Wearing. | Arrivé devant le salon de thé, Raon avisa que la jeune femme avec qui il avait rendez-vous n'était pas encore là. Il pensa un instant à la contacter pour lui dire qu'il l'attendait devant le café, mais préféra patienter simplement. Il n'allait sans doute s'agir que de quelques minutes d'attente, et ce n'était pas insupportable pour lui. Il eut le temps de repenser à la décision de l'université quant à Mee Yung et à comment il présenterait les choses à l'étudiante. C'était quitte ou double pour elle. Ils ne lui laissaient pas beaucoup de temps pour se préparer, mais il s'était battu pour qu'elle ait une seconde chance et qu'ils ne soient pas trop durs avec elle. Même lui n'expliquait pas pourquoi le sort de l'étudiante l'importait autant. Peut-être parce qu'il détestait que les gens avec du potentiel et des rêves ne puissent s'épanouir dans ce qu'ils voulaient faire. En gros, s'il s'investissait autant, c'était sans doute pour qu'elle ne renonce pas à ce qu'elle voulait faire peu importait les circonstances, et qu'elle ne finisse pas par lui ressembler.  Mais évidemment, il était bien loin de cette réflexion, et bien loin d'en arriver lui-même à cette conclusion. Concrètement, il avait juste envie d'aider Mee Yung, et ne savait pas s'expliquer pourquoi. En parlant d'elle, elle arriva enfin, et Raon la salua d'un petit signe de main espérant que son côté décontracté mettrait la jeune femme à l'aise. « Alors on s'est perdu en chemin ? » Mais le petit sourire qu'il affichait montrait bien que l'attente ne l'avait pas dérangé plus que ça. « Pour changer du café je me suis dit qu'ici ça pouvait être pas mal, tu connais ? » Il était plus du genre amateur de caféine, mais pour changer un peu avait opté pour cet endroit qui lui semblait plus tranquille que l'effervescence d'un café. Et comme il estimait que l'attente avait assez duré, il ouvrit la porte et fît signe à Mee Yung de rentrer, c'est qu'il savait aussi être galant parfois.  

Wearing. | Descendant du bus lorsque celui-ci daigne enfin s'arrêter, je glisse mon casque audio sur mes oreilles et me mets en marche vers l'Arizona, salon de thé dans lequel Raon m'a donné rendez-vous quand je l'ai eu au téléphone, un peu plus tôt dans la journée. Pourquoi ? Je ne sais pas trop. Quoique si... Je crois que je m'en doute un peu. Faut dire qu'il n'y a pas 36 000 raisons pour expliquer le fait que le chargé d'administration de votre université veuille vous parler, si ce n'est quelques problèmes d'ordre scolaire. Et comme, ces derniers temps, je n'ai pas été un exemple d'assiduité, pas la peine d'être Einstein pour deviner que la conversation qui m'attend aura certainement pour sujet les examens semestriels auxquels je n'ai même pas pris la peine de me présenter... D'ailleurs, à cette pensée, je ne peux m'empêcher de laisser échapper un faible soupir teinté de lassitude. Sentiment qui s'accentue légèrement lorsqu'en levant les yeux, j'aperçois Raon, au loin... Celui-ci m'adresse d’ailleurs un rapide signe de la main auquel je me contente de répondre par un faible sourire, relevant plus de la simple marque de politesse qu'autre chose, avant de laisser échapper un « Hn... Désolé... » pour toute réponse à sa question. Mais la vérité c'est que j'ai un peu beaucoup traîner des pieds pour venir jusqu'ici... Ce n'est pas contre lui, vraiment... Mais dire que je suis contente d'être là serait mentir et le sourire bienveillant que le jeune homme finit par me lancer n'y changera certainement rien. Essayant toutefois, de faire "bonne figure", je lui rends finalement son sourire et jette rapidement un coup d'oeil sur la devanture du salon de thé, avant de m'exclamer : « J'en ai entendu parler, oui... Mais c'est la première fois que je viens. » Faut dire que le thé... Et bien ce n'est pas forcément ma tasse de thé. J'aime bien mais sans plus, ma préférence allant au cappuccino. Cependant, un peu de changement, ça ne fait de mal à personne. Pénétrant donc dans le salon après que Raon m'y ait invité, je laisse mon regard vagabonder un peu partout et remarque une table libre, près de la grande baie vitrée qui donne sur la petite terrasse de l'Arizona. « Ça vous va si on s'installe là bas ? » Lui désignant la table du doigt, je me dirige ensuite vers cette dernière, après avoir obtenu son feu vert, et m'y installe, prenant ainsi place sur l'une des deux chaises qui se font face. Le chargé d'administration a toutefois à peine le temps d'en faire de même que je lui demande : « Alors ? De quoi vouliez-vous me parler ? » Moi, pressée d'en finir ? Mais non, pas du tout...

