Bae remonte les dernières chaises en jetant un coup d’œil vers Eui Geon. Il dort si profondément qu’elle s’en voudrait de le réveiller en faisant trop de bruit. Elle sourit en coin devant son air si paisible. Il avait l’air si épuisé en arrivant, elle n’aurait jamais cru qu’il puisse rester aussi tard. Elle compte le nombre de verre qu’elle lui a offert avec un petit sourire amusé et attrape son balais pour se mettre à balayer la salle calmement. Elle a tamisé les lumières pour qu’il puisse dormir plus posément et seul le bruissement du balai sur le sol vient troubler la quiétude du moment. Les derniers habitués sont partis depuis un petit moment déjà et Bo Bae les a enfermés à double tour dans le loft. Depuis le départ de Kan et de tous les autres elle est seule à vivre au Kurss … Parfois l’idée de faire du bar une chambre d’hôte lui traverse l’esprit mais elle se refuse de laisser entrer n’importe qui ici. Quand bien même un lourd passé la rattache à ces lieux, ça reste son premier chez elle. Quand elle était à la rue, quand elle était seule. Ce lieu aurait détruit son couple autant qu’il lui aura sauvé la vie. Alors disons que Bae ne supporterait pas l’idée que des étrangers viennent souiller son chez elle. C’était familial à la base, mais quand elle regardait autour d’elle elle se sentait terriblement seule. Elle jette la poussière à la poubelle en levant son regard vers Eui Geon qui s’était mis à bouger et parler dans son sommeil. Ça lui arrache un sourire tendre alors qu’elle range délicatement les verres un à un. Elle éteint les néons une fois que sa tâche est finie et s’approche du garçon endormi. Min Kyung avait du bon boulot en nettoyant le Kurss elle ne passait derrière que pour s’assurer que tout soit parfait. Une tasse cappuccino et des madeleines sur un plateau elle s’approche du jeune Pyo endormi et se glisse en bout de canapé, veillant à ne pas lui écraser les pieds. Elle soupire de fatigue en se mettant à manger ses madeleines qu’elle trempe dans son café. Elle lance le vidéo projecteur en éteignant de sa télécommande toutes les lumières du bar et coupe le son, elle ne s’autorise que les sous titres de sa série. Elle regarde un épisode et se promet de réveiller le garçon s’il ne se réveille pas avant la fin. Il mérite au moins  de dormir dans un lit confortable. Elle remonte la couverture qu’elle avait posé sur son corps afin qu’il n’est pas froid et reporte son attention sur l’écran blanc en face d’elle. Un cinéma à domicile. C’est plutôt cool non ? Elle pose une main sur les jambes de Eui Geon sans réaliser à quel point elle devait à l’aise avec le garçon. Buvant son café elle peut enfin se détendre. 

t’écrases ta cigarette et jettes le mégot dans une poubelle tout en soufflant la fumée. t’es pas un gros fumeur, mais ça te détend. c’est sûrement placebo, mais t’aimes la sensation que ça te procure. tu sais que tu devrais arrêter, parce que ce n’est ni bon pour ta santé, ni bien vu par la société, mais tu n’y arrives pas. tu finis par entrer dans le kruss où bo bae travaille et tu la salues avant de prendre place. ta journée à a été épuisante. tu l’as passé la matinée à la fac pour tes cours et l’après-midi, c’est armé de ton appareil photo que tu as parcouru les rues de séoul à la recherche d’oiseau. t’as couru un peu partout pour éviter de ne voir que des pigeons et des tourterelles. tu ne sais pas encore tout sur ces oiseaux, mais ça t’énerve de ne photographier qu’eux. alors, t’as cherché, sans relâche jusqu’à trouver une hirondelle. bon, on peut pas dire que c’était ta meilleure découverte de ta vie, mais t’aimes bien ce volatile quand même. tu l’as donc suivi jusqu’à ce qu’il se perde au loin dans un battement léger d’ailes. puis t’as fini l’après-midi en photographiant des paysages, des visages, des objets. tout ce qui avait un potentiel intérêt pour toi. avec ton appareil photo, tu rendais tellement vrai le cliché du touriste asiatique que souvent on te demandait d’où tu venais. mais il n’y avait pas plus coréen que toi. tu étais né à séoul et tu mourras sûrement à séoul. tu ne sais pas vraiment si un jour tu voudrais partir à l’aventure. peut-être en afrique pour photographier des rapaces et en amazonie pour les oiseaux exotiques, mais encore faudrait-il que tu aies envie de partir de ton pays. tu souffles alors que tu vois un autre verre te passer sous le nez. ils défilent depuis quelques minutes et tu es tellement plongé dans tes pensées que tu ne vois rien. tes yeux commencent à se fermer alors que tu sens le sommeil te gagner. tu voudrais ne pas t’endormir parce que tu sais que la jeune femme n’aime pas fermée seule. sauf que tu finis par te laisser aller dans les bras de morphée, trop crevé, pour garder les yeux ouverts. tu ne sais pas combien de temps tu restes là allongé sur la banquette, mais tu te réveilles lentement, la bouche pâteuse. t’as les cheveux en vrac et quand tu relèves légèrement la tête, tu vois bo bae assise près de toi. elle est sûrement celle qui t’a mis cette couverture sur le corps. tu t’assieds lentement, passant une main dans tes cheveux avant de prendre la parole. « merci pour la couverture et désolé. » tu souffles, le regard toujours endormi et la voix rauque. tu l’éclaircis d’ailleurs en toussant. « ça fait longtemps que je dors et que t’as fermé du coup ? » tu t’en veux de t’être endormi, parce que si quelque chose était arrivé, tu n’aurais rien pu faire.

