Alors que le sujet de Zeus commence à s’approfondir, je me rappelle brusquement qu’elle m’a parlé de musique tout à l’heure et que je n’en ai pas mis. Pendant qu’elle me partage sa pensée sur le fait qu’elle désire qu’ils l’appellent noona car ils ont des visages d’enfant, je sors mon téléphone et mets la première chanson qu’il y a : Lazy Song de Bruno Mars. En dehors des artistes coréens, j’aime beaucoup Bruno Mars mais comme je ne parle que de Zeus avec les autres en ce moment, personne ne doit le savoir.

« Il me semble que le leader est plus vieux que toi, quand même. » Je rigole en disant ça. Moi, je suis vraiment plus vieille qu’eux et je ne suis pas certaine de savoir si c’est une bonne chose. Je fais vraiment parti des plus vieilles de l’université, il faudrait que ça rentre dans ma tête parce qu’avec mon comportement, j’ai l’impression de toujours être une des plus jeunes. Quand je pense que l’an prochain, je m’en vais… je soupire en pensant à ça et je me rappelle que je suis en train de parler avec Seah, donc ce n’est sûrement pas la meilleure chose à faire, de soupirer. Ça m’arrive rarement de m’échapper d’une discussion et d’être dans mes pensées mais en ce moment, quand même, ça commençait à se passer de plus en plus souvent. À peu près tout me rappelle à quel point la fin de mon séjour à l’université se rapproche et ça ne m’enchante pas. J’ai tellement de gens que j’apprécie ici, qui sont tous plus jeunes et y resteront donc encore quelques années, que j’ai envie de redoubler ma dernière année deux ou trois fois pour ne pas m’en aller. Ce n’est pas que je n’ai pas envie de devenir avocate et de m’envoler vers une vie d’adulte mais, sérieusement, moi, Kwon Min Ah et adulte dans la même phrase, ça ne sonne pas super bizarre ?

Je relève la tête vers elle lorsqu’elle reprend la parole sur les goodies. Je me doutais que cette conversation ne serait pas finie, elle me taquinera encore un petit moment sur ça, c’est certain. N’empêche que quand ils feront leur début et qu’elle sera fan, parce que ça ne peut se passer que comme ça, j’ai hâte de lui rappeler toutes ses petites piques actuelles. Je pense que je devrais même les enregistrer pour les lui faire écouter dès qu’elle me parlera de combien ils sont talentueux, dans quelque temps. Enfin bon, je ne peux pas enregistrer et mettre la musique en même temps donc je le ferai plus tard. L’idée du papier toilette me fait exploser de rire. C’est quand même vachement tordu, comme idée ! Je sais que des fois, les fans vont trop loin et font des culottes à l’effigie de leurs groupes favoris mais… du papier toilette, sérieusement ? « Bien sûr que non, je n’ai pas des trucs comme ça… je ne suis pas une psychopathe, voyons ! » Je me remets à rire. « Non, j’ai un sweat, quelques paires de chaussettes, un oreiller, et j’ai des posters mais comme ils ne sont pas encore vendus officiellement, je ne les affiche pas. » Et j’imagine qu’elle est bien contente pour l’instant que je ne les mette pas sur les murs de sa chambre, même si c’est également la mienne.

Je feins de m’y intéresser quand même. Parce que c’est Min Ah et que c’est l’une de mes amies les plus proches. Et que même si j’ai pas du tout l’âme d’une fan-girl, je sais qu’elle aime ça et qu’il vaut mieux que j’y prête un peu l’oreille quand ce groupe-là va faire ses débuts et que tout le monde ne parlera plus que de ça !

