Bom Chan réfléchissait souvent à la situation de son meilleur ami. Ce n’était pas juste qu’une histoire de cul avec une femme mariée pour se prouver quelques choses. Rei était réellement tombé amoureux de cette fille et le jeune coréen n’était pas certains de l’issue de cette histoire. Il craignait davantage pour son frère que pour la vie de cette fille. Elle savait ce qu’elle faisait et Bom Chan était beaucoup moins nuancé que Rei. Si elle était si malheureuse que ça elle n’avait qu’à partir, se réfugier quelque part, allez voir les autorités. Bien sûr il ne savait pas qu’elle avait déjà tout tenté et que toutes ses tentatives de fuites avaient été soldées par un passage à tabac et la mort qu’elle a frôlé deux fois. Il avait un esprit assez brut de pomme et ne s’encombrait que rarement de ses sentiments pour prendre une décision. S’il fallait faire quelque chose, il le faisait, voilà tout. Même si c’était dur. Même si c’était impensable. Pourtant ces derniers temps il fixait son frère, le regardait se détruire sans avoir le courage de le foutre en rehab ou de lui dire d’y aller mollo. Il se sentait comme une merde et savait qu’il se flinguerait si un matin il apprenait la mort par overdose de son frère. C’est quel genre de conneries ça putain ?! Bom Chan a toujours foutu les pieds dans le plat, quitte à s’engueuler avec lui ou à balancer des choses qu’ils ne voulaient ni entendre ni dire. Et pourtant … pourtant là il le fixait, réalisant combien le Japonais n’avait jamais été aussi bas. Ce n’était même plus une question de moral, c’était un tout. Un putain de tout. Ce n’était pas juste une question de meuf, de drogue, c’était toute sa vie qui s’écroulait et maintenant qu’il était libre et qu’il avoir ce qu’il voulait Rei se laissait couler. Bom Chan avait ignoré jusqu’ici les conséquences des actes de son meilleur ami dans cet incendie. Il l’avait sortie de là en se battant corps et âme, il s’était littéralement déchiré l’âme en deux pour en donner un bout au diable qu’il puisse sortir Rei de son enfer. Il avait tout maintenant, tout du moins, tout pour repartir à 0 … « frère y aura pas dix milles solutions tu sais. » soupire Bom Chan, pas de lassitude, mais parce qu’il savait le bordel que ça représentait pour lui. « Soit tu la quittes, soit vu buter le mari. Genre vraiment, je suis sérieux. Ce mec à trop de fric et pognon, il fera ce qu’il veut d’elle et au pire elle touchera l’assurance vie de ce connard, parce que crois-moi, les mecs comme lui protège leur queue jusqu’au bout. » Dit-il en levant sa bière pour appuyer ses propos. Puis il soupire « Ouep … elle s’est barré. » de toute façon il tournait la page, ou l’avait déjà tourné, il n’avait plus envie de perdre du temps pour elle. « L’appelle pas mon frère … » grogne-t-il en buvant une gorgée « J’en sais rien, sûrement de lui donner plus de thune. Il la privait de tout mais elle acceptait … tant pis pour elle. » Dit-il avec un fond amer malgré tout. « Ça changera rien à mon plan … même si j’ai perdu du temps comme un con. » Bom Chan éclate de rire à la remarque de Rei et s’allonge dans son canapé dans un soupire d’aise. « Tu veux savoir le plus drôle … ? J’ai même pas encore couché avec elle. » Il rit en secouant la tête et soupire « mais je ne sais pas elle est différente cette nana. Elle me tient tête mais pourtant je sais que je lui plais … et tu verrais sa bouche … et son regard. » il fait mine de se prendre une flèche en plein cœur et rit « elle est … vraiment belle. » il attrape son tel et lui trouve une photo qu’il lui montre, il ne lui avait pas encore dit son âge, voulant voir la réaction de son meilleur ami qui ne manquerait certainement pas de le faire rire. 

Depuis des semaines, non, depuis des mois Rei réfléchissait aux solutions qui pouvaient s’offrir à lui et à Wen Yi. Il avait l’impression de tourner en rond, de toujours revenir aux mêmes choses, aux mêmes impasses. Et pour lui, les seules issues possibles étaient la rupture ou la mort. Et il ne désirait ni l’une ni l’autre. La mort peut-être, mais seulement si c’était la sienne alors... C’était dingue, lui-même ne se reconnaissait pas. Jamais, pas une seule fois il aurait pensé ressentir ça, en arriver là pour une femme. Et autant dire que les débuts avec Wen Yi avaient été chaotiques, qu’ils en arrivent là relevait soit du miracle, soit du destin, lui-même ne saurait le dire. En tout cas, il était coincé, enlisé, dans cette histoire, dans sa douleur physique et sa douleur morale, dans sa dépendance... Rei voudrait renaître, vivre la vie d’un autre... Mais si on en croyait la loi du karma, vu les saloperies qu’il avait fait dans cette vie, Rei allait renaître en lombric probablement. Il poussa un soupir en jouant avec ce qu’il restait dans sa bouteille. Au fond Bom Chan avait raison, mais il sous-estimait l’homme contre qui lui et Wen Yi devaient se battre. « T’as raison en partie... Mais comme tu le dis, il se protège, et bien. Pour l’atteindre c’est la merde et si on l’atteint j’suis certain qu’il a tout fait pour que Wen Yi soit dans la merde. » Il se redressa légèrement pour regarder son meilleur ami. « J’crois même qu’il sait. Avec les yeux qu’il a partout, c’est impossible qu’il sache pas. Mais il joue, il attend le moment pour lui faire payer ou à moi, ou aux deux. » Il afficha un rictus presque effrayant. « Si j’disparais du jour au lendemain, tu sais qui s’cache derrière ça. » Il plaisantait à moitié en disant ça, parce que franchement, c’était plus qu’envisageable. Dans tous les cas, il n’était pas le seul à vivre une situation compliquée. Et si Rei était déçu de voir que la personne que Bom Chan convoitait était partie avec son pire ennemi, il était aussi satisfait qu’il ne perde pas son objectif de vue. « Tu sais que j’suis là pour t’aider de toute façon. » Bien qu’il soit d’une piètre utilité à qui que ce soit dans l’état de décrépitude qu’il avait atteint. Il lâcha un rire en entendant le coréen parler de sa nouvelle conquête, et il haussa un sourcil. « Pas encore mise dans ton lit ? » Il se mit à sourire. « Et t’en parles déjà comme ça ? Mec, t’es complètement niqué. » Encore plus lorsqu’il entendit dire de cette femme qu’elle était « belle » et non « bonne », ce choix de vocabulaire dans la bouche de Bom Chan, ça voulait dire beaucoup. Rei prit le téléphone et regarda les photos, un sourire aux lèvres, c’est vrai que cette jeune femme était plutôt pas mal. « Jolie en effet... » Il employa un mot moins fort pour voir si son meilleur ami se vexait ou non. « Mais... » Il fronça les sourcils en voyant un autre cliché. « Elle a l’air plus jeune que nous. » Sans doute une étudiante de Bom Chan, ça ne le surprenait même pas. Après tout, ce n’était pas la première fois qu’il flirtait ou couchait avec une de ses étudiantes, et Rei aussi en avait bien profité lorsque le coréen organisait des soirées alors... « Et te voilà donc tenu par les couilles mon pauvre vieux. » Dit-il avec un rire gras avant de se mettre à tousser légèrement, il devrait arrêter de fumer aussi tiens.