Accoudé à la table, je lui expliquais ce qu'impliquait de poser comme modèle. À cette jeune femme qui voulait tenter l'aventure, qui souhaitait avoir un semblant de portrait mettant en valeur sa nudité et son corps d'Aphrodite. « Je sais, j'ai bien compris ce que cela implique ! » Le large sourire qui se dessinait sur son visage montrait qu'elle n'en avait aucune idée, sans doute bercée par l'illusion d'un moment agréable sous l’œil averti d'un peintre dont elle avait entendu parler à peine quelques jours plus tôt. Le soupire m'échappa, à mi-chemin entre l'exaspération de son entêtement et le soulagement d'avoir un nouveau modèle dont je pourrais peindre les traits. « Tu devras poser pendant des heures sans bouger. » « Je sais. » « Tu devras aussi revenir plusieurs fois par semaine jusqu'à ce que la peinture soit terminée ! » « Tu me l'as déjà dit oui. » « Très bien alors appelles-moi quand tu es disponible pour une première séance ! » Je griffonnais mon numéro sur un bout de papier avant de le lui tendre pour qu'elle le saisisse en effleurant mes doigts. « Je t'appelle dès demain ! » Elle m'offrit un large sourire agrémenté d'un clin d’œil avant de me laisser seul à ma table. J'avais le mauvais pressentiment qu'elle n'avait eu vent que de quelques rumeurs plus ou moins vraies sur mon activité. Était-elle de ces demoiselles qui ne souhaitaient se dévêtir que dans l'optique de... Et merde. Elle me faisait défaut cette image, et il fallait que je l'enraye le plus rapidement possible avant de ne recevoir plus que des avances, omettant l'artiste au profit de l'homme. J'attendais mon prochain rendez-vous, ce café dans lequel j'avais presque élu domicile, les yeux rivés sur la rouquine qui se déplaçait avec grâce entre les tables. Elle me semblait familière et inconnue à la fois, et si elle avait répondu par la négative lors de notre première rencontre, elle dégageait un charisme qui passait difficilement inaperçu. Je me contentais de perdre mon regard quelques instants sur elle avant de reporter mon attention sur mon téléphone et plus particulièrement sur un message s'y affichait me prévenant d'une annulation de dernière minute. Je tolérais les retards malgré mon impatience latente à devoir me calquer sur un rythme qui n'était pas le mien, mais les annulations étaient une torture que j'exécrais devoir subir. Un paradoxe qui en faisait rire certains, et qui exaspérait d’autre, puisque j’étais loin d’être un modèle à suivre en la matière. « Puis-je avoir un autre café s’il vous plait ? » Les yeux de la rouquine s’assombrirent pour me toiser alors que je composais déjà le numéro d’une autre demoiselle qui aurait du temps à me consacrer.