« Un peu plus d’une heure. » souffle-t-elle avec un sourire doux. « Je t’ai réveillé avec le film .. ? » demande-t-elle désolée. Ce n’est pas ce qu’elle voulait, elle avait même mis les sous-titres pour ne pas avoir à mettre le son, mais la lumière semblait avoir été sa maladresse. Elle remonte la couverture qui tombe légèrement et lui met sur les jambes. Elle ne sait pas comment sa relation avec le garçon a pu évoluer ainsi. Elle le revoit encore franchir la porte du bar régulièrement, parfois accompagné, parfois seul. Il prenait souvent la même chose et comme pour toutes les personnes qui venaient régulièrement, elle avait retenu sa commande. S’amusait même parfois à la préparer en avance parce qu’elle savait qu’il arriverait. Il avait fini par devenir une figure rassurante du Kurss et elle lui souriait comme on sourit à un ami. Il n’était plus seulement ce client qu’elle vouvoyait mais ce garçon qu’elle tutoyait et avec qui parfois elle prenait des pauses. Elle prenait un café avec lui et discutait, riait, passait du bon temps. Il n’était qu’un client régulier devenu ami. C’est vrai il n’était qu’un homme qui était entré dans sa vie comme il était entré dans le bar. Un jour sans prévenir. Puis il y a eu ce soir-là. Cette nuit cauchemardesque. Cette nuit que Bo Bae n’arrivait toujours pas à oublier. Cette nuit où sa vie avait basculée … Elle en rêvait encore la nuit et la peur panique qu’elle ressentait lui vrillait le ventre et le cœur. Elle en avait la nausée. Son corps lui paraissait toujours aussi douloureux. Elle pouvait encore sentir l’haleine de cet homme dans sa nuque et l’odeur pestilentielle de l’alcool. Elle ferme les yeux assaillit par les souvenirs et se cache derrière sa tasse. Oui Eui Geon avait été là ce soir-là, arrivant trop tard, et bien assez vite. Elle n’avait pas réalisé ce qui s’était passé avant qu’il ne puisse la déposer sur un lit. Son corps ne semblait n’être qu’une plaie béante. Si ce n’était pas grâce à lui Bo Bae aurait pu rester un long moment allongée dans cette ruelle baignant dans son sang et les flaques d’eau croupie. Elle avait eu un peu de chance dans son enfer. Depuis elle vouait au garçon un attachement particulier qu’elle se gardait pourtant de lui dire. Trop pudique Bo Bae avait enfermé toutes ses émotions à double tour et refusait de se laisser dominer par elle. Elle avait peur de craquer et de ne pas être assez forte … « La fermeture s’est bien passée » le rassure-t-elle avec un sourire doux. Elle boit une nouvelle gorgée de sa tasse et met le film en pause. Les lumières sont toujours tamisées ce qui devaient reposer les yeux encore endormi du garçon.  « Tu as l’air claqué … » même si il était quand même déjà très tard. « Tu veux que je te prépare un lit pour cette nuit ? » propose-t-elle, elle s’en voudrait de le laisser traverser la ville à cette heure, même si sa fraternité n’était pas très loin. 

