m’approche, moins je souris. Ce que je pensais être une illusion s’avère être la réalité. Plus je m’approche, plus je réalise que c’est peut-être bien lui. Ou son frère. Je me sens toute bizarre. Cela fait combien d’années que nous ne nous sommes pas vus ? J’ai comme une boule au ventre, la même que lorsque l’on s’est séparés. J’hésite à faire demi-tour, mais l’envie de savoir comment il se porte est beaucoup trop forte.

« Connor ? »

J’attends une réaction de sa part. Je l’interpelle un peu plus fort.

« Connor, c’est bien toi ? »