Vivre sur la côte permet de connaître le vent dans les cheveux, le sable qui fouettent le visage. Je me souviens d'un bateau à l'horizon. Le vent s'était levé. J'étais sur la plage, priant pour qu'ils reviennent vivant. Le lendemain, nous fêtions leur retour. C'est ce jour-là que j'ai eu la poupée en chiffon qui ne me quitte pas. Et cette nuit une tempête est là, les nuages jouent au-dessus de ma tête le vent souffle. Nul bateau à l'horizon. Personne pour me serrer dans ses bras pour me dire de prier. Mes yeux ce ferment, laissant une unique larme couler.

Cette larme je la déteste, elle me rappelle que je suis humaine. Moi? Humaine? Beaucoup risque de ne pas y croire. La dernière fois que j'ai dû pleurer remonte à onze ans . Ce jour où il a été emmené loin de la maison. J'ai beau y repenser encore et toujours, la scène est différente. Seulement moi derrière la fenêtre de la maison, le regardant, posant la main contre la vitre. Essayant de croiser son regard fier. Puis en grandissant, en devenant celle qu'ils ont voulu, j'ai vu cela autrement. Oh j'étais fière, mais je le suis encore plus. Et pourtant ce soir, je repense à cette vie qui n'a jamais existé pour moi. Après tout, je suis fille unique. J'ai beau promené mon regard sur les murs de ma chambre, il n'y a pas de photographie d'une personne qui me serait cher. Des posters, plus de blanc de mur de libre, des posters et de la musique en fond dans cette chambre que je connais depuis ma naissance.

Et pourtant cette nuit, je me suis encore réveillée avec un cauchemar. Souvent le même depuis quelques années. Cet homme que j'appelais papa qui a trop bu qui tient dans sa main une ceinture qu'il tape sur maman. Moi, je rentre des cours, souriante. Je viens d'apprendre une nouvelle heureuse pour nous. Sauf que tout change. Des cris, du sang. Beaucoup de sang. Énormément de sang. Et puis un ordre. On déménage. Je sais que c'est qu'un cauchemar. Vu que mes parents sont tous les deux vivants.

Pourtant, j'ai envie de hurler de joie. D'ici demain, je serai à Séoul. Commençant ma première année en médecine. Et comme tout le monde je me pose des questions, il y a des inconnues. Vont-ils m'accepter? Vont-ils...



Assise sur une chaise, des dossiers posés sur la table, j'écoute celui que je vais remplacer parler. Sauf que mon esprit est autre. Tuer, je peux le faire. Donner des ordres, je peux le faire. Mais me comporter comme une fille insouciante, une fille qui fait des aygos, qui crie des oppas toutes les deux secondes, j'ai du mal. Même après les six mois que j'ai passés sur l'île, dans cette chambre à écouter de la musique, à regarder des MV. Même avec les cours pour me pouponner. Et étrangement, j'ai peur. Moi, j'ai peur. C'est la deuxième fois que ça m'arrive. L'autre parle, mais je ne l'écoute pas. Je ne remarque même pas que les secondes sont passés des heures. Quand mes pensées se déciment, ils sont tous là devant moi. Nul ne sait encore que celle que je suis va devenir leur super viseur. Nul ne peut me reconnaître avec ma capuche sur la tête. La seule chose que je fais pour le moment est de distribuer des lettres de leur famille. Même à lui... Il me faudra du temps pour lui dire que celle qui lui écrit les lettres est devant lui. Lui dire ces choses que je n'ai jamais couchés sur le papier, comme le fait que notre père est mort quand j'avais dix huit ans. Que notre mère est en lieu sur, je l'ai fait quitter le pays pour la protéger dès que j'ai reçu l'ordre. Va-t-on se retrouver? Ou on va être séparé comme ce jour où il a été vendu?