L’air frais me caressait délicatement le visage. Septembre, le moment de l’année où l’été disparaissait petit à petit et l’automne pointait le bout de son nez. Pour preuve, le soleil brillait dans le ciel mais la chaleur n’était pas du tout étouffante. C’était, à mes yeux, le meilleur temps pour vraiment profiter des belles journées. Lorsqu’il faisait trop chaud, le moindre effort devenait épuisant et lorsqu’il faisait trop froid, l’envie de sortir n’était évidemment pas présente. Enfin bref, voilà pourquoi j’étais actuellement en train de marcher dans le jardin des sango. Étrangement, il n’y avait personne ici et je me demandais vraiment où est-ce qu’ils étaient tous partis. Après tout, c’était vraiment le temps parfait et le lieu parfait pour traîner, alors pourquoi est-ce qu’il n’y avait que moi, la brise automnale et le soleil estival ? Je n’aimais pas rester toute seule, depuis toujours, j’avais été habitué à être accompagnée ; quand j’étais dans le ventre de ma mère, j’avais déjà mon frère, quand je suis née, il était là, quand j’ai grandi, il était là et même maintenant, il était là. La solitude n’avait jamais été un de mes compagnons et donc, évidemment, en grandissant, c’était devenu un de mes ennemis. Je n’aimais pas être seule, j’avais besoin d’être accompagnée et quand, vraiment, je n’avais rien à faire et personne avec qui être, j’étais sur mon téléphone, pour me sentir un peu plus entourée. J’espérais donc de tout mon coeur croiser quelqu’un que j’appréciais dans le parc, afin de me trouver quelque chose à faire, pour passer le temps, pour me réjouir un peu. Être seule, c’était vraiment déprimant et les gens comme Tae Woo, par exemple, qui appréciaient ça avaient un réel problème quelque part. Il fallait être fou pour rejeter une présence humaine agréable !

Je levai la tête vers le ciel avant de le rebaisser presque aussitôt ; je n’avais pas mes lunettes de soleil, alors ça faisait mal aux yeux. Emporté par le doux vent, j’entendais quelques accords de guitare au loin. J’y vis là un espoir de voir quelqu’un que je voulais réellement voir, parce que chez les sango, il n’y avait, à ma connaissance, qu’une seule personne qui appréciait jouer de la guitare en plein air : Ju Hyeon, mon meilleur ami. Vraiment, ce garçon, je l’aimais de tout mon coeur et je serais prête à tout pour l’aider dans toutes ces difficultés, comme je l’avais déjà fait. Malgré tout ce qu’il a parcouru, il était un garçon foncièrement gentil, bien intentionné et il était à peu près tout ce que j’aimais chez une personne. Même si mon frère semblait persuadé que ce n’était pas possible qu’un garçon tourne autour de moi sans avoir d’autres intentions qu’une amitié pure, moi, j’étais certaine qu’il n’allait jamais me toucher. Depuis le temps que je le connaissais, il avait toute ma confiance et je ne doutais pas une seule seconde qu’il serait un des premiers à me défendre si un jour il m’arrivait une mauvaise chose.
J’accélérai mon pas en suivant le son jusqu’à ce que j’arrive à la source : en effet, il y avait bien Ju Hyeon, assis sur un banc, grattant sa guitare, seul. Je fis un énorme sourire en le voyant, ça faisait un petit moment qu’on ne s’était pas vu, et je trottinai jusqu’à devant lui. « Ju Hyeon-ah ! » Je le fixais, curieuse de voir sa réaction. Je savais bien qu’il n’allait pas être déçu de me voir, on s’entendait vraiment bien alors c’était impossible que je l’embête – du moins j’espérais que c’était le cas, parce que moi j’étais vraiment heureuse de le voir.

La journée était parfaite pour prendre l’air. Il faisait beau, pas trop chaud, ni trop froid. Rien de mieux pour aller composer au calme dans le jardin des sangos. Le garçon adorait le lieu, surtout en automne où les feuilles commençaient à changer de couleur. C’était calme et reposant, et en général, personne ne venait l’embêter. Sauf peut-être parfois Mi Ran et sa demande incessante de conduire sa voiture. Mais Ju Hyeon arrivait toujours à dire non, malgré la bouille mignonne de la jeune femme. Un jour, elle allait réussir à avoir ce qu’elle voulait… Mais ce n’était pas aujourd’hui. Il ne savait pas trop où étaient les sangos d’ailleurs, c’était un peu vide au dortoir mais dans un sens, ça l’arrangeait grandement. Il n’était pas des plus bavards et la foule, très peu pour lui. Il préférait largement être seul. Ou alors avec un cercle d’amis réellement restreint. Mais là, l’étudiant voulait être un peu seul, dans sa bulle, pour composer, réfléchir à une prochaine chanson ou même retravailler une ancienne. D’ailleurs, il avait pris toutes ses compositions, son carnet d’écriture et sa guitare que sa mère lui avait offerte il y a des années de ça. Ça lui faisait toujours un pincement au cœur quand il la prenait, mais au moins, il avait toujours un présent de sa part avec lui. Cette guitare, c’était comme la prunelle de ses yeux.