Avec un peu de retard, elle lance la musique sur son téléphone. Je crois bien qu’elle essaye de ne pas m’effrayer en préférant un son de Bruno Mars et le subterfuge, s’il ne marche pas totalement, a le mérite de m’apaiser. Je me trémousse sur le lit et me dandine au rythme de la musique. C’est exactement ça : après un déménagement éreintant, je n’ai pas envie de faire quoi que ce soit de productif de ma journée. Une grosse part de moi est suffisamment dévastée comme ça rien qu’à penser que d’ici quelques jours les vacances seront terminées. C’est terrible, j’ai l’impression que c’était hier qu’on nous libérait des cours ! Je n’ai même pas terminé l’un des nombreux devoirs que je suis supposée rendre pour la semaine de la reprise. Aucun doute que j’arriverai à le fournir en temps et en heure, simplement… Min Ah va devoir composer avec mes nuits sans sommeil à cravacher derrière mon bureau pour sortir quelque chose de potable. Enfin, j’ai hâte de commencer mon stage d’étude au parc animalier de Séoul. Les prochains mois s’annoncent encore plus fatigants que ce seul déménagement de chambre, non, non, vraiment, il faut que je profite de mes derniers jours de repos et ne rien faire, c’est vraiment l’idéal.

« Quel est le rapport entre le fait qu’ils ne soient pas encore vendus officiellement et le fait de les afficher ? » Je demande en me redressant sur les coudes. Dans la foulée, je procède sa phrase dans un autre sens et une autre question (sans doute la plus importante) ne m’échappe pas. « Comment ça, tu ne les affiches pas ? Parce que tu comptes les afficher, un jour ? » Attendez, stop ! on arrête tout. C’est gênant les posters. J’aime pas être fixée par de grands yeux curieux.

J’en profite pour jeter la première pierre. « Minus ! je prends le lit du haut. Je l’aime bien, c’est cosy et tout ça. » Je me redresse et tapote sur le petit escalier en bois pour y accéder. Décidément, ces chambres sont vraiment d’un luxe supérieur. Dans les chambres de quatre, c’était des échelles. Du genre normal effectivement mais pour en descendre les matins difficiles ou alors pour y monter les nuits de fête… bonjour la difficulté.

Je suis surprise que Seah ne m’arrête pas dans mon élan sur les Zeus. Je sais bien que pour l’instant, elle ne s’intéresse pas plus à eux que je m’intéresse à la politique libanaise, donc je pensais qu’elle m’aurait arrêté depuis longtemps pour m’expliquer à quel point il fallait que je me trouve d’autres amies pour sortir mon encyclopédie à propos d’eux. Seulement ; non, elle n’a encore rien dit, elle écoute, même si je surprends quelques signes de décrochage dans son regard, et elle me repose même une question après ma réponse. En bref, elle discute, avec moi, à propos d’un groupe d’idole qu’elle n’aime pas et ça, si ce n’est pas incroyable, si ce n’est pas la preuve d’une des plus belles amitiés terrestre, si ce n’est pas du vrai amour, alors je ne sais pas ce que c’est ! Je ne sais pas si je serais capable d’un tel sacrifice si elle commençait à me parler de l’élection du nouveau président libanais – d’ailleurs, est-ce qu’ils ont un président là-bas ? Je ne sais même pas comment ça marche. Enfin, bref, dans tous les cas, je me fais une joie de pouvoir partager un de mes sujets préférés avec une des mes amies préférées. Je sais que ce n’est pas avec mon frère que je parlerai de ça un jour, parce que lui, il ne s’empêchera pas de me dire qu’il s’en contre-fout et ça ne veut pas pour autant dire qu’il m’aime moins. Comme quoi, la logique est bizarre, dans tout ça. « Le rapport, c’est que si des fans rentrent dans ma chambre et voient mes posters, elles vont sans aucun doute vouloir les mêmes – parce qu’ils sont très beaux, tu vois – et comme elles ne pourront pas, je veux pas créer de soucis. » Enfin bon, c’était imaginer le pire des scénarios, la réalité c’était surtout que je ne veux pas encore lui imposer ça, ne serait-ce qu’en retour de la politesse et la patience dont elle fait preuve lorsque je leur parle d’eux.
Malheureusement, dans ma phrase, elle comprend bien vite que ce n’est qu’une question de temps. Comme prévu de Seah : innocente en apparence, mais bien plus perspicace en réalité. Elle sait très bien comment je peux sous-entendre les choses. C’est un gros soucis pour moi, un avantage pour elle. « Euh, peut-être, mais pas forcément quand je serai encore ici, haha ! » J’essaie de me rattraper comme je peux, mais après tout, c’est vrai : moi l’an prochain, j’ai fini mes études, je pars du dortoir, je fais mes bagages et on ne me voit plus ici, à mon plus grand malheur. Je n’ai aucune envie de partir, je veux même redoubler pour pas partir tellement je suis accrochée à cette université mais… je ne sais pas si c’est la meilleure chose à faire.