Wearing. | C'était une des premières fois que Raon donnait rendez-vous à l'extérieur pour parler de l'université à un(e) étudiant(e). Mais le cas de Mee Yung était bien particulier. Non pas seulement par sa situation, mais par les décisions qu'il fallait prendre, et celles qu'elle-même devait prendre. Raon se refusait à la plaindre, ce n'était pas de pitié dont elle avait besoin, mais de bienveillance et d'encouragements. Mee Yung, malgré tout, avait encore pas mal de possibilités devant elle, et il voulait être celui qui les lui présentait, et l'aidait à faire le bon choix. Choix qu'il n'avait plus eu après son service militaire. Lorsqu'elle arriva, il remarqua que son enthousiasme n'était pas partagé malgré le petit sourire qu'elle affichait, et ce n'était pas de la nervosité qu'il avait l'impression de voir chez elle. Ils entrèrent dans le salon de thé malgré tout, et il hocha la tête en la suivant jusque la table qu'elle avait indiqué. A peine assit, Mee Yung entra dans le vif du sujet. Il n'avait pas eu le temps de commander, rien. Encore une fois, ce n'était pas la nervosité qui perçait chez elle, plutôt... Une certaine lassitude ? Il n'aurait su le dire clairement. Mais Raon était patient, il avait un entraînement de choc avec ses trois sœurs, et il ne céderait pas aussi facilement. Dans l'immédiat, ce qu'il avait à lui dire pouvait attendre un peu. « On y viendra bien assez tôt, tu veux pas boire quelque chose d'abord ? » Il prit les cartes qui se trouvaient sur la table, l'une proposait et décrivait tous les thés disponibles, et l'autre les douceurs à se mettre sous la dent. « Tu vas pas refuser une telle invitation, y a plein de filles qui voudraient être sur ta chaise tu sais.. » Il lui fît un sourire en coin qui releva le côté droit de ses lèvres, plaisantant pour détendre l'atmosphère, il ne voulait pas que ce moment soit solennel. Il ne feuilleta la carte que quelques secondes, Raon n'était pas un grand friand de thé, il partirait sur un habituel thé aux agrumes et une part de gâteau au thé vert. Il la regarda fixer les cartes, ignorant si elle lisait le contenu réellement ou non. Lorsque, enfin, elle releva le visage vers lui, il la détailla un instant. « Comment tu vas Mee Yung ? » Son regard planté dans celui de l'étudiante, il lui posait cette question avec sincérité, sans aucune curiosité malsaine, ni sans aucune lueur triste ou pathétique dans le regard. S'il lui posait cette question, c'est parce qu'il voulait qu'elle lui réponde elle aussi avec sincérité, peu importe que les nouvelles soient bonnes ou mauvaises.

Wearing. | Je savais que ce n'était plus qu'une question de temps avant que mon avenir en tant qu'étudiante de la Yonsei ne soit remis en cause. Et je suis consciente de l'avoir cherché... Entre mes absences à répétition, mes mensonges et mes résultats catastrophiques, sans compter le fait que je n'ai même pas daigné me rendre aux examens, il fallait s'attendre à ce que l'administration de l'université réagisse. D'autant plus que je ne suis qu'une petite boursière. Je n'ai pas la chance d'avoir des parents assez riches pour me payer ma scolarité dans cette prestigieuse université, malgré mon manquement à mes obligations. Puis, on m'avait prévenu que le moindre faux pas me coûterait le seul moyen qui me permet d'y poursuivre mes études. Pourtant, contre toute attente, lorsque je me suis présentée dans le bureau de Raon pour la première fois, ce n'était pas pour entendre de sa bouche qu'il n'était plus possible que je reste à la Yonsei. Une grande surprise, je dois dire... Toutefois, et bizarrement, apprendre qu'ils m'accordaient une seconde chance, au vue de la situation dans laquelle je me trouve, ne m'a pas plus enchanté que ça. Tout comme ce petit rendez-vous avec Raon, d'ailleurs... Car je sais très bien pourquoi il m'a convoqué. Je sais très bien que, si je suis ici, c'est pour parler des quelques choix qu'il me faudra faire à l'avenir. Et l'ennui dans tout ça c'est que je n'en sais rien... Je ne sais pas ce que je veux. Ni même ce que je ne veux pas, en fait... Continuer ? Arrêter ? Moi-même, je ne suis pas en mesure de répondre à ces questions. Car je suis perdue. Totalement perdue. Et je doute fortement que ce petit entretien m'aide d'une quelconque façon que ce soit. Cependant, quand je tente de rentrer directement dans le vif du sujet, histoire d'en finir rapidement, Raon me fait vite comprendre qu'il n'a pas l'intention de me lâcher. Pas tout de suite, en tout cas. Ce qui, sur le moment, a le don de