Habillée d’une robe rouge plutôt courte et surtout très chère, je regardai autour de moi avec une anxiété facilement lisible. Je n’avais jamais été dans des rendez-vous amoureux et très peu de fois dans des dîners romantiques et je n’arrivais pas à me relaxer dans cette ambiance. J’étais vraiment une très bonne amie, pensais-je pour moi-même, le regard perdu vers un couple qui commençait à vouloir faire autre chose que se caresser la main. Je ne pouvais que compatir et être désolée pour elle lorsqu’elle me parlait de ses parents qui l’obligeaient constamment à se rendre à des rendez-vous amoureux, mais j’étais loin de m’imaginer que je m’entendrais un jour, lui proposer de la remplacer. Moi, qui n’ai eu une seule relation sérieuse sans jamais qu’on dîne en tête-en-tête dans des restaurants réputés, moi, garçon manquée qui préférait déconner avec les garçons que les charmer, je lui avais proposé de la remplacer ? Bien sûr, elle, ça l’avait arrangée ; déjà parce qu’elle n’avait pas à annuler sa fête pour venir ici, mais aussi parce qu’elle savait qu’aucun homme riche normalement constitué ne redemanderait un rendez-vous avec une gamine comme moi. Bref, résultat : je me retrouvais assise à cette table, entourée de couples, de lumières romantiques, de décors romantiques alors que je n’étais pas du tout dans cet esprit-là. J’espérais vraiment qu’il annule le rendez-vous ou, au pire, tomber sur quelqu’un un minimum amusant, que la soirée passe plus vite. Un vision d’horreur me passa alors en tête. Mon dieu… si mon frère apprend que je suis là, ça va pas le faire…

Me secouant la tête pour vite chasser ce cauchemar de ma tête, je pensais plutôt à quelle heure il était. Il était en retard, non ? Je n’arrivais pas à croire que, moi, Kwon Min Ah, j’avais pris la peine d’être à l’avance mais que l’autre était en retard. Non mais franchement, qu’est-ce que j’étais en train de faire ? Je vis un homme se diriger vers la table et je pris le temps de le détailler. Il était vraiment beau, sans aucun doute plus vieux que moi, et semblait mal-à-l’aise que je l’étais. Dans ces moments-là, j’aimerais mentir aussi bien que mon frère pour être certaine de ne pas faire de gaffe : il venait à peine de commencer à me parler que je faillis déjà lui dire qu’il se trompait de prénom. Je déglutis difficilement. De ma vie entière, j’avais rarement assisté à une ambiance aussi gênante que celle-là. « Bonjour… oui c’est bien moi. » J’essayais de ne pas faire trembler ma voix mais c’était compliqué, j’étais carrément nerveuse.
Tu es Kim Sae Hee, Kim Sae Hee, Kim Sae Hee…
« Enchantée également et ne vous inquiétez pas, je n’ai pas beaucoup attendu. » Tu parles. Bien sûr que oui j’ai attendu, moi, j’ai attendu ! Pour un rendez-vous qui n’était même pas le mien, en plus ! Malgré tout, je lui fis un aimable sourire et j’espérais que c’était convaincant. Bientôt, mon frère devrait me donner des cours pour améliorer mes mensonges. Ça ne serait pas de refus, dans ce genre de situation.
S’en m’en rendre compte, je le fixais. J’étais tellement paumée dans ce genre d’ambiance que j’essayais d’adapter mon expression avec la sienne, avant de me rappeler que je n’étais pas du tout obligée de bien paraître devant lui. Après tout, le but était justement qu’il ne veuille pas me revoir donc il ne fallait pas que je sois parfaite. Enfin, malgré tout, il semblait quand même assez embarrassé par la situation également alors c’était difficile de faire des erreurs. Ça risquait de le mettre encore plus mal-à-l’aise. « Haha, oui… des lumières… et des assiettes, des verres… » Il était quand même un peu particulier, celui-là. Bien sûr qu’il y avait des lumières dans un restaurant, sinon ce serait un repas dans le noir et ce n’était pas réputé pour être agréable, à ma connaissance. S’il voulait converser, il valait mieux pour lui être un peu plus doué, parce que là c’était vraiment bizarre. En fait, il était un peu étrange.
Pendant quelques secondes, je me demandais si j’hallucinais ou si c’était la vérité, puis je me mis par exploser d’un rire pas du tout distingué. Au diable l’élégance, je n’étais pas là pour bien paraître de toute manière : et franchement, la lumière rend grâce à ma beauté ? Il n’y avait pas de phrase plus hypocrite et fausse que celle-là, il la sortait sans aucun doute d’un film. Non vraiment, j’étais face à un spécimen très rare. Quand on était pas très doué pour la drague, il valait mieux parler d’autre chose, pas s’enfoncer, non ? Enfin, quelque part, c’était mignon, mais surtout hilarant. Quand je me calmai enfin, je repris ma respiration pour parler. « Oui, on m’appelle souvent biscotte parce que je suis craquante. » Je me remis à rire, cette fois un peu plus calmement quand même, pour ne pas attirer l’attention de tous les autres clients.