Une capuche sur la tête, son éternel sac à dos sur le dos, une main dans les poches et l’autre dans sa poche, Il Sung traverse une forêt des plus effrayantes en plein milieu de la nuit. Camille à ses côtés, il essaye de ne pas la perdre malgré sa marche rapide par la pression et la peur qu’il tente de dissimuler dans son lieu sombre. « On est bientôt arrivé. » Qu’il déclare en l’entendant soupirer pour la millième fois. Il voit déjà l’hôpital abandonné face à lui. En plein milieu de la forêt, complètement dégradé mais dont les murs n’étaient pas encore dégradés. Il le savait pour y avoir déjà fait du repérage. L’ambiance était vraiment glauque mais pour s’être renseigné, il n’était pas hanté. Enfin, il l’espérait. Ils passent par la grande porte dont il avait précédemment brisé le cadenas et la laisse découvrir les lieux. « Regarde tout ce qu’on peut taguer ! » S’exclame-t-il en désignant les immenses murs et couloirs dépourvus de tous dessins. Bon ok l’endroit fait flipper mais une fois concentré ça ira non ?

Je me demandais encore ce qui était passé dans la caboche de Il Sung pour qu’il me tire hors de la ville en pleine nuit. Certes, j’aimais le monde ténébreux que la ville m’offrait une fois les étoiles éteintes. Je l’avais même fais mien au long de ces trois années où nous avions posé pied sur ces terres. Néanmoins, le trajet que nous empruntions m’était inconnu, bien loin du bitume urbain sécurisant. Cette forêt qui nous entourait me donnait la chair de poule. Je ne pouvais m’empêcher de lancer des regards angoissés dans les moindres recoins, ne sachant pas réellement où regarder avec tous ces arbres, ces branches qui produisaient des ombres du sol jusqu’au ciel. Sans compter les bruits étranges que produisaient des animaux que je ne pouvais voir. Mes bras entourant mon corps, je soupirais bruyamment, indiquant mon impatience au jeune homme. Je restais silencieuse. J’attendais de voir ce qui l’avait rendu si sûr de lui pour me tirer dans un endroit si reculé avant de lui lâcher une pique cinglante. Des murs en partie en ruine s’élevèrent soudainement face à nous, chargeant l’ambiance déjà lourde offerte par la forêt. Je jetais un coup d’œil peu assurée à cette vieille bâtisse qui semblait être un vieil hôpital avant de le suivre au travers de la porte. Je passais par-dessus des débris avant d’ouvrir une lampe de poche, faisant passer son vaisseau lumineux un peu partout. Un bref instant, mon esprit d’artiste prit le dessus, oubliant ce qui avait autour. Les yeux pétillant bien que quelque peu méfiants, je tournais sur moi-même pour faire le tour des lieux. « C’est immense, on en voit pas le bout. » Je jetais un coup d’œil vers Il Sung : « Rassures-moi, ce n’est pas hanté cet endroit ? »

Ce lieu n’avait rien de romantique. Il n’avait rien d’un bel endroit pour un parfait tête à tête bien loin de là même et pourtant, c’est ici qu’il amenait Camille. Après tout, ils n’ont jamais été ce genre de couple à prendre des diners avec des chandelles chaque dimanche, à s’offrir des cadeaux chaque mardi et des fleurs à outrance. Non pas qu’il ne l’aimait pas assez pour faire cela, si elle le voulait il en ferait l’effort pour sûr mais leur couple est simplement comme ça. L’ambiance était lugubre, le bâtiment abandonné depuis plusieurs années déjà il n’avait qu’à constater la dégradation dont il était victime. Adam l’avait découvert par hasard et l’avait trouvé merveilleux pour une bonne et belle séance d’art à la bombe. Les murs bien que abimés n’étaient pas encore tagué. Ce soir, ce n’était qu’une question de temps. « Tu vois que ça en valait le coup ! » Pour arriver à cet endroit, ils avaient dû passer par une forêt effrayante bien qu’il ne l’admettra certainement pas et les soupirs incessants de la jeune femme ne lui avait pas échappé. Il contemplait alors les lieux, faisant glisser la lumière de la lampe torche un peu partout. Il imaginait déjà tout ce qu’il allait dessiner jusqu’à ce que une phrase de Camille l’interpelle. Hanté ? En fait il n’en savait pas grand-chose, il était venu en plein jour la dernière fois mais il n’allait pas risquer de se laisser planté ici comme un con. « Mais non il n’est pas hanté ! De toute façon les esprits quand ils viennent quelque part la première chose qu’ils demandent c’est : est-ce que il y a Adam ? Alors tu ne risques ! » Il sourit à sa propre connerie posant son sac au sol pour y sortir des bombes.