m'agacer. M'abstenant toutefois de tout commentaire, je me contente de lâcher un faible soupir et m'empare finalement de la carte, avant de la parcourir du regard. Mais même choisir entre tous ces thés qui nous sont proposés semble relever de l'impossible. Résignée, je relève donc la tête et croise le regard de mon aîné, dont la question me fait arquer légèrement un sourcil. « Ça peut aller... Comme la dernière fois que nous nous sommes vus. Et la fois d'avant aussi... » En gros, rien n'a changé, si c'est ce qu'il veut savoir... « D'ailleurs, vous n'devriez pas vous sentir obligé, vous savez ? J'veux dire, de prendre de mes nouvelles à chaque fois... » Surtout que j'ai limite l'impression d'être face à un psy. Ce qui est assez... bizarre, je dois dire... « Je sais très bien que l'on vous a chargé de "m'aider" mais je ne pense pas que cela soit réellement nécessaire... Après tout, on s'en fout un peu non ? Ce qui vous importe vraiment c'est de savoir si vous faites bien de me laisser une seconde chance ou non, n'est-ce pas ? » Adressant un faible sourire triste au jeune homme, je dépose finalement la carte sur la table et finis par lâcher lorsque l'un des serveurs s'arrête à côté de notre table : « Je vais juste prendre un thé vert à la menthe, s'il vous plait... » Le serveur se tourne ensuite vers Raon pour prendre sa commande, avant de finalement s'éloigner...

Wearing. | Ce n'était pas l'air blasé et un brin revêche de Mee Yung qui allait faire battre le coréen en retraite. Au contraire, il y voyait là la preuve qu'elle avait du caractère, ce qui était une bonne chose. Mais si elle pouvait user de ce fichu caractère à son avantage, les choses auraient peut-être été moins compliquées. Pour elle surtout. Raon avait du travail pour gérer « son cas », même s'il n'aimait pas l'appeler ainsi, mais si par là il pouvait amener la jeune femme à un avenir qui lui plaisait et la faisait rêver, alors qu'on lui amène autant de documents à traiter que possible. Au fond, il aurait aimé que quelqu'un se batte de cette façon pour lui lorsqu'il avait annoncé à son université qu'il ne reviendrait pas après le décès de son père. On avait juste hoché la tête en lui souhaitant bonne chance... Quelle chance pouvait-on avoir sans aucun diplôme dans ce pays ? Il devait être difficile pour Mee Yung de se projeter dans l'avenir avec les épreuves qu'elle devait traverser. « Je vois... » La jeune femme semblait coincée, comme prise dans des sables mouvants par ce qui lui (re)tombait dessus. Raon aurait voulu la voir se débattre, s'accrocher, mais lui-même ignorait comment il réagirait dans une telle situation. Il était incapable de lui donner des leçons, et pouvait-il donner des conseils ? Pas vraiment, il pouvait juste être là... Ce n'était pas grand chose, il était habitué à se sentir impuissant. Il appuya son dos contre le dossier de son siège, sondant la jeune femme alors qu'elle s'adressait à lui. C'était étrange, dans son comportement il avait l'impression de voir ce qu'elle essayait de cacher. Il se trompait peut-être, sans doute même. Mais il avait l'impression de se voir, que la façon qu'elle avait de se laisser aller, et d'être (d'une certaine façon) en colère cachaient bien plus que ce qu'elle ne montrait. Et ça résonnait violemment en lui. Avant de lui répondre quoique ce soit, il commanda à la suite de Mee Yung, un thé blanc aux agrumes. « Je sais qu'on se connait pas encore assez, mais à moins de ne pas avoir le choix ou de crouler sous le poids des responsabilités, et crois moi ça n'arrive pas souvent, je fais rarement les choses parce que je dois les faire ou parce que je m'en sens l'obligation. » Ce qui expliquait souvent les situations délicates dans lesquelles il se retrouvait. « Crois-le ou non, je m'inquiète vraiment pour toi Mee Yung. Et je dépasse largement mes impératifs professionnels en étant ici avec toi. » C'était vrai, rien ne l'obligeait de la voir ici, il aurait pu la convoquer de façon tout à fait formelle à l'université, mais ce n'était pas ce qu'il voulait. « Ce n'est pas à l'étudiante que je m'intéresse mais à la jeune femme. » Se rendant compte du double sens que pouvaient avoir ses paroles il lâcha un léger rire. « En tout bien tout honneur j'entends ! » Et bien qu'il gardait un léger sourire aux lèvres, il regarda la dite jeune femme plus sérieusement. « Alors si je te demande à nouveau Mee Yung, tu me diras comment tu vas vraiment ? » Et comme pour lui laisser le temps d'y réfléchir, on vint déposer sur leur table deux petites théières et deux tasses.