Je la regarde monter dans le lit du haut et m’affirmer qu’elle prend celui-là. Bah, de toute façon, je m’en fiche, les deux ont leurs inconvénients et qualités alors je me fiche pas mal de celui qui me revient. J’espère juste qu’ils ne grincent pas, parce que j’ai le sommeil léger, mine de rien. Manquerait plus qu’un grincement strident accompagne chacun de nos mouvements en pleine nuit… le cauchemar ! « C’est bien, comme ça, c’est toi qui tomberas de haut en cas de tremblement de terre ! » Je lui tire la langue en disant ça. Ce n’est même pas que ça m’embête qu’elle prenne celui du haut, j’aime juste la taquiner.

Quand j’étais enfant, je préférais les collections de jolis contes aux empilements de papier-posters. Je ne les aurais de toute façon jamais affichés au mur. J’avais quelques cartes de mes artistes préférés et j’achetais de temps en temps un magasine quand mes copines le faisaient aussi. Mais je me souviens qu’il n’y avait pas beaucoup d’argent à l’époque. Alors je voulais que tous mes cadeaux soient utiles et durables. Je ne suis pas une bonne fan, je suis vraiment infidèle aux artistes. Alors, je préférais demander à mon frère de m’acheter des petits livres, les plus joliment écrits et les plus soigneusement décorés pour les aligner sur le haut de mon étagère et les relire avant de dormir. Je les ai toujours, ils prennent un peu d’âge mais ils ne me quittent jamais.

Pourtant je comprends ce que peut ressentir Min Ah. Et comme elle est heureuse à parler de ce qu’elle aime. Et que la voir heureuse me fait plaisir. Alors je m’habitue à entendre parler de ce fameux groupe même si je n’y connais rien et que les informations qu’elle me donne, je les oublierais sans doute aussi rapidement qu’elle me les aura données d’ici quelques jours. « J’espère quand même pas que tu vas tenir des meetings et des réunions de fanatiques dans MA chambre ? » Je penche la tête sur le côté et fronce les sourcils et me demandant à quoi ce genre de sectes peut bien ressembler. « Oh. Attends. S’il y a des petits gâteaux je serai là ! » Mon estomac prêche toujours la bonne parole. Je ferais payer l’entrée de cette chambre en mochis glacés. Et en sachets de nouilles, de préférence jjajangmyeon.

« Tu veux dire, quand t’auras ton propre appartement ? » Je n’aime pas y penser parce que Minah elle a toujours été là. Depuis mon premier à l’université jusqu’à maintenant, elle a toujours été là et je crois même que c’est grâce à elle que j’ai voulu rejoindre les Sango. Avec le recul, je me demande même si c’était un choix ou si elle ne m’a pas forcé la main… ce qui est certain c’est que je ne regrette pas. Mais alors, savoir qu’elle va partir à la rentrée prochaine ça me laisse un petit vide à la poitrine. Elle sera toujours là, mais ce sera différent. « Tu as intérêt à me donner un double des clefs, je viendrai inspecter la pose parfaite de ces posters… ah ! on fêtera ça avec des bières, mh ? »

Et puis je me lève pour rejoindre le lit du haut. Je rebondis dessus pour tester le moelleux du matelas et le décrète comme étant le mien. « Un tremblement de terre ? » Elle y va un peu fort. Je m’allonge sur les couvertures et puis je fixe le plafond. J’avais un lit en hauteur aussi, dans mon ancienne chambre de quatre. Et je m’étais toujours demandée ce que ça faisait de dormir sur l’un des lits du bas. Ne pas avoir à se réveiller en sursaut le matin, manquer de se manger le plafond et de s’éclater en descendant de la structure en hauteur.