Qui avait dit que les princesses devaient hériter d’un prince charmant sans aucun défaut ? C’était sans aucune honte que je n’enviais pas leur place. Parfois, je me disais qu’elles devaient bien se faire chier dans leur cage dorée qu’était leur château luxuriant. Mon histoire était loin des contes de fée, et pourtant, il était tellement mieux. Entre danger et adrénaline, amour et haine, le quotidien n’avait pas le temps de s’installer. Un homme qui détenait une source d’imagination qui ne tarissait pas, me surprenant à chaque fois même après plusieurs années… ca c’était un véritable trésor. Je me taisais bien de le lui dire, car il se presserait de prendre la grosse tête. Et encore ce soir, il me le prouvait. Apres m’avoir trainé de longues minutes à travers bois en pleine nuit, je découvrais le saint-graal qu’il m’offrait sur un plateau d’argent. Je lui tirais la langue alors qu’il me demandait si ca en valait le coup. Déjà mon esprit vagabondait à exprimer les dessins qui allaient orner ces murs encore vierges dans un futur proche. Néanmoins, les ombres que projetait la lampe de poche d’Il Sung sur les ruines me firent reculer d’un pas, m’interpelant sur le fait d’une possibilité hantise du lieu. Je lui jetais un coup d’œil, me demandant si je devais lui mettre une tape derrière la tête ou rire avec lui de sa connerie qui ne faisait rire que lui. Je secouais la tête, un sourire peint sur mes lèvres. « T’es con. » J’attrapais le sac à dos remplis de bombe de couleur et me dirigeais vers une paroi qui me semblait parfaite et pas trop dégradée par le temps. « Qu’est-ce que tu dis de commencer par celle-ci ? » Je jetais un coup d’œil autour de nous. « C’est fou ! Avec tout cela, on en a pour plusieurs nuits à mettre de la couleur partout. » Déclarais-je un brin enfantine, aux anges. Je me tournais vers mon homme qui s’approchait de moi, lui déposant un baiser sur sa joue. « Merci pour ce merveilleux cadeau. Ecoutes bien, je le dirais pas deux fois : t’es le meilleur, je t’aime. » murmurais-je à son oreille dans le silence de la nuit telle une promesse.