un peu plus d’une heure, c’est le temps que tu as dormi alors que tu t’étais promis de rester éveiller pour bobae. mais tu n’as pas tenu ta promesse et tu t’en veux. il aurait pu lui arriver n’importe quoi pendant que toi tu ronflais sur la banquette et ta fatigue des derniers jours n’auraient pas du être une excuse. tu secoues la tête à la question de la jeune femme. « je me suis réveillé seul. » et c’était le cas, tu ne mentais pas. bobae n’était pas en faute. son film n’avait rien à voir avec le fait que tu t’étais réveillé. tu avais sûrement pris conscience du fait que tu avais laissé la jeune femme seule alors que tu t’étais dit que tu allais rester pour ne pas qu’elle soit justement solitaire dans la fermeture. parce que tu connais son passé. tu sais à quel point ça l’a traumatisé et à quel point tu voudrais l’aider. tu l’as sauvé de tout ça, même si tu ne vois pas les choses de cette manière. tu n’as pas été assez rapide pour qu’elle ne subisse pas de sévisses et trop rapidement pour qu’elle ne reste pas à moitié morte dans cette ruelle. tu n’avais pas réellement réfléchit quand tu l’avais vu dans cet état, tu étais venue la couvrir de ta veste avant de la prendre dans tes bras. tu ne savais pas quoi faire et tu l’avais amené dans au kurss pour l’allonger dans un lit. depuis, vous n’aviez pas reparlé de cette soirée et tu le comprenais. tu ne voulais pas qu’elle s’en rappelle même si tu savais que c’était le cas. après tout, c’était un traumatisme qu’elle garderait avec elle toute sa vie. tu hoches la tête lorsqu’elle te rassure que la fermeture s’est passée sans soucis. tu te maudis de t’être endormi parce que n’importe quoi aurait pu arriver. tu bailles, mettant ta main devant ta bouche avant de prendre une position assise tandis que bobae reprend la parole. tu tournes la tête vers elle avec un sourire tendre sur les lèvres. « c’est gentil bobae. mais je voudrai pas te déranger. » et c’est vrai tu ne voudrais pas la déranger parce que tu sais que c’est du boulot et qu’elle a finit sa journée. « enfin, à moins que tu veuilles que je reste là. » peut-être pour lui tenir compagnie ou alors pour ne pas qu’elle ait peur. dans tous les cas, si elle insiste un peu, tu resteras parce que tu ne pourras pas lui refuser. « et toi, t’es pas trop fatiguée ? » tu lui demandes, parce que tu peux deviner des cernes sous ses yeux maquillés. est-ce qu’elle dort assez ? est-ce qu’elle dort tout court même ? tu pourrais le comprendre si jamais elle ne le pouvait pas et personne ne lui en voudrait pour ça. ce qu’elle avait vécu n’était pas ordinaire malheureusement. « c’était pas trop dur ta journée ? » tu t’intéresses autant par curiosité que par politesse. et puis avant que tu ne t’endormes, vu qu’elle travaillait, vous n’aviez pas pu discuter comme vous le vouliez. maintenant que c’est fermé et plus calme, vous pouvez le faire sans problème.

Elle lui sourit, pour le rassurer, il était devenue protecteur avec elle, mais respectait chacun de ses silences. Elle pince ses lèvres et en regardant le Kurss vide elle le couperait presque dans sa phrase « Reste … » oui ça c’était certain elle voulait qu’il reste. Elle avait du mal avec l’idée d’être seule ce soir. Elle attrape sa main doucement et la serre contre elle. Parfois la présence d’Eui Geon lui rappelait cette nuit-là et un sentiment de malaise l’envahissait, puis la seconde d’après c’était un sentiment de sécurité. Elle oscillait entre les deux, sans savoir lequel des deux ne primaient. Si elle avait pu faire le Kurss sereinement ce soir c’était uniquement parce qu’il était là, même endormi. Elle savait qu’il ferait tout pour la protéger. Elle se demandait juste pourquoi ? Pourquoi prendrait-il des risques inconsidérés pour la sauver elle ? Elle n’a encore jamais osé lui demander, c’était devenu naturel, et avant même qu’elle ne puisse réellement le réaliser Eui Geon faisait partie de son quotidien, il passait plus souvent encore que les habitués du bar et il était toujours là pour la faire rire. Elle avait retrouvé le sourire grâce à lui, elle ne pouvait pas le nier. Elle secoue la tête à sa question « Non ça va … » ment-elle. Elle était épuisée. Elle ne dort presque plus, le sommeil la fuit autant que ses cauchemars la hante. Son corps est guérit, plus aucun bleu, ni cicatrice ne viennent gâcher sa peau laiteuse, mais son cœur reste meurtrit et elle l’impression que cet homme lui a volé un bout d’âme qu’elle ne pourra jamais retrouver … Une part d’elle est morte ce soir-là et c’était une sensation bien étrange … elle esquisse un petit sourire pour le rassurer mais elle voit bien qu’il n’est pas dupe « peut-être un peu … » avoue-t-elle alors sous son regard inquiet. « Je n’arrive pas beaucoup à dormir … mais ça va. » Le mieux qu’elle pouvait faire c’était dormir une heure avant de se réveiller en sursaut comme si finalement, c’était quand elle dormait qu’elle était vulnérable. Les premiers temps elle passait son temps à tendre l’oreille pour guetter le moindre son suspect, puis elle se levait, et restait avec Kan jusqu’au petit matin où elle s’endormait épuisée contre lui … Maintenant qu’il était partie qu’est-ce qu’elle était supposé faire … ? Elle ne pouvait pas constamment demander à Eui Geon de rester pour qu’elle puisse dormir, elle n’était même pas certaine que ça puisse marcher. « Très bien … le bar marche bien en ce moment je suis contente … » sourit-elle. Il faut dire qu’elle s’y donnait cœur et âme … elle ne se reposait que lorsque son corps lâchait. « Et toi … ? » souffle-t-elle en zieutant en coin vers lui. 