Je me surélève sur les coudes. Après un petit moment de réflexion, je glisse en dehors du lit et reviens m’étaler sur le matelas du bas. « En fait, je préfère le lit du bas. En plus le matelas a déjà pris la forme de mon corps tu vois, depuis tout à l’heure. Je pense que c’est la meilleure solution. » Je récupère son coussin des dieux de l’olympe et l’envoie en missile droit sur elle. « Oublie pas ça hein ! Ils risquent d'être tristes sans leur noona. »

J’explose de rire en l’entendant parler d’un meeting dans notre chambre. Enfin, que dis-je, dans sa chambre ! Je n’y avais même pas pensé ; les meetings, ça se fait en extérieur, dans des lieux ouverts ou dans de grands lieux fermés, jamais dans une petite chambre. Décidément, Seah n’est pas habituée à ça, ça se voit. Elle n’a jamais dû en faire, autrement elle n’aurait pas pensé à ça une seule seconde. Surtout que je lui risque de lui faire de faux espoirs si je lui annonce maintenant que ça n’aura jamais lieu ; je suis persuadée qu’elle s’imagine déjà en train de manger les délicieux biscuits auxquels elle pense. Malheureusement pour elle… il faudra qu’elle se déplace en extérieur pour les manger et je ne sais pas si elle irait jusque-là simplement pour de la bouffe. Enfin, on parle quand même de Seah, alors ce n’est pas impossible, après tout ! « Haha, si tu veux tant des biscuits, on pourra s’en acheter mais je ne ferai pas de meeting dans une petite pièce… tu ne te rends pas compte de l’ampleur de leurs popularités, les fans ne rentreraient pas dans un si petit espace, tu sais ! » C’est presque une insulte qu’elle vient de faire, mais je ne le prends pas du tout dans ce sens-là. Je le prends surtout comme une énième preuve de l’innocence cachée de Seah.
Je l’entends parler de mon propre appartement et rien qu’à ces paroles, mon coeur se serre douloureusement. J’ai l’impression que partir de chez les sango, partir de l’université, c’est laisser derrière moi une part de ma vie que je ne veux surtout pas quitter. Il n’y a pas de Min Ah sans les sango, il n’y a pas de Min Ah sans les révisions du dernier moment, il n’y a pas de Min Ah sans irruption surprise dans la chambre de Tae Woo, il n’y a pas de Min Ah sans les excursions dans le parc des sango pour y trouver Ju Hyeon, il n’y a pas de Min Ah sans sa chambre chez les sango anormalement bruyante… Je ne me crois pas du tout capable de laisser tout ça derrière moi. Heureusement, Seah tourne ça plus joyeusement, ce qui me fait sourire. « Je crois qu’il va falloir que je fasse une dizaine de copies de ma clé, vu le nombre de personnes qui devront y rentrer ! » En fait, mon appartement sera un dortoir à lui tout seul. Ce sera bien si c’est le cas, en tout cas.
Elle relève avec une moue ma supposition du tremblement de terre, mais je remarque que l’idée ne quitte pas immédiatement son esprit puisque quelques secondes après, elle affirme qu’elle prendra le lit du bas. Je ne peux pas avoir avec certitude si c’est vraiment à cause de ce que j’ai dit ou si elle a pensé à autre chose entre temps, mais dans tous les cas, je dormirai en haut. C’est bien, dormir en haut. En fait, c’est aussi bien que dormir en bas. J’attrape de justesse mon précieux coussin. « Yah, Seah ! Tu sais pas combien ça coûte ça, tu connais pas la valeur sentimentale alors tu te permets de le traiter comme ça mais ce genre de coussins, si tu les fais tomber dans la rue, c’est le genre d’objet que tu retrouveras plus jamais ! Tout le monde le voudra, tu vois ! Autant qu’un billet de cinq-cent euros ! » Enfin, j’espère que ce sera le cas quand ils auront débuté.

Comme si j’allais laisser de parfaits inconnus mettre le pied dans mon sanctuaire. Je plaisantais quand je parlais de meetings mais je comprends que c’est quelque chose qui doit se faire fréquemment quand on aime quelque chose. Quoi que j’aime les mochis glacés mais je ne suis pas sûre de vouloir leur organiser une réunion spirituelle au milieu d’adeptes qui me ressemblent. Je suis contente de ne pas me retrouver avec une horde de fanatiques sur les bras. Minah me suffit amplement. Elle est ma petite fan-girl préférée. La seule que je serais prête à supporter dans ses crises d’amour sans fin.