Il Sung savait que cet endroit lui plairait. Il la connait, depuis le temps qu’ils sont ensembles il sait ce qu’elle aime et ce qu’elle déteste. Cela n’a rien de paradisiaque aux yeux des autres, pour eux c’était bien davantage. Ici, ils seront tranquilles pour taguer les murs. Ils ne seront certainement pas surpris par les cris des habitants pour les sirènes des véhicules de police. Il n’y a personne, l’endroit est tellement paumé et délabré que même les esprits ont dû foutre le camp. Il s’amuse de sa peur même si lui aussi flipperai très certainement en voyant une ombre bouer mais ça, il se garde bien de le lui dire. Il lui sourit lorsqu’elle lui dit qu’il est con, prenant ça comme un compliment. Avec tout ce qu’ils peuvent se dire durant leurs disputes, ce n’était rien ça encore. Comme elle il attrape des bombes dans son sac à dos, se plaçant face au mur qu’elle lui désignait. « Si tu veux ! » Les souhaits de Madame sont des ordres. « On reviendra. » Il hausse un peu les épaules, tournant son visage souriant vers elle avant d’agiter la bombe. De toute façon, hors de question de ne pas revenir tant que tous les murs ne seront pas peint de leurs graphismes. Il pourrait se sentir apaisé par son baiser et ses mots exprimant sa joie d’être ici, qu’elle pense qu’il est le meilleur et qu’elle l’aime. Pourtant, ce ne fut pas le cas. Il y a encore quelque chose qu’elle n’a pas découvert et peu importe combien il peut être de nature confiante, sur ce coup il craignait un peu sa réaction. Alors il tente juste de sourire, laissant un juste. « Je sais, je sais. » Puis alors qu’il commence à taguer le mur. « Moi aussi je t’aime. » Il dépose un baiser sur son front avant de poursuivre ce qu’il a commencé. « J’aurai dû l’enregistrer ! Tu veux pas recommencer pour que je le fasse? J'le mettrai en sonnerie !» Déclare-t-il faussement déçu avant de rire. Bon aller, cinq minutes de tague et après il l’amène voir sa surprise !

« Evidemment qu’on reviendra ! » m’écriais-je joyeusement alors que le mur se recouvrait d’une premier couche blanche. « Il est hors de question que je laisse un centimètre carré de cette endroit à quelqu’un d’autre. » déclarais-je comme si il m’appartenait. De plus, de mon point de vu, il s’agissait d’un cadeau d’Il Sung, comme si il m’avait fait cadeau de ce lieu. Personne d’autre n’avait le droit de le profaner. Tout ce qu’il m’offrait m’était précieux, même si je me tenais bien de lui faire savoir clairement. Les énigmes, c’était tellement mieux. Et moi, j’étais la sienne au quotidien. Pourtant, cette fois, je décide d’outrepasser cette règle et de bien lui faire comprendre de manière affective. Son « je sais » m’arracha un sourire, me rappelant cette célèbre réplique de Star Wars. Il était rare de nous l’entendre le dire aussi clairement. Risquions-nous le déluge cette nuit ? Je lui donnais tout de même une petite tape derrière la tête pour sa dernière réflexion. Je ris néanmoins avec lui. « Allez, on a du boulot si on veut que cette endroit resplendisse de notre art. »

L’entendre lui dire qu’il est le meilleur est un fait rare et exceptionnel, étant bien plus habitué à des insultes. Tellement qu’il aurait aimé qu’elle le répète afin de pouvoir le mettre en sonnerie de téléphone. Pourtant à la place de ses mots valorisants, il se prit une tape derrière la tête. Ouais bon, il n’avait pas de réel espoir non plus, ça aurait été trop beau. Il se serait inquiété si elle l’aurait répété, elle aurait pu avoir une fièvre ou quelque chose comme ça. Alors il en rit en commençant à taguer le visage de Camille sur le mur car en quelque sorte, avec la surprise qu’il lui prépare, ce lieu est le leur. D’ailleurs, heureusement qu’il sait bien dessiner sinon elle l’aurait certainement mal pris. Après quelques minutes de tag intensif, en oubliant carrément ce qu’il avait préparé, il recule un peu pour voir son dessin encore dépourvu de couleur. « Ca te ressemble ? » La questionne-t-il avant de se rappeler soudaine. « ARRETE TOUT ! » Il se fait peur lui-même tant il a crié fort. « Faut que je te montre un truc ! » Ok Adam, stress pas, t’es un bonhomme ou t’es pas un bonhomme ?