Ju Hyeon trouva rapidement un lieu où s’installer. Il s’assit sur un des nombreux bateaux présents dans le jardin et posa ses carnets à côté de lui. Il regarda un instant les alentours, respirant l’air frais de la journée, avant de positionner devant lui sa dernière composition en date. Il la fixa longuement, se souvenant que c’était à cause d’elle qu’il avait percuté So Jung la dernière fois. Son cœur se resserra en pensant à elle et Ju Hyeon ferma les yeux quelques secondes, inspirant profondément pour faire le vide dans ses pensées. Il rouvrit les yeux, posa son regard sur sa composition et commença à gratter les premiers accords. Il s’arrêta en entendant son prénom et releva la tête vers Min Ah à laquelle il adressa un grand sourire. « Min Ah ! » Lança-t-il, heureux de la voir. C’était une des rares personnes qu’il appréciait réellement. « Tu fais quoi ici, toute seule ? » Demanda-t-il en se déplaçant pour faire de la place à la jeune femme juste à côté de lui.

Je me mis à marcher avec hâte vers le banc où il était assis, un grand sourire sur les lèvres. J’avais trouvé quelqu’un avec qui passer du temps et pas n’importe qui. Ju Hyeon, mon meilleur ami, celui que je connaissais depuis des années maintenant et en qui j’avais une totale confiance. Malheureusement, ce n’était pas le cas de mon frère, qui jugeait qu’il n’était pas assez stable et bon pour être le meilleur ami de sa sœur, mais je ne pensais pas comme ça. S’il s’imaginait que l’amitié entre les filles et les garçons n’existait pas, moi, j’y croyais et Ju Hyeon en était la preuve vivante. Je savais son amour considérable pour So Jung, il n’y avait pas de place pour moi dans son coeur, pas de la façon que mon frère l’imaginait, en tout cas.
Je souris lorsqu’il releva que j’étais ici seule. Ju Hyeon me connaissait, je n’étais pas le genre de personne à traîner quelque part seule, bien au contraire. J’avais presque peur de la solitude, elle n’était jamais bon signe à mes yeux et je préférais être tout le temps accompagnée. Bien sûr, j’étais de ceux qui approuvaient « Il vaut mieux être seule que mal accompagnée » mais il n’y avait en réalité pas énormément de mauvaise compagnie, sur terre, en dehors de celle des hypocrites et des gamins. Il y avait beaucoup de bonnes personnes aussi, qui se cachaient derrière de mauvais déguisements. Il fallait juste forcer un peu pour découvrir leur vraie personnalité ; ainsi, on se rendait compte qu’ils n’étaient pas si mauvais. « Je traîne… je passe le temps… j’ai trouvé personne avec qui traîner… mais je suis contente de te voir. Ça faisait un moment ! » Je fais un grand sourire. « Mais si je te dérange, je peux repartir ! » Je ne disais pas ça parce que je me trouvais moi-même dérangeante, simplement que je le connaissais : contrairement à moi, il trouvait la solitude reposante et lorsqu’il jouait de la guitare, il aimait parfois avoir son espace personnel. « Puisque je vois que tu joues de la guitare. » Je lui souris. Ça faisait un moment que je ne l’avais pas vu jouer. Je pris quand même la peine de me justifier, parce que je ne sous-entendais absolument pas qu’il ne m’appréciait pas et que je le saoulais, à lui aussi. Je respectais juste son espace privé, parce que même si je ne comprenais pas cette nécessité de solitude, je la respectais. Chacun sa façon de s’épanouir, après tout.