« reste » un seul mot mais qui fait tout son effet. tu vas rester parce qu’elle te le demande mais aussi parce qu’elle en a sûrement besoin. sinon pourquoi te le demanderait-elle ? est-ce qu’elle veut qu’elle se sent seule ? est-ce qu’elle a peur ? tu ne sais pas réellement, mais tu hoches simplement la tête pour lui signifier que tu vas rester avec elle. tu ne sais pas pourquoi bobae veut que tu restes mais tu le feras. elle reprend et en répondant à ta question, tu vois clairement qu’elle ment. tu la connais depuis le temps, tu sais reconnaitre ses expressions et là elle ment. malgré le fait que tu aies envie de lui dire quelque chose pour lui monter que tu avais décelé le mensonge, tu restes muet. si la jeune femme a décidé de te mentir, c’est qu’elle a une bonne raison. tu ne lui en demanderas pas plus. tu sais qu’il ne faut jamais forcer les gens à parler, elle te parlera quand elle s’en sentira capable. pour le moment, tu attends qu’elle enchaîne et quand c’est le cas, tu souris légèrement pour lui montrer que tu avais bien compris qu’elle mentait. elle a du mal à dormir et tu sens ton cœur se serrer à cette pensée. tu connais son histoire et tu te doutes que c’est à cause de ce qui s’est passé que bobae ne peut pas dormir comme il faut. tu hoches une nouvelle fois la tête ne trouvant rien à dire de plus. tu poses simplement ta main sur la sienne, la serrant entre tes doigts fins. tu veux lui montrer que tu es là pour elle, comme tu l’as toujours été et que tu le seras toujours. elle peut compter sur toi à jamais. la voix de la jeune femme se fait une nouvelle fois entendre et tu laisses un sourire se poser sur tes lèvres. tu sais que bobae aime ce bar plus que tout au monde et qu’elle s’y donne corps et âmes pour le faire fonctionner. l’avantage de tout ça, c’est que ça lui permet de ne pas penser à ce qui lui ait arrivé pendant quelques temps. l’inconvénient c’était qu’elle s’épuisait parce qu’elle passait énormément de temps ici. « je suis content pour toi bobae. » et c’était vrai. tu étais content pour elle qu’elle réussisse autant sur le plan professionnel que personnel. même si tu te doutais qu’elle était loin d’être guérie et d’à défaut d’oublier, de vivre avec son passé, elle essayait de s’en sortir. elle ne s’enfonçait pas et ne perdait pas espoir. ça te faisait plaisir de la voir se battre. « moi ça va… la routine quoi. » bobae connaissait une partie de ton histoire, notamment par rapport à la mort de ta mère quand tu étais adolescent et le remariage de ton père. « c’est juste compliqué à la maison parce que tout le monde veut jouer à la famille parfaite et que je suis le vilain petit canard qui ne veut pas de cette famille. » dans un sens ce n’était pas totalement faux. tu ne voulais pas d’eux dans ta vie, mais s’ils n’y étaient plus, tu seras malheureux. « et la fac, ça va. j’ai juste aucun idée de ce que je veux faire après. » parce qu’il était hors de question que tu reprennes la suite de ton père.