Si je ne suis pas une amie dévouée ! « Pas de fans ? Oh non… je suis vraiment triste, si triste… on achètera plutôt des mochis ! J’ai envie de mochis. » Je suis rapidement remise de mes émotions. Je doute qu’elle se soit prise à mon petit jeu de veuve éplorée.

Elle va vraiment me manquer Minah, le jour où elle ne sera plus là pour chouiner et faire un bruit pas possible dans le dortoir. C’est parce que ça me rend vraiment triste et déjà un peu nostalgique que je n’ai pas envie d’y penser. Le jour de notre emménagement ne devrait pas être le jour où nous pensons déjà à son déménagement.

Lorsqu’elle évoque avoir plusieurs clefs à distribuer, je me redresse, pose une main contre mon cœur et prend mon air le plus indigné. « Une dizaine ? Je pensais que j’étais la seule ! Minah-ya ! …tu me trompes ? » C’est décidé, je fugue.

Je fugue très loin, je migre, elle ne me retrouvera plus jamais. Tout est fini entre nous je… monte dans le lit du dessus et décide d’y faire mon petit nid douillet loin des trahisons.

Je prends le lit du haut par habitude. C’est là que j’ai dormi pendant quatre ans quand j’occupais une chambre de quatre. Maintenant… peut-être que je devrais changer ? Il faut bousculer les habitudes. Je fais le chemin inverse et revient m’écraser sur le lit du bas en incitant mon aînée à prendre ses quartiers ailleurs. Je lui rends son coussin d’ailleurs. Je serais incapable de faire de beaux rêves avec le visage de quelqu’un imprimé sur mon oreiller.

Je fixe le plafond de bois au-dessus de mon lit. Je réfléchis déjà comment je pourrais améliorer ce petit endroit pour le rendre un peu plus confortable et personnalisé. Ca me permet de passer un peu à côté des bêtises qu’elle raconte Minah, avec son coussin super famous qui ferait mouiller les plus fans.

Il n’y a que la fin de sa phrase qui me fasse réagir. « Mwo ?! Cinq cent mille wons ? » Mes yeux s’écarquillent. Si ce coussin a autant de valeur à ses yeux que dix billets de cinquante… aaaaaah ! Je me tourne vers elle et lui tends la paume de mes mains bien à plat comme si je lui quémandais quelque chose. « Mais donne-les-moi ! YA ! Qui irait dépenser des sommes pareilles pour un si petit oreiller ? » Je fais mine de chouiner. J’ai l’impression de ressembler à ma mère quand je fais quelque chose d’un peu stupide qu’elle n’approuve pas et qu’elle essaye de me faire la leçon en me montrant à quel point je n’ai pas réfléchi (et à quel point j’aurais dû réfléchir.) « Tsssss… regardez-la avec son oreiller à cinq cent mille wons... Ya ! O-sip-man wons… » je récupère le coussin pour m’adresser directement à lui, « qu’est-ce qui te rend aussi spécial, hm ? » Je le fixe avant de le tourner vers Minah comme si je lui présentais une œuvre d’art.

Je sais bien qu’elle n’y a pas mis ce prix-là pour de vrai mais je vois pas ce qu’il a de si spécial pour mériter une telle considération.

Je rigole en la voyant se lamenter faussement. Comme si elle voulait les voir les fans ! Je suis persuadée qu’elle voudrait éviter ça à tout prix. Par contre, pour la parti du mochi… je suis sûre que c’est vrai. Quand ça concerne la bouffe, pour nous, c’est toujours vrai ! « Si tu as envie d’en manger maintenant, peut-être qu’il vaudrait mieux qu’on aille en acheter maintenant, non ? » Je sais à quel point Seah change vite de goûts et d’envies. Dans dix minutes, elle dira qu’elle a envie de bœuf ou de poulet, et ce sera parfaitement normal, parce que c’est Seah.
En fait, je me demande même comment elle fait pour ne pas se lasser de ses études. Personnellement, il y a des choses pour lesquelles je marche en période et d’autres pour lesquelles je ne me lasserai jamais. Et franchement, mes études, c’est la limite. J’aime le droit ! J’aime vraiment ça, mais… j’aime pas étudier le droit. Alors que la psychologie ; ça, par contre, c’est cool à étudier ! Mais ça doit être fatigant à exécuter tous les jours. Du coup, j’étais vraiment face à un dilemme quand il fallait choisir. Je veux absolument devenir avocate pour accomplir ce que ma mère n’a pas fait pour mon frère et moi, mais j’ai quand même pensé à la carrière de psychologue parce que ce que j’avais vécu me permettait de savoir de quoi je parlais. J’étais face à ce que j’arriverais à comprendre facilement, par expérience, et ce que j’avais toujours voulu faire. Il m’a fallu pas mal de temps pour choisir, mine de rien. Encore maintenant, parfois, je me dis que la psychologie était faite pour moi. Sauf que j’aime le droit. Du coup, le droit aussi, est fait pour moi. Puis honnêtement, je gère dans mes études, même si je m’y prends au dernier moment. Enfin bref. Pourquoi je pense à ça ?