Concentrée sur le moindre de mes gestes, je n’avais plus aucune notion du temps ni de ce qui m’entouraient. Mon pan de mur se remplissait de couleur à chaque seconde qui passait. Je jetais un coup d’œil au dessin qu’Il Sung venait de réaliser, et je devais admettre que c’était plutôt ressemblant. Ne pouvant m’empêcher de le taquiner, je répliquais sur un ton faussement mi-figue, mi-raisin. « C’est comme ca que tu me vois. » Je repris mon œuvre de polychromie, plissant les yeux sous la concentration. Une ligne noire faillit traverser mon esquisse quand une voix stridente se fit entendre. Je sursautais instantanément, lançant un regard noir à mon homme. « Non, mais qu’est-ce que t’as d’un coup ? Un putois t’a mordu les couilles ? » Crachais-je encore sous le coup de la surprise. Je pris la pose, arrêtant ce que j’étais entrain de faire pour maquer un temps. Je déposais ma bombe sur le sol et me tournait vers le brun, les mains sur les hanches. « Qu’est que ce que tu veux me montrer ? »

Adam était devenu tellement concentré sur le portrait de Camille qu’il était entrain de produire qu’il en avait complètement oublié la raison principale de leur venue ici, sa surprise ! Comment avait-il pu ? Dès lorsque cela lui était revenu en mémoire, un pic de stress s’était soudainement élevé en lui et il s’était mis à lui hurler de s’arrêter. La jeune femme sursautait, il se préparait à un bon nombre d’insulte mais elle se contentait de lui demander si un putois lui avait mordu les couilles. Il ignorait ses mots, préférant reposer son matériel parce qu’il n’avait pas grand-chose à répondre à cela en réalité. Il essuyait ses mains sur ses vêtements dans un geste complètement débile. « Viens avec moi ! » Il lui attrapait la main, la guidant à travers les décombres jusqu’à une pièce totalement noire. « Tu bouges pas hein ? » Aussi loin qu’il se souvienne son cœur n’a jamais battu aussi fort. Il lâche sa main et tente de se guider sur la pénombre. Ses mains rencontrent un obstacle, celui qu’il cherche. Il appuie sur un bouton et soudainement, la pièce s’illumine des milles et unes lumières qu’il a précédemment installées autour d’un« Will you marry me ? » lumineux.

Un cri avait traversé la barrière de mes lèvres sans que je ne puisse l’en empêcher. En même temps, qu’est ce qui lui prenait de hurler comme ca ? Il voulait que je fasse une crise cardiaque ? Pas de chance pour lui, mon cœur était bien accroché. Il lui en fallait bien plus que cela. Il évacua le regard noir que je lui offrais d’un revers de main comme si il ne l’avait pas remarqué. Je fronçais les sourcils. Qu’est ce qui pouvait bien occuper son esprit pour qu’il soit si concentré au point de m’ignorer ? la bombe que je tenais en main touche le sol dans un bruit métallique alors qu’il m’attrapait brusquement la main pour me tirer au travers des décombres de l’ancien bâtiment. Il me fait pénétrer dans une salle complètement noire qui me donne des frissons. Je sentais les poils de mes bras se dresser, et instinctivement, je scrutais la pénombre dans tous ses recoins m’attendant à voir un monstre apparaitre. « Attends ! Tu ne comptes pas me laisser toute seule ici ? » me précipitais-je de lui demander tentant de retenir son bras, mais trop tard, il avait déjà disparu. Mes bras se retrouvèrent autour de moi, m’enveloppant d’une chaleur qui ne me réconfortait en rien. Je prenais sur moi en espérant retrouvé vite mon homme. « Il Sung, c’est pas drôle, t’es où ? » lâchais-je presque plaintive. Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase qu’une lumière m’aveugla soudainement. Je fermais les yeux avant de les ouvrir doucement. Quand mes yeux s’habituèrent, j’aperçus le jeune homme, le rouge aux joues sous une banderole. « Qu’est ce que ? … » Je levais mon regard vers le ciel pour lire les lettres inscrites en grand « Will you marry me ? » Interrogeais-je interloquer sans comprendre ce qui se passait réellement.