Ce n’était pas habituel de voir Min Ah seule et ça étonna assez Ju Hyeon. D’ailleurs, il ne manqua pas de le faire remarquer. Parce que bon, Min Ah et la solitude, ce n’était pas de très bons amis. Contrairement à lui qui s’entendait à merveille avec le silence et la solitude. Il connaissait assez Min Ah pour savoir qu’elle cherchait quelqu’un ou quelque chose pour s’occuper. Et c’était, cette fois-ci, tombé sur lui. Et ça ne le dérangeait absolument pas. Il adorait Min Ah, elle était sa meilleure amie, comme une sœur qu’il se devait de protéger coût que coût. Et il savait que sa proximité avec elle ne plaisait pas à son frère. Mais ça, Ju Hyeon s’en moquait bien. Le garçon leva les yeux vers son amie, lui adressant un sourire. « C’est vrai que ça faisait un moment qu’on ne s’était pas retrouvé que tous les deux. » Dit-il avec une moue un peu triste. C’était réellement dommage qu’ils ne se voient pas plus. Surtout, qu’il appréciait vraiment énormément Min Ah, elle était un véritable petit rayon de soleil à ses yeux et quand elle était à ses côtés, il allait toujours bien. Et puis… Elle le connaissait depuis tellement longtemps, elle l’avait vu dans tous ses états et elle était toujours là. Et ça, réellement, c’était une véritable preuve d’amitié à ses yeux. Parce que Ju Hyeon lui en avait fait vivre des vertes et des pas mures. Il fut d’ailleurs étonné des paroles de la jeune femme. Elle ? Le déranger ? « Min Ah… Tu ne me déranges jamais ! » S’exclama-t-il, secouant doucement la tête avant de venir tapoter la place à côté de lui. « Viens t’asseoir. » Dit-il en lui adressant un sourire. « Tu veux apprendre à jouer de la guitare ? » Demanda-t-il en poussant ses feuilles et son crayon. Il composerait plus tard. Et ça ne le prenait pas tous les jours de proposer à quelqu’un de lui apprendre à jouer de la guitare. Bon, d’accord, ce n’était pas seulement un quelqu’un. Min Ah était bien plus que ça, c’était sa meilleure amie. Et elle était réellement importante à ses yeux, et pour qu’il l’autorise à prendre sa guitare entre ses mains en était une preuve. Parce que sa guitare, c’était son petit bijou à lui, que sa mère lui avait offerte et il tenait comme à la prunelle de ses yeux.

Je regardai Ju Hyeon en me disant que j’avais eu de la chance d’être tombée sur lui. C’était rare. Souvent, quand il partait pour rester seul, ce n’était pas si simple de le trouver, surtout pour moi qui ne cherchait pas les endroits paumés. Peut-être était-ce une coïncidence provoquée, parce que quelque chose de plus rare que Ju Hyeon seul, c’était moi seule, dans un tel endroit isolé. Pour cette raison, je me disais que j’avais eu énormément de chance de tomber dessus. Je fis un immense sourire en voyant sa petite moue. À une époque, Ju Hyeon n’exprimait pas aussi bien ses sentiments, et encore moins avec de mignonnes expressions. « Oui, je suis contente que ce soit arrivé. » Ju Hyeon était le seul garçon, ou presque en tout cas, que je côtoyais malgré les préjugés de mon frère. C’était arrivé, dans le passé, qu’il voit mal certaines de mes fréquentations, comme mon premier petit copain malgré tout. j’étais passée sans l’écouter et en effet, ça s’était mal fini ; mais je ne pensais pas, pour autant, que j’avais mal fait de sortir avec lui. Pour Ju Hyeon, c’était pareil. Si ça devait se finir mal, comme le craignait mon frère, je n’allais jamais regretter. C’était un garçon précieux que j’avais aidé à une époque où il en avait besoin et quoi qu’il me fasse, ça ne sera jamais assez horrible pour que j’en vienne à regretter d’avoir aidé quelqu’un dans le besoin. Et puis, c’était mon meilleur ami, toujours prêt à m’aider et à me protéger. Et même si je n’appréciais pas ça, il était toujours reconnaissant aussi. Mon sourire s’agrandit en entendant sa réponse et sans me faire prier plus longtemps, je m’assis juste à côté de lui. « Tant mieux alors ! » M’exclamais-je en riant. « Il y en a plein que je dérange avec mon caractère de gamine, tu sais ! » Dis-je avec un sourire, sur un air léger. Ce n’était pas quelque chose qui me dérangeait ou me complexait. Je m’en foutais. Après sa question, je pris un air choqué et je regardai sa guitare, puis lui, puis sa guitare, puis lui, au moins quatre fois avant de réaliser. « Wow ! Bien sûr que je veux bien ! » Je savais très bien que sa guitare était très précieuse pour lui et c’était très rare, pour ne pas dire inexistant, les gens qui pouvaient y jouer, en dehors de lui. Je ne lui avais donc jamais demandé ça, parce que je ne comptais pas faire un caprice pour quelque chose de si important à ses yeux.