Je me réveille en entendant Seah choquée par le nombre de clés que je devrai faire. « Non, je ne trompe pas ! » Je prends un ton et une expression dramatique, comme si c’était une pièce de théâtre. « C’est un malentendu, Seah-ya ! Le 2AH, ça peut être que toi et moi ! Personne d’autre ne te remplacera ! » Mais j’ai quand même des gens qui ont d’autres places ! Par exemple, Min Soo, Ju Hyeon, Moon, Tae Hyun… enfin, bref ! J’en ai plein mais chacun a une place particulière, irremplaçable. Même si Min Soo, SeAh et Ju Hyeon sont sans doute les plus précieux pour moi. « Je te ferai un double en or !! » Je dis ça d’un air désespéré, chassant le côté ridicule de la proposition. Je ne la lâche pas du regard, en train de se jeter sur le lit du haut, puis du bas.

Sa réaction face à la valeur de ce coussin me laisse sans voix. Comment ça, qu’est-ce qui fait qu’il vaut autant ? C’est pourtant évident ! « Il vaut si cher parce que dessus, il y a quelqu’un qui vit, qui rêve, qui brille, qui est là quand ça ne va pas ! Quelqu’un de tellement précieux, de tellement important pour ce monde ! Quelqu’un d’irremplaçable ! » M’exclamai-je d’une voix passionnée.

Quelques mochis glacés et la Terre s’est arrêtée de tourner. Je saute sur mes deux pieds, je lâche Osibman-won qui tombe à mes pieds et je fais voler mes super-chaussons à travers la chambre. « T’es sérieuse ?! Je connais un super coffee-shop qui en fait de très bon, pas loin d’ici ! » A deux stations de bus précisément. Et puis je regarde dans la même direction que Minah. Son coussin au pied du lit fait grise mine. Je me penche pour le récupérer et tapoter un peu dessus pour le remplumer comme si de rien n’était. « Tu crois pas que t’en fais un touuuuut petit peu trop ? » Elle tarit pas d’éloges et de superlatifs. Le coussin Peach que j’ai acheté cet hiver à la boutique Kakaotalk est vachement plus mignon que le sien. D’ailleurs il est où ?! Faudrait que je pense à le sortir, il est tout doux et il donne un côté super mignon lorsqu’il est posé sur mon lit. « Heol… si j’étais maire, je vous déclarerais mari et femme. » Je trouve un peu à me moquer quand même mais c’est ce que j’aime aussi chez Min Ah. Elle est passionnée. Et le regard des autres, elle en a rien à faire.

Pour l’heure, on terminera le rangement de la chambre plus tard… ou alors, on le commencera plus tard. On s’en balance ! « Après l’effort, le réconfort. Allez, viens ! » Je la tire par le bras, balance son coussin à l’étage du haut et rencontre son regard meurtrier. « Parachute ascensionnel ! ooooh, fais pas cette tête ! Je leur mettrai des pansements s’ils ont un truc de cassé, hm ?  » C’est ça, je vais aller coller des pansements sur un oreiller.

J’attrape mon sac d’une main, mon téléphone de l’autre et dévale les escaliers en trombe, Minah à ma suite. « Je te retiens pour la clef en or ! T’as pas intérêt à me snober pour toutes les fois où je viendrais squatter ton appartement. » Je dis d’un ton menaçant avant de rigoler et de refermer la porte derrière-nous pour attraper le bus qui arrive au coin de la rue. « Omo... COURS ! »