C’est partie d’une simple visite de courtoisie. Enfin, c’est ce que Mei Na lui a dit. « Je passais par-là, te fais pas des films ». C’était pas totalement faux. Alors qu’elle arpentait les couloirs en guise d’inspiration ou d’une proie à se mettre sous la dent, le nom sur la porte l’avait interpellé, forcé à s’arrêter. Elle aurait pu continuer son chemin parce que Mei Na, c’est pas le genre à faire des visites de courtoisie ou à prendre des nouvelles des autres. Mais pour être honnête, elle s’ennuyait et Raon avait toujours la seule personne capable de la distraire sans avoir à atterrir dans son lit. Elle avait déjà donné de ce côté-là. Elle avait étudié pendant de longues minutes les lettres sur le bois avant de s’aventurer dans le bureau du plus vieux. « Salut Oppa ». Elle déteste ce mot, ça lui filerait presque de l’urticaire quand elle l’entend mais elle se délecte toujours de la grimace de dégoût que ça déclenche chez lui. Parce qu’il sait qu’elle n’y met jamais aucune sincérité derrière. Mais Mei Na, elle se dit qu’il a l’habitude maintenant.

D’un commun accord, ils avaient fini par se poser dans un restau où tout le monde parle plus fort que son voisin, où les rires alcoolisés s’élèvent démesurément alors que les heures défilent. Elle a arrêté de compter les verres après le premier, de regarder les prix alors qu’après un rapide coup d’œil dans son sac, elle s’était aperçue qu’il lui manquait son porte-monnaie. Elle l’entend déjà l’accuser de l’avoir fait exprès et c’est vrai que c’est bien son genre à Mei Na mais cette fois-ci, c’est vraiment pas de sa faute. Elle passait une bonne soirée et c’est tout ce qui lui importait. « Alors Oppa, t’as réussi à choper d’autres minettes depuis ? » qu’elle lui dit sans aucune once de gêne, la demie mesure n’étant pas dans ses habitudes. « C’est que ça doit défiler dans ton bureau non ? » qu’elle ajoute avant de s’engloutir un nouveau bout de viande justement cuit sur le grill.

Wearing. | « Salut Oppa » Il avait relevé la tête vivement de sa pile de dossiers, plus habitué à entendre ces mots sortirent de la bouche de ses sœurs que de celles des autres. Surtout que lorsque ça venait de Mei Na, le coréen avait la fâcheuse tendance de grimacer. C'est à dire que venant d'elle, Raon savait à quel point elle n'y croyait pas, ça avait presque un sous-entendu péjoratif venant de l'étudiante. Mais elle avait choisi le bon moment pour faire son intrusion, il avait presque terminé, et après quelques petites choses à régler il avait pu lui accorder du temps. Il était toujours perplexe en sa compagnie. Enfin perplexe... Était-ce le bon mot ? C'est qu'avec Mei Na, il avait un certain passé qui le poursuivait, et qui le hantait surtout. Ce n'était pas pour autant qu'il cessait de la voir, elle était de bonne compagnie et il l’appréciait. C'était juste que certaines choses qu'ils avaient fait n'auraient pas dues l'être.

Il l'avait suivi au restaurant, n'étant pas contre un léger changement d'air. C'est qu'il n'aurait pas fait grand chose sinon, à part manger devant son écran d'ordinateur qui aurait diffusé un épisode d'une série américaine dont il était fan. Après quelques verres, Raon avait ouvert quelques boutons de sa chemise, se mettant plus à l'aise. Il avait aussi relevé ses manches alors que son jeu de baguettes pour attraper et enfourner les morceaux de viande était impeccable. Le chargé d'administration de Yonsei était bien loin, ne restait que Yeo Raon, jeune adulte désabusé qui envoyait chier les conventions sociales qui l'auraient empêché d'être ici et surtout d'avoir cette conversation avec Mei Na. Il la pointa de ses baguettes, comme si il la menaçait. « Ya ! Un peu d'élégance s'il te plaît ! » Il aurait pu partir sur un laïus du genre « une jeune femme ne devrait pas parler comme ça » mais Mei Na n'en avait rien à foutre, et lui non plus concrètement. « Sens toi unique j'évite de mettre des étudiantes dans mon lit. » Il grimaça, se souvenant de sa réaction lorsqu'il avait découvert l'âge de la demoiselle. « Mais ma vie sexuelle se porte à merveille merci. Et t- » Il se coupa dans sa phrase, un morceau de viande coincé dans la joue, une moue dubitative sur le visage. Il finit par secouer ses baguettes dans un geste négatif. « Oublie, j'veux pas savoir. » Et en levant la bouteille de soju vide, il fît signe à la serveuse d'en rapporter une autre.